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Par Lisa Romeo
Publié le 16/07/2010 • modifié le 05/05/2020 • Durée de lecture : 4 minutes

Bandung, Java, photo datée du 19 avril 1955 de la "maison de la liberté" où s’est tenue la première conférence des non-alignés

AFP

La mise en place du mouvement afro-asiatique

Les Etats du « Sud », regroupés sous l’expression de « Tiers-Monde » désirent alors s’affirmer comme une force à part entière. L’expression « Tiers-Monde » est employée pour la première fois en 1952 par le démographe français Alfred Sauvy en référence à la formule de l’abbé Sieyès qui publiait en 1789 Qu’est-ce que le Tiers état ?

L’idée de rassembler les pays africains et asiatiques s’élabore en 1954 lors de la conférence de Colombo qui réunit l’Inde, Ceylan (le Sri Lanka actuel), le Pakistan, l’Indonésie et la Birmanie, dans le but d’accélérer le départ des Français d’Indochine. Ces pays décident d’organiser à Bandung, en Indonésie, une conférence rassemblant les jeunes Etats issus de la décolonisation. Vingt neuf Etats [1] répondent présents à leur invitation. On peut noter parmi les participants la présence des six pays africains qui ont accédé à l’indépendance (Ghana, Libéria, Soudan, Ethiopie, Egypte, Libye). Israël, Taiwan et les deux Corées, considérés comme trop liés aux blocs de l’Est et de l’Ouest, n’y sont pas conviés. Aucune puissance occidentale ne participe à l’événement. On remarque toutefois que l’idéologie communiste est représentée par le ministre chinois des Affaires étrangères Chou En Lai.

Les principaux thèmes de la conférence

La conférence se déroule du 18 au 24 avril 1955. Elle est divisée en trois commissions : politique, coopération culturelle et coopération économique.

Les participants condamnent unanimement la colonisation et apportent leur soutien aux pays encore dominés par une puissance extérieure. Ils revendiquent les droits des peuples à disposer d’eux mêmes et le maintien de leur souveraineté, et rappellent leur adhésion aux principes des Nations unies. Par ailleurs, des solutions pour développer leurs pays sont recherchées. Les pays participants proposent, par exemple, la création d’un Fond spécial dans le cadre de l’ONU pour le développement économique. D’un point de vue culturel, ils dénoncent l’urgence de valoriser leurs propres cultures et l’éducation, trop longtemps reniées par le colonialisme.

Ils prônent le maintien de la paix, la nécessité de procéder à un désarmement et la prohibition des armes de destructions massives. Les participants cherchent à construire un ordre mondial plus juste et équilibré où leurs revendications seront prises en compte. Il est important de constater que ces vingt neuf pays représentent 55% de la population mondiale. « Dix principes de la coexistence » sont finalement rédigés à la fin de la semaine de débat, reprenant l’énumération des droits des pays participants, et mettant en valeur la coopération et la négociation pacifique.

Les participants ont en revanche des difficultés à s’accorder sur une position commune concernant les blocs Est et Ouest. Les différentes tendances, pro-occidentale (Pakistan, Thaïlande, Turquie), neutraliste (Inde, Egypte) et communiste (Chine) s’affrontent sans aboutir à l’adoption d’une ligne de conduite précise. La non-ingérence est cependant proclamée. Si la conférence n’affaiblit pas réellement les systèmes d’alliance déjà mis en place par les superpuissances, les idées de neutralisme et de non-alignement ressortent de l’esprit de Bandung.

Finalement, les principes énumérés à Bandung, même s’ils arrivent à porter de nombreux espoirs sur l’avenir et le développement des pays du Tiers-Monde, auront rapidement une valeur plus symbolique que réelle. En effet, le mouvement afro-asiatique ne résiste pas aux divergences d’opinion et au manque d’affirmation d’une politique commune. L’événement est cependant très médiatisé et marque indéniablement un pas en avant dans l’affirmation des pays du Tiers-Monde.

L’impact de Bandung sur le monde arabe

Le leader égyptien Nasser acquiert un rayonnement certain sur la scène internationale lors de la conférence de Bandoeng. En effet, tout au long de son séjour en Asie, sa personnalité est très remarquée et ses discours applaudis. En côtoyant de grandes figures comme le Premier ministre indien Nehru ou le Président indonésien Sukarno, il enrichit ses contacts personnels et s’assure un soutien en Asie. Il arrive par son enthousiasme et son charisme à s’imposer comme le leader du nationalisme arabe. Il réussit ainsi à sensibiliser et à rallier l’ensemble des participants, mis à part la Birmanie, à la cause palestinienne. Le poids de l’Egypte dans la région en sort fortement renforcé. On peut remarquer, par ailleurs, que la méfiance des puissances envers Nasser grandit parallèlement à son succès à Bandung. Un an plus tard, en 1957, se déroulera une autre conférence au Caire. Nasser deviendra, avec Tito et Nehru, un des principaux initiateurs du mouvement des non-alignées.
1 Liste des pays participants : Indonésie, Inde, Ceylan, Birmanie, Pakistan, Népal, Thaïlande, Cambodge, Laos, Nord-Vietnam, Sud-Vietnam, Philippines, Chine, Japon, Afghanistan, Iran, Irak, Syrie, Liban, Turquie, Jordanie, Egypte, Arabie Saoudite, Yémen, Libye, Soudan, Ethiopie, Côte de l’Or (Ghana), et Libéria.

Bibliographie :
Samir Amin, L’Eveil du Sud, L’ère de Bandoung, 1955-1980, panorama politique et personnel de l’époque, Pantin, Le temps des Cerises, 2008.
Bernard Droz, Anthony Rowley, Histoire générale du XXe siècle depuis 1950, Tome 3. Expansion et indépendances 1950-1973, Paris, Editions du Seuil, 1987.
Odette Guitard, Bandoung et le réveil des peuples colonisés, Paris, Presses universitaire de France, 1969.

Publié le 16/07/2010


Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.


 


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