L’Égypte n’a cessé de fasciner les occidentaux. L’ancienneté de son histoire, qui se confond avec la préhistoire et le rayonnement de sa culture dès le IIIème millénaire avant Jésus-Christ, ont permis à ce pays de rester dans la mémoire occidentale, en dépit des périodes moins glorieuses où elle dut subir les dominations grecque et romaine, arabe et coloniale avant de retrouver avec l’avènement de la république égyptienne en 1952 une place dans le concert des nations.
On distingue généralement les grandes étapes de l’Égypte ancienne à partir de la préhistoire, puis de l’époque pharaonique et enfin l’entrée dans la soumission durant la période gréco-romaine. De plus, il apparaît que le fil conducteur de ce pays reste son fleuve, le Nil, source de richesses agricoles et minières, et également voie de communication pour le commerce avec l’Orient.
Durant la préhistoire, il semblerait que des traces de population et de culture paléolithique soient apparues plus tardivement en Égypte qu’au Proche-Orient, et que le passage d’une économie de prédation à une économie de production, fut lui aussi plus tardif (aux environs de -5000 au lieu des -8000 ans).
Dès lors, en dépit de ces retards, comment en moins de deux millénaires, l’Égypte est-elle devenue un des premiers Etats du monde ?
Entre -5000 et -3000, le long du Nil, les populations se sédentarisent progressivement avec la pratique de l’élevage et de l’agriculture, et avec le développement de l’industrie de la pierre.
Aux environs de -3300, on retient un changement important avec l’apparition de l’écriture, la constitution de cimetières pour les élites autour de certaines villes telles que Nagada ou Abydos. Selon la tradition, un roi légendaire, Ménès, aurait constitué l’État égyptien par la réunification de la haute Égypte avec la basse Égypte où il aurait installé sa capitale à Memphis.
Dès lors, s’ouvrait ce qu’il est convenu de nommer la période pharaonique de l’ancienne Égypte entre -3150 et -332, période durant laquelle se sont succédées une trentaine de dynasties de pharaons.
On convient généralement de diviser cette longue période en 3 empires (l’ancien empire, le moyen empire, le nouvel empire) espacés entre eux de trois périodes intérimaires, la dernière ouvrant la voie à la basse époque à partir de -672.
Que peut-on retenir de cette longue période qui fit la grandeur de l’Égypte durant l’Antiquité ?
– la présence du Nil, fleuve autour duquel se développent les richesses agricoles et minières du pays. Les pharaons, au gré de l’histoire, de leurs politiques et de leurs conquêtes, installent leur capitale non loin de ses rives, en haute Égypte (notamment à Thèbes) ou en basse Égypte (à Memphis ou à Tanis).
– l’apparition dès -2500 d’une organisation administrative rationnelle et efficace dans la gestion des affaires et des richesses avec à sa tête un vizir assisté par des scribes.
– l’émergence à cette même époque d’une culture esthétique et architecturale qui ne cessa de se manifester autour du culte des morts et notamment par des sépultures royales : bâtiments de pierres tels que des mastaba ou des pyramides.
– une religion qui établit un lien entre le roi pharaon et la divinité (le dieu solaire, Rê, Amont…)
– des politiques extérieures faites de conquêtes, et parfois de défaites, en remontant le cours du Nil vers la Syrie et le long de la Méditerranée orientale et jusqu’au golfe persique.
– chacune de ces périodes connues ses apogées, comme celle du pharaon Ménès, dans l’ancien empire qui s’étend de -2700 à -2200.
Mais c’est le nouvel empire, à partir de -1552, que l’histoire retient avec l’avènement de la XVIIIème dynastie. C’est l’époque des grandes conquêtes dont les butins et les tributs augmentent encore les richesses internes au royaume. C’est la constitution d’une armée de métier, permettant à l’Égypte de contrôler les espaces nécessaires au commerce, y compris la Palestine et la Syrie.
C’est la période des pharaons célèbres de l’époque amarnienne avec Amenhotep IV, dont la femme, Néfertiti fut un personnage essentiel de son règne. Ils transportèrent la capitale de Thèbes à El Amarna, construite de toutes pièces, changèrent de nom leur dynastie devenue Akhénaton, et donnèrent à Aton la primauté divine occupée jusqu’alors par Amon-Rê.
