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Par Amicie Duplaquet
Publié le 04/12/2015 • modifié le 15/04/2020 • Durée de lecture : 7 minutes

RANCE, Paris : (Archives - recadrage) Un portrait de David Ben Gourion, Premier ministre israélien, pris le 14 juin 1960, alors que lui et son épouse étaient les hôtes à déjeuner du Président de la République Charles de Gaulle et de madame Yvonne de Gaulle lors de leur voyage en France.

AFP PHOTO

Ses débuts politiques en Palestine ottomane

David Ben Gourion est né le 16 octobre 1886 à Plonsk, ville aujourd’hui située en Pologne. Issu d’une famille juive sioniste, il se rapproche rapidement des mouvements sionistes, intégrant notamment l’organisation Poale Zion (1), futur parti sioniste d’orientation marxiste, lors de ses études à Varsovie.

En 1906, à l’âge de vingt ans, il décide d’émigrer en Palestine ottomane. Il s’installe dans la ville de Jaffa où il travaille dans différentes exploitations agricoles juives, créées par les premiers immigrants sionistes quelques décennies auparavant. C’est aussi à cette époque qu’il confirme son engagement militant sioniste et intègre le Comité central du Poale Zion. En 1912, il part à Istanbul poursuivre des études de droit et commence à se rapprocher de l’élite ottomane, présente dans cette ville, pour la familiariser avec l’idée du projet sioniste en Palestine.

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en 1914, Ben Gourion doit quitter la Palestine pour se réfugier aux États-Unis. Il soutient dans un premier l’Empire ottoman, mais la prise de position britannique en faveur du projet sioniste, notamment avec la déclaration Balfour de 1917, le fait évoluer. Il décide finalement de rentrer en Palestine en 1918, avec sa jeune épouse Paula, pour s’engager dans les rangs de l’armée britannique. Il sert jusqu’à la fin de la guerre au sein du 39ème bataillon des fusiliers royaux, un régiment parfois appelé la « légion juive » qui créée par le leader sioniste britannique Vladimir Jabotinsky (2).

En 1919, David Ben Gourion participe à la création du parti Akhdut HaAvoda, littéralement « Unité travailliste », qui succède au Poale Zion et constitue l’un des principaux précurseurs du parti travailliste israélien. Ben Gourion est élu à la tête de ce parti tandis que deux ans plus tard il est aussi choisi pour assumer la fonction de secrétaire Général de la Histadrout, le principal syndicat sioniste de gauche fondé en Palestine en 1920. De 1921 à 1935 il s’occupe des affaires courantes de ce syndicat et développe progressivement, à travers son biais, les bases des futures institutions israéliennes. Partisan de l’aile droite du socialisme sioniste, Ben Gourion asseoit notamment sa vision nationaliste du projet de transformation socialiste qui commence à s’opérer en Palestine. Il apporte aussi son soutien à Haïm Weizmann, un libéral, pour la présidence de l’Organisation sioniste mondiale.

En 1935 Ben Gourion démissionne de son poste à la Histadrout et est élu à la présidence de l’Agence juive, devenant ainsi le principal dirigeant du Yichouv (3). Sous sa présidence, l’alliance avec les libéraux de l’Organisation sioniste mondiale se poursuit, tandis qu’il tente de promouvoir le nationalisme au-delà de la lutte gauche-droite. Progressivement, Ben Gourion impose ainsi sa vision du projet sioniste.

De la Palestine mandataire à l’État d’Israël

A la fin de l’année 1935 éclate la révolte des Arabes de Palestine, inquiets quant à la réalisation d’un foyer juif sur leur terre. Ces derniers se révoltent contre le mandat britannique mais aussi contre le nationalisme juif et les projets qui l’accompagnent. Face à cette situation, la Haganah, la milice d’auto-défense juive qui était clandestine durant le mandat britannique, se développe. Alors qu’elle était sous la direction de la Histadrout dans les années 1920, la Haganah se subordonne à l’Agence juive à partir de 1931. David Ben Gourion en est donc responsable à partir de 1935, durant son mandat à la tête de l’Agence juive, et ce jusqu’à la création de l’État hébreu.

