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Les interventions occidentales dans le Moyen-Orient [1] semblent de plus en plus avoir pour objectif de réparer les situations nées d’interventions précédentes. En Irak, un véritable cycle semble s’être mis en place. Dans les années 1980, l’Occident soutient Saddam Hussein face à l’Iran révolutionnaire. En 1991, une coalition internationale menée par Washington doit le chasser du Koweït, envahi dans le but de renflouer les caisses de l’Etat irakien, vidées par l’effort de guerre. Puis l’embargo entend l’affaiblir et le forcer à abandonner les armes chimiques et biologiques alors que la répression qu’il mène contre les soulèvements chiites et kurdes fait des dizaines de milliers de morts. La guerre lancée en 2003 intervient dans un contexte particulier : celui du choc dans lequel se trouve l’Amérique à la suite du onze septembre 2001, et celui d’une administration néoconservatrice particulièrement interventionniste, affairiste et très liée au complexe militaro-industriel.
Il n’en demeure pas moins vrai que de nombreux Irakiens ont accueilli les Américains en libérateurs. Parmi les autres, plus circonspects, peu ont pleuré la chute de Saddam Hussein, même parmi les sunnites qui ont eux aussi été les victimes de son gouvernement. Dès lors, on peut se demander si l’erreur fondamentale de Washington, au delà du choix lui-même de l’intervention militaire, n’a pas été la façon dont celle-ci a été menée. Plus précisément, à quelles erreurs doit-on ce qui semble être une nécessité d’intervenir de nouveau en Irak, dans le but cette fois-ci de contenir l’expansion rapide de l’Etat islamique dans l’Ouest du pays ? Depuis juin 2014, les Etats-Unis dirigent la coalition internationale engagée à cet effet répondant à l’invitation du Premier ministre irakien. La France est associée à cette coalition à travers son opération Chammal, lancée en septembre 2014.
L’analyse de la situation de la province d’al-Anbar, de 2003 à aujourd’hui, est exemplaire des erreurs commises durant les interventions successives, dont les conséquences entraînent, dans un cercle vicieux, une nouvelle intervention.
Moins de deux mois après le début de l’intervention, le 11 avril 2003, Paul Bremer est nommé administrateur de l’Autorité provisoire de la coalition (CPA), chargée de diriger l’Irak sous occupation jusqu’à la passation de pouvoir à un gouvernement irakien le 28 juin 2004. Rajiv Chandrasekaran [2] a décrit l’incompétence et l’hybris qui règnent à l’intérieur de la zone verte. Très vite, on ne sort plus de ce qui ressemble de plus en plus à une bulle, à moins de devoir se rendre dans un ministère, accompagné d’une imposante escorte militaire. Inexpérimentée, la moitié des personnes employées par l’administration américaine dans la zone verte a dû faire une première demande de passeport pour se rendre en Irak.
Dans plusieurs endroits, comme dans la salle de gym, on affiche des posters des Twin Towers où Paul Bremer a travaillé, lorsqu’il était chez Marsh et McLennan, une grosse société de conseil en gestion de risques. Le 11 septembre, il a perdu de nombreux anciens collègues. C’est un fidèle du président Bush, auquel il répond directement [3], bien qu’officiellement il relève du Département de la Défense. Selon Paul Bremer : « Tous les sunnites sont des baathistes, tous les baathistes sont des saddamistes, tous les saddamistes sont des nazis. » [4]. Fort de cette solide équation, il veut appliquer à l’Irak la même politique que les Alliés ont appliquée à l’Allemagne en 1945. Il entame donc la débaathification. Premièrement, tous les membres du Baath, c’est-à-dire à peu près tous les fonctionnaires, sont interdits d’exercer dans la fonction publique. Deuxièmement, l’armée irakienne est démobilisée [5].