Avec la XIXème dynastie, les Ramsès accèdent au trône avec la figure emblématique de Ramsès II qui régna plus de 66 ans. La capitale était placée dans le delta à Pi-Ramsès, même si les villes de Memphis et de Thèbes conservent leur rôle prédominant.
Néanmoins, cette période des XVIIIème et XIXème dynasties marque l’apogée de la domination extérieure de l’Égypte et bientôt aussi ses difficultés à maintenir le contrôle qu’elle exerçait sur le Proche-Orient, son autorité même sur le delta du Nil étant menacée par les Hittites, les Nubiens, les Libyens et les Syro-Palestiniens.
Entre -1069 et -332, c’est-à-dire de la XXème à la XXXème dynastie, l’Egypte connut plus de périodes de déclin que de gloire. Des rivalités de famille vinrent s’ajouter aux pressions des pays voisins, tantôt ennemis, tantôt alliés, en particulier les Assyriens, les Babyloniens et les Perses, notamment à partir de la basse période qui commence avec les années -672.
A partir du VIIIème siècle, les villes grecques d’Asie Mineure se développent et installent leurs premiers établissements en Égypte et notamment à Memphis.
Le roi Amasis (570-526 avant Jésus-Christ) favorise la présence de commerçants grecs moyennant la perception d’un impôt. Il estime en effet que le développement de la présence grecque en Égypte permet d’enrichir le pays. Cette présence se manifeste également un peu plus tard par la constitution d’armées de mercenaires grecs.
Vers -343, la domination perse est vécue de plus en plus difficilement par l’Égypte. Darius III Conoman monte sur le trône en -335 mais il est défait par Alexandre le Grand. À partir de ce moment, les campagnes d’Alexandre se poursuivent au Proche-Orient, avec pour priorité les positions grecques et perses de la Méditerranée qu’il convient de renforcer au bénéfice de la Grèce. Accueilli en libérateur en -331, Alexandre le Grand est reconnu par le clergé égyptien comme roi de descendance divine. Il fait restaurer les temples et les monuments, notamment à Thèbes. Mais il a surtout le génie de fonder un port directement sur la mer, Alexandrie, qui sera à la fois l’origine d’une grande ville à la population cosmopolite et source de richesses et de rayonnement. Alexandre meurt en -323.
Après sa mort, l’Égypte connait une période « d’indépendance » durant laquelle se succèdent 14 rois « Ptolémée » et 7 reines « Cléopâtre ». Une nouvelle période florissante est vécue avant que l’Égypte ne s’enfonce à nouveau dans les luttes et les rivalités de pouvoir. C’est à ce moment que Rome, ayant notamment besoin de blé, prend le contrôle de l’Égypte en -48.
César fait alors la connaissance de Cléopâtre, qu’il épouse. Ils ont un fils, Ptolémée-Césarion. Mais dans les luttes et les rivalités qui marquent la succession de César, Cléopâtre prend appui sur Marc-Antoine qui est battu à Actium en -31. Marc-Antoine et Cléopâtre se donnent la mort et l’Égypte passe sous l’étroite domination romaine.
Sous Auguste, l’Égypte devient une province impériale mais elle conserve l’organisation mise en place par les Ptolémée, et est gérée par un préfet nommé par Rome. Une organisation spécifique est mise en place pour les villes grecques et pour les diasporas juives. Au premier siècle après Jésus-Christ, on note l’apparition de l’Égypte chrétienne avec la création de l’église d’Alexandrie par Saint-Marc aux environs des années 75.
L’exercice de l’autorité des empereurs sur les villes égyptiennes est plus ou moins turbulent selon les périodes.
À partir du règne d’Adrien (117-138) apparaissent de nouvelles périodes de révolte et de contre révolte, à la fois politiques et religieuses, dont des persécutions chrétiennes.
