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Abdul-Aziz ben Abderrahman ben Fayçal Al Sa’oud est né vers 1880 à Riyad, dans la région du Nedjd en Arabie. Il est le fils d’Abdur-Rahman, descendant de Mohammed ibn Sa’oud et de la fille de ’Abdul Wahab, fondateur du mouvement rigoriste sunnite, le wahhabisme. Il appartient donc à la dynastie saoudienne qui contrôlait l’ensemble de l’Arabie centrale au XVIIIème siècle et qui a unifié les tribus autour de la doctrine wahhabite. Abdur-Rahman, son père, est l’imam des Wahhabites.
Abdul-Aziz passe les premières années de sa vie à Riyad, capitale traditionnelle de la famille Saoud. Il reçoit un enseignement religieux très strict doublé d’une dure formation militaire qui l’endurcit et développe sa force physique.
Malgré leur prestigieux passé, les Saoud connaissent une période de déchéance et de pauvreté à la fin du XIXème siècle : vaincus par le gouverneur de la région de Haïl, Ibn Rashid, soutenu par les Ottomans, ils perdent l’essentiel de leur autorité et le contrôle de Riyad. En 1890, Ibn Rashid nomme Salim à la gouvernance de la ville. Lors des festivités de la fin du Ramadan, la tradition bédouine veut que les chefs de tribus effectuent des visites de courtoisie. Ainsi Salim les invite-t-il à se rendre au palais. Méfiant, les Saoud découvrent que Salim entend leur tendre un piège pour se débarrasser de la dynastie gênante. Ils rencontrent néanmoins le gouverneur et décident d’attaquer les premiers. Ils massacrent Salim et ses partisans et reprennent le contrôle sur la ville. Abdul Aziz, alors agé de onze ans, assiste au carnage qui le marque profondément. Ibn Rashid réagit immédiatement et envoie des forces armées afin de se venger des Saoud. Abdur Rahman, ayant conscience de son infériorité militaire, choisit de partir avec sa famille en exil dans le désert. Ils errent au sud de Hasa, puis vers le Qatar avant de séjourner au Koweit. Cette période d’insécurité et de pauvreté endurcit physiquement et moralement Abdul Aziz et lui apporte une bonne connaissance des tribus des provinces orientales. C’est également au Koweit, dirigé par l’émir Mubârak Ibn Sabâh depuis 1899, qu’il achève son éducation et découvre les réalités politiques de la péninsule en assistant régulièrement aux séances de « diwân » de l’émir où ce dernier reçoit les notables arabes et autres visiteurs étrangers qui lui font part de leurs doléances. Il y observe le jeu des Ottomans et des puissances étrangères, notamment des britanniques, qui s’intéressent de plus en plus à la Péninsule.
Même en exil, les Saoud cultivent une très grande tradition familiale et ambitionnent constamment rétablir un jour leur puissance et de propager la doctrine wahhabite. Abdul Aziz se sent très fier du passé qui lui est transmis et est fermement convaincu d’être responsable de cette tache par Dieu lui-même. Il comprend que seule la lutte peut permettre de récupérer Riyad et rétablir leur prestige.
C’est ainsi qu’après avoir obtenu de Mubârak Ibn Sabâh une trentaine de chameaux, deux cents riyals en or et un certain nombre de fusils et de munitions, Abdul Aziz prépare la reconquête de Riyad. Fin 1901, une attaque nocturne surprise le rend maître de la ville après un exil de onze ans. En 1902, son père le nomme émir de Riyad et lui confie des fonctions politique et militaire.
