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Cette très belle exposition restitue le goût européen pour les arts de l’islam depuis la fin du XVIIIe siècle, dans le contexte des arts et du développement de l’industrie, et des arts par rapport à la science.
L’apport majeur de l’exposition est l’étendue du spectre selon lequel est abordée la question de l’Orient, balayant l’architecture, l’attrait des collectionneurs, la peinture, les arts décoratifs européens. Il s’agit donc d’une synthèse à la fois thématique et géographique très précieuse et fort riche.
L’architecture « orientale » suscite un vif intérêt de la part des Européens : des études minutieuses sont entreprises qui conduisent à la découverte d’un monde de formes insoupçonnées. L’analyse mathématique et technique, la rigueur géométrique des ornements et des constructions sont soulignées. Naît l’idée d’une unité esthétique de l’Islam, fondée sur l’accord entre l’art et la science. L’Alhambra (15e siècle) s’impose comme le paradigme de cette esthétique scientifique, où architecture et décoration ne font qu’un.
Les collectionneurs : Albert Goupil. Certaines pièces de sa collection sont acquises par le musée des arts décoratifs de Paris et le musée des Beaux Arts de Lyon lors de la dispersion de sa collection en 1888 à l’Hôtel Drouot.
La peinture orientaliste : fantasme des arts de l’islam, rêve exotique. L’exemple des Fortuny. Le peintre catalan Mariano Fortuny déploie tous les stéréotypes de la peinture orientaliste. Parallèlement, il étudie et collectionne les arts de l’Islam. Les créations textiles de son fils, Mariano Fortuny Madrazo, installé à Venise, sont très marquées par les arts de l’Islam aussi bien esthétiquement que techniquement, par le recours à des techniques spécifiques d’estampage.
Le domaine des arts décoratifs compte, et montre ici, d’autres références. Dans le contexte de la production industrielle, les modèles islamiques sont sollicités comme source d’inspiration ainsi que pour leurs qualités structurelles. Leur rationalité répond aux systèmes de production industriels. Sont aussi abordés les Arts & Craft de W. Morris, Owen Jones et sa Grammaire de l’ornement (1856) où les cultures islamiques occupent une place centrale. En France, l’exemple de Viollet-le-Duc, qui encourage et soutient à partir des années 1860 des études sur les traditions non-occidentales, est présenté. Il admire la parfaite simplicité des principes architecturaux et décoratifs islamiques. Ainsi de l’ouvrage de Léon Parvillée, Architecture et décoration turques au XVe siècle ; de celui de Jules Bourgoin, L’Art arabe ; qui vont jouer un rôle important dans la diffusion de ces arts. Les arts du feu – céramique et verre – sont également très tournés vers les arts islamiques avec Brocard, Deck, Gallé, De Morgan, etc.
La question de la figuration est également abordée, en lien avec la conception répandue au XIXe d’un art islamique hostile à la figuration (représentation des être animés). L’on note l’intérêt des peintres de la génération romantique pour les miniatures persanes qui y trouvent l’occasion de rêveries iconographiques ainsi qu’un enseignement esthétique du point de vue de la couleur et du dessin, comme le montrent les études de Delacroix, de Chassériau, de Jules Laurens, de Gustave Moreau dont la Salomé dansant, dite Salomé tatouée, vers 1874-1876 (musée Gustave Moreau, Paris) figure dans l’exposition, mettant en lumière la tension existant chez lui entre figuration et ornement.
L’exposition se termine par le regard porté par deux grands peintres du XXe siècle sur les arts islamiques, Matisse et Klee, qui dans le contexte de remise en cause de la mimésis, y ont puisé chacun à leur manière un encouragement à transformer de façon radicale le rapport occidental avec les images, en dépassant l’opposition traditionnelle entre décoration et représentation.
Parallèlement à l’exposition, le musée des Beaux Arts de Lyon présente du 2 avril au 19 septembre 2011 une exposition dossier sur le thème : Lyon et les arts de l’islam. Celle-ci met en lumière le rôle joué par la ville au XIXe dans la découverte des arts de l’islam. D’importantes collections particulières d’arts islamiques ont vu le jour à Lyon, ces amateurs ont contribué à la constitution par les musées de la ville de collections d’art oriental et à l’organisation d’expositions. La richesse de la collection a été une réelle découverte.
Musée des Beaux Arts de Lyon
20 place de Terreaux
69 001 Lyon
Anne Coron
Anne Coron est docteur en histoire de l’art contemporain. Elle travaille à l’Agence France-Muséums, chargée du projet du Louvre Abou Dabi.
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