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Entretien avec Stéphane Malsagne pour introduire la question contemporaine au programme de l’agrégation et du Capès d’histoire 2017 : « Le Moyen-Orient de 1876 à 1980 »

Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Stéphane Malsagne
Publié le 06/06/2016 • modifié le 11/07/2016 • Durée de lecture : 13 minutes

Source : T. Josseran, F. Louis, F. Pichon, Géopolitique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, Paris, PUF, 2012.

Pouvez vous revenir sur les empires/pays qui composent cet espace ?

L’expression Moyen-Orient n’existe pas encore en 1876. Elle est inventée pour la première fois en 1902 sous la plume de l’amiral américain et stratège Alfred Mahan dans un texte sur le Golfe persique donné à la National Review de Londres pour évoquer un espace situé entre un Proche-Orient (Near East) et un Extrême-Orient (Far East) et s’étendant de manière mal définie entre les Indes et le Proche-Orient (Suez). L’expression est reprise en 1903 par Valentine Chirol, le chef du département de politique étrangère au journal le Times. Ce Moyen-Orient est alors conçu comme l’ensemble des territoires qui protègent l’Empire anglo-indien face aux menaces ottomanes, russes, françaises ou allemandes. Cette nouvelle expression procède d’une lente genèse qui a eu pour cadre l’aventure britannique dans le golfe Persique tout au long du XIX ème siècle. Depuis, cette expression a toujours été définie géographiquement de façon très fluctuante, mais le programme précise les contours géographiques de la question. Le jury considère que cet espace correspond aux États actuels suivants : Arabie saoudite, Bahreïn, Égypte, Émirats arabes unis, Irak, Iran, Israël, Jordanie, Koweït, Liban, Palestine, Qatar, Syrie, Sultanat d’Oman, Turquie et Yémen. La question n’inclut donc pas l’Afghanistan, l’Asie centrale, les Balkans, le Caucase et le Maghreb.

Au début de la période fixée par le programme, cet espace est structuré par deux Empires : l’Iran (appelé Perse jusqu’en 1935 dans les relations internationales) et l’Empire ottoman. En 1876, l’Empire ottoman possède encore de nombreux territoires européens et s’étend jusqu’en Afrique du nord (Tunisie, Egypte). La perte progressive de ses provinces chrétiennes à partir de 1878 (traité de Berlin), puis définitive lors des guerres balkaniques de 1912-1913 contribuera à un recentrage géographique sur les provinces arabes et musulmanes. Dans un premier temps, le programme invite donc à étudier plus particulièrement les provinces orientales, c’est-à-dire les provinces arabes de l’empire (Maghreb exclu) dont certaines se sont déjà largement émancipées à la fin du XIX ème siècle : un Mont-Liban autonome est mis en place dès 1861 (Mutasarrifiyya) et ce, jusqu’en 1915. L’Egypte quant à elle est occupée par les Britanniques dès 1882 et devient un protectorat en 1914, tandis que la Péninsule arabique échappe encore en partie au contrôle de l’Empire ottoman à la fin du XIX ème siècle. La défaite et la chute des Ottomans après la Première Guerre mondiale entraîne la naissance de la Turquie moderne (1923), ainsi que de nouvelles constructions étatiques mandataires dans l’Orient arabe confiées par la SDN à la France (avec des Républiques) et à la Grande Bretagne (avec des monarchies). Les logiques politiques fragiles sur lesquelles ont été fondés ces nouveaux Etats ont été à l’origine de conflits durables dans la région. En 1948, le mandat britannique en Palestine prend fin : l’État d’Israël est proclamé le 14 mai tandis que l’État arabe palestinien ne voit pas le jour.

