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Entretien avec Claude Giorno - La situation socio-économique d’Israël

Par Claude Giorno, Ines Zebdi
Publié le 22/10/2014 • modifié le 02/03/2018 • Durée de lecture : 14 minutes

Claude Giorno

Il revient pour Les clés du Moyen-Orient sur la question de la pauvreté, sur le marché du travail, sur la question énergétique et sur l’impact du dernier conflit de l’été 2014 sur l’économie d’Israël.

Quel est le niveau de la pauvreté dans la population, et comment s’analyse-t-il ?

La question de la pauvreté est une question très importante dans le cas d’Israël. Le taux de pauvreté de ce pays est en effet l’un des plus élevés de l’OCDE. Par taux de pauvreté, on entend ici taux de pauvreté relative, qui définit comme pauvres ceux dont les revenus sont inférieurs à 50% du revenu médian de la population. Ceci s’oppose à la notion de pauvreté absolue, moins fréquemment utilisée, qui définit comme pauvres les personnes qui n’ont pas les revenus suffisants pour satisfaire des besoins minimums, qui sont calculés à partir d’un panier de consommation.

L’analyse de la pauvreté relative en Israël révèle différentes réalités liées à la diversité de la société. Il y a en effet dans ce pays plusieurs communautés, que l’on peut schématiquement décomposer en trois grands groupes : les Arabes israéliens, les Juifs ultra-orthodoxes (ou « Haredim » qui signifie « Craignant-Dieu »), et le reste de la population (dite « mainstream »). Il y a en Israël 20 % d’Arabes israéliens et près de 10 % de Haredim. Il se trouve que la pauvreté est fortement concentrée parmi ces deux groupes, comme le montre le graphique ci-dessous, essentiellement pour deux raisons principales qui jouent de façon un peu différente dans les deux cas : le taux d’emploi, et le niveau d’éducation.

Source : Bank of Israel (2013), Annual Report 2012 ; OCDE, base de données de l’OCDE sur le marché du travail, OCDE (2010) et Études économiques de l’OCDE – Israël 2013.

Parmi les Arabes israéliens, il y a un problème de taux d’emploi chez les femmes, qui travaillent très peu. Les hommes travaillent davantage, comme le montre leur taux d’activité et d’emploi élevé, mais leurs revenus sont faibles, ce qui tient partiellement à leur niveau d’éducation, mais également à la discrimination dont ils font l’objet. Le taux de pauvreté des Juifs ultra-orthodoxes est similaire à celui des Arabes israéliens. Chez les Haredim en revanche, la difficulté est principalement concentrée chez les hommes, pour des raisons culturelles. On le voit dans leur participation au marché du travail, qui est très faible. Cette situation est liée à l’éducation, non seulement parce qu’ils préfèrent continuer leurs études religieuses que d’entrer sur le marché du travail, mais également parce que dans leur cursus éducatif, on ne leur enseigne pas ce qui peut être utile sur le marché du travail, comme les mathématiques ou les langues étrangères. Les femmes travaillent davantage, mais le nombre d’enfants par femme étant élevé (autour de six ou sept actuellement), cela engendre une participation discontinue et irrégulière au marché du travail.

Dans les pays de l’OCDE, le taux de pauvreté moyen est légèrement supérieur à 10 %, or, en Israël, il est de 20 %, l’un des taux les plus élevés parmi les pays de l’Organisation. La situation s’est détériorée entre 2007 et 2011 notamment. Si l’on examine comment s’analysent les taux de pauvreté, on voit que les Juifs orthodoxes et les Arabes connaissent des taux de pauvreté en hausse depuis la fin des années 1990. Plus d’une personne sur deux appartenant à ces populations est en situation de pauvreté relative. Pour le reste de la population, le taux de pauvreté est similaire à la moyenne des autres pays de l’OCDE. On explique pour une large part ce fort taux de pauvreté global par le taux de pauvreté des deux populations citées.

Les deux graphiques suivants illustrent le taux d’emploi par groupe de population, pour les hommes (B) et pour les femmes ©.

Source : Bank of Israel (2013), Annual Report 2012 ; OCDE, base de données de l’OCDE sur le marché du travail, OCDE (2010) et Études économiques de l’OCDE – Israël 2013.

Source : Bank of Israel (2013), Annual Report 2012 ; OCDE, base de données de l’OCDE sur le marché du travail, OCDE (2010) et Études économiques de l’OCDE – Israël 2013.

