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« Furûsiyya : l’art de la chevalerie entre Orient et Occident », est le thème de l’exposition actuellement présentée au Louvre Abu Dhabi, organisée par le Louvre Abu Dhabi et le musée de Cluny - musée national du Moyen Age de Paris. Le Louvre Abu Dhabi a rouvert ses portes le 1er juillet, à la suite des mesures sanitaires prises contre le COVID-19, et l’exposition peut donc être visitée par le public.
Lorsque les musées participant au projet du Louvre Abu Dhabi ont été sollicités pour proposer des sujets d’expositions, j’ai tout de suite pensé que le musée de Cluny devait suggérer des thèmes mettant en parallèle l’Orient et l’Occident, à l’époque médiévale bien sûr. Les expressions de Furûsiyya, et Art de la chevalerie ne recouvrent pas exactement les mêmes réalités mais comportent cependant de nombreux points communs. Ce croisement entre les cultures, curieusement, n’avait jamais été abordé, alors que les études sur le thème dans chacun des espaces géographiques sont légions. L’accueil a été très positif de la part des interlocuteurs émiriens, ce qui a encouragé l’Agence France-Muséums à inscrire le projet dans la programmation des premières années du Louvre Abu Dhabi.
Tout au long de la préparation, le contenu a été nourri des échanges au sein du commissariat : j’ai eu la grande chance de travailler avec deux excellents spécialistes, Carine Juvin pour l’Orient et Michel Huynh pour l’Occident. Et nous avons enrichi et vérifié notre vision grâce au conseil scientifique dont plusieurs membres ont d’ailleurs participé au catalogue.
L’exposition prend place dans l’axe « Art et société » qui forme le cadre de la programmation de l’année. Il s’agit donc de donner à voir les représentations d’un groupe social, celui des cavaliers/chevaliers, et les œuvres d’art créées à destination de ses membres ou les représentants, dans l’exercice du combat mais aussi dans ses substituts et dans leurs autres occupations significatives.
Le parcours comprend ainsi trois parties, après une introduction qui évoque les racines communes :
– la constitution de ce groupe social de cavaliers d’élite qui apparaît dans chacune des aires géographiques vers les VIIIe/IXe siècles, et les valeurs développées en son sein, sous le titre Chevaucher,
– son fonctionnement par l’éducation, les modalités et les instruments du combat, défensifs et offensifs, sous le titre Combattre,
– enfin le développement d’une culture chevaleresque incluant des substituts au combat guerrier (chasse, polo, jeu d’échecs ….), une littérature, des représentations … qui promeuvent des idéaux et des images ainsi largement diffusés au-delà du groupe social qui les a vus naître.
Toute exposition repose sur la présentation d’œuvres, et nous avons tenu à ce que celles-ci soient de la plus haute qualité, respectant la double désignation « art et culture ». Si l’ensemble de la période médiévale est évoqué, la plupart des objets datent des XIIIe-XVe siècles. De même, leur origine géographique se situe surtout, pour le monde islamique, dans les régions du Proche-Orient et en Europe, dans les pays Occidentaux, notamment la France.
Ces liens, ces rencontres, sont en effet fascinants et je dois dire que plus nous progressions dans le travail de préparation plus nous avons été convaincus de la réalité et de la profondeur de cette « culture en partage », pour reprendre la belle expression d’Abbès Zouache.
Des sources communes, antiques mais aussi dans les steppes de l’Asie centrale, à la mise en avant de valeurs telles que le courage, la loyauté, le respect du chef, le service de Dieu … au développement de cette culture partagée à laquelle je faisais allusion – que l’on pense à la chasse à l’oiseau, au jeu d’échecs, à certaines formes littéraires – les rencontres sont frappantes.
Mais nous nous sommes gardés de donner une vision angélique ou réductrice : il s’agit aussi de violence et de mort, ou de gommer les différences : celles-ci sont aussi soulignées, par exemple dans la place prépondérante donnée à certaines armes, telles que l’archerie en Orient.