Ces décisions ont de nombreuses conséquences. D’une part, en ne faisant pas la distinction entre les anciens cadres du régime qui sont directement responsables de crimes politiques, et ceux qui ne faisaient que s’accommoder de l’état des forces politiques en présence, elles rejettent dans la clandestinité des personnalités qui ont une grande influence dans la société irakienne et auraient pu jouer un rôle constructif dans le nouveau régime. D’autre part, les soldats rentrent chez eux, congédiés et incapables de pourvoir aux besoins de leur famille, ce qui représente une atteinte violente à leur honneur. La plupart d’entre eux sont originaires des régions sunnites et notamment de la province d’al-Anbar dans l’Ouest du pays, où la confédération tribale Dulaïm est très présente. Comme ils ont été autorisés à garder leur fusil, il ne faut pas longtemps pour qu’ils rejoignent les quelques résistants réellement baathistes et les islamistes, dont les renforts sont de plus en plus nombreux à arriver de l’étranger. L’insurrection sunnite est née.
Durant la seconde moitié de 2003, l’insurrection s’intensifie. Mais à Bagdad, il n’y a plus de canal de communication entre la CPA et les éléments de l’ancien régime. C’est à Amman, à partir de décembre 2003, que des contacts se renouent grâce à un officier de liaison de l’ambassade américaine en Jordanie [6]. Il y a là de nombreux exilés irakiens, dont des personnes très qualifiées et des cheikhs sunnites d’al-Anbar, dont la richesse est aussi considérable que leur influence dans les tribus de la province et dans les anciens milieux baathistes. Leur principal représentant est Talal al Gaood (الكعود), dont le frère Hameed dirige depuis Beyrouth une puissante holding et est de facto le cheikh de la tribu Al Bu Nimr, influente dans la confédération Dulaïm. Du côté américain, le principal contact est Kenneth Wischkaemper, un grand fermier texan, expert dans l’exportation de biens et de services agricoles, et qui a l’habitude de collaborer avec Washington. Se joignent bientôt à ces discussions des officiers supérieurs des Marines en charge d’al-Anbar, un lobbyiste de l’énergie, ainsi que des cadres de diverses institutions internationales d’investissement, américaines et asiatiques.
Au fur et à mesure que la confiance s’établit, une stratégie d’ensemble se dégage. Tout d’abord, il faut donner du travail aux habitants d’al-Anbar. Wischkaemper peut fournir les graines, les outils et l’expertise en matière d’exploitation et d’irrigation. Les Gaood ont quant à eux le contrôle de vastes surfaces agricoles dans la province. L’idée est de mettre des pelles et des râteaux entre les mains des insurgés afin qu’ils lâchent les kalachnikovs [7]. Il est également question de créer une compagnie pétrolière et de construire un pipeline qui relierait Haditha au port jordanien d’Aqaba [8]. Cette construction créerait de nouveaux emplois dans la province et inciterait les tribus locales à s’organiser pour en assurer la sécurité. Les Japonais et les Chinois se montrent très intéressés par le projet, qui permettrait de sécuriser leurs approvisionnements futurs [9]. D’autres projets concernent les anciennes entreprises d’Etat décrépies qui pourraient être remises en état par le biais de joint-ventures [10].
La coopération sécuritaire sur le terrain constitue le second volet des discussions. Les Marines sont conscients que, peu importe la puissance de l’armée américaine, l’insurrection ne peut être vaincue par la force. Un ancien général de Saddam Hussein qui a été rayé de la liste des suspects de crimes politiques, Racad Hamdani, est présent à Amman. Il propose de mettre en place une force supplétive composée d’anciens soldats irakiens, qui répondrait aux Américains et les aideraient à lutter contre les jihadistes étrangers en échange d’une meilleure reconnaissance des intérêts des arabes sunnites à Bagdad. Ils sont très inquiets de la pénétration iranienne dans les régions chiites et dans la capitale [11]. En effet, la branche extérieure des Gardiens de la Révolution, la force al-Quds, soutient en armes et en argent les milices chiites en Irak, comme la brigade Badr [12]. Une forte connivence existe également entre le régime iranien et certaines forces politiques irakiennes chiites, comme les membres d’al-Dawa ou du Conseil Suprême de la Révolution Islamique en Irak, qui avaient été soutenus et accueillis par Téhéran pendant la guerre Iran-Irak.
Les Américains ne sont pas dupes. Ils savent que si d’un côté ces sunnites irakiens semblent pleins de bonne volonté pour négocier, de l’autre, ils dirigent l’insurrection, qui est devenue très structurée [13]. Ils comparent cette ambivalence au cas irlandais, où le Sinn Féin jouait à l’intérieur du système tandis que l’IRA continuait la lutte armée [14]. Ils se rendent également compte que le temps presse car ces insurgés semblent être en passe de se faire déborder par les jihadistes. Durant l’été 2004, les insurgés liés aux Gaood combattent les jihadistes à Falloujah, mais rencontrent de grandes difficultés [15].