Mais conscient de la faiblesse de sa position, Abdul Aziz n’entend pas se contenter de Riyad, ni se retrouver à la merci des forces d’Ibn Rashid dans cette ville. Il reprend ainsi immédiatement le combat. En quelques années, il réussit à se défaire de Rashid et de son allié Turc et à assurer sa domination sur l’ensemble du Nedjd. Il entend également rétablir sa souveraineté sur l’ensemble des tribus que dominaient autrefois ses ancêtres, et envisage dans ce but une alliance avec la Grande-Bretagne, qui lui fournirait financements et armes. Le maintien de l’allégeance des tribus est en effet garanti par un apport d’argent, qui s’il n’est pas effectué, obligerait Abdul Aziz, en dépit de ses victoires, à se maintenir sous la souveraineté ottomane. Il multiplie alors les demandes d’alliance à la Grande-Bretagne sans trouver réellement de réponse jusqu’en 1911. En parallèle, les campagnes militaires se poursuivent. En 1913, il contrôle la région côtière du Hasa, lui permettant d’avoir un débouché sur le golfe Persique. Un accord est finalement conclu avec la Grande-Bretagne le 26 décembre 1915. Ce traité lui permet d’assurer une reconnaissance internationale à ses territoires, la protection britannique ainsi que des livraisons d’armement et d’argent. En échange, il réussit, en pleine Guerre mondiale, à ne pas s’engager aux côtés des Britanniques contre les Ottomans, mais doit respecter les territoires placés sous leur protection. Pendant ce conflit, il consolide sa position et développe la force religieuse et militaire Ikhwan.
Le principal concurrent d’Abdul Aziz reste alors le chérif de La Mecque, Hussein, de la famille des hachémites. Il met en place contre lui une sévère propagande religieuse, l’accusant de traitrise envers l’islam. En mai 1919, un premier affrontement met en présence les forces d’Abdul Aziz et celles du fils de Hussein, Abdallah, mais les pressions britanniques le contraignent à reculer. Il se contente alors d’occuper la région du Asir, située entre le Yémen et le Hedjaz et se proclame en 1921 « sultan du Nadj et de ses dépendances ». Devant les volontés expansionnistes d’Abdul Aziz, les Britanniques rompent avec lui en 1923.
Une fois libéré du joug anglais, il envoie l’Ikhwan attaquer à nouveau les territoires du Hedjaz en 1924-1925. Le 3 octobre 1924, Hussein, abandonné par les Britanniques, est contraint de capituler. La Mecque, puis Médine (le 5 décembre 1925), sont alors occupées par les forces saoudiennes et Abdul Aziz devient ainsi roi du Hedjaz. Il fait interdire tout signe d’idolâtrie dans les lieux saints et le Congrès du monde musulman qui se tient en 1926 à La Mecque reconnaît officiellement le wahhabisme au sein du sunnisme. Les territoires conquis sont peu à peu reconnus sur la scène internationale par le traité de Djeddah signé le 20 mai 1927 avec la Grande-Bretagne. Le 24 septembre 1932, Abdul Aziz crée le royaume d’Arabie saoudite et unifie tous ses territoires.
Afin de consolider définitivement son pouvoir, Abdul Aziz chercher alors un moyen de remplir les caisses de l’Etat et accorde des concessions pétrolières à des compagnies américaines. En 1939, les premières exploitations permettant ainsi au roi de moderniser son royaume. Après la Seconde Guerre mondiale, il devient un des principaux alliés des Etats-Unis dans la région.
Abdul Aziz meurt le 9 novembre 1953 à Taïf, à 50 km de La Mecque, suite à de graves problèmes de santé. Il se fait enterrer en toute simplicité, conformément à sa volonté et à la tradition wahhabite, dans un cimetière au Sud-Est de Riyad. Surnommé le Napoléon des Arabes, il a su réunifier le royaume saoudien de ses ancêtres en jouant habilement avec les forces politiques et religieuses et redonner une importance considérable à la doctrine wahhabite, toujours en vigueur dans le pays aujourd’hui.
Bibliographie :
Vincent Cloarec, Henry Laurens, Le Moyen-Orient au 20e siècle, Paris, Armand Colin, 2000
Benoist-Méchin, Le Loup et le Leopart, Ibn-Séoud ou la naissance d’un royaume, Paris, Albin Michel, 1955
Yves Besson, Ibn Sa’oud Roi Bédouin, La Naissance du Royaume d’Arabie Saoudite, Lausanne, Editions des Trois Continents, 1980
Lisa Romeo
Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.
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