En Perse, la situation est différente car le programme couvre deux administrations impériales chiites successives. Il s’agit dans un premier temps d’étudier les dernières années de l’Empire Qâjar (1794-1925), dynastie d’origine turkmène. Le coup d’Etat du cosaque Reza Khan en 1921 entraîne un changement dynastique en 1925 et l’avènement des Pahlavi. Reza Shah Pahlavi est déposé en 1941 par les Britanniques puis remplacé par son fils, Mohamed Reza Shah. La dynastie pahlavi s’effondre en février 1979 avec la révolution islamiste à Téhéran et la création de la République islamique d’Iran qui s’engage rapidement dans une guerre destructrice avec l’Irak de Saddam Hussein à partir de 1980.

Pouvez vous revenir sur les bornes chronologiques qui délimitent la période au programme ?

L’année 1876 a en réalité plusieurs significations au Moyen-Orient.
Elle marque avant tout la mise en place d’une Constitution dans l’Empire ottoman le 23 décembre, au début du règne d’Abdülhamid II, tout juste élevé à 34 ans au rang de sultan ottoman (fin août). A ce moment, l’empire voit son démantèlement s’accélérer, particulièrement dès la fin du XVIII ème siècle avec la perte de la Crimée (traité de Kutchuk-Kaïnardji en 1774), puis dans la première moitié du XIX ème siècle avec l’indépendance de la Grèce en 1830. Trois sultans ottomans se succèdent en 1876 : à la fin du mois de mai, un coup d’Etat oblige le sultan Abdul Aziz (1861-1876) à quitter le pouvoir. Ce dernier est remplacé par son neveu, Mourad V, dont le règne fut le plus court de l’histoire ottomane (fin mai 1876-fin août 1876). Victime d’une crise de folie, il est finalement remplacé par son frère, le sultan-calife Abdulhamid II (1876-1909). La Constitution ottomane de 1876 est en partie une réponse à une demande formulée plus tôt par un courant ottoman libéral et plus directement, par l’essor du mouvement des nationalités au sein de l’empire, mouvement exacerbé par un fort courant panslave soutenue par la Russie qui rêve de revanche après sa défaite lors de la guerre de Crimée, et qui souhaite s’ouvrir un accès aux détroits et aux mers chaudes. La Constitution ottomane est mise en place un an après une insurrection ethnique et nationaliste de paysans serbes en Bosnie en 1875. Celle-ci est alimentée par des volontés indépendantistes dans les provinces chrétiennes de l’empire. Cette Constitution correspond au point culminant d’un moment de réformes au sein de l’empire (Tanzimat) visant à stopper son déclin. Ce mouvement a commencé à la fin du XVIII ès (ordre nouveau de Selim III) pour se poursuivre au XIX ème : destruction des janissaires en 1826, rescrit de Gülhâne (1839), Hatt Himayun de 1856. La Constitution de 1876 établit un Parlement dont l’une des deux chambres est élue. Elle établit l’égalité des droits entre les membres des différentes communautés religieuses et nationales, mais le pouvoir demeure entre les mains du Sultan. Après les défaites militaires ottomanes consécutives à la guerre russo-turque de 1877, la constitution est toutefois rapidement suspendue dès 1878. La même année, le traité de Berlin avait contraint l’empire à reconnaître l’indépendance de la Roumanie, de la Serbie et du Monténégro, l’autonomie de la Bulgarie, tandis que la Bosnie-Herzégovine passe sous le contrôle de l’Autriche-Hongrie.