Pourtant, rapidement, le verdict tombe. Le Département d’Etat s’oppose catégoriquement à ces initiatives. Depuis la zone verte, USAID, l’agence en charge du développement international, s’oppose à la fourniture de matériel et de matières agricoles qui irait à l’encontre de son projet de libéraliser l’agriculture irakienne. Il faut déshabituer les paysans irakiens à toute forme de subventions et de fournitures gratuites [16]. Quant à coopérer avec d’anciens soldats sunnites, l’idée est toujours inconcevable au Département de la Défense. Paul Wolfowitz, l’adjoint de Donald Rumsfeld, renvoie à son supérieur la note décrivant l’initiative d’Amman avec pour simple commentaire une inscription dans la marge du document : « Ce sont des nazis ! » [17]. Un colonel des Marines qui se rendait à une de ces réunions le 31 août 2004 à Amman est même déclaré persona non grata en Jordanie par sa propre ambassade et assigné à résidence le temps d’une nuit jusqu’à ce qu’il prenne le prochain avion pour Bagdad [18]. Hormis Wischkaemper, qui continue à relayer des informations entre Talal al Gaood et les Marines, le dialogue redevient impossible. Zalmay Khalilzad, le nouvel ambassadeur américain en Irak à partir de 2005, est mis au courant de l’initiative, qu’il trouve prometteuse. Il rencontre Talal al Gaood, mais malgré tous ses efforts, ne parvient pas à changer la position de sa hiérarchie Entretien, 26 avril 2009..
A partir de 2005, la situation échappe aux Américains comme aux insurgés nationalistes. A Bagdad, la guerre confessionnelle éclate. Les agents iraniens jouent le jeu d’al-Qaeda et conduisent de véritables attaques terroristes [19] car l’intérêt de l’Iran est un gouvernement irakien faible, incapable de fédérer les Irakiens, et qui peut être phagocyté et manipulé. Dans la province d’al-Anbar, c’est l’embrasement. Al-Qaeda en a véritablement pris le contrôle. L’agriculture demeure à des niveaux de subsistance et les réserves de pétrole découvertes récemment demeurent inexploitées. Il y aurait entre 40% et 60% de chômage [20]. Le 15 octobre 2006, Abu Omar al-Baghdadi proclame la création de l’Etat islamique en Irak.
A peu près en même temps qu’est proclamé l’Etat islamique, les divergences entre ce dernier et les dignitaires tribaux d’al-Anbar atteignent un point de rupture. Elles ont trait aussi bien au conservatisme extrême des jihadistes, concernant les femmes par exemple, qu’à la violence de leurs méthodes ou à la concurrence pour la maîtrise des activités de contrebande. Abdul Sattar Abu Risha, un cheikh d’importance secondaire de la tribu Al Bu Risha, qui fait partie de la confédération Dulaïm, demande à son tour de l’aide aux Américains.
A ce stade de la guerre, ces derniers sont finalement en train d’adopter une stratégie de contre-insurrection qui implique une réelle prise en compte des intérêts de la population locale dans les calculs militaires. Ils soutiennent donc à partir de 2007 ce mouvement en fournissant armes, argent, renseignements et soutien logistique. C’est le début de la Sahwa, à laquelle des tribus plus importantes comme les Al Bu Fahd ou les Al Bu Nimr des Gaood s’associent. Ce soulèvement, combiné au Surge et à la multiplication des Provincial Reconstruction Teams, renverse la situation et en moins d’un an, la province d’al-Anbar est quasiment pacifiée. Hormis quelques cellules persistantes, les jihadistes retournent d’où ils viennent. Ceux qui passent par la Syrie sont nombreux à se faire arrêter par le régime Assad qui les a pourtant aidés à rejoindre l’Irak. En 2011, certains seront libérés pour discréditer les manifestations auxquelles doit faire face Damas.
