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Le Musée Jacquemart-André de Paris dévoile, du 23 mars au 23 juillet 2012, les trésors trop souvent oubliés du dernier millénaire de l’histoire pharaonique. Cette période de l’Egypte tardive, allant de 1069 à la conquête romaine en 30 avant Jésus-Christ, est fortement troublée par des difficultés d’ordre politique et militaire.
On tend trop souvent à négliger le talent et la créativité artistique qui ne cesse pourtant de se développer au même moment dans le royaume. Si l’Egypte passe successivement sous domination libyenne, nubienne ou encore perse, sa culture réussit à se préserver et même à s’enrichir. Partant de cette réflexion, le musée Jacquemart-André a décidé d’offrir aux visiteurs le plaisir de découvrir cette incroyable civilisation qui continua de fasciner le monde, même dans ses heures les plus sombres. Plus d’une centaine de chefs d’œuvre, découverts dans les tombeaux et les temples, et prêtés par plusieurs musées (le Louvre à Paris, l’Ägyptisches Museum de Berlin, British Museum à Londres, Metropolitan Museum de New York, Museum of Fine Arts de Boston, Kunsthistorisches Museum de Vienne… ) sont exposés au public autour du thème de la représentation des hommes, des pharaons et des dieux, sujets qui ont longuement mobilisé le travail des artisans.
En pénétrant dans l’hôtel particulier construit par le collectionneur français Edouard André en 1875, on découvre aussitôt, en guise d’introduction, deux petits sarcophages en bronze de la Basse époque, un de musaraigne et un de serpent, momifiés, ainsi que plusieurs masques royaux. Au milieu des œuvres du musée, on est ensuite accueilli dans le Grand salon dans lequel sont exposées trois grandes statues agenouillées de Nakhthorheb, un important prêtre et administrateur du palais du pharaon Psammétique II. La grande ressemblance entre ces trois statues laisse penser qu’elles proviennent du même atelier, même si elles ont été retrouvées dans différents temples. Puis l’exposition débute véritablement au premier étage, après avoir traversé le salon de musique et emprunté les magnifiques escaliers de la demeure. Une carte de l’Egypte ancienne ainsi qu’une chronologie permettent alors de mieux situer le contexte de l’exposition.
La première salle expose des statues de formes et de matériaux variés provenant, pour la plupart, de temples. En mettant son effigie dans un sanctuaire, l’homme espère bénéficier de la protection du dieu dans l’au-delà et même d’une partie de sa nourriture offerte en offrande. On voit alors trois statues-cubes montrant son propriétaire assis, les genoux pliés encerclés par ses bras, gravés de hiéroglyphes et de représentations divines. Ce modèle s’inspire notamment des sculptures de l’Ancien Empire. On trouve également plusieurs statues debout naophore, portant dans un naos des figures divines.
Le renouveau artistique de cette période se reflète particulièrement dans l’attention accordée aux détails du visage. Une deuxième salle abrite une quinzaine de bustes masculins, au crâne rasé ou coiffé d’une perruque, et de deux bustes féminins. Certains semblent fortement idéalisés, avec des traits lisses et symétriques, alors que d’autres comme la « tête verte de Berlin » (de la couleur de la pierre utilisée) illustre un véritable souci des artisans de respecter la réalité et de singulariser les portraits. Son visage est ainsi marqué par l’âge, et on peut étudier des petites rides au niveau des yeux et de la bouche. La forme travaillée du crâne est aussi particulièrement saisissante.
On quitte ensuite le monde des vivants pour appréhender le « Royaume des morts » auquel sont consacrées trois salles. La première, dédiée au « plus beau pour l’alimentation du défunt », propose quelques objets funéraires. On observe notamment différentes stèles funéraires en calcaire minutieusement gravées, ou en bois stuqué et peint provenant de différentes époques. La pièce principale semble par ailleurs être une magnifique table d’offrande d’Horirâa datant de la seconde moitié de la XXVIe dynastie, sur laquelle ont été soigneusement dessinés des vivres pour l’approvisionnement du défunt.