L’année 1876 est aussi celle où l’Empire ottoman connaît une crise financière majeure car il est déclaré officiellement en banqueroute (lors de la guerre de Crimée, l’Empire l’avait emporté sur la Russie au prix d’un lourd endettement), ce qui entraînera la mise en place en 1881 d’une Administration de la Dette ottomane qui place de fait les Ottomans sous la tutelle des intérêts économiques et financiers européens. En 1876, l’Etat égyptien qui s’est constitué comme Etat autonome et régulier au sein de l’Empire ottoman avec une armée puissante et une administration égyptianisée depuis le règne de Muhammed Ali (1805-1848) est lui aussi en situation de faillite déclarée. En 1876, c’est le khédive Ismaïl qui est au pouvoir et sous son règne (1863-1879), l’endettement de l’Egypte s’est considérablement aggravé, ce qui provoque la faillite de l’Etat en avril. La France et la Grande-Bretagne, principaux créanciers de l’Empire, imposent alors la formation d’une caisse de la Dette publique (mai 1876), puis, en novembre la présence au sein du gouvernement égyptien de deux contrôleurs aux Finances et aux Travaux Publics (régime du Double contrôle), très impopulaire. Cela va provoquer des protestations unanimes de l’ensemble des courants du mouvement national égyptien, ce qui accélérera la chute du khédive en 1879, lequel avait, sous la pression nationaliste, exigé le départ des contrôleurs européens. La faillite de l’Etat égyptien et l’attitude des khédives précipiteront la révolte d’Urabi pacha en 1881-1882 puis l’occupation militaire britannique la même année.

En Perse, même si l’année 1876 ne constitue pas une césure particulière, l’empire est lui aussi en proie aux ingérences étrangères croissantes (dès 1828, l’Iran abandonne ses prétentions sur le Caucase et le système des Capitulations lui est imposé par la Russie). Les années 1870 dans l’Empire qâjar sont marquées par une volonté d’ouverture vers l’Occident menées par le roi modernisateur Nâser od-Din Shâh (1848-1896) impressionné par la vague des réformes ottomanes. Le roi fit trois voyages en Europe (1873, 1878 et 1889). La Perse ne connut toutefois son premier moment constitutionnel qu’en 1906 à la fin du règne de Mozaffar od-Din Shâh.

Plus d’un siècle plus tard, l’année 1980, ultime borne chronologique du programme, impacte à la fois l’Orient arabe, la Turquie et l’Iran. Cette année correspond à trois événements importants dans l’histoire du Moyen-Orient.
L’année 1980 comme borne chronologique peut à priori surprendre, tant les historiens ont insisté sur la césure fondamentale de 1979, lourde de conséquences dans l’histoire contemporaine du Moyen-Orient. En 1979, des événements majeurs surviennent en effet comme la paix israélo-égyptienne qui met fin à un long cycle de guerres israélo-arabes ayant débuté en 1948. C’est aussi l’année des premiers succès de l’islam politique à travers la révolution islamique à Téhéran dont la mise en place explique bien des conflits ultérieurs au Moyen-Orient (dont la guerre avec l’Irak en 1980). L’année 1979 est aussi celle de l’intervention soviétique en Afghanistan (hors programme) et de la tentative de prise de contrôle de La Mecque par un groupe islamiste radical. Ces succès fondateurs de l’islamisme apparaissent comme le pendant de l’échec de l’expérience du nationalisme arabe qui fut depuis les années cinquante l’un des principaux thèmes de mobilisations des peuples de l’Orient arabe (Machrek).

L’année 1980 n’est pourtant pas dénuée de lourdes significations. Elle marque d’abord chronologiquement le début de la confrontation entre le Bat’th syrien et les Frères musulmans à travers un discours d’Hafez al-Assad du 8 mars. A partir de 1980, le leader syrien doit faire face à une guérilla lancée par une organisation jihadiste armée connue sous le nom d’Avant-Garde combattante (AGC). Déterminée à combattre tous les « infidèles » pour restaurer une théocratie islamiste inspirée du califat, l’AGC a commis entre 1976 et 1982 une centaine d’attentats meurtriers contre le pouvoir baathiste, dont une tentative d’assassinat avortée contre Hafez al-Assad le 26 juin 1980. C’est le début d’une féroce répression du régime syrien à l’égard des islamistes et dont l’issue finale aboutira aux massacres de Hama en février 1982.

