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« Si l’Iran veut se battre, ce sera la fin officielle de l’Iran. Ne menacez plus jamais les Etats-Unis », peut-on lire dans un tweet du président américain Donald Trump, daté du dimanche 19 mai 2019. Depuis plusieurs semaines en effet, les tensions sont de plus en plus vives entre les deux pays. Les Etats-Unis, qui se sont retirés de l’accord sur le nucléaire le 8 mai 2018, durcissent leurs sanctions économiques contre l’Iran et de nouveaux moyens militaires américains (porte-avion Abraham Lincoln et bombardiers B-52) s’apprêtent à gagner les eaux du Golfe persique. Selon le conseiller américain à la sécurité nationale, John Bolton, l’objectif serait de « répondre de manière implacable à toute attaque contre les intérêts des Etats-Unis ou de [ses] alliés ». L’escalade est si importante que l’option d’un conflit armé ne serait plus écartée. Selon les informations du New York Times, un plan prévoyant l’envoi de 120 000 soldats américains au Moyen-Orient aurait été envisagé si l’Iran attaquait des forces américaines dans la région, ou reprenait son programme nucléaire. Quatre ans après la signature historique de l’accord sur le nucléaire iranien, une guerre opposant les Etats-Unis et l’Iran est-elle probable ? La réponse de Thierry Coville, chercheur à l’IRIS.
Je pense plutôt qu’il s’agit d’une stratégie américaine visant à forcer l’Iran à négocier sur 12 points évoqués par le Secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, qui comprennent notamment un nouvel accord sur le nucléaire iranien, dont les Etats-Unis sont sortis en mai 2018. Ils appliquent ainsi une stratégie de « pression maximum », comme celle qu’ils avaient appliquée en Corée du Nord, en imposant d’énormes sanctions économiques, en désignant les Gardiens de la Révolution comme une « organisation terroriste étrangère », ou en déployant de nouveaux moyens militaires dans la région. Toutefois, ni Donald Trump ni les autorités iraniennes n’ont intérêt à débuter une guerre, bien que certains éléments de l’administration américaine comme John Bolton ou Mike Pompeo estiment qu’un conflit fait partie de la solution.
Le risque zéro n’existe pas. Les Etats-Unis sont une grande puissance militaire et l’Iran possède des capacités de réponses. De mauvais calculs, des incidents ou des divergences de la part des alliés régionaux de l’Iran pourraient faire déraper la situation, d’autant que les deux pays ne se parlent plus depuis l’élection de Donald Trump, et seraient incapables de régler un litige sur le terrain.
C’est vrai qu’il existe des contradictions dans la stratégie américaine lorsque l’on voit que Washington déclare que l’Iran représente le même danger que l’Etat islamique (EI), alors que les Etats-Unis négocient avec les talibans en Afghanistan. Si l’Iran reste la bête noire des Etats-Unis, c’est d’abord parce que cela permet à Donald Trump de bénéficier du soutien du parti républicain et de sa base électorale, qui a une très mauvaise image de la République islamique. Donald Trump souhaite par ailleurs prouver à son électorat qu’il peut trouver un meilleur accord que son prédécesseur Barack Obama. Enfin, il existe un lobbying intense de la part des Emirats arabes unis, de l’Arabie saoudite et d’Israël qui encouragent Donald Trump à mener cette politique anti-iranienne.
Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est plutôt l’inefficacité de cette politique américaine. Depuis que la stratégie de « pression maximum » a été mise en place il y a un an, l’Iran refuse catégoriquement de négocier. Les Etats-Unis n’ont pas de véritable porte de sortie politique et c’est pour cela qu’ils utilisent des moyens de pression encore plus forts contre Téhéran. Toutefois, cette stratégie pousse au contraire les autorités iraniennes à résister davantage. La seule solution, c’est que les Etats-Unis acceptent de revenir dans l’accord sur le nucléaire iranien.
Thierry Coville
Thierry Coville est chercheur à l’IRIS.
Léa Masseguin
Léa Masseguin est étudiante en Master 2 Gouvernance et Intelligence internationale dans le cadre d’un double diplôme entre Sciences Po Grenoble et l’Université internationale de Rabat. Passionnée à la fois par l’actualité et la diplomatie, elle a travaillé au sein du quotidien libanais L’Orient-Le Jour et à la Représentation permanente de la France auprès des Nations unies à New York. Elle s’intéresse à la région du Proche-Orient, en particulier la Syrie et le Liban.
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