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9e édition de la Beirut Art Fair

Par Mathilde Rouxel
Publié le 05/10/2018 • modifié le 05/10/2018 • Durée de lecture : 4 minutes

Un rendez-vous qui s’est imposé au Liban

Créée en 2010 par Laure d’Hauteville qui la dirige toujours, la Beirut Art Fair s’est imposée dans le paysage régional comme un rendez-vous désormais important de l’art contemporain au Moyen-Orient.
Pour sa neuvième édition, l’architecte libanais Patrick Boustani s’est chargé de la scénographie des expositions. Dans l’espace du BIEL, rebaptisé « Seaside Arena », s’est ainsi déployé un parcours destiné à proposer une immersion dans un espace imaginaire répondant à celui de la ville de Beyrouth.
La Beirut Art Fair se veut de plus en plus sélective. Pour appuyer sa légitimité sur la scène du marché de l’art international, elle a fait appel cette année à un comité de sélection pointu, composé de la commissaire d’exposition et consultante en art contemporain Joanna Abou Sleiman-Chevalier, la conseillère en collection pour les pays du Golfe Tamara Inja-Jaber, et les collectionneurs Basel Dalloul, Abraham Karabajakian et Tarek Nahas.

« Across Boundaries », pour une chronologie historique de la photographie au Liban

Comme chaque année, la foire divise ses expositions en plusieurs tableaux. Le « focus » de cette année s’intéressait à la photographie libanaise, des années 1900 à nos jours. Rassemblée sous le titre « Across Boundaries », l’exposition est le résultat d’un travail de deux ans de recherche mené par Tarek Nahas, qui a sélectionné ces œuvres dans les collections privées et institutionnelles du Liban.

Traversant trois thématiques (Terroir / Document / Intime), l’exposition propose les œuvres des plus grands artistes photographes libanais. Les images de Fouad El Khoury nous renvoient au temps de la guerre civile, au même titre que celles d’Aline Manoukian : avec A Pro-Syrian Palestinian guerrilla holds a kitten in the Palestinian refugee camp of Burj el Barajneh near Beirut (1988), on retrouve les miliciens en armes, dont les représentations abondent, mais auxquels est rendu une part d’humanité grâce au chat blanc saisi avec tendresse par le milicien le plus âgé de la photographie. La fin de la guerre est exposée par Georges Azar (At war’s end on the green Line a Boy sells posters prints of Martyr’s Square as it used to be, 1993). Les images de Rabih Mroué, de leur côté (Room in Bent-jbeil, 2006) évoquent le retour de la guerre sur le territoire en documentant les dégâts causés par la guerre de 2006.
Parmi les plus récentes, on note la participation de Christina Assi (Breaking the Taboo - Cohabitation, 2017), d’Alfred Tarazi (A nation Inflation, 2011), mais aussi les œuvres de Ziad Antar, notamment sa série Intensive Beirut II (2017), qui continuent de questionner les fractures traversant le pays et renvoyant au traumatisme imposé par l’état d’instabilité vécu par les citoyens du pays et de la région.
L’exposition débouche sur une installation d’images, « Abstract Reflexion - A Tribute to Art Collector » signée par le photographe Roger Moukarzel qui saisit dans son environnement d’origine et avec un travail esthétique laissant une place dominante aux jeux de lumière une vingtaine de collections privées.
L’hommage à la photographie se poursuit à l’Institut Français de Deir El Qamar, participant pour la première fois cette année aux expositions de la Beirut Art Fair en mettant à l’honneur le photographe naturaliste Roland Sidawi qui avait photographié au milieu du XXe siècle la région du Chouf d’où il était originaire. Ce regard patrimonial sur la photographie libanaise donne à la Beirut Art Fair une autre épaisseur, débordant le simple marché de l’art. Il renforce sa légitimité à se vouloir plateforme incontournable de l’art au Moyen-Orient, en assumant la responsabilité de mettre en avant des artistes locaux plus ou moins reconnus sur la scène internationale.

Une exposition internationale riche en découverte

Par-delà ce retour historique sur la photographie libanaise, l’édition 2018 de la foire a laissé place à de nombreuses galeries internationales, et notamment pour la première fois des galeries africaines (du Cameroun et du Sénégal particulièrement). Les galeries régionales ont aussi leur place, et permettent de redécouvrir de grands artistes, à l’image de l’Égyptien Adel El Siwi, qui revient ici avec la galerie cairote Mashrabia, après sa monumentale série sur les Pharaons, avec des portraits stylisés ou du Libanais Walid Aouni, qui expose ses dessins surréalistes proches de l’esthétique de Jean Cocteau.

La Beirut Art Fair a par ailleurs constitué un hommage au peintre libanais Paul Guiragossian à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de sa disparition, dévoilant des archives sonores et écrites jusque-là inédites : l’exposition de la section Lebanon Modern ! a cette année proposé un véritable travail d’archives sur la vie et l’art de ce peintre arménien proche, durant la guerre civile, des plus grands écrivains et artistes du Liban. Là encore, le travail proposé dans cette section inscrit la foire dans un contexte historique intéressant : la visibilité offerte à ces acteurs essentiels de la scène culturelle libanaise passée permet d’ancrer les jeunes artistes dans une chronologie rétrospective qu’il est important de rappeler, dans un pays où les musées ne se bousculent pas et où l’histoire de l’art locale mérite encore d’être écrite et étudiée.

Art et mécénat

Plusieurs sections sont soutenues par de grandes banques libanaises, partenaires de la Beirut Art Fair. Ainsi trouve-t-on Bankmed et son exposition « Art by Bankmed », qui se concentre cette année sur le monde du street art avec un choix particulier fait parmi les œuvres du peintre et designer américain KAWS (Brian Donelly) ; la SGBL, de son côté, propose pour la troisième année consécutive son exposition « REVEALING by SGBL », axant ses objectifs sur la découverte de jeunes talents ; et en partenariat exceptionnel cette année pour son 75e anniversaire, l’Arab Bank Liban a ouvert un espace d’exposition pour des artistes libanais. L’événement le plus notable reste toutefois celui organisé par la Byblos Bank Award, qui a lancé son septième concours, avec toujours l’objectif de soutenir la photographie au Liban. La gagnante de cette année, Betty Ketchedjian, a réalisé une série de photographies nommée « Namesake », proposant une enquête sur la vie de sa grand-mère, de laquelle elle a hérité son nom. En plongeant dans son quotidien, elle offre un récit tissant le parallèle de deux vies à deux générations de différence, véritable réflexion sur l’héritage offerte aux spectateurs.

En savoir plus : https://beirut-art-fair.com/fr/

Publié le 05/10/2018


Suite à des études en philosophie et en histoire de l’art et archéologie, Mathilde Rouxel a obtenu un master en études cinématographiques, qu’elle a suivi à l’ENS de Lyon et à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, Liban.
Aujourd’hui doctorante en études cinématographiques à l’Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle sur le thème : « Femmes, identité et révoltes politiques : créer l’image (Liban, Egypte, Tunisie, 1953-2012) », elle s’intéresse aux enjeux politiques qui lient ces trois pays et à leur position face aux révoltes des peuples qui les entourent.
Mathilde Rouxel a été et est engagée dans plusieurs actions culturelles au Liban, parmi lesquelles le Festival International du Film de la Résistance Culturelle (CRIFFL), sous la direction de Jocelyne Saab. Elle est également l’une des premières à avoir travaillé en profondeur l’œuvre de Jocelyne Saab dans sa globalité.


 


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