Cette situation sociale et ces difficultés liées à la pauvreté posent des problèmes non négligeables si on se projette dans quelques décennies. Du point de vue démographique, les ultra-orthodoxes ont un taux de fécondité très élevé et celui des Arabes est également fort. Le taux de fécondité du groupe « mainstream » est en revanche similaire à ce que l’on observe dans le reste des pays de l’OCDE. Si on se projette en 2060, on arrive à une situation où les communautés Haredim et Arabes représenteront environ 50% de la population totale (un peu moins de 30% pour les Haredim et un peu plus de 20 % pour les Arabes). Si les comportements de ces communautés restent les mêmes en termes de participation au marché du travail et d’éducation, cela risque de générer de sérieux problèmes sur le plan de la croissance, du niveau de vie, de la capacité du pays à avancer.

La problématique posée, dont ont conscience les autorités, est importante et difficile à résoudre. Elle est d’ailleurs peut-être presque plus difficile à résoudre dans le cas des Haredim que dans le cas des populations arabes. En effet, le problème pour les populations arabes est un problème social, d’éducation, et un problème d’intégration culturelle des femmes au marché du travail. Dans le cas des Haredim, la difficulté est que cette communauté privilégie des valeurs spirituelles aux conditions matérielles de vie, et que dans une certaine mesure ils se satisfont de la situation souvent précaire de leurs conditions de vie. Dans les enquêtes sur le bien-être menées par l’OCDE en Israël, les populations arabes et « mainstream » accordent de façon similaire une importance élevée au travail et au niveau des revenus comme déterminant de leur « bien-être ». En revanche, les revenus et le travail ne semblent pas une priorité pour la population Haredim. Ceci soulève une question difficile pour les économistes, car leur tâche n’est pas d’imposer une norme ou de modifier les valeurs ou les objectifs des groupes sociaux qu’ils analysent, mais d’identifier les meilleurs moyens et de lever les obstacles existant pour que ces groupes atteignent leurs objectifs en termes de bien-être.

Quelle est la place des femmes sur le marché du travail, et y a-t-il de fortes disparités de situation entre les différentes communautés ?

Il y a une différenciation assez importante entre les communautés, comme nous l’avons vu précédemment. Les femmes appartenant à la catégorie de population « mainstream » ont un taux d’activité supérieur à celui des hommes dans la tranche des 20-24 ans, ce qui reflète en partie l’incidence du service militaire. Il existe des disparités de salaires entre hommes et femmes dans le cas d’Israël de façon générale. Cette différence est globalement plus marquée que dans les autres pays, toutes communautés confondues.

Quelle place occupent les ultra-orthodoxes sur le marché du travail ?

Il y a deux types d’obstacles à l’intégration des ultra-orthodoxes sur le marché du travail, que les autorités visent à promouvoir. Il y a d’une part une résistance de la part des Haredim à participer au marché du travail, parce qu’ils considèrent que c’est moins important que l’étude de la religion. Mais il faut aussi se placer du point de vue des entreprises, dans l’optique de la formation de ces personnes. En effet, les Haredim manquent souvent des compétences requises pour intégrer le monde du travail, car ils n’ont pas reçu dans leur éducation des cours de mathématiques ou de langues étrangères par exemple. Par ailleurs, il faut également envisager certains aspects pratiques : il est parfois difficile pour les entreprises de respecter par exemple une stricte séparation entre les hommes les femmes, ou bien d’observer toutes les restrictions alimentaires religieuses. Tout cela génère donc une double résistance, de la part des employés et de la part des employeurs. Dans les faits, on observe que nombre de femmes ultra-orthodoxes qui travaillent le font souvent dans le secteur des aides à la personne. D’un autre côté, le secteur de la haute technologie est très développé en Israël et essaye d’attirer une partie de la population des Juifs ultra-orthodoxes. De par leur éducation, les Haredim sont formés à échanger et à travailler en groupe, ce qui représente un grand atout pour travailler dans ce secteur, une fois qu’ils ont acquis les compétences de base nécessaires.

Y a-t-il des programmes spécifiques d’insertion des jeunes sur le marché du travail, et si oui, est-ce qu’ils sont ciblés sur les différentes communautés ?

