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Par Amicie Duplaquet
Publié le 20/11/2015 • modifié le 15/04/2020 • Durée de lecture : 6 minutes

New York CIty : The Israeli deputy Foreign minister Golda Meir waves to the press, 26 May 1948 upon her landing at New York airport prior to attend the "United Jewish appeal" conference. Golda Meir, born 03 May 1893 in Kiev (Ukraine) became in March 1969 Israeli Prime minister.

AFP

De la Palestine mandataire à la création d’Israël

Golda Meir, née Golda Mabovitch le 3 mai 1898 à Kiev – alors partie de l’Empire russe – est la septième d’une famille de huit enfants. Elle grandit dans la tradition juive, bien que sa famille ne soit pas pratiquante. En 1903, son père immigre dans le Wisconsin aux États-Unis pour fuir les pogroms, ainsi que la « zone juive » prescrite par le Tsar, et trouver un travail permettant de subvenir à sa famille. Golda le rejoint en 1906 avec sa mère et ses frères et soeurs. Elle reçoit là-bas une éducation juive et travaille avec sa mère dans une petite épicerie. À 14 ans, elle quitte la maison de ses parents qui voulaient la marier à un homme plus âgé et part à Denver rejoindre l’une de ses grandes sœurs, Sheyna. Elle y rencontre Morris Myerson qu’elle épouse en 1917. Golda commence aussi rapidement sa vie militante, notamment en s’engageant auprès du groupe sioniste travailliste. Elle participa également au Congrès juif américain de 1918.

En 1921, Golda Meir effectue son alya en Palestine mandataire, en compagnie de son époux et de sa sœur Sheyna. Ils deviennent alors membres du kibboutz de Merhavai, dans la vallée de Jezreel, située aujourd’hui au nord d’Israël. La vie au kibboutz est principalement faite de travaux manuels et agricoles mais Golda n’abandonne pas pour autant son engagement militant. Elle est rapidement choisie par son kibboutz pour en être la représentante auprès du syndicat de la Histadrout (1), l’embryon du futur parti travailliste. Son mari, ne supportant pas la vie au Kibboutz, la famille déménage en 1924 à Tel Aviv, puis à Jérusalem. Ils auront alors deux enfants, Menahem et Sarah. En 1928 Golda Meir choisit de retourner seule avec ses enfants à Tel Aviv, tandis que son époux demeure à Jérusalem où il passera le restant de sa vie – les deux époux se séparant en 1940. À Tel Aviv, Golda Meir occupe le poste de Secrétaire générale du Conseil ouvrier féminin de la Histadrout, avant de devenir membre de son Comité exécutif en 1934 (2).

En 1940 elle est nommée chef du département politique de la Histadrout, ce qui l’emmène à lutter entre autre contre le « livre blanc » (3) britannique, qui ambitionnait de limiter l’immigration juive en Palestine. Golda Meir participe alors largement à l’organisation de l’immigration juive illégale vers la Palestine mandataire. En 1946, elle échappe à la vague d’arrestation lancée par les autorités mandataires britanniques à l’égard des leaders du mouvement sioniste de Palestine et prend la tête de l’organisation. Elle joue alors un rôle de négociateur entre les autorités britanniques et les groupes sionistes. Le 14 mai 1948, Golda Meir est membre du Conseil d’État provisoire d’Israël et fait à ce titre partie des signataires de la déclaration d’indépendance du nouvel État. Dans les jours suivants l’indépendance, Golda Meir reçoit l’un des premiers passeports israéliens qui fut édité et part aux États-Unis pour effectuer une large campagne de collecte de fonds. À son retour en Israël deux mois après, elle est nommée ambassadrice d’Israël en Union Soviétique. Elle occupa ce poste moins d’un an puisqu’elle est ensuite élue à la Knesset, en 1949, sous les couleurs du parti travailliste.

Carrière politique

Suite à son élection à la Knesset, Golda Meir est nommée ministre du Travail dans le gouvernement de David Ben Gourion, qui lui demande de changer son nom de Myerson en Meir afin de l’hébraïser. Elle occupe ce poste jusqu’en 1956, date à laquelle elle est nommée ministre des Affaires étrangères. Elle initie à ce titre une politique de coopération avec les États africains nouvellement indépendants, notamment à travers différents programmes de coopération – toujours en cours aujourd’hui – basés sur l’expérience du développement israélien (4). Dans le même temps, elle travaille à développer les relations bilatérales avec les États-Unis, ainsi qu’avec certains pays d’Amérique du sud. Fatiguée et malade, Golda Meir décide toutefois de quitter ses fonctions au gouvernement en 1966, avant d’être rappelée quelques mois plus tard pour reprendre la tête du parti travailliste. Elle occupe ces fonctions jusqu’en 1968 et entreprend de créer une coalition nommée « alignement », rassemblant trois des différentes mouvances travaillistes de l’époque.

En 1969, le Premier ministre travailliste Levi Eshkol décède au cours de ses fonctions et le parti choisit Golda Meir pour le remplacer temporairement, alors déjà âgée de 70 ans. Au mois d’octobre de la même année, les élections législatives apportent une large victoire à son parti. Son mandat est marqué par le cessez-le-feu qu’elle accepte sur le canal de Suez. Concernant les modalités d’un règlement de la crise iraélo-arabe, Golda Meir se range toutefois derrière les positions les plus dures de son gouvernement, notamment avec les ministres Moshe Dayan et Israël Galili. Elle refuse par exemple d’inclure dans son vocabulaire politique le mot « retrait » à propos des territoires occupés, et rejette en 1971 la proposition de paix du président égyptien Sadate en échange de la restitution des territoires occupés. Sur la question palestinienne, Golda Meir affiche des positions tout aussi radicales : « lorsque j’ai fait mon alyah, le peuple palestinien, ça n’existait pas » (5), disait-elle.

