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« 18 jours », film sur la révolution égyptienne

Par Lisa Romeo
Publié le 12/09/2011 • modifié le 20/04/2020 • Durée de lecture : 4 minutes

L’idée de réaliser ce long métrage a germé sur la place Tahrir, en pleine manifestation anti-Moubarak. Le producteur Fari Fahim fait alors part au cinéaste Marwan Hamed (L’Immeuble Yacoubian, 2006) de son souhait de réaliser une série de court-métrages décrivant la vie des Egyptiens pendant la révolution. Le réalisateur de Femmes du Caire (2009) et de La Porte du Soleil (2004), Yousry Nasrallah, se joint aussitôt au projet ainsi que de nombreux jeunes réalisateurs égyptiens qui commencent déjà à filmer des scènes du Caire en pleine ébullition. Hosni Moubarak n’a même pas encore renoncé au pouvoir.

Le film est découpé en dix chapitres, représentant chacun un court métrage de 12 minutes, réalisé librement par l’un des réalisateurs et de manière entièrement bénévole. A l’origine, le film devait être diffusé par séquences sur Internet sur Youtube, afin de toucher le plus large public possible. La demande de Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, de présenter 18 jours hors compétition, lors du 64ème festival de Cannes, va finalement élargir les ambitions du début et porter le film sur les grands écrans.

18 jours débute sur un court-métrage de Sherif Arafa (Terrorism and Kebab 1992 ; El Gezira 2007). Intitulé Retention, il met en scène un groupe de « fous » venant de milieux divers (un ancien professeur d’histoire, un policier, un islamiste, un jeune amnésique…) et partageant une même chambre dans un hôpital psychiatrique. Ensemble, ils découvrent les images de la révolution à la télévision mais ne réagissent pas de la même manière.

Dans le second court métrage intitulé Création de Dieu, Kamia Abu Zikry (Wahed Sefr, 2009) nous fait partager les pensées d’une jeune vendeuse de thé. Se retrouvant confrontée aux manifestants, elle décide à son tour de se joindre au mouvement.

Marwan Hamed, dans 1919, nous entraine dans l’univers sombre et sordide des prisons de l’ancien régime où un jeune révolutionnaire, arrêté dès les premières manifestations, est torturé et humilié. Il devient le prisonnier 1919.

Mohamed Ali (Le’bet El Hob, 2006), dans son court métrage Quand le déluge survient, se penche sur quelques hommes d’un quartier pauvre du Caire, qui décident de vendre des drapeaux aux manifestants anti-Moubarak ainsi que des portraits du Raïs à ses supporters.

Sherif Bendary nous éloigne un instant du Caire pour Suez dans Couvre-feu. Loin des foules et de la mobilisation, un grand-père est néanmoins confronté à la vague de changement en train de s’opérer dans le pays. Alors qu’il rentre de l’hôpital, de nuit, avec son petit-fils Ali, il est contraint de se plier aux mesures du couvre-feu et se perd dans la ville en essayant de contourner les différents barrages.

Khaled Marei présente Révolution cookies. Le 28 janvier, un couturier diabétique du Caire sort de quatre jours de coma, ignorant tout de la révolution en cours. Des cris et des coups de feu lui font alors fermer sa boutique dans l’urgence. Enfermé, et sans lien avec l’extérieur, il croit à une attaque israélienne. Angoissé, il décide de rester cloitré dans son échoppe et n’en sort que le 11 février, jour de la démission du président Moubarak.

Mariam Abou Ouf revient quant-elle dans Tahrir 2.2 sur la journée particulièrement sanglante du 2 février, dite de la « bataille du chameau » durant laquelle des heurts se produisent entre partisans pro-Moubarak et des manifestants de la contestation. Un père de famille au chômage et sans ressources se fait alors payer pour aller place Tahrir défier les contestataires du régime. Avec l’argent reçu, son épouse décide de préparer un dîner pour la famille. Le bilan de la journée est finalement aussi sombre du côté des assaillants que des assaillis.

Dans un autre quartier du Caire, dans le court métrage Fenêtre de Ahmed Abdallah (Heliopolis, 2009, Microphone, 2010), un jeune homme préfère suivre la révolution de sa chambre sur Internet. Amoureux, il observe de sa fenêtre sa voisine qui s’engage dans le mouvement.

Yousry Nasrallah met en scène dans son court métrage intérieur/extérieur un couple dont la femme souhaite prendre part à la contestation alors que le mari, inquiet, le lui interdit, mettant ainsi en cause la stabilité de leur mariage.

Le film s’achève sur l’histoire réalisée par Ahmed Alaa sur Ashraf Seberto, un coiffeur du Caire qui vient en aide aux manifestants en transformant sa boutique en poste de premier secours alors que sa femme, craignant les pillards, se réfugie chez son père.

18 jours, fait sur le vif, illustre ainsi la vie de plusieurs Egyptiens issus de tous milieux et leur réaction face à l’inimaginable vague de changement qui traverse le pays. Mélange d’images réelles et de fictions, le film 18 jours offre un premier témoignage de la révolution égyptienne à travers un outil d’expression dorénavant libéré.

L’intégralité des bénéfices seront d’ailleurs reversés à la « 18 days association » créée pour soutenir des projets éducatifs dans les provinces égyptiennes et pour venir en aide aux jeunes talents du cinéma local.

Publié le 12/09/2011


Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.


 


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