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Le festival Temps d’images, créé en 2002 par José-Manuel Gonçalvès, alors directeur de La Ferme du Buisson, et Angélique Oussedik, responsable des Actions Culturelles d’Arte, se situe à la croisée des images en mouvement et des arts de la scène, offrant une programmation où se conjuguent le spectacle vivant, le cinéma, la vidéo et l’art contemporain. Pour sa treizième édition, le festival a présenté au Cent Quatre à Paris un calendrier de représentations et d’événements, du 17 au 28 septembre 2014, parmi lesquels l’exposition « Passé simple, futurs composés. Des images en contrechamp » a occupé une place essentielle dans le désir au cœur du festival, celui de renouveler notre approche des images en investissant un temps pour voir, contempler, réfléchir, questionner les images qui habitent et traversent notre monde.
Disséminée dans une enfilade de salles d’exposition qui longent la cour principale du Cent-Quatre, mais aussi dans un atelier en sous-sol qui leur fait face, l’exposition réunit la plasticienne d’origine équatorienne Estefania Penafiel Loaiza, l’artiste grec Bill Balaskas, l’artiste palestinienne Larissa Sansour, l’irakien Adel Abidin, et trois artistes libanais, Lamia Joreige, Ali Cherri et Siska. Vidéos, installations, photographies et sculptures s’interpellent au gré du parcours, qui articule des œuvres extrêmement récentes, issues de la position singulière de chaque artiste vis à vis d’un contexte géographique et historique dont il est issu.
Tous partagent la même conscience inquiète des défauts et des leurres des flots d’images actuels, et le même souci d’imaginer autrement notre relation au temps. L’image, ressourcée, réinventée, poétisée, ouvre sur des possibilités infinies de tressage des temporalités, où le passé, le présent et l’avenir se rejoignent grâce aux résonnances de la mémoire et de l’imaginaire.
Situées dans des lieux différents, les pièces Bill Balaskas et Estefania Penafiel Loaiza se répondent et introduisent une réflexion sur les lacunes historiques et l’omniprésence de l’événement, deux extrêmes d’une relation contemporaine au temps qui trouve son expression dans l’affluence des images d’actualité. Réalisée en 2007, l’installation d’Estefania Penafiel Loaiza, placée au centre d’une salle plongée dans l’obscurité, présente une table jonchée d’un amas de petits papiers blancs de format rectangulaire identique, vivement éclairée d’une lumière rouge diffusée par une lampe suspendue au plus près de la table. Par ce dispositif, le visiteur est invité à se saisir des feuilles éparses et à les observer à la lumière de la lampe. Mais ce geste semble bientôt vain, car les images imprimées se sont évanouies de leur support, ne laissant pas la moindre trace. En alliant multitude, répétition et effacement, Estefania Penafiel Loaiza révèle combien la profusion des images qui nous parviennent aboutit à une perte de sens, s’annulant les unes les autres et disparaissant sous une même couleur de violence, celle d’un rouge cru qui évoque le sang. Cette table d’étude est aussi une table d’auscultation, et le geste d’observation, de classement et d’analyse auquel nous sommes conviés rappelle la figure de l’archiviste, un archiviste d’aujourd’hui dont les documents témoins seraient devenus des feuilles muettes, des feuilles d’oublis.
Estefania Penafel Loazia, cherchant une lumière garde une fumée, 2007, installation
Courtesy de l’artiste et de la Galerie Alin Gutharc, Paris
À la frontière de l’invisible et de la latence, les images imperceptibles d’Estefania Penafiel Loaiza signalent un manque, et révèlent la nécessité s’arrêter, de revenir en arrière, de se réapproprier le passé et de reprendre pied avec le présent. La question de la mémoire, soulevée par l’absence de toute empreinte, se cristallise dans l’œuvre de Bill Balaskas. De même que les rectangles immaculés et innombrables se font signes d’oubli, les flashs qui mitraillent le Parthénon le temps d’une nuit dans l’année, lorsque l’Acropole est exceptionnellement ouverte au public, matérialisent la démultiplication d’images éphémères et semblables, devenues stériles par leur redite. Révélées par l’artiste le temps d’une bande vidéo de 2011, Parthenon Rising (II), ces pratiques individuelles de captures frénétiques d’images étonnent par leur cadence et leur persistance dans la nuit d’Athènes. L’instantanéité de la saisie photographique, récupérée dans la durée en boucle de la vidéo, semble se perpétuer indéfiniment et ignorer ainsi l’objet même de la prise d’image, le monument historique soudainement illuminé comme une star piégée par des paparazzi. La rupture temporelle entre l’immédiateté des déclics et le caractère immuable du monument fait surgir un questionnement inquiet : Qu’est-ce que l’image du Parthénon aujourd’hui ? S’est-il démultiplié en images évanescentes, nées du seul désir jaloux de tout un chacun ? Peut-il encore être un lieu de mémoire, autour duquel se rassemblent des consciences porteuses d’une histoire commune ? Le monument mystérieux échappe à ceux qui cherchent si ardemment à le dérober, et demeure comme une énigme posée au souvenir.
