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« Etat islamique, vers un bouleversement régional ? », compte-rendu de la conférence organisée par l’iReMMO le 16 septembre 2014

Par Pierre-André Hervé
Publié le 25/09/2014 • modifié le 07/03/2018 • Durée de lecture : 11 minutes

La montée en puissance fulgurante d’un mouvement aux racines irakiennes anciennes

En guise d’introduction, Jean-Pierre Perrin mentionne le récent communiqué commun de deux branches régionales d’Al-Qaïda, AQMI (Afrique du Nord) et AQPA (Péninsule arabique), pour soutenir l’Etat islamique et dénoncer la coalition occidentale qui se met en place contre lui [4]. Une solidarité de l’internationale djihadiste inédite sous cette forme qui pose, en creux, la question de l’unité fragile des islamistes radicaux. Au-delà de l’analyse des bouleversements régionaux en cours, le journaliste entre dans le vif du sujet et insiste sur la nécessité d’étudier l’idéologie des djihadistes, ce qui les unit (djihad, takfirisme…) par-delà les considérations locales qui les distingue voire les oppose.

Première intervenante, Myriam Benraad préfère d’abord planter le décor et remonter aux origines de la montée en puissance de l’Etat islamique.
Elle rappelle que l’offensive des djihadistes irakiens, très médiatisée à partir de juin 2014, a débuté dès janvier du côté de la province occidentale d’al-Anbar, vers les villes de Falloudja et Ramadi. Le calendrier ne devait rien au hasard puisque l’attaque en question a été lancée 10 ans après la fameuse bataille de Falloudja qui avait mis aux prises insurgés sunnites irakiens et forces américaines début 2004. L’Etat islamique s’inscrit dans l’histoire de l’Irak post-Saddam Hussein. Il a été proclamé dès octobre 2006 sous le nom d’Etat islamique en Irak, par Abou Omar al-Baghdadi, quelques mois après la mort de l’Emir local d’Al-Qaïda, le Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui. La mouvance djihadiste irakienne était alors traversée par des tensions entre une frange qui privilégiait les militants locaux, et le contingent étranger, celui dit des « Arabes », constitué en particulier de Saoudiens, mais également d’Européens. On se souvient d’ailleurs du dossier judiciaire des « filières irakiennes » ouvert à Paris. Pour l’internationale djihadiste, le théâtre irakien est central car il renvoie au temps rêvé du califat abbasside, dont le siège était à Bagdad. Avec l’Irakien Abou Omar al-Baghdadi, la frange locale du mouvement prend néanmoins le dessus. L’Etat islamique qu’il proclame se veut une alternative pour les Arabes sunnites irakiens à la domination des Arabes chiites et des Kurdes sur le gouvernement central de Bagdad.

Parallèlement, la pratique takfiriste se développe au sein de la mouvance islamiste irakienne. Par le takfir, c’est-à-dire l’excommunication, on exclut les personnes visées de la communauté des croyants, et par là même on légitime leur assassinat. L’insurrection devient particulièrement violente et contraint les autorités américaines d’occupation à réagir. Celles-ci adoptent une stratégie de mobilisation des tribus sunnites (« Réveil » tribal ou « Sahwa ») qui permet de circonscrire le phénomène. Cependant, le transfert de la gestion de ce dernier des tribus vers le gouvernement central est difficile, les chiites étant réticents à l’idée d’intégrer les tribus sunnites dans le jeu politique. Les tensions deviennent de plus en plus vives entre les deux à mesure que les forces américaines se retirent, d’abord des villes irakiennes en 2009, puis du pays en 2011. Le Premier ministre irakien chiite Nouri al-Maliki se retrouve en effet libre de réprimer dans le sang les manifestations organisées dans les provinces sunnites pour demander des réformes, l’intégration des sunnites au jeu politique et la libération de prisonniers politiques. A partir de la fin 2012, l’impasse conduit à l’infiltration et la radication de cette mobilisation sunnite par l’Etat islamique, passé, depuis 2010 et la mort d’Abou Omar al-Baghdadi, sous le contrôle d’Abou Bakr al-Baghdadi.

A cela s’ajoute la crise syrienne, qui agit comme un démultiplicateur des efforts djihadistes. Des liens forts sont établis entre les djihadistes des deux côtés de la frontière, devenue d’ailleurs très poreuse, qui aboutissent à la proclamation, dix ans jour pour jour après la chute de Saddam Hussein, de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Notons que les liens au sein de la mouvance islamiste radicale entre Irak et Syrie sont anciens. Ils s’appuient notamment sur les réseaux des anciens baasistes – le parti nationaliste arabe Baas était au pouvoir en Irak sous Saddam Hussein et il le demeure en Syrie sous la dynastie al-Assad – et sur le jeu trouble du régime syrien de Bachar al-Assad. Pendant l’occupation américaine de l’Irak, celui-ci a en effet facilité l’accès de djihadistes au sol irakien depuis la Syrie, et il s’accommode bien aujourd’hui de ces extrémistes qui combattent également l’opposition syrienne modérée. Myriam Benraad note toutefois que l’Etat islamique ne compte pas s’arrêter à l’Irak et la Syrie. Sa vocation est globale.

