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La crise de Suez est née de la rencontre de plusieurs facteurs. Elle est déclenchée dans le contexte de la guerre froide et du rapprochement de l’Egypte avec l’Union Soviétique. Ce rapprochement est lié à la conclusion du Pacte de Bagdad en février 1955 et qui pousse l’Égypte à se tourner vers l’URSS. Les manifestations en sont les ventes d’armes effectuées par la Tchécoslovaquie. L’Égypte renforce son dispositif par la signature d’un pacte militaire en octobre 1955 entre cette dernière, la Syrie, l’Arabie Saoudite rejoints en avril 1956 par le Yémen.
Dans le même temps, dans le cadre de la mise en valeur économique du pays, Nasser souhaite construire un barrage sur le Nil, afin de réguler le fleuve. Cette régulation permettra de répondre aux besoins de l’agriculture et de produire de l’électricité. L’emplacement choisi est Assouan. Pour sa construction, Nasser sollicite l’aide financière et technique des Etats-Unis, mais ceux-ci refusent en raison de l’orientation pro soviétique de l’Egypte et des ventes d’armes en provenance de l’Est. En représailles, Nasser décide de nationaliser la compagnie du canal de Suez, dont les revenus permettront de financer la construction du barrage d’Assouan.
Cette nationalisation suscite les réactions occidentales et celles d’Israël. En effet, dans le contexte du premier conflit israélo-arabe (1948-1949) et de l’administration égyptienne qui s’en suit à Gaza, l’Égypte et Israël connaissent des tensions territoriales qui donnent lieu à des attaques et à des représailles. En outre, les achats d’armes de l’Égypte sont vécus avec crainte par Israël, qui demande l’appui d’autres puissances. La France répond à sa demande et livre à Israël des avions et des armes.
C’est ainsi qu’Israël, la France et la Grande-Bretagne décident d’intervenir militairement contre l’Égypte, le premier afin de faire cesser les actions militaires égyptiennes à Gaza, de détruire l’armement égyptien et de prendre le contrôle de l’entrée du golfe d’Akaba, la France et la Grande-Bretagne afin de reprendre le canal de Suez (la Grande-Bretagne est le principal actionnaire de la compagnie du canal de Suez), et surtout de maintenir la présence occidentale dans la région. La France intervient également dans le but de lutter contre l’aide égyptienne apportée au FLN algérien.
Les Britanniques et les Français passent outre la recommandation américaine de régler l’affaire sur le plan diplomatique et préparent les opérations militaires. Tandis que les responsables politiques français et britanniques envisagent de créer un nouveau Moyen-Orient dans lequel le régime de Nasser n’aurait plus sa place, les militaires travaillent à un plan d’attaque. Les Britanniques prennent le commandement des opérations, en raison de la proximité de Chypre et de Malte où ils possèdent des bases militaires. Appelé plan Mousquetaire, ce plan prévoit initialement un débarquement des forces britanniques et françaises à Alexandrie, puis la prise du Caire. Cependant, l’objectif initial du plan est modifié et il est décidé que les troupes débarqueront à Port-Saïd, puis se rendront sur la zone du canal de Suez. En parallèle, les Français poursuivent les livraisons d’armes à Israël, en vue d’une prochaine intervention contre l’Égypte. Mais les Britanniques ne souhaitent pas la participation d’Israël, si bien que la France et Israël envisagent d’intervenir sans eux. Après plusieurs hésitations, les Britanniques décident finalement qu’Israël pourra se joindre à eux et aux Français. Un accord est signé sur la base d’une intervention tripartite, le 24 octobre à Sèvres (près de Paris). Il est convenu qu’Israël interviendra dans un premier temps, puis que les armées britannique et française suivront.
Les opérations débutent le 29 octobre, au cours de l’opération Kadesh, par l’intervention de l’armée israélienne (troupes terrestres qui pénètrent dans le désert du Sinaï, à Kuntila, et parachutistes au col de Mitla) dans le Sinaï égyptien. Comme convenu à Sèvres, Français et Britanniques commencent par adresser un ultimatum à Israël et à l’Égypte le 30 octobre, par lequel ils prennent acte des difficultés que représente l’opération pour la navigation sur le canal de Suez et afin que les deux forces arrêtent les hostilités. Le refus égyptien leur donne le prétexte d’entrer dans le conflit le 31 octobre. Ils bombardent l’aviation égyptienne au sol dans la région du canal, ce qui permet à l’armée israélienne d’avancer dans le Sinaï et à Gaza. Dans ces régions, la victoire est totale pour Israël (le Sinaï est occupé à l’exception de Charm al-Cheikh le 2 novembre, le détroit de Tiran est pris le 4 et Charm al-Cheikh le 5 ; la Bande de Gaza est occupée le 2 novembre). Dans le même temps, les flottes franco-britanniques partent de Malte afin de rejoindre Port-Saïd.
Tandis que les opérations se poursuivent, les réactions se font entendre sur le plan international. L’ONU, réunie dès le 1er novembre, demande notamment le 2 novembre l’arrêt des opérations contre l’Egypte. Les Israéliens l’acceptent le 3 novembre tandis que les Français et les Britanniques poursuivent les opérations : le 5 novembre, des parachutistes reprennent Port-Saïd et commencent à marcher vers le canal. Mais la pression internationale se fait plus forte. Les diplomaties américaine et soviétique contraignent la Grande-Bretagne et la France à cesser les combats. Devant ce rapport de force, la Grande-Bretagne accepte le cessez-le-feu le 6 novembre suivie par la France.
En dépit de la victoire territoriale d’Israël, de la France et de la Grande-Bretagne, la crise de Suez se solde par leur échec diplomatique (plusieurs États arabes rompent leurs relations diplomatiques avec la France et la Grande-Bretagne) et par le succès de Nasser. Sur le plan militaire, les troupes franco-britanniques restent dans la région du canal jusqu’en décembre, tandis qu’Israël, en dépit d’âpres négociations, est obligé de rendre la bande de Gaza et le Sinaï. En mars 1957, l’armée israélienne évacue donc Gaza, qui repasse sous administration égyptienne, et le Sinaï. Israël réussit néanmoins à obtenir la présence de forces de l’ONU le long de la frontière israélo-égyptienne (à Gaza et à Sharm el-Sheikh), positionnées du côté égyptien, ainsi que la libre circulation dans le golfe d’Akaba.
Bibliographie :
Michel BAR-ZOHAR, Shimon Peres et l’histoire secrète d’Israël, Odile Jacob, Paris, 2008, 411 pages, pages 113 à 136.
Frédéric ENCEL et François THUAL, Géopolitique d’Israël, Points seuil, Paris, 2006, 486 pages, page 367 à 369.
Henry LAURENS, La question de Palestine, Tome troisième 1947-1967, l’accomplissement des prophéties, Fayard, Paris, 2007, 823 pages, pages 453 à 510.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.
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