Bill Balaskas, Parthenon Rising, 2011, vidéo digitale
Courtesy de l’artiste et Kalfayan Galleries, Athens-Thessaloniki
Esquivant l’évidence tapageuse des images événementielles, récusant le caractère vide et impersonnel des commémorations officielles, les artistes tracent un autre cheminement menant vers la mémoire, celle qui touche l’intimité du regard de chacun et qui s’ouvre au partage et à l’échange. C’est contre la violence du silence officiel et la négligence hâtive des médias que s’élève l’installation vidéo d’Adel Abidin, Symphony I, réalisée en 2012. L’artiste irakien offre un hommage au massacre des adolescents irakiens « emo » [1], par la police des mœurs en avril 2012, et dont les victimes ont été estimées de 90 à 100 morts par les ONG. Dans un format vertical proche de celui des portraits, la vidéo dépeint une scène imaginée après le crime, lorsque les corps inanimés s’entassent au sol comme dans une fosse commune. Ces corps, semblables à des poupées immobiles, évoquent aussi des statues nimbées d’une aura sacrée, celles qu’a justement façonnées l’artiste pour la deuxième partie de cette œuvre en diptyque. Symphony II, qui n’est pas exposée au Cent Quatre, est une installation prévue pour un mur, où de petites portes blanches encastrées s’ouvrent comme des tiroirs et offrent au regard des statues de plâtres des victimes allongées. Avant d’accéder à la paix de cette salle funéraire, les corps de Symphony I montrent des âmes tourmentées, métaphorisées par un fil qui relie la bouche de chacun au pied d’une colombe blanche, dont le vol empêché rappelle le poids de la mort et insuffle le seul mouvement de la vidéo, celui des ailes se débattant dans la lumière crépusculaire d’un ciel immobile. Cette image poétique confère un lieu de mémoire pérenne aux adolescents, substituant à l’ignorance injuste un temps devenu image, pour contempler et méditer. Elle s’accompagne d’une sculpture, intitulée Al-Warqaa et créée en 2013, composée au sol d’une lourde pierre, d’où part un fil qui aboutit en hauteur à une armature lumineuse récréant la forme inaltérable d’une aile d’oiseau. Inspirée d’un poème d’Avicenne mesurant le voyage de l’âme au vol de la colombe, l’œuvre élève hors du temps et de l’offense les jeunes victimes, et réunit un présent de violence et un passé littéraire. L’image vidéo et sa traduction incarnée dans la pierre et la lumière viennent ainsi composer les deux volets d’une appropriation sublimée du souvenir.