Reprenant la parole, Jean-Pierre Perrin manifeste sa surprise devant une telle montée en puissance de l’EI. On estime en effet à 8 millions le nombre de personne aujourd’hui sous sa coupe et à 2 milliards de dollars ses ressources financières, tirées notamment du racket et des trafics (du pétrole et des œuvres d’art par exemple).
Mme Benraad met en évidence le rôle des puissances voisines. Elle signale le soutien objectif de la Turquie aux djihadistes, dont bon nombre entre en Syrie et en Irak via son territoire, et la sympathie qu’ils rencontrent dans les pays du Golfe. Elle précise que peu de gens avaient imaginé cette montée en puissance, ce qui explique aussi la réaction lente de l’Arabie saoudite en particulier. Plus généralement, les puissances régionales, cette dernière en tête, ont joué le jeu de la confessionnalisation et mené une politique cynique visant à maintenir l’Irak et la Syrie en état de faiblesse, ce dont n’a pas manqué de tirer profit l’Etat islamique.

Le modérateur M. Perrin se demande comment expliquer l’intégration d’anciens officiers supérieurs baasistes de l’armée de Saddam Hussein à l’EI. Passer d’une idéologie ultranationaliste et socialiste à une idéologie religieuse radicale ne paraît pas aller de soi. Pourtant, dit-il, il semble qu’il s’agisse de convictions profondes de leur part.
Myriam Benraad estime qu’il y a eu une progression des idées islamistes dans l’armée et plus généralement l’Etat et la société irakiens dès avant la chute du régime de Saddam Hussein, sous l’effet du retour des vétérans du djihad afghan au contact d’une société sous embargo en cours d’effondrement. Il y avait donc une prédisposition qui a été transformée en adhésion notamment dans les prisons, où d’anciens baasistes ont pu être radicalisés.

L’illustration la plus spectaculaire d’une remise en cause plus générale de la carte du Moyen-Orient dessinée au lendemain de la Première Guerre mondiale

Transmettant la parole à Pierre-Jean Luizard, M. Perrin lui propose d’évoquer cette fois la régionalisation de la crise et la question de la partition de l’Irak.
M. Luizard propose d’abord une explication à la prise de contrôle par ce groupuscule salafiste djihadiste qu’était initialement l’EI d’aussi larges pans de l’Irak et de la Syrie. Il met en garde contre la diabolisation de l’ennemi et demande à ce qu’on prenne bien en compte le contexte politique et historique qui a pu favoriser l’émergence de l’EI. Depuis le début des Printemps arabes, on est, selon lui, entré dans une phase de remise en cause de la carte des Etats hérités du partage de la dépouille de l’Empire ottoman entre Européens pendant et après la Première Guerre mondiale. M. Luizard estime que l’Etat irakien est d’ors et déjà mort. Il n’est plus représentatif de la société irakienne. Et, s’il s’effondre totalement, il risque d’entraîner dans son sillage d’autres Etats fragiles du Moyen-Orient comme la Syrie, déjà bien mal en point, et le Liban. La Libye et le Yémen sont déjà en phase d’effondrement.

Pour le chercheur, cette remise en question des frontières et des institutions étatiques impose de remonter dans le passé afin de comprendre le vice de forme qui y a conduit. L’Empire ottoman était un empire transnational où les identités étaient avant tout religieuses. Celles-ci étaient reconnues et bénéficiaient d’une certaine protection et d’une certaine autonomie grâce au système des millets. A l’exception notable, toutefois, des chiites, qui n’ont jamais été réunis en millet, la légitimité de leurs autorités n’étant pas reconnue, que ce soit en Irak ou au Liban. Quoiqu’il en soit, les Européens ont alors bouleversé le fragile équilibre régional en niant cette dimension religieuse et en excitant les nationalismes. Par ailleurs, ils n’ont pas assumé leurs promesses, en particulier celles faites aux Arabes. L’année 1916 est à cet égard révélatrice. Tandis que, depuis Le Caire, le High Commissioner britannique Henry McMahon poussait les Arabes du chérif Hussein à la révolte contre l’Empire ottoman, en leur faisant espérer le pouvoir, en Europe, le diplomate britannique Mark Sykes et son homologue français François Georges-Picot redessinait la carte du Moyen-Orient au profit de leurs seuls gouvernements. Depuis ces événements, l’Irak en particulier vit dans un état de guerre incessante, dont les chiites et les Kurdes ont été les principales victimes. Pour asseoir leur pouvoir, les Européens n’ont pas hésité à user de la confessionnalisation, notamment contre les tribus irakiennes. A titre d’exemple, une milice essentiellement composée d’Assyriens, les Lévies, a été envoyée par les Britanniques au sud de l’Irak pour y mater les tribus chiites. La révolution antimonarchique conduite par le général Kassem n’a pas complètement réduit cette confessionnalisation. Dans les années 1970, avec Saddam Hussein et son clan, c’est même une minorité au sein de la minorité sunnite qui prend le pouvoir. Les années suivantes sont plus encore marquées par les tensions et la guerre, de la guerre Iran-Irak aux deux interventions internationales de 1991 et 2003, en passant par la mise sous tutelle onusienne de la décennie 1990.

