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Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 01/02/2010 • modifié le 24/02/2020 • Durée de lecture : 7 minutes

Le protectorat britannique du XIXème siècle à 1971

Comme dans le reste du Golfe, les Britanniques sont présents à Bahreïn dans le domaine commercial dès le XVIIIème siècle. Mais les rivalités entre les tribus du Golfe, notamment entre celles de Mascate, de Bahreïn et du Koweït, et l’expansion des Wahhabites, tant dans la péninsule arabique que sur le littoral, poussent les Britanniques à intervenir afin de sauvegarder la sécurité de la route des Indes.

Fort de Bahreïn
Fort de Bahreïn
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Dans ce but, au XIXème siècle, divers traités de paix sont signés à l’initiative des Britanniques, afin de pacifier la région, dont les plus importants sont le traité de 1820 et le traité de paix perpétuelle de 1853. Le cheikh de Bahreïn n’a pas signé le traité de paix perpétuelle avec les Britanniques, mais en 1860, afin d’asseoir son pouvoir contre les autres tribus de la région, il conclut un traité avec la Perse. La Grande-Bretagne y voyant une atteinte à ses intérêts, intervient militairement et contraint le cheick de Bahreïn à signer un traité de paix perpétuelle avec elle en mai 1861. Plusieurs conditions sont posées par la Grande-Bretagne : le cheikh doit reconnaître les traités déjà signés entre la Grande-Bretagne et ses prédécesseurs, il peut recevoir l’aide militaire de la Grande-Bretagne en échange de quoi il s’engage à ne pas faire la guerre, enfin la Grande-Bretagne bénéficiera de liens commerciaux particuliers. Ce traité est complété par un autre signé en 1880 : les cheikhs de Bahreïn (présent et à venir) ne peuvent contracter de liens avec d’autres Etats, sans l’aval de la Grande-Bretagne.

Mosquée al-Fateh à Manama
Mosquée al-Fateh à Manama
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Déjà confronté aux rivalités avec ses voisins belliqueux (Perses, Wahhabites, Omanis), Bahreïn doit également faire face aux luttes de pouvoir internes à la famille al-Khalifa. L’actuelle dynastie est fondée par le cheikh Ahmad Ibn Muhammad al-Khalifa en 1783, après avoir chassé les Perses qui occupèrent Bahreïn du XVIIème au XVIIIème siècle. A sa mort en 1796, Bahreïn est gouverné par ses deux fils, Sulman et Abdallah. Ce système de double souverain, en vigueur jusqu’en 1869, est à l’origine de nombreuses querelles familiales et explique les interventions britanniques soucieuses de sécuriser la région. En 1869, les Britanniques nomment le cheikh Isa Ibn Ali al-Khalifa au pouvoir, afin de mettre un terme aux discordes familiales et aux attaques contre les Qataris (les al-Khalifa occupent le Qatar de 1766 à 1867, ce qui provoque guerres et représailles de part et d’autre). Isa Ibn Ali al-Khalifa s’appuie alors sur les Britanniques pour garantir son autorité face aux Perses et aux Ottomans. Un nouveau traité est signé en 1880, qui assoit encore davantage l’influence britannique sur la politique extérieure de Bahreïn. En 1923, des conflits entre plusieurs populations se développent à Bahreïn, et les Britanniques remplacent le cheikh Isa Ibn Ali al-Khalifa par son fils Hamad, qui reste au pouvoir jusqu’à sa mort en 1933. Son fils Sulman lui succède. Les Britanniques poursuivent leur contrôle sur Bahreïn par l’établissement en 1935 d’une base militaire et par le transfert en 1946 du siège de la résidence britannique d’Iran à Manama, capitale de Bahreïn. En 1961, le fils de cheikh Sulman, cheikh Issa Ibn Salman al-Khalifa prend le pouvoir qu’il conserve jusqu’en 1999.

