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Bombardements israéliens à Gaza : l’accord de cessez-le-feu en péril

Par Ines Gil
Publié le 03/11/2025 • modifié le 05/11/2025 • Durée de lecture : 5 minutes

Crédits photo : Carte réalisée par Emile Bouvier pour Les clés du Moyen-Orient

L’accord de paix de Donald Trump, approuvé début octobre par Israël et le Hamas, et à l’origine du cessez-le-feu, portait déjà en lui des fragilités. Les derniers événements l’ont confirmé. La nuit de mardi à mercredi a été marquée par des attaques aériennes israéliennes, visant notamment les environs de l’hôpital al Shifa, à Gaza city, et la région de Khan Younes. Ces frappes marquent une brèche dans l’accord de trêve entré en vigueur le 10 octobre dernier.

« Au cours de ces raids, plus de 30 éléments terroristes appartenant aux instances dirigeantes des organisations terroristes opérant dans la bande de Gaza ont été attaqués » a affirmé en arabe le porte-parole de l’armée israélienne, Avichai Adrae. Mais les victimes sont aussi civiles. Le bilan, qui ne cesse de grimper, a passé la barre des 100 morts, dont « plus de 46 enfants » a indiqué le ministère palestinien de la Santé dans un communiqué sur Telegram. Par ailleurs, 253 personnes, dont 78 enfants, ont été blessées.
Les bombardements israéliens surviennent après une journée de fortes tensions entre Israël et le Hamas. Avant ces frappes, le gouvernement israélien avait annoncé que les restes de l’otage remis lundi soir 27 octobre par le Hamas étaient « d’autres parties du corps » d’Ofir Tzarfati, dont la dépouille avait déjà été récupérée par l’armée israélienne fin 2023. Israël accuse le Hamas d’avoir mis en scène la découverte de ces restes humains. Le Forum des familles, principale association israélienne militant pour le retour des otages, avait appelé le gouvernement de Benjamin Netanyahou à « agir de manière décisive » contre le Hamas pour ses « violations » de l’accord. De son côté, la Croix-Rouge, chargée de réceptionner les dépouilles pour les remettre à Israël, a publié une déclaration dénonçant une « mise en scène inacceptable », rappelant que le respect de l’accord est essentiel pour la suite des opérations.
Après cet événement, ce mercredi 29 octobre, l’armée israélienne a annoncé qu’un de ses soldats, Yona Efraim Feldbaum, 37 ans, « est tombé au combat dans le sud de la bande de Gaza » la veille, malgré le cessez-le-feu en vigueur. L’armée a accusé le Hamas d’avoir violé la trêve en attaquant les troupes israéliennes.

Une trêve instable

Pour mener ces frappes, Israël a pu compter sur le feu vert américain. « Ils ont tué un soldat israélien. Donc les Israéliens ripostent. Et ils devraient riposter », a déclaré le président américain Donald Trump à bord de son avion Air Force One, assurant aux journalistes que « rien » ne compromettait le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. « La paix du président (Trump) va tenir » à Gaza, avait affirmé pour sa part mardi le vice-président américain JD Vance. Washington se montre confiant quant à la pérennité de la trêve qu’il a orchestrée, et qui engage la crédibilité américaine. D’après trois sources citées par Axios, les responsables américains sont aujourd’hui engagés dans des discussions pour finaliser le plan d’implantation d’une force internationale de sécurité à Gaza, qui permettrait de solidifier la trêve militaire : « Il [le plan] prévoit la création d’une nouvelle force de police palestinienne, qui sera formée et contrôlée par les États-Unis, l’Égypte et la Jordanie, aux côtés de troupes provenant de pays arabes et musulmans. (…) Des pays tels que l’Indonésie, l’Azerbaïdjan, l’Égypte et la Turquie se sont déclarés prêts à fournir des troupes. (…) D’autres ont fait part de leurs inquiétudes aux États-Unis, compte tenu de la situation sécuritaire chaotique à Gaza » [1].

Pour Yasmina Asrarguis, Chercheure Associée à l’Université de Princeton interrogée pour Les clés du Moyen-Orient, les frappes israéliennes sur Gaza révèlent « la fragilité constitutive d’une trêve qui n’en a que le nom ». Elle ajoute que par ces frappes, « Israël entend rappeler que la trêve n’entame en rien le principe cardinal de sa doctrine sécuritaire, celui de conserver l’initiative stratégique, de dissuader toute remise en cause de sa suprématie et de rappeler que la force demeure, en dernier ressort, le garant de sa sécurité. Le Hamas, quant à lui, évolue dans la contradiction permanente, tenu de dénoncer l’agression pour préserver sa légitimité de mouvement de résistance, tout en évitant une escalade qu’il ne pourrait maîtriser. Cette dialectique, où la posture compte autant que la réalité du rapport de force, confère à la trêve un caractère profondément instable, un entre-deux où la guerre continue sous d’autres formes ». Selon la chercheure, « dans cette perspective, les cessez-le-feu successifs ne représentent que des pauses dans une guerre sans conclusion véritable. La trêve actuelle s’inscrit dans une logique de dissuasion réciproque plutôt que dans une dynamique de paix durable ».

Un avis partagé par l’analyste politique Hamada Jaber, qui a travaillé pendant sept ans au Centre palestinien de recherche et de politique (PCPSR), interrogé pour Les clés du Moyen-Orient : « À certains égards, le cessez-le-feu à Gaza rappelle la trêve observée au Liban, où Israël poursuit ponctuellement ses frappes. Tout comme au Liban, Benyamin Netanyahou tente d’avoir les mains libres. Même si ce sont en réalité les Etats-Unis qui imposent le tempo dans la région, le Premier ministre veut montrer à la population israélienne qu’il a toujours le contrôle sur le dossier de Gaza ». Néanmoins, selon Hamada Jaber, à Gaza, la trêve repose sur un socle plus solide qu’au Liban : le plan proposé par Donald Trump. « La situation est fragile, le respect de la trêve dépend de la bonne volonté américaine et Donald Trump peut être imprévisible. Néanmoins, l’administration américaine s’est montrée ferme dans son engagement en faveur du cessez-le-feu, de la fin de la guerre et d’un traitement équitable des deux parties ».

Le Hamas affaibli ?

Après deux années d’une guerre dévastatrice, le Hamas apparaît considérablement affaibli sur le plan militaire. Son incapacité actuelle à honorer ses engagements concernant la restitution à Israël des dépouilles des derniers otages, alors que l’armée israélienne continue de brandir la menace de nouvelles frappes pour le contraindre, illustre la vulnérabilité du groupe palestinien.

Pour Yasmina Asraraguis, « le mouvement traverse une crise profonde : soumis à une pression militaire inédite, fragilisé par la perte de contrôle de son territoire à Gaza et de plus en plus isolé sur le plan diplomatique ». Néanmoins, « réduire le Hamas à cette seule dimension militaire ou politique serait méconnaître sa véritable assise. Il conserve un enracinement social réel et une omniprésence idéologique qui excède largement sa structure institutionnelle. C’est là tout le paradoxe central de la question palestinienne : plus le Hamas est militairement fragilisé, plus il se renforce symboliquement, investissant l’imaginaire collectif de la résistance ».

Publié le 03/11/2025


Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban). 
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.


 


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