En 2008, l’enjeu est politique. Il faut amorcer le processus de réconciliation entre chiites et sunnites au cœur du gouvernement à Bagdad. Mais les deux années de guerre confessionnelle et la pénétration iranienne en Irak le rend quasiment impossible. Le Premier ministre Nouri al-Maliki promet bien quelques ouvertures aux sunnites mais les résultats concrets sont très lents et limités. Les Américains commencent à envisager leur départ et perdent le peu de levier qu’ils auraient pu avoir dans ces négociations.
Leçon n°1 : abandonner les idéologies, embrasser le pragmatisme. Considérer les baathistes comme des « nazis », les insurgés comme des « terroristes », et vouloir libéraliser coûte que coûte l’économie irakienne s’est révélé une approche inefficace. Une politique de stabilisation ne peut faire l’économie du discernement et doit s’employer à concilier exigences de justice et nécessité d’un processus de réconciliation. Ce dernier a été largement ignoré pendant l’occupation américaine.
Leçon n°2 : faire confiance et écouter le retour des « bottes sur le terrain ». Reconstruire une société décapitée et déstructurée est un travail minutieux et de proximité, qui demande beaucoup de patience. Les officiers des Marines en charge d’al-Anbar ont été bien trop de fois exaspérés par le décalage entre les ordres politiques qu’ils recevaient et la réalité qu’ils constataient sur le terrain.
Leçon n°3 : consacrer plus de ressources au développement économique, notamment dans un délai très court suivant les opérations militaires. Cette aide économique doit arriver pour l’essentiel par le bas (approche bottom-up), c’est-à-dire les populations locales, et non pas par le haut (top-down), c’est-à-dire le gouvernement, afin d’éviter au maximum la corruption et optimiser les résultats immédiats. Des populations rassasiées et disposant d’un emploi sont généralement peu enclines à piller et à prendre les armes. Les discussions politiques en sont d’autant plus apaisées. Lorsque l’on sait que la guerre américaine en Irak a coûté au moins 2 000 milliards de dollars, on ne peut s’empêcher d’imaginer la tournure qu’auraient pris les événements si une infime fraction de cette somme avait été investie dans l’agriculture d’une région que l’on surnomme le « Croissant fertile ».
Parmi toutes ces déconvenues, une idée semblait pourtant connaître un certain succès : la construction d’un double pipeline (pétrole et gaz) reliant la ville irakienne d’Haditha au port jordanien d’Aqaba en traversant la province d’al-Anbar. Il correspond en effet aux intérêts de nombreux acteurs locaux, régionaux et internationaux :
– Pour les habitants de la province sunnite, il permettrait de les inclure dans l’activité pétrolière du pays en participant à sa construction, son entretien, voire en développant des activités de raffinage ou de produits dérivés. Par ailleurs, si l’exploitation des hydrocarbures dans la province a longtemps été inexistante, les explorations récentes donnent des résultats prometteurs.
– Pour le gouvernement central irakien, il offrirait d’une part une diversification et un accroissement de ses capacités d’exportation d’hydrocarbures, et d’autre part, l’occasion d’un partenariat avec son voisin jordanien qui cherche à sécuriser ses approvisionnements énergétiques [21], voire avec l’Egypte [22].
– Les soutiens iraniens de Bagdad voient quant à eux dans ce projet une occasion de réduire la dépendance de la Jordanie vis-à-vis des puissances sunnites du Golfe, notamment l’Arabie saoudite [23].
– Paradoxalement, les Etats-Unis sont également des soutiens actifs du pipeline pour plusieurs raisons. Kissinger et Rumsfeld s’étaient déjà faits les avocats de ce projet dans les années 1980, alors que Saddam Hussein était encore un allié [24], ce qui ne l’avait pas empêché d’accueillir fraîchement cette perspective [25]. Premièrement, il offrirait une alternative à la route maritime d’exportation passant par le détroit d’Ormuz, qui est vulnérable à un blocus iranien. Deuxièmement, il pourrait potentiellement bénéficier à l’allié israélien, dont les Américains sont garants de l’approvisionnement énergétique en cas de crise depuis la signature d’un mémorandum d’entente par Kissinger en 1975 [26]. Aqaba est en effet à seulement quelques kilomètres de la frontière avec l’Etat hébreu. Troisièmement, il permettrait de réduire la dépendance américaine au partenaire saoudien, ce qui constitue une priorité de la politique énergétique de Washington depuis le 11 septembre 2001.