Conscientes de la montée des tensions entre Juifs et Arabes de Palestine, les autorités mandataires proposent en 1937 un plan de partage qui réduirait la superficie du foyer juif à 15 % de la Palestine mandataire (4). Ben Gourion s’engage en faveur de ce plan de partage mais ne parvient pas à obtenir le soutien de l’Organisation sioniste mondiale, qui en rejette les frontières trop étroites.

Face à cet abandon et à l’intensification des tensions communautaires, les Britanniques publient en 1939 un livre blanc, qui ambitionne de réduire l’immigration juive en Palestine. Cette décision marque la rupture définitive entre les Britanniques et le Yichouv et Ben Gourion est un des leaders de cette opposition. Il participe à l’organisation de l’émigration juive clandestine, notamment au travers de l’organisation Mossad Le’Aliyeh Bet, une branche de la Haganah qui permit à quelque 70 000 personnes d’immigrer illégalement en Palestine (5).

Paradoxalement, Ben Gourion s’oriente vers un soutien à l’effort de guerre britannique contre le nazisme. Durant toute la durée de la Seconde Guerre mondiale, il résume la politique sioniste de la façon suivante : « Nous aiderons les Britanniques dans la guerre comme s’il n’y avait pas de Livre blanc et nous lutterons contre le Livre blanc comme s’il n’y avait pas la guerre » (6).

Toutefois, même dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, la sécurisation du projet sioniste reste prioritaire et les méthodes d’opposition aux autorités mandataires se durcissent. En 1944, l’Irgoun prend les armes contre les Britanniques présents en Palestine. Si Ben Gourion s’oppose dans un premier temps à leurs actes « terroristes », il finit par orienter la politique de l’Agence juive et de la Haganah dans le même sens, notamment en réponse à la crise des réfugiés juifs acheminés via le réseau d’immigration clandestine. Sous la direction de Ben Gourion, la Haganah commence à s’armer et organise de multiples grèves et sabotages.

Aux vues de la détérioration de la situation, les Britanniques décident de porter la question de la Palestine à l’ONU. Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations unies adopte un plan de partage qui est quasi unanimement refusé par les Arabes. Une guerre civile entre Juifs et Arabes de Palestine s’en suit et David Ben Gourion est responsable de la défense du Yichouv. En mars 1948, il créa Tsahal, qui regroupe la Haganah, l’Irgoun et le Lehi, transformant ainsi un groupe militaire clandestin en une armée régulière. L’Irgoun est toutefois dissolue quelques mois plus tard suite à un contentieux entre son chef, Menahem Begin, et David Ben Gourion. Le 14 mai 1948, un jour avant le terme du mandat britannique, David Ben Gourion proclame, au nom du gouvernement provisoire, l’indépendance de l’État d’Israël.

Sa carrière politique après 1948

A partir du 15 mai 1948, David Ben Gourion devint à la fois Premier ministre et ministre de la Défense de l’État hébreu. En tant que chef du premier gouvernement israélien, il travaille à consolider les institutions du nouvel Etat. Il préside différents projets nationaux visant à développer rapidement le pays ainsi que sa population, notamment l’opération « tapis volant » qui rapatrie la quasi-totalité des Juifs yéménites. Ben Gourion est à ce titre favorable à une immigration maximale, à tel point que la population israélienne doubla dans ses premières années. Il travaille à l’intégration des nouveaux arrivants, notamment en appelant à la colonisation des zones désertiques du Néguev.

Sur le plan de la défense, il organise une sévère riposte contre les attentats organisés par les réfugiés arabes durant la première guerre israélo-arabe. En 1949, il refuse de reconnaître les frontières de l’armistice, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles revendications territoriales qui se concrétisent à l’issue de la guerre des Six jours de 1967. Au début des années 1950, il lance aussi un programme nucléaire et ouvre le premier centre de recherche nucléaire israélien à Dimona. Bien qu’aucune déclaration officielle n’ait été faite à ce sujet, il est largement supposé qu’Israël aurait mis au point la bombe atomique au début des années 1970 (7).