Mais le déclin de Rome est inexorable à partir de Septime Sévère (193-211) et se manifeste notamment par la succession au pouvoir d’aventuriers qui se font proclamer empereur. Cette turbulence dure jusqu’en l’an 310 mais n’empêche pas la progression du christianisme en Égypte qui devient une dépendance de l’empire d’Orient (empire byzantin) entre 330 et 390.
Entre 395 et 639, on peut parler d’une « Égypte byzantine » qui, du Vème siècle au début du VIIème siècle, est d’une rare opulence. Alexandrie joue un rôle prépondérant dans la prospérité et le rayonnement intellectuel et religieux du pays. A cette époque également nait une église copte orthodoxe, à la suite d’un certain nombre de conciles qui se tiennent dans des villes égyptiennes et au cours desquels apparaissent des divergences théologiques.
Cette période se termine vers 615 par l’invasion des troupes perses conduites par le roi Khosvo II. Les Perses sont chassés en 639 par Amr, lieutenant du calife Omar successeur de Mahomet.
Après les rivalités Byzance-Perse, la conquête arabe marque sa prédominance jusqu’au XVème siècle. Durant cette période, la prospérité de l’Égypte est liée à son agriculture et à sa position géographique unique dans le commerce avec l’Inde.
C’est à partir de 645-650 que la puissance arabe s’établit dans la région et notamment en Égypte. Certains laissent à penser que les Arabes furent accueillis en libérateurs par une population lassée des périodes de dominations grecque, romaine et byzantine.
La période arabe est marquée par plusieurs autorités successives jusqu’en 1450.
Entre 650 et 850, l’Égypte est soumise à l’autorité directe du califat qui réside, selon les dynasties qui se succèdent en Egypte, à Damas, Médine ou Bagdad. L’autorité est déléguée à un préfet. L’Égypte, riche en produits agricoles et en produits de l’artisanat paie de grosses redevances au califat.
À partir de 846 les califes ont recours à des préfets turcs qui recherchent leur indépendance et leur autonomie financière. Selon les dynasties au pouvoir en Egypte, les périodes alternent entre le contrôle du califat et l’indépendance à son égard. C’est ainsi qu’entre 846 et 969 se succèdent en Égypte les dynasties des Toulounides et des Ikhshidides qui assurent une large autonomie au pays, profitant de la faiblesse du califat.
À partir de 969, la dynastie Fatimide règne en Egypte et installe la résidence royale au Caire. Sous cette dynastie, en 1094, commence la période troublée des croisades. Les Fatimides s’effondrent à partir du milieu du XIIème siècle pour laisser place aux Ayyoubides dont la figure emblématique est Saladin. C’est lui qui restructure l’armée et qui s’oppose ainsi avec succès aux croisés jusqu’à la paix de 1191. L’empire est alors dirigé depuis Le Caire.
Au XIIIème siècle, les luttes intestines entre Ayyoubides et une nouvelle tentative infructueuse des croisés amènent les Mamelouks au sultanat. Durant cette même période, les rivalités territoriales avec l’Occident et les croisés conduisent à des accords commerciaux profitables pour la région.
Le régime des sultans mamelouks se divise en deux groupes distincts : les Mamelouks bahrides et les Mamelouks circassiens. Ce sont les Mamelouks bahrides qui parviennent à éliminer définitivement les croisés avec la prise de Saint-Jean-d’Acre en 1291, puis à repousser les hordes mongoles. Puis cette dynastie s’affadit à son tour pour laisser place aux Circassiens en 1382. L’Égypte est néanmoins sauvée des hordes Tamerlan, qui, après avoir pris Damas, se retournent contre le sultan ottoman Bajazet en 1400.
Cependant, vers 1498, l’ouverture de la route des Indes par le cap de Bonne-Espérance provoque la ruine momentanée de l’Égypte dont le grand port d’Alexandrie est réduit à un port de cabotage pendant plus d’un siècle.
Entre le XVIème et le XIXème siècle, la période de la domination ottomane de l’Égypte est généralement considérée comme une période de déclin, de « siècles obscurs », jusqu’à l’intervention de Bonaparte. En effet, en dépit de la brièveté de la présence française entre 1798 et 1801, on considère que celle-ci marque un tournant dans l’histoire de l’Égypte qui sera de plus en plus sous l’influence occidentale, même si les puissances coloniales maintiennent jusqu’au XXème siècle la fiction de l’autorité de la sublime Porte.