Il me paraît préférable de parler de rencontres, croisements, partages… car des influences, dans un sens comme dans l’autre ont certainement existé mais le faisceau est complexe. Pensons par exemple à la chasse à l’oiseau, où l’on aurait tendance à voir un emprunt de l’Occident à l’Orient, alors qu’il semble s’agir plutôt de développements parallèles, ceci sans nier la fascination exercée par la culture de l’Orient islamique sur un prince occidental tel que Frédéric II de Hohenstaufen. Le jeu d’échecs, apporté d’Inde au Proche-Orient puis accueilli en Occident, est un autre exemple d’occupation devenue typique de la culture chevaleresque dont le cheminement et les évolutions sont passionnants à suivre.
Il faudrait en citer tant ! Disons tout d’abord que, aux côtés du musée de Cluny, organisateur, de nombreux prêteurs se sont montrés d’une exceptionnelle générosité : le département des arts de l’Islam et deux autres départements du Louvre, la Bibliothèque nationale de France, le musées de l’Armée, et aussi ceux de Lyon et du Mans ; démarche encore inédite pour les expositions du LAD, des musées étrangers et des collections particulières, sollicités, ont répondu avec enthousiasme, notamment le Metropolitan Museum de New York et la Furusiyya Art Foundation. Ces prêts « donnent à voir », comme je le disais, la richesse et la diversité du thème. L’on peut, naturellement, relever la présence de quelques grands chefs d’œuvre rarement prêtés par les collections auxquels ils appartiennent, tels que le camée de la Bibliothèque nationale montrant la rencontre des empereurs Valérien et Shapur, l’Effigie funéraire de Geoffroy Plantagenêt conservée au musée du Mans, l’épée d’un duc de Milan appartenant au musée de Cluny, le casque au nom de Bajazet II du musée de l’Armée, les manuscrits persans de la bibliothèque nationale qui montrent les jeux de polo ou des échecs, la précieuse pièce occidental de ce jeu prêtée par le Metropolitan Museum, la plaque d’ivoire aux chasseurs du département des Arts de l’Islam du Louvre ou les deux grandes tapisseries à scènes de chasse à l’oiseau du musée de Cluny, le collier de l’ordre de la Toison d’or acquis par le Louvre Abu Dhabi en 2010 …
Le souvenir d’un travail passionnant et extrêmement enrichissant, la stimulation intellectuelle et l’ambiance amicale des réunions du commissariat et du conseil scientifique comme de celles avec l’équipe de l’architecte, Vincen Cornu, la générosité des prêteurs, le professionnalisme et la bienveillance des équipes françaises et émiriennes lors de l’installation : conservateurs, restaurateurs, responsables administratifs, logistiques ou de la sécurité. Je voudrais aussi mentionner le sérieux et l’enthousiasme des médiatrices du Louvre Abu Dhabi.
« Furûsiyya : l’art de la chevalerie entre Orient et Occident », musée du Louvre Abu Dhabi, Saadiyat Island, jusqu’au 18 octobre 2020.
Catalogue publié en français, anglais et arabe, Louvre Abu Dhabi/Art Book Magazine Editions.
Sylphide de Daranyi
Sylphide de Daranyi est chargée d’études documentaires, titulaire d’une maîtrise d’histoire effectuée sous l’égide du professeur Jean Tulard et d’un DEA en histoire de l’art à l’Université Paris IV-Sorbonne dirigé par le professeur Guillaume Schnapper et Monsieur Daniel Alcouffe, conservateur général chargé du département des Objets d’art du musée du Louvre. Elle a travaillé cinq ans au département des Objets d’art où elle a effectué de nombreuses recherches sur l’histoire du mobilier français, l’histoire du goût et du décor à l’époque moderne, les collections du département et ont contribué aux catalogues d’expositions telles que "Les Gemmes de la Couronne" (Louvre, 2001), "Madame de Pompadour et les arts" (Versailles, 2002) et "Les Arts décoratifs au temps de Louis XIII" (Grand Palais, 2002) dont elle a rédigé le Petit Journal. Ses recherches personnelles portent sur un ébéniste français du XVIIIe siècle, Jacques Philippe Carel. Elle a publié à son sujet dans "l’Estampille-L’Objet d’art" et le "Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art français". Elle a occupé ensuite, durant cinq années, un poste de chargée de communication pour les expositions temporaires au musée du Louvre.
