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Hussein ibn-Talal, roi de Jordanie

Par Lisa Romeo
Publié le 24/03/2011 • modifié le 15/04/2020 • Durée de lecture : 6 minutes

Le roi Hussein en 1987

AFP

La jeunesse d’un roi

Hussein ibn Talal est né à Amman en 1935. Son grand-père, le roi Abdallah, voyant déjà dans son petit-fils la carrure d’un grand roi, décide de prendre en main son éducation. Il l’envoie étudier au Victoria Collège d’Alexandrie en Egypte en 1949 avant de rejoindre le collège de Harrow en Grande-Bretagne à l’âge de 15 ans. Abdallah le fait régulièrement revenir en Jordanie pour lui enseigner l’art de gouverner. Hussein est d’ailleurs aux côtés de son grand-père lorsqu’il se fait assassiner le 20 juillet 1951 à l’entrée de la grande mosquée al-Aqsa à Jérusalem. Le 11 août 1952, alors âgé de 17 ans, le jeune prince héritier devient roi après l’abdication de son père Talal par le Parlement pour « inaptitude mentale ». Une régence est mise en place jusqu’à sa majorité. Il effectue entre temps un stage militaire à l’Académie de Sandhurst pour compléter sa formation. Le 2 mai 1953, il hérite de la totalité du pouvoir et prend la tête du royaume de Jordanie.

Un début de règne difficile

S’il est rapidement apprécié des puissances occidentales pour ses mesures anticommunistes (le parti communiste créé en 1951 est interdit en 1953), sa légitimité est rapidement remise en question sur son propre territoire. L’influence des mouvements révolutionnaires et des thèses panarabes, alimentées par la propagande nassérienne, touchent en effet profondément la société jordanienne, et une vive opposition nationaliste se forme au Parlement, représentée, entre autres, par le député palestinien Suleiman Naboulsi, chef du Parti socialiste national, ou encore par le parti Baath. La monarchie hachémite est alors jugée trop conciliante avec la politique britannique et discriminante envers la population palestinienne en Jordanie (voir Territoires palestiniens). Des émeutes urbaines agitent la société jordanienne. Les débats sur une éventuelle adhésion de la Jordanie au pacte de Bagdad de 1955, destiné à endiguer l’URSS et mis en place par la diplomatie anglo-américaine, ne manquent donc pas de déchainer les passions. Hussein retrouve dans cette alliance plusieurs avantages non négligeables tels qu’une augmentation de l’aide Britannique à la Légion arabe et une protection contre l’Egypte nassérienne. Cette position est loin d’être partagée par l’opinion publique jordanienne qui manifeste violemment dans les rues de la capitale.

Après avoir remanié plusieurs fois son gouvernement, le roi décide finalement de renoncer au projet en janvier 1956. Il consent également à congédier l’officier britannique Glubb Pacha qui dirigeait la Légion arabe depuis 1945, ainsi que d’autres officiers britanniques dont la présence importunait les groupes nationalistes. Avec les élections d’octobre 1956, Souleiman Naboulsi devient Premier ministre. Il n’hésite pas à appeler à l’abolition du régime monarchique. Par ailleurs, plusieurs tentatives de coup d’Etat et d’attentat contre le roi témoignent toujours plus de l’isolement d’Hussein dans le pays et dans la région. Devant la montée de la contestation, le roi tente de réaffirmer sa position : la loi martiale est décrétée le 25 avril 1957, le Parlement est dissous, la Constitution de 1952 est suspendue et les partis politiques sont interdits. Il fait également appel à la flotte américaine pour le défendre contre les troupes syriennes qui le menacent dans le nord du pays. De plus, la création de la République Arabe Unie (RAU) en 1958 qui fait l’union entre la Syrie et l’Egypte nasserienne, l’inquiète fortement. Il cherche alors à se rapprocher de son cousin Fayçal qui gouverne l’Irak afin de former une Fédération arabe et pour se protéger d’une éventuelle offensive de la RAU. Mais la révolution de juillet 1958 en Irak renverse le roi et laisse une nouvelle fois Hussein dans une certaine vulnérabilité. Il décide donc de faire appel aux Etats-Unis, qui ont définitivement remplacé la Grande-Bretagne dans la région, et la monarchie est sauvée de justesse. La détermination de ce jeune roi de 25 ans à ne renoncer en aucun cas à son trône ne manquera pas d’impressionner de nombreux observateurs.

Dans les années 1960, Hussein s’oppose une nouvelle fois à Nasser en refusant de soutenir la révolution yéménite. Mais leurs relations semblent s’améliorer lors du premier sommet arabe au Caire le 13 janvier 1964 même si les provocations continuent d’affluer des deux côtés. Hussein se rapproche également du roi Fayçal d’Arabie saoudite. Un traité de défense est finalement signé entre le roi hachémite et Nasser le 30 mai 1967. Quelques mois plus tard, au nom de la solidarité arabe, Hussein est ainsi contraint de s’engager aux côtés de la Syrie et de l’Egypte contre Israël lors de la Guerre des Six jours. En deux jours, le royaume hachémite perd Jérusalem-Est et la Cisjordanie.