Sur le plan économique, Bahreïn bénéficie, comme les autres émirats du Golfe, de la notoriété de la pêche des perles, des constructions navales et de la pêche de poisson. Bahreïn se distingue cependant des autres émirats par une agriculture performante dans une région désertique, en raison de la présence de sources d’eau douce. En mai 1932, du pétrole est découvert à Bahreïn. La production de pétrole permet de faire face à la concurrence des perles de culture japonaises, moins chères que celles pêchées dans le Golfe. De même, les revenus du pétrole assurent à Bahreïn un développement économique supérieur à ceux des autres émirats (qui découvrent du pétrole un peu plus tard : 1938 pour le Koweït, 1939 pour le Qatar, mais dont l’exploitation est retardée à la fin des années 1940 en raison de la guerre).

En 1956, à la suite de la crise de Suez, la Grande-Bretagne augmente ses capacités militaires dans le Golfe, et notamment à Bahreïn. Mais en 1968, invoquant des restrictions budgétaires, elle annonce son intention de se désengager de la région courant 1971, mais dit vouloir aider, avant son départ, à la réalisation d’une fédération composée de neuf émirats : les sept émirats (qui constituent aujourd’hui les Emirats Arabes Unis), Bahreïn et le Qatar. Son but est de préserver ses intérêts et de maintenir la sécurité de ces neuf émirats. Au cours d’une conférence à Dubaï, les cheikhs des neuf émirats décident le 27 février 1968 de créer une fédération. Sur cette base, d’autres négociations se déroulent, afin de décider de l’emplacement de la capitale, du président de la fédération, des modalités de vote et du nombre des représentants de chaque émirat. Mais les négociations sont rendues difficiles par les désaccords entre les différents émirats (la conférence du 24 octobre 1969 se solde par un échec), ainsi que par l’évolution politique de la région, qui fait évoluer la vision de chacun concernant la nécessité d’une fédération : en avril 1970, l’Iran renonce à revendiquer Bahreïn, et en juillet, un coup d’Etat est réalisé à Oman par le fils du roi.

En effet, de par sa position géographique stratégique, ses richesses agricoles et perlières, Bahreïn attire les convoitises régionales, et notamment iraniennes. L’Iran affirme en 1927 et en 1928 que Bahreïn est un territoire qui lui appartient et demande par conséquent la fin des relations spéciales avec la Grande-Bretagne. L’Iran s’appuie sur des raisons historiques : la Perse a notamment entretenu des relations avec la région du Golfe à la période sassanide (de 226 à 651 après J. C.), puis s’est emparée du littoral du Golfe au VIème siècle jusqu’à l’apparition de l’islam à la faveur de luttes internes entre les peuples du Golfe, puis de 1622 à 1783. Les revendications iraniennes sur Bahreïn se poursuivent jusqu’en 1970, puis sont abandonnées à partir de cette date.
Ces événements modifient la perception des émirats face à la création d’une fédération. Bahreïn, dont la sécurité n’est plus menacée par l’Iran, remet notamment en question les décisions acceptées auparavant, et au final la création de la fédération.

En Grande-Bretagne, le nouveau gouvernement conservateur arrivé au pouvoir en juin 1970 maintient - après concertation avec les cheikhs du Golfe - la décision du gouvernement travailliste prise en 1968 de quitter la région en 1971. Cette décision relance les négociations entre les cheiks afin de créer une fédération. Mais aucun accord n’est trouvé, et l’idée d’une fédération à neuf échoue avec la proclamation par Bahreïn de son indépendance le 15 août 1971 suivie par celle du Qatar le 1er septembre. La proclamation de l’indépendance de Bahreïn entraîne l’abolition des traités signés avec la Grande-Bretagne, mais les liens d’amitié subsistent entre les deux Etats.