En 2003, pour reconstruire le pays après avoir achevé d’en détruire les institutions, les Etats-Unis ont décidé de soutenir les groupes jusqu’alors marginalisés, c’est-à-dire les Arabes chiites et les Kurdes. Pour Pierre-Jean Luizard, ils n’avaient pas d’autres choix, puisque le leadership sunnite avait disparu, sous l’effet, notamment, de la dissolution de l’armée. L’Etat irakien est donc refondé toujours sur des bases confessionnelles mais à fronts renversés, en s’appuyant sur le tandem majoritaire chiites-Kurdes plutôt que sur les Arabes sunnites minoritaires. Or, l’histoire prouve que les minorités sont plus faciles à contrôler, à manipuler. Le système mis en place par les Britanniques a ainsi tenu beaucoup plus longtemps que celui instauré par les Américains. Désormais, le système politique irakien est extrêmement polarisé. Chaque électeur irakien vote pour sa communauté. Les Kurdes ont d’abord joué le jeu national, les Arabes sunnites aussi mais ces derniers ont été sévèrement réprimés. Les exactions de l’armée irakienne à Falloudja et à Mossoul ont conduit à la rupture. Dans ce contexte de défiance généralisée des sunnites à l’égard du pouvoir central, l’Etat islamique a été d’autant mieux accepté qu’il a laissé les clés des villes conquises à des autorités locales, moyennant la signature d’un pacte politique et, il est vrai, une stratégie de la terreur. Le pacte politique établi à Mossoul porte par exemple sur le refus définitif des habitants du retour des autorités irakiennes. Au-delà de ces considérations purement irakiennes, M. Luizard évoque également les liens forts établis de longue date entre sunnites irakiens et syriens et le caractère tout à fait théorique de la frontière qui coupe la vallée de l’Euphrate en deux.

Revenant sur la question confessionnelle, Jean-Pierre Perrin note que des partis transconfessionnels ont existé en Irak. M. Luizard acquiesce, citant le Parti communiste et, à un moment donné de son histoire, le parti Baas. Sur ce dernier cas, il ajoute toutefois que la dynamique confessionnelle a rapidement pris le dessus avec le départ massif et rapide des chiites qui avaient rejoint ce parti. Les événements plus récents mettent en évidence cette question persistante : lors des élections législatives de 2010, les deux alliances arrivées en tête (Al-Iraqiyya d’Ayad Allawi et la Coalition de l’Etat de droit de Nouri al-Maliki) promettaient la fin du confessionnalisme mais celui-ci les a très vite rattrapés, la liste Al-Iraqiyya étant notamment principalement soutenue par des sunnites et donc associée à ces derniers.

Vers la partition de l’Irak ?

M. Perrin pose alors la question des perspectives qui s’ouvrent pour l’Irak dans ce contexte. Pour Pierre-Jean Luizard la partition du pays sur une base confessionnelle est clairement en cours. Il suggère aux puissances occidentales de prendre en compte ce fait et d’accompagner leur intervention militaire, qui d’ailleurs nécessite selon lui des troupes au sol, d’un volet politique, avec notamment l’organisation, sous l’égide de l’ONU, d’une conférence internationale qui puisse donner des perspectives aux Irakiens. Il propose que cette conférence mette sur la table l’organisation d’un référendum sur le modèle de celui organisé en 1918 dans les trois vilayets irakiens de Bagdad, Mossoul et Bassora. L’occasion serait alors donnée aux Kurdes de choisir éventuellement l’indépendance, et aux Arabes sunnites le maintien de leur territoire en Irak ou sa fusion avec les provinces sunnites voisines de Syrie.