Lorsque l’on étudie les résultats des études PISA de l’OCDE du point de vue de la qualité de connaissance des élèves de 15 ans, on relève des écarts considérables entre les résultats des Arabes et ceux du reste de la population (les Juifs ultra-orthodoxes ne sont pas pris en compte dans ces analyses). Les disparités socio-économiques, dont l’impact sur l’éducation est visible entre ces deux communautés, sont parmi les plus fortes des pays de l’OCDE, et des efforts importants sont nécessaires pour combler ce fossé. Des efforts en termes d’éducation sont actuellement faits en Israël pour améliorer les infrastructures destinées aux Arabes israéliens, car ce sont les moyens qui manquent très souvent pour cette communauté, avec un problème de nombre d’enfants par classe trop élevé, ou un nombre trop faible de professeurs. Un effort est donc fait pour compenser l’écart qui peut exister entre les moyens alloués aux écoles arabes israéliennes et les autres écoles, mais malgré tout, cet écart persiste encore.

En ce qui concerne les ultra-orthodoxes, il y a une résistance forte de la part de cette communauté à modifier le cursus de ses programmes pour y intégrer davantage de matières non religieuses. L’OCDE propose que l’État arrête de subventionner les écoles religieuses, à moins qu’elles intègrent dans leurs programmes des matières qui correspondent à ce dont des jeunes diplômés ont besoin pour entrer sur le marché du travail. Les juifs orthodoxes seront également obligés de participer au service militaire d’ici 2016, de façon progressive, suite au vote d’une nouvelle loi, ce qui devrait d’une certaine manière favoriser leur insertion.

Le taux de chômage des jeunes, qui s’élève à 12 %, est plus élevé que pour le reste de la population, pour laquelle il est d’environ 6 %. Le taux de chômage des jeunes est toutefois inférieur à son niveau dans la moyenne des pays de l’OCDE qui est de l’ordre de 16 %. Si l’on regarde plus précisément les taux de chômage des jeunes en Israël par communauté, il est probablement plus élevé pour les Arabes israéliens et pour les Juifs orthodoxes, dans le cas où ils se présentent sur le marché du travail. Le problème du chômage des jeunes n’est toutefois pas aussi aigu qu’en France, et ce n’est pas un thème que l’on retrouve couramment dans les médias ou dans les discussions publiques. Cependant, il existe malgré tout des difficultés qui sont liées à la sécurité de l’emploi et au niveau de revenu. S’il n’y a pas de problème de chômage, les revenus n’ont pas augmenté, et si un jeune va trouver facilement du travail, il ne sera pas forcément bien rémunéré. Le marché du travail israélien est assez flexible, avec peu de charges sociales, et de taxes.

Quel est l’impact du service militaire obligatoire sur l’économie ?

Le service militaire est obligatoire en Israël, compte tenu de la situation géopolitique du pays. Il est d’une durée de trois ans pour les hommes, et de deux ans pour les femmes. Pour les juifs ultra-orthodoxes, ce sera inférieur, environ 17 mois pour ceux qui seront visés par le service après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. La plupart des Arabes israéliens ne font pas non plus leur service militaire, mais ils peuvent effectuer un service civil. Le fait que les Arabes ne participent pas au service militaire fait qu’ils ont un taux de participation au marché du travail un peu plus élevé que les autres dans la tranche des 20-24 ans. Globalement, le service militaire retarde l’entrée dans la vie active des hommes surtout, mais aussi des femmes. Toutefois, il n’a pas qu’un aspect négatif du point de vue professionnel. Le service militaire est en effet un moyen d’établir des relations et d’acquérir des compétences utiles dans la vie civile. De nombreuses entreprises « high-tech » sont par exemple créées par des jeunes après leur service militaire. Le service militaire permet aussi de créer un réseau de contacts qui est souvent utile par la suite dans la vie professionnelle.

Un autre aspect lié au service militaire et à la situation géopolitique d’Israël est le coût des dépenses militaires, qui a un impact important sur le budget. En conséquence, cela impose au gouvernement des choix budgétaires : les dépenses civiles sont peu élevées, elles sont même parmi les plus faibles des pays de l’OCDE du fait de la politique d’orthodoxie dans la gestion des finances publiques menée par les autorités pour éviter des déficits publics et des taux d’imposition trop élevés. Mais en contrepartie, le système social est assez peu généreux, ce qui explique en partie les difficultés liées au problème de pauvreté.

