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Entretien avec Aurélie Daher – Le point sur le Liban à la veille de la séance électorale pour élire le président de la république

Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Aurélie Daher
Publié le 25/02/2016 • modifié le 21/04/2020 • Durée de lecture : 3 minutes

Aurélie Daher

Une séance électorale afin d’élire le Président de la République est prévue le 2 mars prochain. Où en est le dossier de la présidentielle au Liban depuis la fin du mandat du président Michel Sleimane le 25 mai 2014 ? Qui sont les candidats à la présidentielle ?

Le dossier de la présidentielle libanaise est bloqué depuis une vingtaine de mois. Au départ, les candidatures se sont opposées autour de l’éternelle rivalité entre Samir Geagea, chef des Forces libanaises, principal parti chrétien affilié au 14 Mars pro-occidental et pro-saoudien, et Michel Aoun, chef du Courant Patriotique Libre, principal parti chrétien du 8 Mars pro-syrien et pro-iranien. Une première candidature sur laquelle la classe politique a réellement commencé à plancher n’a été proposée qu’en décembre 2015, il y a deux mois, lorsque l’ancien Premier ministre Saad Hariri a soumis le nom de Sleiman Frangié, chef des Marada, un petit parti chrétien pro-syrien. Cela a alors provoqué la surprise. Mais les Libanais allaient être encore plus étonnés à la mi-janvier, quand Samir Geagea répondait à l’initiative de Hariri en annonçant publiquement son soutien… à la candidature de Aoun.

Comment se situe le Hezbollah dans ce blocage politique ?

Le Hezbollah dans cette configuration est le véritable arbitre. Son comportement étonne actuellement les observateurs. En effet, son candidat est officiellement Aoun. Pourtant, malgré l’initiative de Geagea, il se retient d’envoyer ses députés au Parlement pour entériner l’élection de Aoun. La raison à cela est qu’en réalité, le premier choix du Hezbollah est Frangié. Mais accepter Frangié dans la configuration actuelle, c’est accepter également Hariri au poste de Premier ministre. C’est un double deal. Et le Hezbollah ne veut pas d’un retour du chef du Courant du Futur à la tête du gouvernement.

Dans quelle mesure les relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran ont-elles une incidence sur l’élection présidentielle libanaise ?

Elles n’ont pas une incidence aussi bloquante qu’on le soutient parfois. Certes, l’Iran comme l’Arabie devront donner leur bénédiction à l’élection du candidat qui réussira à être retenu. Mais l’Iran tout d’abord laisse les mains libres au Hezbollah en la matière, Téhéran fait totalement confiance à son protégé. Quant à l’Arabie, étant donné que Aoun comme Frangié sont soutenus par un groupe du 14 Mars, elle ne semble pas avoir non plus d’objection impossible à lever dans un cas comme dans l’autre. Quasiment tout est négociable à priori.

Comment analyser la décision saoudienne de mettre fin à son aide financière militaire ?

Il y a plusieurs raisons à cela. La principale relève de difficultés budgétaires du Royaume conjuguées à des soucis de succession ; le roi précédent s’était engagé à financer ce don à l’armée libanaise, mais ses successeurs ne veulent plus le payer. Ils attendent du roi actuel qu’il le fasse, ce qui ne semble pas être dans ses prévisions.

Comment le Liban gère-t-il la situation des réfugiés syriens ?

Difficilement. Il y a aujourd’hui plus d’un million et demi de réfugiés syriens, auxquels s’ajoutent près d’un demi million de réfugiés palestiniens. Soit un total de deux millions pour une population libanaise estimée à un peu plus de quatre millions. Un réfugié pour deux Libanais. Cela cause d’énormes soucis sur le plan du logement, de l’éducation, du travail, et dans une certaine mesure, à l’aune des progrès réalisés par l’Etat islamique et Jabhat al-Nusra, sur le plan sécuritaire.

Qu’en est-il de la menace islamiste (Etat islamique et autres groupes) au Liban ?

Elle est double. L’Etat islamique menace le territoire libanais depuis la Syrie, les frontières étant tenues tant bien que mal par l’armée, et dans une certaine mesure par le Hezbollah. Mais c’est aussi une menace interne, déjà installée au Liban, à travers les poches de non-droit qui parsèment les régions sunnites, notamment dans le nord. Dans ces zones sous autorité étatique faible, l’Etat islamique comme Jabhat al-Nusra ont leurs sympathisants voire des militants disposés à leur servir de relais en territoire libanais.

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Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


Aurélie Daher est titulaire d’une thèse en science politique de Sciences Po Paris. Elle a été chercheur à l’Université d’Oxford et a enseigné à l’Université de Princeton. Elle travaille essentiellement sur la politique libanaise, l’alliance syro-iranienne et le chiisme politique.
En 2014, elle a publié Le Hezbollah, Mobilisation et Pouvoir aux éditions PUF, Paris.


 


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