Myriam Benraad est plus mesurée à ce sujet. Elle rappelle que l’opposition à Saddam Hussein, y compris les Kurdes, revendiquait seulement le fédéralisme. Or cette revendication a été satisfaite avec la Constitution irakienne de 2005 puis une loi de 2006 donnant le droit aux provinces de se constituer en régions fédérales. Les Kurdes en ont rapidement profité. En 2011, les sunnites ont également envisagé cette évolution pour leurs provinces, mais le premier ministre Nouri al-Maliki s’y est opposé violemment. Mme Benraad ajoute que les Américains ont élaboré plusieurs plans consistant à « balkaniser » l’Irak, tels que le Plan Biden [5], mais celui-ci a été refusé par les Irakiens, qui ont, dit-elle, du mal à se projeter hors de l’Etat irakien (NDLR : les Kurdes ont tout de même soutenu le Plan Biden). Contrairement à M. Luizard, elle estime donc que l’on devrait s’opposer au démembrement de l’Irak, qui fait le jeu de l’Etat islamique, et s’assurer le contrôle de la frontière avec la Syrie, une passoire dont l’organisation djihadiste tire un grand profit. Elle ajoute que les Occidentaux n’ont pas les moyens de l’intervention au sol, laquelle n’est d’ailleurs, selon elle, pas la solution. Ils ne peuvent et ne doivent que soutenir les Irakiens, seuls à même de faire les choix qui engagent leur avenir. Elle salue de ce fait le début de mobilisation contre l’Etat islamique des tribus sunnites, jusque là passives car écœurées par le gouvernement d’al-Maliki, sur le modèle du « Réveil » de 2007 [6].

Myriam Benraad estime, en outre, que l’Irak est, plus que la Syrie, le champ de bataille principal où doit se concentrer le combat contre l’Etat islamique. L’Irak est sa base, il s’y est développé sur les ruines de l’opposition « modérée » locale, dont la disparition s’est accélérée avec la fin de l’occupation américaine et la répression menée par al-Maliki. C’est aussi de l’Irak qu’il tire l’essentiel de ses ressources.
Pierre-Jean Luizard accorde à Myriam Benraad l’existence d’une forte « irakité » (NDLR : le sentiment d’appartenir à la nation irakienne) de la communauté chiite. Et pour cause, l’Irak est le seul pays arabe où les chiites sont majoritaires (NDLR : Bahreïn compte également une majorité arabe chiite, mais gouvernée par une monarchie sunnite). Il en va toutefois différemment des sunnites, minoritaires dans le pays, qui semblent conditionner leur « irakité » à leur contrôle du pouvoir. Quant aux Kurdes, ils ne se sont jamais sentis Irakiens mais ont seulement été contraints de rejoindre l’Etat irakien en 1925 suite au rattachement à ce dernier du vilayet de Mossoul.

Questionné, précisément, sur la viabilité d’un Etat kurde, si celui-ci devait advenir, M. Luizard demeure néanmoins circonspect. Il pointe plusieurs problèmes. La reconnaissance internationale est la question centrale. M. Luizard note que les Etats voisins de l’Irak sont déjà en train de prendre acte de la naissance d’un Etat kurde au nord de ce pays mais ils ne l’accepteront qu’à condition que les Kurdes ne poursuivent pas leur rêve d’un grand Kurdistan réunissant les régions kurdes d’Irak, de Turquie, d’Iran et de Syrie. Il y a aussi le problème des frontières de cet Etat kurde et plus particulièrement le problème de Kirkouk, une ville pétrolière désormais contrôlée par les Kurdes mais objet de revendications multiples. Pierre-Jean Luizard estime nécessaire qu’on lui garantisse un caractère multiethnique, multiconfessionnel. En somme, les Kurdes doivent renoncer à leurs ambitions sur les territoires disputés.

Lire sur Les clés du moyen-Orient :
 Entretien avec Pierre-Jean Luizard, Que reste-t-il de l’Irak ?
 Entretien avec Pierre-Jean Luizard – La question irakienne, du mandat britannique à l’Etat islamique en Irak et au Levant
 Entretien avec Myriam Benraad, Les Arabes sunnites d’Irak, dix ans après la chute de Saddam Hussein

Publié le 25/09/2014


Pierre-André Hervé est titulaire d’un master de géographie de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et d’un master de sécurité internationale de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Il s’intéresse aux problématiques sécuritaires du Moyen-Orient et plus particulièrement de la région kurde.
Auteur d’un mémoire sur « Le Kurdistan irakien, un Etat en gestation ? », il a travaillé au ministère de la Défense puis au Lépac, un laboratoire de recherche en géopolitique associé à ARTE, pour lequel il a notamment préparé une émission « Le Dessous des Cartes » consacrée aux Kurdes d’Irak (avril 2013).


 


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