Adel Abidin, Symphony I, 2012, intallation vidéo
Courtesy de l’artiste
Réinventant le mémorial à la lumière d’un poème, Adel Abidin œuvre contre l’oubli en créant par l’image un lieu de réconciliation. Privilégiant lui aussi le lieu [2], habité d’une présence et d’une histoire, plutôt que le monument, réceptacle d’une mémoire parfois sans vie, l’artiste libanais Siska choisit un cheminement inverse, celui qui mène d’un espace préexistent à son image ravivée et pérennisée par l’œuvre. Ce lieu, le bâtiment moderniste qui abrite les bureaux de la société Électricité du Liban, dont les initiales donnent le titre à la vidéo datée de 2011, E.D.L., marque depuis longtemps le paysage urbain du quartier de Gemmayzeh à Beyrouth, et passe pourtant inaperçu aux yeux des habitants de la capitale libanaise. À travers l’objectif de sa caméra, Siska parcoure du regard les alentours de l’immeuble, les divers points de vue des fenêtres, scrute la haute façade et ses alignements réguliers de fenêtres, jusqu’à pénétrer dans le hall, l’ascenseur, les couloirs, et entrer dans les bureaux où il rencontre les personnes qui y travaillent, surprenant leurs sourires et leurs conversations. Il épouse ainsi les contours du bâtiment et révèle des espaces de vie, tout en montrant par le goût du détail le caractère fascinant de son fonctionnement interne. Le film super 8 que choisit l’artiste développe cette ambivalence, par la vibration et l’imperfection de l’image qui donne vie au lieu à travers la facture d’un film d’amateur, mais l’habille aussi de la texture du souvenir, celle du flou et de l’épaisseur des couleurs, qui semblent nous parvenir d’un temps reculé, doublé par un décor lui-même d’une époque datée. Le brouillage temporel de cette archive du présent lui offre une qualité atemporelle, servie par les sons d’une musique électronique expérimentale des années 1950 et 1960, comme une réminiscence qui sourd à la surface de l’image. Une maquette éclairée de bougies électriques, réalisée à la main par l’artiste en 2014, vient signaler le retour obsessionnel de cette silhouette géométrique entourée de lumières, et souligne aussi l’enjeu vital et actuel de l’électricité au Liban, celle de coupures quotidiennes et intempestives qui durent depuis la guerre civile.
Siska, E.D. L., 2011, film super 8 digital
(Capture d’écran à partir du film accessible en ligne)
En ouvrant des espaces-temps à travers l’image, les œuvres échappent aux cadres de l’actualité et de l’histoire officielle, projetant le souvenir vers un ailleurs irrésolu. Cet ailleurs devient fiction dans les œuvres de Ali Cherri et de Lamia Joreige, qui engagent tous deux notre regard par-delà et en-deçà de la chronologie des faits, dégageant une brèche pour faire poindre le potentiel, le probable, l’invisible.
Cette faille sous le savoir apparent s’incarne de manière métonymique dans les fractures sismiques mises en lumières par Ali Cherri, qui engage une redéfinition de la notion de catastrophe. « Au Liban, la terre tremble entre 45 et 60 fois chaque jour. Personne ne s’aperçoit de ces tremblements. Je les ressens tous. », nous confie la voix-off au tout début de la vidéo L’intranquille, datant de 2013. L’œuvre met en scène un personnage anonyme dont nous suivons les pas sur une plage enneigée puis dans l’obscurité des sous-bois, et dont la voix nous guide à travers la fable poétique dont il est le narrateur. Au cours de ce voyage, le spectateur découvre que la catastrophe peut devenir une pulsation intimement ressentie et dissimulée des regards, se fondre dans le « peut-être » et le « pas encore », et perdre toute représentation sensationnelle et spectaculaire [3]. Aux cotés des guerres et des attentats qui ponctuent l’histoire contemporaine du Moyen-Orient, il y a ces trois failles sismiques qui sillonnent la région et l’exposent constamment à un désastre éventuel. L’inquiétude prend pour motif un cercle d’ailes noires qui bordent une clairière où s’achève la promenade du personnage, que l’on voit s’éloigner seul lors d’un dernier plan. Rappelant toute une mythologie des augures sombres et faisant écho à la connotation de mauvais présage attribuée au corbeau, ces ailes miment une anxiété constante, profonde et vécue, étrangère aux seuls éclats des images de conflit. Elles prennent toute leur ampleur dans la salle d’à coté, avec Démembrement, réalisé en 2014. Cet assemblage d’ailes de corbeau réelles, ne formant qu’une seule aile immense suspendue dans le noir et brillamment éclairée, y projette son ombre décuplée et inquiétante.
