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Depuis les frappes dans la banlieue sud de Beyrouth le 30 juillet et l’assassinat du chef politique du Hamas Haniyet à Téhéran dans la nuit du 30 au 31 juillet, les menaces se multiplient, faisant craindre une guerre majeure, notamment au Liban. Israël et le Hezbollah libanais se livrent une guerre psychologique pour empêcher l’ennemi respectif de frapper, mais qu’en est-il de leurs ambitions et leurs capacités actuelles ? Deux entretiens tentent de répondre à cette question : l’un, avec Mohanad Hage Ali, évoquera le Hezbollah, et l’autre, avec Albin Szakola, Israël.
Chercheur au centre Carnegie à Beyrouth, Mohanad Hage Ali est spécialisé dans les questions liées au Hezbollah libanais. Il répond aux questions des Clés du Moyen-Orient sur les capacités du mouvement chiite en cas de guerre ouverte avec Israël.
Les risques sont grands pour le Hezbollah. D’abord, le mouvement chiite a vu ce que le Hamas a traversé ces derniers mois, avec les destructions massives à Gaza et les assassinats ciblés qui ont entrainé l’affaiblissement du mouvement palestinien. Le Hezbollah comprend que les risques d’une confrontation avec Israël sont majeurs.
Ensuite, du fait de la crise financière violente que traverse le Liban depuis cinq ans, une guerre s’avèrerait dévastatrice. Pour information, entre 2019 et 2023, les recettes publiques libanaises ont connu un effondrement, à 6% du PIB en 2023 contre plus de 20% avant la crise. Le secteur bancaire s’est écroulé et la pauvreté a explosé, le Liban est donc dans une situation où une guerre plongerait le pays dans un vrai désastre. Israël a les moyens de détruire les infrastructures libanaises, du moins ce qu’il en reste après ces années de crise, et cela préoccupe bien entendu le Hezbollah.
Enfin, dans le sud-Liban, après 10 mois de combats, certains Libanais, des déplacés de guerre, blâment le Hezbollah pour avoir commencé les hostilités contre Israël en soutien à Gaza après le 7 octobre. De manière plus large, l’entrée dans une guerre ouverte est impopulaire au Liban, le Hezbollah a donc tout intérêt à éviter ce scénario catastrophe.
Ceci étant dit, le Hezbollah se prépare en cas de conflit majeur car c’est aujourd’hui un risque réel.
Pas vraiment, car la Syrie est plus ouverte que durant la guerre de 2006. A l’époque, le Hezbollah ne pouvait pas utiliser le territoire syrien comme il le fait aujourd’hui. Je ne crois pas qu’il rencontre des problèmes réels d’approvisionnement en stocks d’armes en cas de guerre.
Par ailleurs, sa force de frappe contre Israël est plus forte qu’en 2006. Les combattants du Hezbollah sont présents aux côtés de Bachar al-Assad depuis 2013 en Syrie, donc contrairement à 2006, il peut tirer des roquettes sur Israël depuis le territoire syrien. Il pourrait aussi lancer des attaques depuis l’Irak ou le Yémen, où sont basées d’autres milices pro-iraniennes.
En cas de guerre, Israël serait donc attaqué sur plusieurs fronts et aurait alors besoin de l’aide des Etats-Unis. Le Royaume-Uni et la France pourraient aussi se porter volontaires pour soutenir leur allié israélien. Mais en même temps, Washington montre des signes de frustration, Joe Biden met de plus en plus de pression sur B. Netanyahou pour changer sa politique en matière de stratégie militaire.
Sur le plan de l’armement, le Hezbollah aurait par ailleurs bien plus de roquettes qu’en 2006. Il y a encore quelques années, on parlait de plus de 100 000 obus. Maintenant, la milice aurait des centaines de milliers de roquettes de précision, des milliers de drones, mais aussi des armes manufacturées localement. On parle même d’armes antiaériennes, ce qui reste à confirmer. Donc, les combattants du “Parti de Dieu” peuvent infliger un coup dur à Israël. Au Liban, en cas d’invasion terrestre, les troupes israéliennes seraient confrontées à la menace de missiles guidés antichars et de véhicules aériens sans pilote qui menaceraient leurs forces terrestres. Surtout que le Hezbollah parle de nouvelles capacités militaires, ils pourraient par exemple attaquer depuis la mer.
Le Hezbollah est dans une meilleure situation qu’en 2006, néanmoins, il n’est pas en position d’entrer dans une guerre ouverte avec Israël
Le pays est trop polarisé pour un réel changement de l’opinion publique. Ceci étant dit, concernant la communauté chrétienne, il y a une colère réelle contre le Hezbollah. Mais les Libanais n’ignorent pas que le mouvement chiite souhaite éviter une guerre ouverte et faire pression pour un cessez-le-feu à Gaza.
D’un autre côté, si la guerre ouverte est déclenchée maintenant, la responsabilité ne serait pas tant portée sur le Hezbollah mais bien plus sur Israël, qui a pris des risques en bombardant la banlieue sud de Beyrouth le 30 juillet dernier.
Concernant la communauté sunnite, il y a un changement intéressant du fait du soutien du Hezbollah au Hamas et plus largement à Gaza. Ces dernières décennies, le thème de la résistance était réservé aux chiites, et il y avait un clivage fort avec les sunnites surtout en raison de la guerre en Syrie. Mais depuis le 7 octobre, beaucoup de combattants du Hezbollah ont été tués par Israël, dans une bataille qui se veut en solidarité avec les Palestiniens, il y a donc un changement dans le regard que la communauté sunnite porte sur le Hezbollah. C’est un vrai changement par rapport à 2006, guerre durant laquelle le Hezbollah était très impopulaire auprès des sunnites.
Cela peut avoir un certain impact sur le soutien populaire général au Hezbollah en cas de guerre ouverte.
Lire le deuxième entretien : Entretien avec Albin Szakola : « L’état des troupes à la frontière israélo-libanaise montre qu’Israël n’est actuellement pas prêt pour une invasion terrestre »
Ines Gil
Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban).
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.
Mohanad Hage Ali
Chercheur au centre Carnegie à Beyrouth, Mohanad Hage Ali est spécialisé dans les questions liées au Hezbollah libanais.
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