Deux autres événements imprègnent durablement l’histoire de la région en 1980. Après ceux de 1960 et de 1971, la Turquie connaît son troisième coup d’Etat militaire de l’ère du multipartisme, laquelle fut inaugurée après la Seconde Guerre mondiale. Le contexte est alors celui d’un accroissement de la violence politique au cours des années soixante dix entre la droite et la gauche turque. Au même moment, le Moyen-Orient est secoué par les effets de la révolution iranienne et de l’occupation de l’Afghanistan en 1979. Le chef d’Etat-Major Kenan Evren, qui interprète le kémalisme de manière conservatrice, ultranationaliste et islamisante, organise un coup d’Etat le 12 septembre 1980, inaugurant ainsi le plus brutal des trois régimes militaires qu’a connu la Turquie pluraliste. Le règne direct d’Evren de trois ans qui commence par le coup d’Etat du 12 septembre se prolonge dans les faits encore six ans après sa fin officielle en 1983.

Le 22 septembre 1980, soit dix jours après le coup d’Etat en Turquie, débute la première guerre du Golfe entre l’Iran et l’Irak dirigé par Saddam Hussein, lequel a pris la présidence du pays un an auparavant. Les forces irakiennes envahissent la province pétrolifère du Khuzistan, majoritairement arabophone. C’est le début d’un long conflit meurtrier qui fera près de 500 000 mors des deux côtés, majoritairement du côté iranien.

Le programme s’achève donc au moment où débute un conflit régional majeur dans l’histoire du Moyen-Orient, tout en laissant en plan un autre conflit central aux enjeux multiples qui a débuté cinq ans plus tôt : la guerre du Liban qui ne s’achèvera qu’en 1990.

Quels sont les moments clés/charnières de cette période ?

Un découpage chronologique pertinent pour tout cet espace moyen-oriental entre 1876 et 1980 s’avère délicat car les territoires étudiés ont souvent des histoires différentes, même s’ils entretiennent entre eux des relations étroites, tant sur le plan politique, que sur le plan économique, social et culturel et religieux. Pour des raisons de commodité, le programme invite à distinguer cinq grands moments charnières à l’intérieur desquels les avancées de l’historiographie ont été particulièrement importantes ces vingt dernières années.
 une première période s’étend de 1876 à 1914 et correspond à un temps majeur de réformes au sein de l’Empire ottoman et de l’Empire perse des Qâjar. Ce moment va de la mise en place de la Constitution ottomane en 1876 à la veille de la Première Guerre mondiale, quand l’Empire ottoman décide de rentrer en guerre aux côtés de l’Allemagne. Entre temps, la révolution jeune-turque de 1908 a constitué un tournant géopolitique majeur dans la région avec le rétablissement la même année de la Constitution suspendue en 1878.
 une seconde période, de 1914 à 1924, correspond à une décennie majeure dans l’histoire du Moyen-Orient incluant la Première Guerre mondiale, période de profonds traumatismes dans la région (lourdes pertes militaires, génocide arménien de 1915, exactions, famine syrienne), et la succession de l’Empire ottoman jusqu’à l’abolition du califat en 1924 par Mustapha Kemal, le nouveau leader de la Turquie récemment créée par le traité de Lausanne en 1923.
 une troisième période, de 1924 à 1948, coïncide avec celle des nouvelles constructions étatiques et nationales au Moyen-Orient et invite à s’interroger sur les enjeux multiples de l’entre-deux guerres et de la Seconde guerre mondiale au Moyen-Orient et ce, jusqu’à la veille de la proclamation de l’Etat d’Israël le 14 mai 1948, événement géopolitique d’après-guerre majeur de la région.
 une quatrième période, 1948 à 1967 et une cinquième période, de 1967 à 1980, couvrent enfin le moment de l’affirmation des Etats après la Seconde Guerre mondiale, mais aussi celle des crises et des conflits.