Jusqu’au XIXème siècle, il est généralement admis que l’Égypte est dans une période de déclin, même si certaines étapes méritent néanmoins d’être rappelées.
Certes on assiste à un affaiblissement de son rayonnement intellectuel, avec l’absence de philosophes, de savants ou de grands mystiques. Cependant l’Égypte reste durant cette période une pièce maîtresse dans l’Empire ottoman par sa position géographique et par son économie.
Au début du XVIème siècle, l’autorité des Mamelouks s’est dangereusement affaiblie en face d’un soulèvement chiite en Iran et un contrôle renforcé des Portugais qui, à partir de leurs positions dans l’Océan indien, menacent les voies maritimes partant du golfe Arabo-Persique et du nord de la mer Rouge. En 1511, un nouveau sultan ottoman, Sélim Ier décide d’intervenir lui-même dans la région, écrase le souverain d’Iran chah Ismaïl en 1514 et restaure son autorité sur l’Égypte entre 1517-1518.
L’Égypte est alors gouvernée par un Pacha, vice-roi nommé par le gouvernement de Constantinople. Mais ce pacha n’a pas autorité sur l’armée, et pour éviter qu’il ne se constitue une influence personnelle par clientélisme, il est très fréquemment remplacé : on compte 110 pachas entre 1571 et 1798. Les quelques velléités de révolte et d’indépendance durant cette période sont rapidement réprimées par Constantinople.
En dépit de l’affaiblissement du rayonnement culturel de l’Égypte, il convient de signaler l’influence de l’architecture ottomane dans ce pays, qui se manifeste par l’édification de plusieurs centaines de monuments, au Caire notamment. On cite souvent trois mosquées : celle de Suleyman Pacha édifiée en 1528, celle de Malika Safiya en 1610 et celle de Muhammad Abu Dahab en 1771.
L’intervention de Bonaparte en juillet 1798 a pour objectif à la fois d’affaiblir l’Angleterre dans la région et d’étendre l’idéal révolutionnaire et scientifique à l’extérieur. Les Anglais (amiral Nelson), ayant détruit la flotte française à Aboukir, les Français sont obligés de s’installer et de mettre de l’ordre dans le pays, avec un soulèvement populaire en fin d’année 1798. Après le départ de Bonaparte en août 1799, Kléber qui lui succéde est assassiné en 1800. Un autre général français, Abdallah Menou, converti à l’islam, lui succéde. Durant les trois années de l’occupation française, les structures du pays sont restaurées et les finances réorganisées. Mais en dépit de ce redressement commercial et administratif, et en dépit de la restauration d’une autorité des ulémas et notables locaux, la présence française est difficilement supportée. Assiégée par les Britanniques, l’armée française doit quitter le pays en septembre 1801.
Un général de brigade albanais, du nom de Méhemet Ali, réussit à prendre le pouvoir et à s’y maintenir en dépit des rivalités entre Mamelouks et Turcs. Il affermit progressivement son autorité en combattant les wahhabites d’Arabie entre 1811 et 1818, et en occupant les villes saintes de La Mecque et de Médine. De 1820 à 1823, il s’attaque au Soudan, cherche à contrôler le cours supérieur du Nil. Cette politique d’expansion se poursuit en direction de la Syrie, de la mer Rouge et finit par inquiéter sérieusement l’Angleterre qui craint pour la sécurité de la route des Indes. Aussi cette politique est stoppée par les puissances anglaise, française et russe en 1840. Méhemet Ali doit abandonner la Syrie, est contraint de réduire son armée à 18 000 hommes, mais obtient le pouvoir héréditaire en Égypte. Il meurt en 1847 et un de ses héritiers, Saïd, reprend des actions d’envergure à partir de 1854. Il est notamment à l’origine du percement du canal de Suez. L’Égypte devient de plus en plus indépendante du sultan. En 1863, Ismaïl succède à Saïd, mais la situation financière est désastreuse en raison de dépenses excessives, obligeant l’Égypte à vendre les parts qu’elle détient dans la société du canal de Suez au Premier ministre britannique Disraëli.
