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Hussein et la famille Hachémite

Par Lisa Romeo
Publié le 20/01/2011 • modifié le 15/04/2020 • Durée de lecture : 4 minutes

Hussein de La Mecque

AFP

L’origine des Hachémites

Après la mort du Prophète Muhammad en 632, plusieurs titres honorifiques sont portés par ses descendants, comme celui de Chérif. Le dignitaire le plus respecté est le grand Chérif de la Mecque qui assure la garde des Lieux saints de l’Islam. Depuis le XIème siècle, cette prestigieuse fonction est attribuée à la famille Hachémite. Cependant, la conquête de la péninsule arabique au XVIème siècle par les Ottomans limite fortement leurs prérogatives : le contrôle des villes Saintes se fait dorénavant par des gouverneurs turcs et les activités des chérifs sont largement surveillées. Le chérif de La Mecque conserve néanmoins un rôle religieux extrêmement fort, reconnu dans l’ensemble du monde musulman. Au début du XXème, le chérifat revient à Hussein ben Ali, le 37ème descendant de Muhammad.

Hussein ben Ali, chérif de La Mecque

Hussein ben Ali est né vers 1856 à Constantinople. Il est le chef de la famille des Hachémites à la fin du XIXème siècle et devrait donc succéder au Chérifat. Cependant, le sultan-calife ottoman Abdülhamid II (1876-1909) le considère vite comme trop indépendant d’esprit et choisit de le placer en résidence surveillée à partir de 1893. Hussein vit donc durant une quinzaine d’années, avec sa femme et ses quatre fils (Ali 1879-1935), Abdallah (1880-1951), Faysal (1883-1933) et Zeid (1898-1970)) sur la rive européenne du Bosphore, loin du Hedjaz et des villes saintes pendant que son oncle, puis son cousin, se succèdent au titre de Chérif de La Mecque. En 1908, la Révolution jeune turque renverse le sultan et Hussein est autorisé à rentrer en Arabie pour devenir enfin officiellement le grand Chérif de La Mecque. De retour au Hedjaz, le nouveau chérif s’applique à renforcer son prestige ainsi que celui de la région. Il entretient avec le gouvernement Jeune-turc du comité Union et Progrès des rapports plus ou moins bons, refusant notamment que ce dernier réduise les fonctions des hachémites en faisant de la région une simple province ottomane. Il critique notamment le caractère moderniste et centraliste du Comité. Il faut tout de même noter que dans un premier temps, il n’entend pas encore se détacher réellement de l’emprise ottomane qu’il respecte. D’une manière générale, rares sont encore ceux qui envisagent sérieusement l’éclatement de l’Empire au moment de la révolution Jeune-turque même si les demandes pour plus d’autonomie sont courantes. Mais les multiples maladresses du régime turc lui font rapidement envisager la création d’un royaume arabe indépendant sous la houlette de son clan.

Vers la révolte arabe contre l’Empire ottoman

De par sa position, Hussein est rapidement contacté par les différents mouvements nationalistes arabes organisés en sociétés secrètes. Ces contacts le confortent dans sa volonté de former un royaume allant de la péninsule arabique jusqu’à Damas et Beyrouth, en comprenant Bagdad, Jérusalem et le Caire.

Pour envisager sérieusement un tel projet, il est nécessaire toutefois de se trouver un allié de taille. Hussein et ses fils pensent alors à la Grande-Bretagne. L’entrée dans la Première Guerre mondiale de l’Empire ottoman aux côtés des empires centraux convainc les Britanniques des avantages que peut leur apporter une telle alliance. Ils craignent en effet que l’appel au Djihad du sultan-calife ait de terribles conséquences sur leur position dans le monde musulman. Hussein refuse d’appuyer cet appel déclarant qu’il dépend de l’Egypte, protectorat britannique depuis 1914, pour l’approvisionnement de la région et qu’il ne peut donc pas se permettre une telle action. Une correspondance entre Hussein et Mac-Mahon ( correspondance Hussein-Mac-Mahon), le haut-commissaire britannique en Egypte, débute le 14 juillet 1915. Le chérif propose de rentrer en guerre contre les Ottomans en échange de la formation d’un Etat arabe indépendant comprenant l’ensemble des provinces arabes de l’Empire et une partie de l’Anatolie, et de la restitution aux Arabes du califat. Mac-Mahon accepte dans le principe mais reste très flou sur la question des frontières de cet Etat.

La révolte arabe est finalement déclenchée le 10 juin 1916 dans le Hedjaz. Hussein confie le déroulement des combats à ses fils qui arriveront à Damas en 1917. Dans son appel à l’insurrection, le chérif met plus l’accent sur le mépris pour la religion des dirigeants unionistes plutôt que sur l’importance d’une action nationaliste. Il ignore cependant qu’entre temps les Britanniques se sont mis d’accord avec les Français pour se partager les dépouilles de l’Empire mourant (accords Sykes-Picot). Hussein se proclame Roi du Hedjaz fin 1916 mais son titre n’est pas reconnu par l’ensemble des puissances européennes. Le Hedjaz est cependant reconnu comme un belligérant à part entière et de ce fait fait partie des vainqueurs du conflit mondial. A la fin de la guerre, son fils Faysal devient l’unique représentant des Arabes à la conférence de Versailles de 1919 destinée à négocier les conditions de paix. Malgré les promesses des Britanniques, les demandes d’Hussein n’y seront pas acceptées.

Par ailleurs, les prétentions d’Hussein sur le Hedjaz sont très mal perçues par l’émir du Najd, Ibn Sa’oud, son principal ennemi. Ce dernier, prônant l’Islam rigoriste Wahhabite, l’accuse de trahison envers l’Islam.

Hussein, prétendant au califat

Lorsque Mustapha Kemal abolit définitivement le califat en mars 1924, Hussein se proclame immédiatement Calife. Mais Ibn Sa’oud est bien déterminé à empêcher son concurrent d’endosser une telle responsabilité. Il lui dénie toute légitimité et envahit le Hedjaz durant l’été 1924. Hussein, lâché par les Britanniques, est contraint d’abdiquer le 3 octobre et doit se refugier à Amman où son fils Abdallah est devenu émir de Transjordanie. Un an plus tard, avec la conquête de Médine par les Saoudiens le 5 décembre 1925, le dernier Hachémite Ali encore établi dans le Hedjaz est également contraint de quitter la région. Hussein décède le 4 juin 1931 à Amman sans avoir pu devenir calife ni réunir l’ensemble du peuple musulman sous son autorité.

Bibliographie :
Vincent Cloarec, Henry Laurens, Le Moyen-Orient au 20e siècle, Paris, Armand Colin, 2005
Remi Kauffer, La Saga des Hachémites, la tragédie du Moyen-Orient, Paris, Editions stock, 2009
James Moris, The Hashemite kings, London, Faber and Faber, 1959

Publié le 20/01/2011


Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.


 


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