Ali Cherri, L’intranquille, 2013, vidéo HD
Courtesy de l’artiste
La catastrophe se prolonge ainsi vers un devenir légendaire, celui des ailes noires qui cristallise un sentiment diffus d’instabilité. L’étirement des possibles vers l’imaginaire, par un vol figé dans l’œuvre d’Ali Cherri, par des fils tendus et contrariés vers un battement d’ailes impossible dans la vidéo d’Adel Abidin, apparaît dans le travail de Lamia Joreige à travers un étoilement d’hypothèses, de récits et de mythes, le tracé au crayon sur un mur blanc venant relier une constellation de matériaux pour Beyrouth : Autopsie d’une ville, une œuvre de 2010. Le premier chapitre de ce projet en trois volets est né là encore d’une « anxiété », « après la série d’assassinats qui ont eu lieu entre 2005 et 2006, puis la guerre de 2006 puis la presque-guerre de 2008, puis les nombreux événements qui ont secoué le pays. J’ai eu envie de chercher dans le passé jusqu’à l’antiquité quels étaient les moments où Beyrouth avait failli disparaître [4]. ». Une histoire de la disparition possible de Beyrouth procède au montage anachronique de sources variées et de régimes de sens divers, répertoriés par des majuscules lorsqu’ils correspondent à des moments spécifiques de l’histoire, et par des nombres lorsqu’ils renvoient à des mythes, des non-événements, et des événements qui auraient pu avoir lieu. Des photographies d’archive [5], des extraits de livres d’histoire ou de mémoires universitaires, mais aussi des textes personnels, côtoient des vidéos de Lamia Joreige, montrant le centre-ville en reconstruction en 1993, la guerre de 2006 notamment à travers la télévision, une vue du port de Beyrouth en 2008. À l’alignement cohérent des faits sur une frise, Lamia Joreige oppose l’éclatement des trajectoires et l’évasion des pistes. Cette réécriture par association aboutit au second chapitre, Beyrouth, 1001 vues, une animation vidéo de 18 minutes, où le mélange et la surimpression de photographies [6] de Beyrouth à différentes époques réalise un feuilletage elliptique de temps superposés jusqu’à l’indistinction, pour produire une image mentale de la ville. Précédé d’un texte narrant le récit suspendu d’une fuite, le pan ultime de ce projet est celui d’une projection vers un temps à venir, dans la vidéo Beyrouth, 2058, au moment d’un désastre dont on ne sait si il est naturel ou si il s’agit d’une guerre. Inspirée des vestiges présents et de la violence potentielle, l’image du bord de mer filmée par Lamia Joreige apparaît désert : la ville a disparu. Pourtant, ce littoral inspire la sérénité, approfondissant la réflexion nuancée d’Ali Cherri : « C’est une image très paisible, parce que pour moi la catastrophe ne donne pas forcément lieu à une image catastrophique, elle est parfois justement cette image de paix, de sérénité, si on vient à Beyrouth passer une semaine on se dit quelle douceur de vivre, on ne voit pas forcément l’explosion qui pourrait arriver [7]. »
Lamia Joreige, Beyrouth, autopsie d’une ville, 2010 installation
Vue du chapitre 2
Courtesy de l’artiste
Aux différentes étapes du projet de Lamia Joreige, la combinaison des échelles temporelles, historiques ou mythiques conduit à une trame enchevêtrée dans l’image devenue atemporelle, pour déboucher soudainement sur un horizon futur. Cette anticipation d’un temps à venir est saisie avec radicalité en 2012 par Larissa Sansour pour contrer la désillusion et le piétinement de l’histoire. Contre toute attente, l’artiste développe à travers une vidéo et une série d’impressions photographiques le projet futuriste d’un état palestinien, Nation Estate, un immense gratte-ciel qui contiendrait toute la population palestinienne, et dont chaque étage serait consacré à une ville et aux monuments historiques célèbres. Face à l’impossibilité de reconquérir les terres de la Palestine, Larissa Sansour formule un autre projet lui-même impossible. La nostalgie de la terre, des paysages, des maisons familiales, relevant tous d’un rêve horizontal partagé par les Palestiniens, est renversée par le choix d’une image verticale, urbaine, moderne. Une affiche aux couleurs vives et au graphisme stylisé, qui donne à lire le slogan « Nation Estate. Living the high life. », est l’un des éléments de cette construction chimérique, montée pièce par pièce par l’artiste, et dont la clef de voûte est la vidéo. On y suit Larissa Sansour elle-même, de retour de voyage, regagnant son appartement à Bethlehem, au 21e étage du gratte-ciel, prétexte par lequel l’artiste nous donne l’occasion de visiter son Etat palestinien, aux différents arrêts de l’ascenseur. L’étonnement et l’humour qui rythment cette visite se teintent d’ironie sombre, marquée par le visage fermé et le regard fixe de l’artiste. Ce film de science-fiction apparaît alors comme une dystopie [8], par la virtualité codifiée, assumée et esthétisée des images de synthèses, qui nimbent d’irréalité les villes, les monuments, et l’ensemble du patrimoine palestinien, faisant de tout projet d’Etat palestinien un mirage inconsistant. L’idée folle de Larissa Sansour n’est bien sûr pas souhaitable, et réfléchit par son architecture futuriste l’étroitesse et l’enfermement de la condition palestinienne [9]. L’image vidéographique, mais aussi les photographies qui reconstituent les étapes du récit de Larissa Sansour, viennent ainsi désigner, en creux, une dépossession, et viennent contourner un lieu manquant, impensable au point d’en être devenu science-fiction.
