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Le chef politique du Hamas a été tué en plein Téhéran dans la nuit de mardi 30 à mercredi 31 juillet. Hamada Jaber, politiste et membre du Centre palestinien pour la politique et la recherche (PCPSR), centre de recherche indépendant basé à Ramallah, répond aux questions des Clés du Moyen-Orient.
Cela dépend de la manière dont l’Iran, mais aussi le Hezbollah dont le numéro deux Fouad Chokr a été tué par une frappe revendiquée par Israël mardi 30 juillet, vont répliquer. Mais d’ores et déjà, il est certain que l’assassinat de Haniyeh va avoir un impact négatif sur les négociations. Les familles des otages sont très inquiètes. Nous semblons plus loin que jamais d’un accord sur un cessez-le-feu à Gaza.
L’assassinat du chef politique du Hamas montre clairement que le gouvernement israélien, et particulièrement Benyamin Netanyahou, n’est pas intéressé par un accord de cessez-le-feu à Gaza. Le Premier ministre israélien utilise les négociations pour gagner du temps dans le but de rester au pouvoir. Il utilise aussi ces assassinats comme moyen de pression maximale pour obliger le Hamas à assouplir sa position. Mais par le passé, quand d’autres dirigeants du Hamas de cette importance ont été assassinés, on a observé au contraire un durcissement de la position du mouvement. Donc cette stratégie ne peut pas fonctionner. Durant la Seconde Intifada, Israël avait tué deux dirigeants du Hamas à deux mois d’intervalle, le fondateur du Hamas Ahmed Yassine puis Abdel Aziz al-Rantisi en 2004. Cela a rendu le mouvement plus résilient.
D’autre part, Ismaël Haniyeh est un leader politique, et selon le droit international, son assassinat peut être considéré comme un crime de guerre. D’autant plus qu’il a eu lieu dans un pays tiers, dont la souveraineté doit être respectée. Cela étant dit, il n’est pas le premier dirigeant du Hamas à être assassiné. Ismaël Haniyeh, comme l’ensemble des dirigeants du Hamas, s’attendait à tout moment à être tué par Israël depuis le 7 octobre.
Selon moi, cet assassinat ne va pas changer foncièrement la position du Hamas. C’est avant tout une opération qui sert à redorer l’image d’Israël.
Ismaël Haniyeh a eu un impact certain sur le mouvement. Il était partisan d’une ligne pragmatique, ouvert à un cessez-le-feu avec Israël et au rapprochement avec le Fatah.
Le Hamas doit organiser des élections en interne pour choisir un successeur. Mais avant cela, Ismaël Haniyeh devrait être remplacé temporairement. Le mouvement devrait réunir son bureau politique dans les jours à venir pour désigner son successeur temporaire en attendant les prochaines élections. La place vacante aurait pu être prise par Saleh al-Arouri, mais celui-ci a été tué dans une attaque attribuée à Israël à Beyrouth le 2 janvier. Ce sont donc les noms de Khaled Mechaal, prédécesseur d’Ismaïl Haniyeh, Moussa Abou Marzouk et Khalil Al-Hayya qui circulent pour la succession à la tête du bureau politique en attendant un scrutin interne. Khaled Mechaal en particulier jouit d’une expérience politique et diplomatique forte et il entretient de bonnes relations avec la Turquie et le Qatar, deux pays où le Hamas possède des bases.
L’assassinat de Haniyeh est un coup dur pour le Hamas, mais il faut néanmoins relativiser l’importance du chef politique, l’organisation est solide, ses décisions dépendent aussi des discussions du bureau politique. Le leadership est important, il annonce les grandes lignes politiques, mais il ne faut pas négliger les autres figures du Hamas.
Il était effectivement populaire auprès d’une large partie de la population palestinienne. Depuis 10 ans, dans les sondages successifs organisés par le PCPSR, il était capable de battre le président Mahmoud Abbas si un scrutin présidentiel avait été organisé.