Un tel découpage chronologique commun à toutes les régions devient toutefois plus délicat et moins opératoire quand il s’agit d’aborder les questions essentielles propres à chacun des espaces liées aux évolutions socio-économiques, culturelles, démographiques ou religieuses, variables sans lesquelles ne peut se comprendre la complexité du Moyen-Orient. Les permanences et les ruptures répondent ici à des logiques souvent indépendantes des découpages chronologiques classiques par grande période. Dans le cas de l’Orient arabe, une partie importante des élites politiques mandataires est ainsi issue des cadres de l’armée chérifienne à l’époque ottomane. La Turquie kémaliste est loin également de constituer une rupture avec la période ottomane dont elle est en grande partie l’héritière. Quant à la révolution iranienne de 1979, elle ne peut se comprendre que par le temps long de l’ingérence étrangère dans le pays et par les frustrations et humiliations multiples subies par le clergé chiite depuis la révolution constitutionnaliste des années 1906-1909.

Quels thèmes sont à étudier plus particulièrement pendant cette période ?

Pendant longtemps, l’histoire politique et diplomatique du Moyen-Orient a eu tendance à l’emporter dans l’historiographie et les historiens travaillaient beaucoup sur la région avec des sources occidentales. L’histoire par le haut, celle des dirigeants, des diplomates, des régimes et des grandes crises politiques avec ses périodisations souvent calquées sur les changements de régimes, les guerres et les conflits, a souvent et continue encore à occuper une place très importante. Avec la publication de nombreux ouvrages scientifiques et la mise à disposition de nombreuses archives nouvelles pour l’Orient arabe, l’Iran et la Turquie, le renouvellement des connaissances et des problématiques a concerné tous les espaces et tous les domaines d’études, particulièrement ceux qui étaient encore assez marginalisés il y a encore 30 ou 40 ans (histoire des idées, histoire sociale, culturelle, religieuse, économique, urbaine, rurale et militaire). La publication récente du Dictionnaire de l’Empire ottoman sous la direction de François Georgeon illustre bien l’avancée de la recherche dans tous les secteurs pour cet espace du Moyen-Orient. Jusque dans les années 1980, peu d’ouvrages étaient encore consacrés à l’histoire religieuse culturelle ou à celle des idées. Pour l’Orient arabe, il faut attendre 1962 pour que le grand historien d’origine libanaise Albert Hourani publie un ouvrage devenu un classique sur l’histoire de la pensée arabe : Arabic Thought in the Liberal Age 1798-1939. En 1966, l’historien Malcom H. Kerr publie la première étude scientifique sur la pensée de Muhammad Abduh et de Rachid Rida, deux icônes du réformisme musulman à la fin du XIX ème siècle. Depuis, beaucoup de travaux universitaires ont fait progresser ces domaines de recherche.

Le programme des concours prend acte de ce renouvellement historiographique profond auxquels ont contribué ces dernières années nombre de chercheurs occidentaux (notamment français, anglo-saxons, allemands), mais aussi arabes, iraniens et turcs. C’est une invitation plus générale à une histoire de la pluralité et de la complexité des espaces et des enjeux de la région, de ses institutions, de ses peuples, de ses cultures et de ses pratiques, afin d’en finir avec les clichés sur l’existence d’une singularité d’un monde arabe ou d’un monde musulman au Moyen-Orient. Le programme invite les candidats à s’informer des avancées historiographiques sur ces questions et à mobiliser les connaissances les plus variées internes aux sociétés moyen-orientales. Il existe désormais une bibliographie assez considérable sur l’ensemble des problématiques du programme.