D’un autre côté, le service militaire est aussi par certains aspects une source d’exclusion. Le service militaire est une institution importante pour un pays en guerre et beaucoup de droits, y compris sociaux, sont liés de façon implicite ou explicite à l’accomplissement du service militaire. Par exemple, dans le secteur du logement, une loi actuellement en discussion prévoit d’abaisser à zéro la TVA pour les primo-accédants, notamment les jeunes, avec des conditions d’éligibilité plus favorables pour ceux qui ont fait leur service militaire, ce qui est un moyen de pression pour que toutes les communautés le fassent. Le service militaire peut donc apparaître comme un moyen de ségrégation et de renforcement du clivage de la société.

Quel est l’impact sur l’économie de la mise en exploitation des nouveaux gisements de gaz (emploi, dépendance par rapport aux importations, recettes fiscales, environnement…) ?

La mise en exploitation de ces nouveaux gisements de gaz a eu un effet clairement positif sur l’activité. En 2013, l’impact positif sur la croissance était de l’ordre de ¾ de point de pourcentage. La croissance en 2013 était de l’ordre 3,3 % et sans l’effet de la mise en place du gisement de Tamar, elle se serait établie à 2,5%. Pour le début de 2014, l’impact positif est d’environ ¼ de point. Après 2015, on estime qu’il n’y aura quasiment plus d’effet positif sur la croissance lié à l’exploitation du gisement de Tamar. Toutefois, le gisement Léviathan, qui sera exploité sans doute à partir de 2018, devrait à nouveau produire un effet positif sur la croissance. Une des raisons du surplus de croissance tient à l’effet de substitution des importations de pétrole par la production nationale, qui a de facto des effets bénéfiques sur l’activité et les recettes fiscales. La découverte de ces gisements a d’ailleurs mené les autorités à modifier la réglementation concernant l’exploitation des ressources. Leur taux d’imposition, qui était comme le reste des activités de l’ordre de 30 %, a été porté aux alentours de 50 %, dans la mesure où ces gisements constituent une rente naturelle que possède le pays, qui n’est exploitable qu’une fois. Un autre intérêt de l’exploitation de ces gisements est de remplacer du fioul importé, plus polluant que le gaz, notamment pour produire de l’électricité. Sur le plan environnemental, cela est donc également bénéfique en termes de réduction des émissions de CO2. Enfin, Israël sécurise mieux son approvisionnement en énergie grâce à ces gisements. Le pays avait un accord avec l’Égypte qui possédait des réserves de gaz, mais suite aux difficultés rencontrées par l’Égypte ces dernières années, les approvisionnements ont beaucoup diminué.

Outre les effets sur la croissance et les recettes fiscales, l’exploitation des nouveaux gisements a également favorisé une appréciation du taux de change. Celle-ci est en partie liée aux effets positifs sur la balance extérieure, mais également aux opérations qui ont eu lieu avant les mises en exploitation, les gisements de Tamar et Léviathan nécessitant des entrées de capitaux étrangers. Les autorités ont donc décidé d’intervenir régulièrement sur le marché des changes pour limiter les pressions à la hausse sur le shekel. On observe tout de même depuis 2013 une forte appréciation du taux de change qui est peut-être en partie liée à ce facteur, même si cette appréciation s’est inversée depuis début août 2014.

L’appréciation du taux de change lié au développement de ressources naturelles, comme les gisements de gaz en Israël peut mettre en difficulté les autres industries, car elle réduit la compétitivité-prix. C’est ce qu’on appelle la « Dutch disease », un phénomène qui tire son nom de l’expérience des Pays-Bas dans les années 80, qui, suite à la découverte et l’exploitation de gisements de gaz, a vu son industrie manufacturière décliner à cause de l’appréciation de sa monnaie. Comme les réserves de gaz des Pays-Bas étaient limitées, une fois qu’elles ont été épuisées, le pays a été confronté à des difficultés économiques, car son industrie manufacturière avait été affaiblie et des entreprises de ce secteur avaient disparu à cause de leur manque de compétitivité. Pour éviter ce problème, la Norvège par exemple a pour politique de transformer ses richesses pétrolières, qui sont limitées, en ressources financières. Celles-ci sont placées dans un fonds souverain, lequel investit en monnaies étrangères, si bien que l’afflux de devises induit par les surplus pétroliers de la balance extérieure est neutralisé, ce qui limite l’impact sur le taux de change. Israël a également créé un fond souverain pour imiter le modèle suivi par la Norvège.

Quel est l’impact économique du conflit récent sur Israël ?