Surnommé « Abu al-Abd », Ismail Haniyeh est né dans le camp de réfugiés al-Shati, dans la bande de Gaza. Il débute sa carrière politique en se rapprochant étroitement du fondateur du Hamas, Sheikh Ahmed Yassine, et rejoint le groupe paramilitaire du Hamas lors de la première Intifada (1987-1993). Il est emprisonné à plusieurs reprises pour avoir participé à ce soulèvement, comme d’autres leaders palestiniens, il a gagné en aura après plusieurs années passées dans les prisons israéliennes.
Il gagne en responsabilité après l’assassinat de Ahmed Yassine, en 2004, et il fait prendre un tournant au mouvement en l’intégrant à la vie politique palestinienne. Après les élections législatives de 2006 durant lesquelles le Hamas sort victorieux, il devient Premier ministre de l’Autorité palestinienne (AP). L’AP avait initié des réformes seulement en 2003, entraînant un changement de la position de Premier ministre. A l’époque, la communauté internationale a fait pression sur l’ancien président Yasser Arafat pour qu’il crée un poste de Premier ministre afin qu’il s’écarte du pouvoir, car la communauté internationale estimait qu’Arafat était un obstacle à la paix. Yasser Arafat avait alors subi des pressions pour nommer Mahmoud Abbas au poste de Premier ministre. Mais en 2006, Ismaël Haniyeh est le premier chef de gouvernement dont la légitimité était issue des urnes.
L’année suivante, en 2007, après la confrontation Fatah-Hamas, l’AP est chassée de Gaza, et la Cisjordanie (contrôlée par le Fatah) et la bande de Gaza (contrôlée par le Hamas) sont séparées. Depuis 2007, le Parlement ne siège plus, cependant, quelques commissions ont lieu et son administration fonctionne toujours. Dans la foulée, Haniyeh perd son poste de Premier ministre et en 2018, Mahmoud Abbas dissout le Parlement palestinien en toute illégalité (la dissolution du Parlement ne fait pas partie des prérogatives du président palestinien).
Finalement, Ismaël Haniyeh est élu à la tête du bureau politique en 2017, succédant à Khaled Mechaal. Il participe alors à la tentative de normalisation du Hamas à l’international pour le faire sortir de son isolement.
Avant de partir en exil en 2019, il vivait encore dans le camp de réfugié al-Shati, ce qui a renforcé sa popularité auprès de la population palestinienne.
Cela pourrait imposer la figure de Yahya Sinwar, qui serait toujours à Gaza et que les Israéliens souhaitent également tuer depuis le 7 octobre. Mais ces dynamiques dépendent aussi de la succession à Haniyeh et de l’issue de la guerre à Gaza.
Le Hamas et le Fatah ont signé un accord à la mi-juillet en Chine pour le contrôle conjoint de Gaza après la guerre, Haniyeh était présent. Mais l’accord ne semble pas significatif pour augurer d’un rapprochement réel, il montre avant tout les dissensions au sein du Fatah, car seuls trois émissaires du Fatah ont été envoyés en Chine, Mahmoud Abbas n’était pas présent. Il faut savoir que le président de l’Autorité palestinienne refuse tout rapprochement avec le Hamas.
Il faut rappeler qu’il y a un an, un accord similaire avait été signé en Egypte en juillet 2023, avec la présence d’Ismaël Haniyeh et de Mahmoud Abbas, mais aucun progrès n’avait été noté après cet accord. Le rapprochement dépend aussi des efforts réels du président Abbas et d’Israël, qui refusent un tel rapprochement.
Le Hamas va selon moi néanmoins continuer ses efforts pour la réconciliation avec le Fatah malgré la mort d’Ismaël Haniyeh car le mouvement cherche à entrer dans l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP).
Cela fonctionne pour le public israélien, qui souhaite des actions israéliennes fermes pour atteindre les leaders du Hamas jugés responsables du 7 octobre. Mais cela ne va fonctionner que sur le court terme. Sur le terrain à Gaza, cela n’aura qu’un faible impact. La population israélienne verra de nouveau que la guerre à Gaza est un échec pour l’armée israélienne, qui n’est pas parvenue à atteindre ses objectifs d’éradication du Hamas en près de 10 mois de guerre.
Ines Gil
Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban).
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.
Hamada Jaber
Hamada Jaber est politiste et membre du Centre palestinien pour la politique et la recherche (PCPSR), centre de recherche indépendant basé à Ramallah.
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