Le programme des concours insiste sur l’étude de certaines thématiques particulièrement saillantes à l’intérieur de chaque sous-période :

 de 1876 à 1914 : la mondialisation des échanges ; le renforcement des États et des moyens de gouvernement ; le développement des impérialismes européens, des nationalismes, des idéologies politiques et des mouvements révolutionnaires ; la mutation des sociétés rurales et urbaines ; les réformismes et les nouvelles pratiques culturelles ; les questions communautaires et confessionnelles parmi lesquelles la question arménienne.
 de 1914 à 1924 : la Première Guerre mondiale et ses conséquences sur les populations et les sociétés ; le génocide arménien et assyro-chaldéen ; la Révolte arabe ; l’occupation militaire d’une grande partie du Moyen-Orient par les Européens et la mise en place des mandats de la SDN ; la guerre en Anatolie, la création de la République turque et la suppression du califat ottoman ; l’avènement de la dynastie Pahlavi en Iran.
 de 1924 à 1948 : la mise en place des États, des frontières et des territoires ; la construction des identités nationales ; la question kurde ; la diversité des cultures politiques ; de nouveaux modes de vie ; l’enjeu de l’éducation et de la jeunesse ; les contestations de l’ordre colonial et mandataire ; le développement du Foyer national juif en Palestine ; la Seconde Guerre mondiale.
 de 1948 à 1967 : la création de l’État d’Israël et le conflit israélo-arabe ; la question palestinienne ; les mobilisations nationalistes ; les révolutions arabes ; la montée des régimes autoritaires ; le multipartisme en Turquie ; les réformes agraires et les modèles d’industrialisation ; la Révolution blanche en Iran ; l’économie du pétrole.
 de 1967 à 1980 : les guerres (guerre des Six jours, guerre de 1973, guerre du Liban, début de la guerre Irak-Iran) ; la crise du nationalisme arabe ; l’occupation des territoires palestiniens ; l’indépendance des États du Golfe ; les enjeux pétroliers ; le tournant islamiste ; le traité de paix égypto-israélien (1979) ; la révolution iranienne ; la déstabilisation politique et le coup d’État de 1980 en Turquie.

Hormis la première période, toutes les autres sont fortement corrélées aux programmes du Secondaire qui, à travers l’intitulé général, Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Première GM (ES/L) et depuis 1945 (S) mettent l’accent sur les enjeux liés à la région, la complexité de l’histoire politique interne et le poids majeur des conflits.

Cette question s’intègre-t-elle dans celle des relations internationales ?

Ce n’est pas l’objectif du programme. Celui-ci rappelle que l’on étudiera particulièrement les populations et les sociétés, les évolutions religieuses et culturelles, la formation des États et des mouvements politiques, l’économie et les enjeux du développement, les guerres et la violence. Il s’agit donc d’aborder avant tout la région en elle-même et pour elle-même : la question ne porte ni sur l’histoire de la colonisation, ni sur l’histoire des relations internationales.

Il n’en reste pas moins que les rivalités de puissances au Moyen-Orient ne peuvent être totalement évacuées car elles sont constitutives de l’histoire même de la région. Elles s’inscrivent en réalité dans un temps long qui est celui de la Question d’Orient dont les origines remontent à la fin du XVIII ème siècle. Le Grand Jeu anglo-russe en Asie centrale depuis la deuxième moitié du XIX ème siècle se déplace au Moyen-Orient pour la période du programme avec des modalités, des enjeux et des acteurs parfois identiques, parfois renouvelés.

Publié le 06/06/2016


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


Stéphane Malsagne est agrégé, docteur en Histoire (Université de Paris I) et spécialiste de l’histoire du Moyen-Orient. Il intervient régulièrement à Sciences-Po Paris. Il est notamment l’auteur des ouvrages suivants : Le Liban en guerre (1975-1990), Belin (2020) (avec Dima de Clerck) ; Sous l’oeil de la diplomatie française. Le Liban de 1946 à 1990 (2017) (prix Diane Potier-Boès 2018 de l’Académie française) ; Charles-Eudes Bonin, explorateur et diplomate (1865-1929), Geuthner, 2015 ; Louis-Joseph-Lebret. Journal au Liban et au Moyen-Orient (1959-1964), Geuthner, 2014 ; Fouad Chéhab (1902-1973), une figure oubliée de l’histoire libanaise (2011).


 


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