– Quant à l’Europe et aux puissances asiatiques, elles ne peuvent qu’être favorables à la création d’une voie alternative d’exportation du pétrole irakien.
Ainsi, ce pipeline comporte un potentiel effet stabilisateur en ce qu’il crée des interdépendances et des convergences d’intérêts entre de nombreux acteurs parfois antagonistes. Il vient également fissurer l’opposition belligène entre le « bloc sunnite » et le « croissant chiite », cette seconde expression ayant été formulée par le roi Abdallah II de Jordanie en 2004. L’Arabie saoudite et la Syrie sont ainsi les perdants de ces calculs. En avril 2013, un accord est signé entre la Jordanie et l’Irak afin de lancer l’appel d’offres aux compagnies internationales pour entreprendre la réalisation de ce projet de 18 milliards de dollars [27].
La dégradation de la situation sécuritaire dans la province d’al-Anbar a pourtant abouti à la mise en attente du projet [28]. L’économie repose de nouveau pour l’essentiel sur les activités mafieuses de l’Etat islamique : contrebande de pétrole, d’œuvres d’art, enlèvements, racket… Cette situation est la conséquence de l’absence de réconciliation politique significative entre les sunnites et les chiites à Bagdad.
En 2013, dans le contexte du Printemps arabe, les tribus d’al-Anbar manifestent contre la politique de Maliki qu’ils jugent sectaire. La réponse du gouvernement est violente. En avril de cette année, dans la ville de Hawija, la répression fait 50 morts. Le mouvement se radicalise et l’Etat islamique, qui a trouvé une opportunité de se réorganiser dans le désordre de la Syrie en proie à la guerre civile, est presque accueilli en libérateur dans la province irakienne en 2014. Si l’Occident semble avoir du mal à apprendre de ses erreurs, ce n’est pas le cas de l’Etat islamique, qui met en place une véritable politique destinée à diviser les tribus. Certains cheikhs sont cooptés [29] tandis que les tribus jugées irrécupérables sont attaquées avec férocité. En novembre 2014, plusieurs centaines de membres de la tribu Al Bu Nimr, dont le cheikh Hatem al Gaood, sont exécutés aux environs de Hit, un de leurs bastions [30]. Les rapports varient entre 150 et 500 victimes.. Ils demeurent cependant déterminés à combattre les jihadistes. Hameed al Gaood a récemment demandé au roi Hussein de Jordanie de transporter des membres de la tribu par avion pour qu’ils se joignent à la coalition anti-Daesh [31]. Cependant, l’attitude de Bagdad, malgré le départ de Maliki, reste équivoque. Ghazi al Gaood, membre du Parlement irakien, déplore le peu de soutien du gouvernement à la tribu après le massacre dont elle a été victime [32].
La stratégie occidentale semble toujours aussi incertaine. Il faut dire qu’hormis quelques conseillers, forces spéciales et soldats redéployés pour surveiller des sites stratégiques, elle n’a presque plus de « bottes sur le terrain ». Du coup, ses yeux sur le champ de bataille sont objectivement ceux des milices chiites, voire des Gardiens de la Révolution iraniens, dont les méthodes n’ont pas grand chose à envier à celles de l’Etat islamique [33]. Il est permis de douter que cette stratégie fasse basculer les tribus sunnites dans le camp de la coalition contre Daesh et produise des bases saines pour une future réconciliation nationale irakienne.
Notes :
Sébastien Carlard
Titulaire d’un master d’histoire de l’université de Toulouse et d’un master de relations internationales de l’INALCO, arabisant, Sébastien Carlard a séjourné dans de nombreux pays du Moyen-Orient. Il y a enseigné le français et participé à des projets culturels, tout en continuant à étudier les enjeux politiques de la région dans leurs dimensions locale et internationale.
Notes
[1] Entendu dans sa dimension élargie définie par Georges W. Bush.
[2] Rajiv Chandrasekaran, Imperial Life in The Emerald City : Inside Iraq’s green Zone, Vintage Books, 2007.
[3] Mark Perry, Talking to Terrorists, Basic Books, 2011, p. 24.