Sylphide de Daranyi a rejoint dès 2007 l’Agence France-Muséums, comme documentaliste pour les arts décoratifs de la Renaissance au XXe siècle, où elle a également contribué à la réflexion sur le futur centre de documentation du Louvre Abu Dhabi. Elle a ensuite occupé le poste de responsable de la documentation, de la bibliothèque et des archives au musée de l’Orangerie de 2014 à 2018. Elle a suivi les prêts d’oeuvres du musée et collaboré à plusieurs de ses expositions dont "Apollinaire l’oeil du poète" et "La Peinture américaine des années 30" en 2016, "Dada Africa, sources et influences extra-occidentales" en 2017 et "Nymphéas, l’abstraction américaine" en 2018. Elle a été commissaire de l’exposition-dossier "Clemenceau et Monet" en novembre 2018, en écho au Centenaire de l’armistice.
Elisabeth Taburet-Delahaye
Elisabeth Taburet-Delahaye est Conservateur général du Patrimoine honoraire.
Elle est Docteur en Lettres de l’Université de Paris X Nanterre.
Elle a été Conservateur du Patrimoine, affectée au musée de Cluny (1978-1987) puis au département des Objets d’art du Louvre (1988-2005), et Directrice du musée de Cluny de novembre 2005 à septembre 2019.
En tant que directrice du musée de Cluny, elle a conçu et mis en œuvre un projet de rénovation ayant pour objectif principal l’accessibilité pour tous. Celui-ci a inclus la restauration des thermes antiques et de la chapelle médiévale, la construction d’un bâtiment d’accueil, la refonte des parcours de visite et la rénovation du jardin des abbés.
Ses recherches et publications
Principalement :
– orfèvrerie et l’émaillerie du Moyen Age
– tapisserie du XVe siècle (tenture de La Dame à la licorne)
Ouvrages :
– L’orfèvrerie gothique au musée de Cluny (XIIIe – début XVe siècle. Catalogue, Paris, éditions RMN, 1989.
– « I Gioielli della Pala d’Oro » dans La Pala d’Oro. Il Tesoro di San Marco, a cura di H.R. Hahnloser e R. Polacco, Venezia, Canal e Stamperia Editrice, 1994.
– « L’orfèvrerie » dans Art et société en France au XVe siècle, dir. Chr. Prigent, Paris, éditions Maisonneuve et Larose, 1999.
– La Dame à la licorne, Paris, éditions RMN, 2007, 3e éd. 2012.
– « L’art de l’émail en Occident depuis l’origine jusqu’au XVe siècle » dans Isabelle Biron dir. Emaux sur métal du IXe au XIXe siècle. Histoire, techniques et matériaux, Dijon, éditions Faton, 2015.
– « Les princes Valois au temps de Charles V » dans Apocalypse. La tenture de Louis d’Anjou, Jacques Cailleteau et Francis Muel dir. Paris, éditions du Patrimoine, 2015.
– Les secrets de la licorne en collaboration avec Michel Pastoureau, Paris, éditions RMN, 2013 et 2018.
– La Dame à la licorne en collaboration avec Béatrice de Chancel-Bardelot, Paris, éditions RMN, 2018.
Expositions : commissariat et coordination du catalogue
– L’Œuvre de Limoges, en collaboration avec Barbara D. Boehm, Paris, Musée du Louvre et New York, Metropolitan Museum of Art, 1995-1996.
– Le Trésor de Conques, en collaboration avec Danielle Gaborit-Chopin, Paris, Musée du Louvre, 2001.
– Paris 1400, Paris, Musée du Louvre, 2004.
– 1500. L’art en France entre Moyen Age et Renaissance : Paris, Grand-Palais et Chicago, Art Institute, 2010-2011.
– La Dame à la licorne, Tokyo, National Art Center et Osaka, Museum of Art, 2013.
– La Dame à la licorne, Sydney, Art Gallery of New South Wales, 2018.
– Furusiyya. L’art de la chevalerie Orient-Occident, Abu Dhabi, Louvre Abu Dhabi, 2020.
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