En raison de tensions entre l’Égypte, la Turquie et l’Angleterre, cette dernière occupe l’Égypte en 1882 après avoir bombardé Alexandrie. L’occupation britannique se prolonge jusqu’en 1914, des gouverneurs nommés par la puissance occupante tiennent le pouvoir à côté des héritiers de Méhemet Ali.
Entre 1914 et 1922, sous le prétexte de la Première Guerre mondiale, et en raison de l’alliance entre la Turquie et l’Allemagne, l’Égypte devient officiellement un protectorat britannique. Après une période difficile pour l’autorité britannique à partir de 1919, un accord intervient en février 1922 entre les deux Etats et porte sur quatre points :
- la sécurité des communications
- la défense militaire
- la protection des étrangers
- la protection des minorités
A cette fin, la Grande-Bretagne maintient des troupes en Égypte.
En 1923, un nouveau roi, le roi Fouad 1er, est à la tête du pouvoir et la Constitution du 19 avril 1923 confirme la souveraineté égyptienne. L’économie est relancée, à partir des propriétés terriennes, de la culture du coton et des industries légères dont le textile, et du développement des banques. Le roi se trouve confronté avec la volonté de la bourgeoisie de s’intéresser aux affaires politiques (parti Wafd).
Le traité de 1936 confirme l’indépendance de l’Égypte et les troupes anglaises se replient à proximité du canal. Elle entre à la Société des Nations le 26 mai 1937.
En 1939, la Grande-Bretagne renforce sa présence militaire et le roi Farouk, au pouvoir depuis 1938 à la suite de Fouad 1er, doit faire face à la fois aux pressions britanniques, à l’opposition du parti Wafd et aux tentatives d’influence de l’Axe.
Entre 1946, date de la fin de la guerre, et 1952, l’Égypte rentre dans une période de turbulences sociales, économiques et internationales. Avec la fin de la guerre, le retrait partiel de l’armée britannique entraîne la fin d’une économie de guerre qui employait de nombreux ouvriers égyptiens, provoquant ainsi des troubles sociaux. Sur le plan international, l’Égypte parraine la naissance de la ligue Arabe avec l’Irak, la Syrie, le Liban et l’Arabie Saoudite. Par ailleurs en 1948, l’armée égyptienne pénètre le territoire palestinien destiné à l’État d’Israël (premier conflit israélo-arabe). L’échec de cette initiative, ainsi que les difficultés économiques et la vie dispendieuse du souverain entraînent des troubles qui provoquent un coup d’état militaire en 1952.
A partir de cette période qui s’ouvre en juillet 1952 avec le renversement du roi Farouk par les Officiers Libres, commence la période de l’Égypte contemporaine. Mais celle-ci ne peut oublier les quelque 5000 ans de son histoire dont les éléments fondateurs restent :
– le Nil, c’est-à-dire l’alimentation en eau et la prospérité de l’agriculture
– la position géographique de ce pays, carrefour des transactions commerciales et des mouvements de population entre l’Occident méditerranéen et l’Inde, le canal de Suez ayant remplacé les caravanes
– la tradition des équilibres religieux et politiques :
- une extraordinaire adaptation aux mouvements religieux, depuis les dieux des pharaons jusqu’à l’islam en passant par les juifs, les chrétiens coptes, en conservant à chaque fois des positions modérées qui ne portent pas atteinte à l’unité du pays.
- une grande expérience pour se jouer des puissances qui voudraient exercer leur hégémonie depuis les Grecs, les Romains, les Turcs, l’Empire ottoman et les puissances occidentales.
C’est sans doute à la lumière de ces acquis historiques que l’on peut mieux appréhender les deux questions actuelles lancinantes de ce pays, à savoir le voisinage de l’État d’Israël et la tentation de l’intégrisme islamique.
Après une période de confusion, la république est proclamée en janvier 1953 et Gamal El Nasser s’impose en février 1954 comme chef de gouvernement puis Président du conseil supérieur de la révolution.