[4] Ibid., p. 52.
[5] CPA Orders n° 1 & 2, signés les 16 et 23 mai 2003.
[6] Des détails sur ces contacts peuvent être trouvés dans Mark Perry, op. cit.
[7] Entretien avec un participant, 26 avril 2009.
[8] Id. ; cf. également David Ignatius, « Peace in the Pipeline ? », Washington Post, 6 avril 2005.
[9] Id.
[10] Id.
[11] Pour le témoignage de Racad Hamdani, cf. Marine Corps, Al Anbar Awakening, Iraqi Perspectives (vol. II), Marine Corps University Press, Quantico, Virginia, 2009, pp. 275-278.
[12] Dexter Filkins, « The Shadow Commander », The New Yorker, 30 septembre 2013.
[13] Marine Corps, Al Anbar Awakening, American Perspectives (vol. I), Marine Corps University Press, Quantico, Virginia, 2009, p. 66.
[14] Mark Perry, op. cit., p. 92.
[15] Ibid., p. 111.
[16] Entretien, 26 avril 2009.
[17] Mark Perry, op. cit., p. 26.
[18] Ibid., pp. 97-101.
[19] Dexter Filkins, « The Shadow Commander », The New Yorker, 30 septembre 2013 ; Michael Gordon et Andrew Lehren, « Leaked Reports Detail Iran’s Aid for Iraq’s Militias », New York Times, 22 octobre 2010.
[20] Ambassade des Etats-Unis à Bagdad, Anbar Province : the Issues, The Leaders, Steps Forward, Télégramme 06BAGHDAD4759, 29 décembre 2006.
[21] Ambassade des Etats-Unis à Amman, Jordan’s Finance Minister on Iraqi Assets, Iraq Oil Pipeline and Proposed Oil-for-Debt Swap, Télégramme 04AMMAN6249_a, 23 juillet 2004.
[22] Omar al Shaher, « Design of Iraq-Aqaba pipeline in final stages », Iraq business News, 13 mars 2013.
[23] Stratfor, Geopolitical Issues Ahead : A Monthly Assessment, 5 décembre 2007, p. 10.
[24] Saleem H. Ali, Energizing Peace : The Role of Pipelines in Regional Cooperation, Brookings Doha Center Analysis Paper, N° 2, Juillet 2010.
[25] Section des intérêts américains (Hébergée par l’ambassade belge), Iraqi Attitude toward an Israeli Embarace (sic) on the Aqaba Pipeline, Télégramme 1984BAGHDA00852, 16 avril 1984.
[26] Memorandum of Agreement between the Governments of Israel and the United States, 1er septembre 1975 (consultable sur : http://www.fordlibrarymuseum.gov/library/document/0331/1553989.pdf ) ; cette note du service de recherche du Congrès du 8 mai 2014 présente le contexte des renouvellements de cet accord : http://www.energy.senate.gov/public/index.cfm/files/serve?File_id=894be546-c7e6-4bc4-a3f0-9e352549109b ; le dernier renouvellement est intervenu le 13 avril 2015 (http://www.israelnationalnews.com/News/Flash.aspx/323545#.VUp9Kvntmko)
[27] John Lee, « Iraq, Jordan, sign Oil $18bn Pipeline Deal », Iraq Business News, 9 avril 2013.
[28] « Companies sought for Iraq-Jordan Pipeline », Iraq Business News, 4 mars 2015.
[29] Frederic Wehrey, Ala’ Alrabba’h, An Elusive Courtship : The Struggle for Iraq’s Sunni Arab Tribes, Carnegie Endowment for International Peace, Novembre 2014.
[30] الدولة الاسلامية يقتل 220 عراقيا من عشيرة البونمر, Reuters, 3 octobre 2014.
[31] عائلة الكعود و عشائر البونمر في الاردن يناشدون الملك عبد ألله بنقلهم الى الانبار لمقاتلة داعش, وكالة الصحافة المستقلة, 4 novembre 2014.
[32] غازي الكعود : لم تدعمنا اي دبابة في الانبار, Almada Press, 17 février 2015.
[33] Michael Weiss, Michael Pregent, « The US Is Providing Air Cover for Ethnic Cleansing in Iraq », Foreign Policy, 28 mars 2015.
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