Hussein et les Palestiniens

Au lendemain de la Guerre des Six jours, les relations entre les Palestiniens et le gouvernement jordanien se tendent. Hussein craint que la formation de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), créée en 1964, ne constitue un Etat dans l’Etat et ne remette en cause sa position. En effet, les Palestiniens représentent alors les deux tiers de la population jordanienne et leur droit à l’autodétermination pourrait engendrer la fin du royaume. Après plusieurs accrochages, le roi sentant son autorité bafouée, décide de recourir à la force et d’éliminer de son territoire la résistance palestinienne : c’est Septembre noir. L’armée jordanienne lance une offensive contre Amman et les principales villes du Nord le 17 septembre 1970 et les camps palestiniens sont attaqués. Après une lutte acharnée, Arafat et Hussein se rencontrent au Caire le 27 septembre pour négocier. Hussein comprend qu’il n’a pas à craindre une intervention des Etats arabes et charge Wasfi al-Tall, nommé Premier ministre le 28 septembre 1970, de rétablir l’autorité hachémite. Entre 1970-1971, les organisations de fedayin sont alors peu à peu évincées du territoire.

Dès 1972, Hussein se réengage dans la question palestinienne afin de consolider la loyauté des palestiniens et de récupérer la Cisjordanie. Il se déclare en faveur de l’autodétermination des Palestiniens et propose de transformer le royaume en un Etat fédérant les deux rives du Jourdain. Le 15 mars 1972, le « plan Hussein » est présenté : il s’agit de faire de la Cisjordanie « une province palestinienne autonome », une fois la région rendue par Israël, formant un Etat fédéral avec la province jordanienne. Le plan reçoit le soutien des Etats-Unis mais la désapprobation des Israéliens, de l’OLP et des Etats arabes qui y voient une manœuvre pour restaurer la tutelle des Hachémites sur la Cisjordanie. Lorsque la guerre du Kippour de 1973 éclate, Hussein reste à l’écart des combats. Un an plus tard, lors du sommet de Rabat qui se tient du 26 au 29 octobre 1974, le roi hachémite reconnait l’OLP comme « l’unique représentant légitime du peuple palestinien » et les relations avec l’Organisation tendent à se normaliser. Il condamne, avec l’ensemble des chefs d’Etat arabes, la signature d’un traité de paix entre l’Egypte de Sadate et Israël. Il laisse également l’OLP rouvrir un bureau à Amman et reçoit Yasser Arafat en Jordanie en juin 1980.

Par ailleurs, Hussein ne renonce pas à son projet de confédération et des contacts sont pris avec les autorités israéliennes. Devant le refus des Etats arabes et des Palestiniens, des pourparlers secrets s’organisent. En 1983, il tente d’organiser avec l’OLP une fédération jordano-palestinienne mais finit par renoncer complètement à la Cisjordanie, le 31 juillet 1988.

Hussein et les nouvelles orientations dans les années 1990

Hussein positionne son pays du côté de l’Irak de Saddam Hussein lors de la guerre du Golfe de 1990-1991, non sans provoquer la colère des Etats-Unis et des monarchies du Golfe. Il semble cependant satisfaire l’opinion de son pays et s’assure ainsi une certaine popularité. Malgré cette décision, il arrive à s’imposer comme interlocuteur dans les conférences de paix. Au lendemain des accords d’Oslo, le roi jordanien semble vouloir s’appuyer sur les Etats-Unis et signe finalement un traité de paix avec Israël le 26 octobre 1994. Il rompt, un an plus tard, avec l’Irak, important partenaire commercial, et laisse des avions de combat américains surveiller l’Irak depuis son territoire.

Atteint depuis le début des années 1990 d’un cancer, le roi se fait hospitaliser à plusieurs reprises aux Etats-Unis. Il succombe à sa maladie à Amman le 7 février 1999, laissant le trône de Jordanie à son fils Abdallah (il était initialement prévu que son frère Hassan lui succède à la tête du pays).

Hussein de Jordanie a réussi à surmonter, tout au long de son règne, les différentes crises qui ont bouleversé la région et à implanter solidement la dynastie hachémite en Jordanie. Habile diplomate, il a su positionner son pays sur la scène régionale et internationale.

Pour aller plus loin sur ce thème avec les articles publiés dans Les clés du Moyen-Orient :
 Fiche pays Jordanie
 Fiche pays Territoires palestiniens
 Fiche pays Israël
 Fiche pays Egypte
 Fiche pays Syrie
 Fiche pays Irak
 Article famille des Hachémites
 Biographie sur Abdallah
 Biographie sur Nasser
 Biographie sur Sadate
 Biographie sur Fayçal d’Arabie saoudite
 Article pacte de Bagdad
 Article République Arabe Unie
 Article Guerre des Six jours
 Article Organisation de libération de la Palestine
 Article guerre du Kippour
 Article guerre du Golfe de 1990-1991
 Article accords d’Oslo

Bibliographie :
Louis-Jean Duclos, La Jordanie, Paris, Presses Universitaires de France, 1999.
Alain Gresh, Dominique Vidal, Les 100 clés du Proche-Orient, Paris, Hachette Littératures, 2006.
Marc Lavergne, La Jordanie, Paris, Editions Kharthala, 1996.
Alain Renon, Géopolitique de la Jordanie, Bruxelles, Editions Complexe, 1996.

Publié le 24/03/2011


Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.


 


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