De l’antiquité à la fin de l’Empire ottoman
Le mandat britannique
La monarchie hachémite de l’indépendance à la révolution de juillet 1958
La république du général Kassem (1958-1963)
La république des frères Aref (1963-1968)
La présidence du général Bakr (1968-juillet 1979)
La présidence de Saddam Hussein
L’Irak sous domination étrangère
La diplomatie américaine (fin 1990 - début 2003)
La guerre du Golfe 19 mars-1er mai 2003 et l’occupation de l’Irak
L’après guerre
Entre le Tigre et l’Euphrate, en Mésopotamie, la civilisation apparaît au IVème millénaire avant J. C. Vers 3500 avant J. C., les Sumériens, inventeurs de l’écriture, s’installent dans les plaines mésopotamiennes. Vers 2350 avant J. C., ils sont soumis par Sargon d’Akkad qui unifie la Mésopotamie et qui crée l’Empire akkadien. Mais son autorité est remise en questions par les Sumériens. Les descendants de Sargon sont en outre fragilisés par des incursions de nomades et l’Empire akkadien s’effondre vers 2230 avant J. C. Après une période trouble, les Sumériens reprennent possession de leur empire, qui est à nouveau unifié par le roi Our-Nammou.
A leur tour, vers 2000 avant J. C., les Sumériens subissent des attaques diverses et disparaissent progressivement. Ils sont remplacés par les Babyloniens dont le roi Hammourabi (1792-1750), souverain prestigieux (auteur du code des lois), réussit à unifier la Mésopotamie. Mais le royaume babylonien décline en 1595 avant J. C. à la suite des invasions hittites et kassites. Les Kassites remplacent alors les Babyloniens dans le centre de la Mésopotamie tandis que les Hourrites créent au nord de la Mésopotamie le royaume de Mitanni. Vers 1500 avant J. C., les Assyriens s’imposent aux dépens de Mitanni et conquièrent dès le Xème siècle avant J. C., en plus de la Mésopotamie, la Syrie, le Liban, l’Egypte et l’Anatolie. Mais l’Empire assyrien décline à son tour et ne peut faire face à l’attaque des Mèdes menée vers 610. A la faveur de la fin de l’Empire assyrien, Babylone renait. Le roi Nabuchodonosor (604-562) est à la tête d’un grand royaume composé de la Mésopotamie, de la Syrie et de la Palestine. Cet empire disparaît néanmoins à la suite de la conquête des Perses menée par Cyrus en 539. La Mésopotamie fait ensuite partie de l’Empire grec à la suite de la conquête d’Alexandre le Grand en 330, puis elle passe sous la domination des Séleucides en 312 et des Parthes de 141 avant J. C. à 224 après J. C. Pendant cette période, l’Empire romain mène des incursions, notamment en 116 sous l’empereur Trajan et avec l’empereur Septime Sévère en 195. La période sassanide s’étend ensuite de 226 à 651, tandis que les Arabes commencent leurs conquêtes dès 636.
La dynastie omeyyade, dont la capitale est Damas, s’établit en Irak, suivie par la dynastie abbasside qui place l’Irak au centre de l’Empire. Bagdad devient alors la capitale. En 1258, Bagdad est incendié à la suite des invasions mongoles. Les Mongols restent en Irak jusqu’en 1534, date de l’arrivée des Ottomans. Au XIXème siècle, sous l’Empire ottoman, dans le souci de protéger et de sécuriser la route des Indes, les Britanniques installent des zones d’influence dans la province arabe de l’Empire ottoman et dans la région du Golfe. En Irak, composé des trois vilayets de Mossoul, de Bagdad et de Bassorah, les Britanniques sont présents à Bassorah dès 1764 et à Bagdad dès 1798.
L’alliance entre la Turquie et l’Allemagne signée le 2 août 1914 précipite l’Empire ottoman dans la guerre lors du déclenchement du conflit mondial. Plusieurs fronts sont ouverts contre l’Empire ottoman par les Britanniques : en Egypte et en Irak. Souhaitant obtenir une zone d’influence dans le sud de l’Irak afin de contrôler la région du Golfe et de sécuriser la route du pétrole en provenance de Perse (Iran), les Britanniques interviennent militairement : l’armée reprend Bassorah le 21 novembre 1914 puis Bagdad en mars 1917. L’armée britannique est soutenue par le chérif Hussein de La Mecque qui, à la suite de tractations avec Londres par les accords Hussein-MacMahon de 1915, lance à partir du Hedjaz la révolte arabe le 10 juin 1916. Les fils de Hussein, Abdallah et Fayçal, mènent les combats, le premier dans le Hedjaz, où il prend La Mecque puis Médine, le second au nord, où il prend Akaba en juin 1917, progresse en Transjordanie, et prend Damas le 1er octobre 1918 avec les troupes britanniques.