Dans la deuxième salle, on contemple ensuite diverses pièces funéraires destinées à être disposées autour du corps momifié afin de le protéger. Parmi ces amulettes, on note la présence de deux scarabées de cœur en serpentine qui se placent sur la poitrine du défunt. On remarque également quatre vases en albâtre datant de la XXVIe dynastie (664-525 avant J-C) refermés par des bouchons en forme de babouin, de faucon, de chien et de tête d’homme, symboles des quatre fils du dieu Horus. Ils servent à conserver le foie, les poumons, l’estomac et les intestins, retirés durant l’embaumement du corps. On trouve à côté plusieurs séries d’ouchebti, des petites statuettes représentant des serviteurs funéraires, en « faïence » verte ou bleue ainsi qu’un magnifique papyrus peint avec des dessins et des formules facilitant le voyage du défunt dans l’au-delà.
Dans l’ultime salle est exposé le mobilier funéraire de l’époque ptolémaïque (332-30) appartenant à un riche prêtre d’Héracléopolis. Un masque funéraire doré avec une perruque peinte en bleue, une parure de momie en cartonnage stuqué et doré, un coffret à viscères, ainsi que le couvercle de son cercueil en bois le représentant, enveloppent le corps de ce dernier.
Changeant de registre, on s’intéresse ensuite à la figure féminine durant les dernières dynasties égyptiennes. Les statuettes exposées reflètent l’image idéalisée de la femme par l’artisan, qui met en valeur différentes parties du corps suivant le siècle et les modes du moment. On admire une figurine nue en ivoire aux larges cuisses, à la taille fine et à la poitrine prononcée, provenant de la tombe d’une jeune fille de quinze ans, datant de la XXVe dynastie (722-655 av. J.C), ou encore celle d’une reine vêtue d’une robe moulante datant de l’époque ptolémaïque.
Par ailleurs, la figuration du souverain est représentée sur une part importante de la production artistique de l’Egypte tardive. Qu’il soit égyptien ou d’origine étrangère, chaque monarque reste fidèle à l’image traditionnelle du pharaon et se met en scène auprès des divinités. Certains sont donc prosternés, agenouillés, en mouvement, en train d’accomplir une offrande… Le style des bustes et l’expression des regards évoluent au fil des siècles. L’appartenance dynastique de tel ou tel pharaon peut ainsi être déterminée grâce à leurs différentes coiffes. On remarque, cependant, une tête-modèle de souverain achéménide, le premier Empire perse à régner sur l’ensemble du Moyen-Orient et sur l’Egypte entre 525-404 avant notre ère, qui se démarque en affichant une barbe et une coiffure typique de l’iconographie perse.
L’univers des nombreuses divinités de l’Egypte ancienne est exploré et fait l’objet de nombreuses évocations artistiques. On repère, par exemple, une statue d’Osiris mesurant près d’un mètre de haut et des représentations de dieux comme Amon, le « Roi des dieux » depuis le Nouvel Empire et dont le culte est très populaire, ou encore Neith ou Ptah, le dieu des artisans et des architectes. Certains sont reproduits sous forme animale comme le dieu lunaire et patron des scribes Thot que l’on retrouve en ibis ou en babouin. On peut par ailleurs admirer une magnifique statue en bronze incrusté d’argent et orné d’anneau en or de Bastet sous forme de chatte provenant du British Museum de Londres.
Comme un clin d’œil à l’amour que portait l’artiste Nelie Jacquemart pour la civilisation égyptienne, le musée Jacquemart-André permet, pour la première fois, de rassembler autant de belles pièces et de réhabiliter les derniers temps du monde des pharaons avec cette exposition très variée et enrichissante. Le mélange de culture et la finesse des sculptures ne manqueront alors pas de surprendre le visiteur.
Les clés du Moyen-Orient remercie le Musée Jacquemart-André pour les visuels de l’exposition.
Lisa Romeo
Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.
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