En octobre 1953, Ben Gourion lance l’opération Shoshana en représailles à un attentat à la grenade dans la banlieue de Tel Aviv. Cette opération, aussi connue sous l’appellation du « massacre de Qibya » (8), coûte la vie d’au moins soixante-dix Palestiniens et est l’objet d’une des premières plaintes déposée contre Israël devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Les condamnations internationales sont nombreuses et mettent Israël dans une situation diplomatiquement délicate. À l’échelle du gouvernement israélien, cela a eu aussi pour conséquence de creuser un fossé entre les partisans de la ligne dure, menés par Ben Gourion et soutenu par l’armée, et les modérés menés par Moshe Sharett et soutenu par le ministère des Affaires étrangères. Avant de rendre sa démission à la fin de l’année 1953, Ben Gourion nomme Moshe Dayan, un partisan de la ligne dure, à la tête de l’État-Major. Durant toute l’année 1954, il se retire dans un Kibboutz du Néguev, mais il n’abandonne pas la scène politique pour autant. Si Moshe Sharett le remplace à tête du gouvernement, Ben Gourion choisit néanmoins lui-même le ministre de la Défense.

Au mois de juillet 1955, Ben Gourion décide de revenir dans le jeu politique et se présente aux élections législatives, que son parti remporte largement. Il présente son nouveau gouvernement le 2 novembre de la même. En 1956, il déclenche la guerre du Sinaï contre l’Égypte, qui bloquait le port d’Eilat et menaçait d’attaquer Israël. Cette intervention est un succès militaire pour Israël, qui occupe brièvement le Sinaï jusqu’en 1957. Fort de cette victoire, Ben Gourion entame la même année un rapprochement discret avec la Turquie, ce qui aboutit à la signature d’accords de coopération économique.

En 1963, David Ben Gourion rend sa démission à la suite d’un scandale politique, l’affaire Lavon (9), impliquant les renseignements militaires israéliens. Marginalisé au sein de son parti, le Mapaï, il tente de créer une nouvelle formation politique, le Rafi, pour se présenter aux élections législatives de 1965. Cette tentative est un échec qui ne lui permet pas de revenir au pouvoir, mais il siége à la Knesset jusqu’en 1970. En 1968 il participe cependant à la réunification du Rafi avec le Mapaï au sein d’un nouveau parti appelé Parti travailliste. Il meurt en 1973 à l’âge de 87 ans et est inhumé au Kibboutz de Sde Boker, dans le Néguev.

Lire également sur Les clés du Moyen-Orient :
 Theodor Herzl, père du sionisme
 Les frontières de la Palestine 1914 – 1947

Notes :
(1)http://www.zionism-israel.com/dic/Poalei_Tziyon.htm
(2) http://www.jewishvirtuallibrary.org/jsource/biography/ben_gurion.html
(3) Le Yichouv est un terme utilisé pour désigner l’ensemble des Juifs présents en Palestine avant la création d’Israël.
(4) http://www.akadem.org/medias/documents/--3-peel.pdf
(5) http://www.zionism-israel.com/dic/Aliya_Bet.htm
(6) http://mfa.gov.il/MFA/MFAFR/MFA-Archive/Pages/Dirigeants%20sionistes-%20David%20Ben-Gourion.aspx
(7) http://www.liberation.fr/planete/2006/12/13/le-secret-de-polichinelle-de-la-bombe-atomique-en-israel_60118
(8) http://www.france-palestine.org/Le-massacre-de-Kibya-octobre-1953
(9) http://fr.timesofisrael.com/les-nouvelles-revelations-sur-laffaire-lavon-soulevent-plus-de-questions/

Publié le 04/12/2015


Amicie Duplaquet est étudiante à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, en Master Coopération et développement au Maghreb et Moyen-Orient. Après avoir suivi des cours de sciences politiques à l’université de Birzeit, en Cisjordanie, elle a réalisé un mémoire sur les conséquences du printemps arabe sur la stratégie israélienne et prépare une thèse sur le même sujet à l’Institut Français de Géopolitique. 


 


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