Durant son mandat à tête du gouvernement, elle incarne donc une figure forte et inflexible, dans laquelle les Israéliens ont entièrement confiance. Cette confiance bascule toutefois le 6 octobre 1973, lorsque les armées égyptiennes et syriennes lancent une attaque simultanée dans le Sinaï et sur le plateau du Golan, déclenchant ainsi la guerre du Kippour. Cette attaque cause deux traumatismes majeurs dans la classe politique israélienne : non seulement, les services secrets israéliens n’ont pas été en mesure de prévenir de l’imminence de l’attaque, mais c’est aussi la première fois de ce conflit que les armées arabes progressent rapidement et avec un net avantage sur les Israéliens, notamment en franchissant la ligne Bar Lev (6). Moshe Dayan, alors ministre de la Défense, dresse alors à Golda Meir un tableau apocalyptique de la situation, évoquant même la possible fin d’Israël (7). L’armée israélienne finit toutefois par reprendre l’avantage militaire sur les armées arabes, mais les premiers jours de ce conflit remettent en question toute la théorie de sécurité israélienne, provoquant ainsi une réelle crise politique.

Démission et héritage

Les conséquences politiques de la guerre de Kippour sont très importantes. Une fois l’état de choc passé, beaucoup de critiques se concentrent sur le gouvernement et sa Première ministre. Golda Meir est notamment accusée de ne pas avoir déclenché d’attaque préventive, comme cela avait été le cas lors de la guerre des six jours de 1967, face à l’imminence de l’attaque arabe. L’argument du gouvernement en ce sens, qui est par la suite confirmé par Henry Kissinger, est qu’Israël ne pouvait bénéficier de l’appui américain décisif s’il attaquait le premier. Ainsi, une fois la guerre terminée et la victoire israélienne assurée, l’inquiétude de la population se retourne contre son gouvernement.

En décembre 1973, des élections législatives – qui avaient été reportées de deux mois à cause de la guerre –ont lieu et donnent une courte victoire de la coalition de Golda Meir face au Likoud de Menahem Begin, qui réalise de son côté une nette progression. Le 2 avril 1974, la Commission Agranat (8) – chargée d’enquêter sur les failles des services de défense et de renseignement israélien face à la guerre du kippour – rend son premier rapport intermédiaire au gouvernement. Ce rapport accuse directement les renseignements et militaires israéliens, ce qui provoque un véritable tollé médiatique et politique. Une vague de licenciement s’en suit parmi les hauts fonctionnaires, notamment le chef de l’État-major de l’époque, David Elazar. Bien que le rapport n’ait pas accusé directement la Première ministre, les débats publics qui suivent mettent son gouvernement en cause, face à quoi Golda Meir décide de rendre sa démission. Elle annonce sa décision à la knesset le 11 novembre 1974 et est alors remplacé par Yitzhak Rabin.

Après sa démission, Golda Meir annonce son retrait définitif de la vie politique. Elle commence la rédaction de ses mémoires (9) qu’elle publie en 1975. Cet ouvrage intitulé My Life, contribue à lui forger l’image de ce qui est désormais l’un de ses surnom : « la grand-mère d’Israël ». À ce moment, Golda se sait aussi souffrante d’une leucémie, mais son état de santé n’est pas rendu public avant sa mort. En 1977, elle se déplace malgré tout à la knesset à l’occasion de la première visite du président égyptien Sadate à Jérusalem. Le 8 décembre 1978, Golda Meir, alors âgée de 80 ans, décède à Jérusalem. Elle est inhumée à l’occasion de funérailles nationales dans le carré des grands de la Nation, le cimetière national d’Israël, sur le mont Herzl.

Malgré les conditions controversées dans lesquelles elle a quitté le pouvoir, Golda Meir reste dans la mémoire collective israélienne comme étant l’un des personnages fondateur de l’État juif. Elle représente, aux côtés de certains autres dirigeants, l’accomplissement de rêve sioniste et socialiste. Son idéologie travailliste ne l’empêche toutefois pas de gouverner avec une certaine fermeté, ce qui lui vaut aussi le surnom de la « dame de fer », quelques années avant que ce qualificatif ne soit attribué à Margaret Thatcher. Politiquement, la démission de Golda Meir, et le contexte historique qui l’entoure, marque aussi le début du basculement de la gauche israélienne en faveur de la droite.

Notes :
(1) http://www.histadrut.org.il/
(2) http://www.britannica.com/biography/Golda-Meir
(3) http://www.france-palestine.org/Le-Livre-blanc-de-1939
(4) http://www.mfa.gov.il/mfa/aboutisrael/state/pages/golda%20meir.aspx
(5) http://www.akadem.org/medias/documents/Golda-VERBATIM.pdf
(6) La ligne Bar Lev était une ligne de fortifications israéliennes construite le long de la frontière égyptien après le conflit de 1967.
(7) http://www.akadem.org/pour-commencer/les-grandes-figures-d-israel-3-clips-/golda-meir-la-grand-mere-d-israel-02-05-2013-52427_4455.php
(8) https://www.knesset.gov.il/lexicon/eng/agranat_eng.htm
(9) https://openlibrary.org/works/OL6112379W/My_life

Publié le 20/11/2015


Amicie Duplaquet est étudiante à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, en Master Coopération et développement au Maghreb et Moyen-Orient. Après avoir suivi des cours de sciences politiques à l’université de Birzeit, en Cisjordanie, elle a réalisé un mémoire sur les conséquences du printemps arabe sur la stratégie israélienne et prépare une thèse sur le même sujet à l’Institut Français de Géopolitique. 


 


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