Dans cette période de rivalités est-ouest, entre l’URSS et les États-Unis, chacun des partis essaye de se concilier l’alliance des pays tiers. Mais, avec d’autres pays plus soucieux de faire monter les enchères et leurs ressources propres que de faire allégeance à l’un des deux camps, l’Égypte lance à Bandung en 1955 le mouvement des pays non-alignés.
C’est dans ce même climat de jeu de bascule que Nasser lance un programme de mise en valeur du Nil, à la fois source de richesse pour l’agriculture par l’irrigation et source d’énergie hydro-électrique. _ C’est le fameux projet du barrage d’Assouan représentant 125 milliards de mètres cube d’eau, pouvant irriguer 850 000 ha de terres désertiques et produire 10 milliards de kilowatts heure par an.
L’abandon provisoire ou définitif par les États-Unis de l’intérêt porté à ce projet entraîne de la part de Nasser des décisions aux conséquences inattendues :
– la nationalisation du canal de Suez est décidée par Nasser en juillet 56
– mais au même moment, les modifications du pouvoir intervenues en URSS incitent les Hongrois à se soulever contre l’URSS en octobre 1956
– c’est donc aussi en octobre 1956 que la France et la Grande-Bretagne lancent une opération militaire en vue de récupérer le contrôle du canal de Suez, tandis qu’Israël lance une offensive contre l’Égypte : la crise de Suez débute le 29 octobre.
Néanmoins, le pouvoir de Nasser sort renforcé de cette situation inextricable, en raison d’un accord inattendu URSS-USA, obligeant par ultimatum les troupes franco-britanniques à se retirer du canal, tandis qu’un accord entre Le Caire et Moscou en 1958 permet le lancement du financement du barrage d’Assouan, avec des concours financiers complémentaires de la part des États-Unis, de la Chine, de l’Italie et de la Grande-Bretagne.
Profitant de son prestige et de son autorité internationale, Nasser reprend la politique traditionnelle d’extension de proximité en proposant la fusion de l’Égypte et de la Syrie en un seul État : la République Arabe Unie (R.A.U.) sous l’autorité de Nasser, en 1958.
Mais en dépit du développement de son aura sur la scène internationale, entre 1960 et 1966, avec des projets d’union socialiste arabe et de détournement du cours du Jourdain d’une part, et la tenue au Caire de sommets internationaux tels que l’organisation de l’unité africaine en juillet 1964 et le deuxième sommet des pays non-alignés en novembre 1964, une détérioration progressive de l’image de Nasser est enregistrée dans les pays arabes et aux États-Unis. Dès septembre 1961, un coup d’état en Syrie met fin à la R.A.U., signe d’une certaine prise de distance des pays arabes à l’égard d’un leader trop encombrant. De plus la situation économique en Égypte se détériore de façon inquiétante.
Nasser tente alors de ressouder en 1966 les liens entre les pays arabes du Proche-Orient en faisant monter une tension que certains qualifient d’artificielle à l’encontre d’Israël, qu’il voudrait asphyxier en interdisant l’accès au golfe d’Akaba. La réaction israélienne est immédiate. Entre le 5 et le 10 juin 1967, Israël lance une guerre éclair, la guerre des six jours, détruisant l’aviation égyptienne et occupant le Sinaï, la Cisjordanie, Jérusalem, le Golan et la bande de Gaza. Le canal de Suez devient inutilisable. Les pertes égyptiennes sont considérables.
Après plusieurs années de tentatives de reprise de contrôle de la situation, Nasser meurt en septembre 1970 après avoir accepté un cessez-le-feu provisoire avec Israël.
A la suite de Nasser, Anouar el Sadate se trouve confronté à une succession difficile :
– une économie très faible puisqu’une fois encore dans l’histoire de l’Égypte, le commerce ne passe plus par Suez mais par le cap de Bonne-Espérance et que l’agriculture est entièrement à réaménager
– l’armée est hors d’état de faire la guerre.