Larissa Sansour, Nation Estate, 2012, tirage numérique
Courtesy de l’artiste
Retrouver le temps d’une image, ou imaginer d’autres temporalités : les artistes rassemblés au Cent Quatre pour l’exposition « Passé simple, futurs composés. Des images en contrechamp » s’engagent dans ces deux voies convergentes pour explorer d’autres formules temporelles à travers les ressources de l’image. Celle-ci devient un lieu, redécouvert, inventé ou potentiel, qui cristallise le souvenir intime et tente de renouer avec une mémoire commune. Chaque œuvre offre une pause pour réfléchir et se remémorer, et ouvre surtout sur des liens à nouer, entre les temps, les espaces et les personnes, des liens dont les fils s’étirent vers des ailleurs insoupçonnés.
Notes :
Juliette Bouveresse
Juliette Bouveresse est élève à l’École Normale Supérieure de Lyon en Histoire des arts. Ses recherches portent sur l’art contemporain au Moyen-Orient et dans le monde arabe.
Notes
[1] « emo » vient du mot anglais « emotional » et se réfère au style de jeunes gens écoutant dans la musique alternative, portant des vêtements noirs près du corps, et dont les coupes de cheveux sont caractéristiques. En Irak, le terme désigne le plus souvent des homosexuels.
[2] L’intérêt de l’artiste pour les lieux urbains qui disparaissent se retrouve dans un autre projet, intitulé « Kino project », qui est né du désir de faire revivre des cinémas détruits, effacés ou transformés à Beyrouth. Il s’agissait au départ d’organiser la projection d’un film au même endroit que la salle d’autrefois, avec pour point de départ le cinéma Vendôme à Mar Mikhael, quartier de Beyrouth. Depuis, le projet est devenu itinérant, organisant de ville en ville en Europe ou ailleurs des projections sur la trace des cinémas disparus.
[3] Ali Cherri s’inspire des ouvrages de Mathew Gumpset, The end of meaning : Studies in catastrophe, et de Maurice Blanchot, L’écriture du désastre, pour mener une réflexion dont on peut citer les éléments principaux : « Il n’y a pas de petite ou de grande catastrophe. Alors que l’échelle d’un danger existe, il n’y a pas d’échelle pour une catastrophe. L’effondrement d’un pont ou d’un empire prennent la même forme, celle de la catastrophe en tant que telle. » ; « Les catastrophes sont supposées arriver soudainement au moment le plus inattendu. Elles sont censées être spectaculaires, presque sublimes : l’écroulement brutal de l’ordre établi, l’anéantissement théâtral de toute structure. » ; « La catastrophe a ralenti. Abandonnant tout désir de choquer ou de surprendre. Une mort lente, une danse macabre, l’agonie des objets. ».
[4] Entretien de Juliette Bouveresse avec Lamia Joreige, Beyrouth, 26 novembre 2013.
[5] Les photographies proviennent du centre de documentation An-Nahar, de la collection Fouad Debbas, de la fondation arabe pour l’image.
[6] Idem.
[7] Entretien de Juliette Bouveresse avec Lamia Joreige, Beyrouth, 26 novembre 2013.
[8] Le terme dystopie est d’usage plus courant en anglais (« dystopia ») et désigne une utopie prenant un caractère effrayant ou un récit d’anticipation dans le lequel le système politique et social conduit au malheur de ses habitants. On peut penser à 1984, de George Orwell, Le meilleur des mondes, d’Aldous Huxley, ou encore Farenheit 451, de Ray Bradbury.
[9] Une autre vidéo de Larissa Sansour, Space Exodus, en 2009, développe le récit d’un voyage spatial réalisé par l’artiste elle-même, en tant que premier citoyen palestinien envoyé dans l’espace. Les voyages de Larissa Sansour témoignent du sentiment d’enfermement des palestiniens, qui n’ont d’autre exutoire que de construire une tour (dans Nation Estate) ou de s’échapper dans l’espace (dans Space exodus).
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