Il est difficile d’évaluer l’impact économique du conflit, mais si l’on se réfère à l’analyse des précédents épisodes de ce type, l’on peut s’attendre à un affaiblissement temporaire de l’activité en Israël. Le caractère temporaire des conséquences sur l’activité est lié par exemple au fait que des personnes ne vont pas travailler parce qu’elles sont appelées en tant que réservistes, ou bien la productivité chute du fait du conflit, à cause de problèmes d’acheminements des produits. La consommation privée et le tourisme, qui sont importants pendant la période estivale, ont été aussi perturbés et affaiblis. Toutefois, ces difficultés sont généralement rapidement résolues une fois le conflit terminé. Que ce soit pendant les conflits avec le Liban en 2006 ou avec la bande de Gaza en 2009 et 2012, on a observé un ralentissement, voire une baisse de la croissance pendant la durée du conflit, mais un rebond a été observé à chaque fois lors du trimestre qui a suivi. Toutefois ces précédents conflits sont intervenus à des périodes où l’économie internationale était plus dynamique qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Le rebond qu’on peut attendre après la fin du conflit ne sera donc peut-être pas aussi fort que lors des épisodes précédents, car la reprise dans le domaine du tourisme pourrait être réduite. Les informations venues d’Israël indiquent que l’impact de ce conflit sur la croissance pourrait être de l’ordre d’un demi-point de pourcentage. Ce choc négatif est en outre intervenu à un moment où l’économie israélienne s’était un peu affaiblie. La croissance potentielle de l’économie se situe en effet entre 3 et 3,5 % et les rythmes de croissance aux premier et deuxième trimestres étaient de 2,8 % et 1,5 % respectivement. Au troisième trimestre, on observera certainement un affaiblissement supplémentaire à cause au conflit. Au total la croissance de 2014 ne dépassera sans doute pas 2½ % après 3¼ % en 2013.

Un autre aspect économique induit par le conflit concerne ses conséquences budgétaires. Un débat a eu lieu pour savoir quelles étaient les sommes que le pays avait besoin de mobiliser pour faire face à une nouvelle situation de ce type (« Dôme de fer » par exemple, armements, salaires des réservistes, correction des failles relevées pendant le conflit…). Par ailleurs, la croissance étant plus faible, et les recettes fiscales plus basses, la question de savoir s’il fallait laisser s’accroître le déficit public pour éviter d’affaiblir davantage l’économie par des restrictions budgétaires s’est également posée. Dans le cas contraire, les hausses de dépenses militaires devraient-elles être compensées par des baisses de dépenses civiles ou bien être financées par des hausses d’impôts ? Le projet de budget 2015 qui va être finalement présenté par le gouvernement au Parlement prévoit une légère augmentation du déficit par rapport à 2014, de moins de ½ point de PIB à 3.4% du PIB au lieu de la baisse de ½ point de PIB qui était envisagée auparavant (à 2.5% du PIB). Les autorités ont donc opté pour une hausse relativement modérée des dépenses de défense qui ne sont compensées ni par des baisses de dépenses civiles, ni par des hausses d’impôt.

Au total, ces développements montrent malgré tout que l’économie israélienne repose sur des bases relativement saines. Le chômage est modéré, l’inflation très faible également, même s’il faut veiller à ce qu’elle ne tire pas vers la déflation, et la balance courante est excédentaire. La croissance économique s’est affaiblie mais elle est restée relativement solide comparée à celle de la plupart des pays européens, et les entrées de capitaux étrangers se sont poursuivies pendant le conflit, ce qui témoigne de la confiance des marchés dans l’économie israélienne. Le pays est toutefois confronté à un problème structurel de répartition des ressources et des richesses, qui tient à la dichotomie et aux disparités entre les différentes communautés. Le problème du niveau élevé de la pauvreté, y compris celle liée à l’existence de travailleurs pauvres, reste un enjeu important, mais difficile à résoudre, pour la politique économique.

Publié le 22/10/2014


Ines Zebdi est étudiante à Sciences Po Paris. Ayant la double nationalité franco-marocaine, elle a fait de nombreux voyages au Maroc.


Claude Giorno est de nationalité française. Il est senior économiste à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), où il travaille depuis 1986 dans le département des affaires économiques. Il a occupé différents fonctions dans ce département, avant de prendre la responsabilité de chef du bureau Israël depuis la fin 2013. Il a notamment été chef du bureau Australie/Grèce entre 2007 et 2013 et chef du bureau Espagne Suisse entre 2001 et 2006.
Claude Giorno est diplômé de l’École Nationale de la Statistique et de l’Administration Économique (ENSAE) en 1982.


 


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