Le dirigeant égyptien tente une nouvelle fois de s’appuyer à la fois sur Moscou et sur Washington pour reconstituer son armée et redresser son économie. Dans le même temps, des pourparlers continuent avec les pays arabes en vue de se concerter face à Israël.
Malgré cette période d’incertitude, une nouvelle attaque contre Israël au Golan (guerre du Kippour) est lancée en octobre 1973 mais à nouveau URSS et USA obtiennent un cessez-le-feu au moment où l’armée égyptienne était dangereusement menacée.
Entre 1973 et 1981, s’est instaurée une politique diplomatique en vue de progresser dans la paix dans cette région sous l’influence grandissante des États-Unis.
En dépit des pressions exercées par différents pays arabes, notamment l’Algérie, la Libye, la Syrie et l’Irak pour dissuader Sadate d’adopter une politique de paix avec Israël, un accord de paix tripartite (entre Israël, l’Égypte et les Etats-Unis), est signé à camp David en septembre 1978, tandis que le canal de Suez est réouvert en octobre 1975. Il est accompagné d’un plan de redressement économique de l’Egypte. Israël évacue le Sinaï en avril 1982. Cependant, en raison de l’hostilité croissante de certains pays arabes à l’encontre de la politique menée par Anouar el Sadate, celui-ci est assassiné en octobre 1981 par des islamistes fondamentalistes.
Hosni Moubarak est au pouvoir depuis octobre 1981. Au plan international, il reprend l’exercice d’équilibre déjà connu entre l’URSS et les États-Unis jusqu’en 1989, auquel s’ajoutent d’autres exercices aussi difficiles avec les milieux islamiques fondamentalistes.
La première préoccupation reste la situation économique qui, en dépit des plans de relance et des aides liées aux accords de camp David, continue de se dégrader tandis que l’endettement monte jusqu’à 50 milliards de dollars en 1991. Ce n’est qu’à partir de 1997 que l’on enregistre un redressement significatif de la situation économique. Depuis lors, l’économie égyptienne évolue au gré des fluctuations de l’économie mondiale mais avec un assainissement des finances publiques et une amélioration de la rentabilité du secteur public.
La question majeure de l’Egypte de Moubarak reste incontestablement les relations avec les pays arabes et avec Israël. Chaque fois que des tensions existent entre les pays arabes, directement ou par l’intermédiaire des mouvements fondamentalistes, et Israël, l’Egypte est obligée de prendre ses distances. En revanche elle conserve toute sa place lorsque le volet diplomatique devient dominant : c’est ainsi que le siège de la ligue Arabe est revenu au Caire en 1990.
Au plan interne, la démocratie est difficile à mettre en place, un mélange entre islamisme radical et modéré ajoutant à la confusion. Mais la question des attentats est permanente depuis 1990, en dépit des efforts de Moubarak pour renforcer les services de sécurité.
Le président Moubarak est à nouveau élu en 2005 pour un mandat de 6 ans. Les prochaines élections auront lieu en 2011.
Qu’il s’agisse des dynasties des pharaons ou de la dynastie des présidents de la République Arabe d’Egypte, du deuxième millénaire avant Jésus Christ ou du troisième après Jésus Christ, l’Egypte est toujours l’objet des attentions des Grands de ce Monde, des convoitises de ses voisins et des ambitions de l’expansion de certaines religions.
Sophie DESPLANCQUES, L’Egypte ancienne, PUF, Paris, 2007, 127 pages.
Sandrine GAMBLIN, Robert SANTUCCI, Nada TOMICHE, Gaston WIET, « Egypte », Encyclopédie Universalis 2008.
Henry LAURENS, Le grand jeu, Orient arabe et rivalités internationales, Paris, Armand Colin, 1991, 447 pages.
Daniel Charentais
Après avoir servi dans la Marine Nationale Française, et notamment en Méditerranée, Daniel Charentais s’est spécialisé durant plus de 25 ans dans l’expertise des échanges commerciaux internationaux et dans les négociations d’accords commerciaux avec l’Union Européenne et l’OMC.
Il a notamment suivi la mise en place des dispositions des échanges commerciaux dans la zone de libre échange Euromed et Paneuromed.
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