Bahreïn de 1971 à nos jours

The Emir of Bahrain Sheikh Hamad bin Issa al-Khalifa raises the document proclaiming Bahrain as a kingdom in Manama 14 February 2002. The emir announced that Bahrain will hold elections to restore parliament on October 24, proclaiming the Gulf archipelago a kingdom and himself king. BAHRAIN NEWS AGENCY / AFP
The Emir of Bahrain Sheikh Hamad bin Issa al-Khalifa raises the document proclaiming Bahrain as a kingdom in Manama 14 February 2002. The emir announced that Bahrain will hold elections to restore parliament on October 24, proclaiming the Gulf archipelago a kingdom and himself king. BAHRAIN NEWS AGENCY / AFP


Sur le plan intérieur, la monarchie de Bahreïn est gouvernée de 1961 à 1999 par cheikh Issa Ibn Salman al-Khalifa. Sous son règne, de 1972 à 1975, un bref régime parlementaire est mis en place, avec une assemblée élue en 1972 et une constitution rédigée en 1973. Mais l’opposition bloquant souvent certains projets du gouvernement, l’assemblée est dissoute en 1975. En décembre 1992, il met en place un Conseil consultatif, premier organe représentatif depuis la dissolution de l’assemblée. En 1999, Hamad Ibn Issa al-Khalifa prend le pouvoir, suite à la mort de son père. Il modifie la monarchie absolue en monarchie constitutionnelle en 2001, remet en fonction l’assemblée et se proclame roi le 14 février 2002. La monarchie de Bahreïn devient à cette date un royaume, dirigée par un roi sunnite, alors que la majorité (70%) de la population est chiite. Le roi Hamad Ibn Issa al-Khalifa met en place de nombreuses réformes politiques, notamment la remise en fonction de l’assemblée, l’organisation d’élections municipales et législatives, l’octroi du droit de vote aux femmes et la nomination de deux d’entre elles au gouvernement en 2004.

Sur le plan de la politique extérieure, le roi signe le 31 décembre 2000 un pacte de défense commune ainsi qu’un projet de monnaie commune (prévue pour 2010) avec l’Arabie saoudite, le Koweït, les Emirats arabes unis, le Qatar et Oman. Bahreïn est membre du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe (CCEAG) et accueille le sommet de décembre 2004, ainsi que celui de 2005 réunissant le CCEAG et l’Union européenne. Il entretient également des liens commerciaux et touristiques avec l’Arabie Saoudite (les deux Etats sont reliés par un pont de 25 km). Avec le Qatar, un pont de plus de 40 km est en construction et doit relier les deux Etats. Des liens militaires et commerciaux sont entretenus avec les Etats-Unis, ces deux Etats ayant notamment signé un accord de coopération dans le domaine du nucléaire civil en mars 2008, lors de la venue du roi Hamad Ibn Issa al-Khalifa à Washington.

L’économie et le pétrole

Centre financier de Manama
Centre financier de Manama
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L’économie de Bahreïn se caractérise par trois secteurs d’activité : le pétrole, l’aluminium et les finances. Contrairement à ses voisins, Bahreïn ne dispose pas de grandes réserves de pétrole et produit environ 8 millions de tonnes par an. Il est néanmoins un grand centre de raffinage du pétrole saoudien. Bahreïn comble ses modestes réserves pétrolières par d’autres activités, notamment industrielles. En 1971, grâce aux investissements de l’Arabie Saoudite et du Koweït, Bahreïn développe l’industrie de l’aluminium : fonderie de la société Alba, usines produisant des câbles et des barres en aluminium. Sur le plan financier, Bahreïn est la première place du Golfe dès 1975. En 2006, environ 400 banques et assurances (dont environ 24 banques et 11 assureurs islamiques) sont présentes à Bahreïn.


Bibliographie
Salem AL-JABIR AL-SABAH, Les Emirats du Golfe, histoire d’un peuple, Paris, Fayard, 1980, 261 pages.
André BOURGEY, « Bahreïn », Encyclopédie Universalis 2009.
Le Monde, hors-série février-mars 2009, Etats du Golfe, la renaissance arabe, 98 pages.
Site du Ministère des Affaires étrangères, Bahreïn, Présentation du Bahreïn.

Publié le 01/02/2010


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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