De façon concomitante aux accords Hussein-MacMahon et dans le même temps que les combats se déroulent, Français et Britanniques se partagent la province arabe de l’Empire ottoman par les accords Sykes-Picot signés en mai 1916. Ces accords attribuent des zones d’administration directe à la France sur la Cilicie et sur le littoral syrien et à la Grande-Bretagne sur la basse Mésopotamie. Elles obtiennent également des zones d’influence sur les territoires réservés au futur royaume arabe d’Hussein de La Mecque : la France en Syrie intérieure (entre Damas et Alep) et la Grande-Bretagne en Mésopotamie (région de Bagdad). Les avancées militaires (de la prise de Bassorah en 1914 à celle de Bagdad en 1917) confirment les volontés diplomatiques d’une installation britannique en Irak, avec une monarchie constitutionnelle qui serait gouvernée par le fils de Hussein, Abdallah.
Dans le contexte des déclarations du président américain Wilson et de la notion du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (XIIème points de la déclaration de Wilson), les Britanniques, par consultation populaire en décembre 1918 et janvier 1919, sondent l’opinion irakienne sur le régime politique qu’ils souhaiteraient voir en Irak. Les chiites sont opposés à une présence britannique et prônent un Etat gouverné par un roi arabe. Leur opposition devient de plus en plus marquée tandis que la Grande-Bretagne organise son mandat obtenu à la conférence de San Remo d’avril 1920 (elle obtient également un mandat sur la Palestine et sur la Transjordanie, et la France sur la Syrie et sur le Liban).
Tandis que l’opposition chiite s’organise en Irak en 1920 contre la présence britannique (début de la révolte irakienne le 3 mai 1920), la France fait face à celle de Fayçal en Syrie : à la suite de l’entrée des troupes arabes conduites par Fayçal et de la création du royaume arabe de Damas, la nouvelle puissance mandataire est contrainte d’utiliser la force militaire en juillet 1920. La France met ainsi fin à l’éphémère royaume arabe de Fayçal.
Quant aux Britanniques, ils répriment par la force la révolte des chiites en avril 1921, mais le pays ne sera réellement pacifié qu’en 1925. Dans le même temps, le mandat britannique s’organise : les Britanniques placent Fayçal sur le trône d’Irak le 23 août 1921, alors que celui-ci a été chassé de Syrie par la France en juillet 1920. Le régime irakien est celui de la monarchie assistée d’un Sénat et d’une Chambre. Le roi Fayçal s’appuie sur des proches qui ont participé avec lui à la révolte arabe, dont Nuri Saïd. A la suite de l’intronisation de Fayçal, les Britanniques souhaitent que l’Irak reconnaisse leur mandat par un traité. Celui-ci est signé le 10 octobre 1922 malgré l’opposition de l’opinion irakienne mais n’est ratifié que le 10 juin 1924, toujours en raison des oppositions internes. Le mandat est ainsi reconnu et la Grande-Bretagne met en place son administration : cette dernière peut s’opposer aux décisions du gouvernement irakien et un haut-commissaire britannique contrôle la politique irakienne. Une constitution, rédigée par le Foreign office, est également adoptée le 21mars 1925.
Sur le plan de la politique intérieure, le roi Fayçal et ses proches ont l’ambition d’organiser un Etat fort. Diverses mesures sont ainsi mises en place : la création de l’armée (décret du 6 janvier 1921) permet de renforcer la cohésion nationale et la légitimité du roi, et la création d’écoles primaires et secondaires permet de développer l’appartenance nationale ainsi que l’idée de l’unité arabe auprès des jeunes.
A la fin des années 1920, la question de la fin du mandat irakien est posée par la diplomatie britannique. Cette dernière a toujours envisagé de donner l’indépendance à brève échéance. C’est ainsi que dès 1929, les Britanniques procèdent aux négociations d’indépendance. Un traité est signé le 30 juin 1930, qui prévoit de donner l’indépendance à l’Irak en 1932. A cette date également, l’Irak entrera à la Société des Nations. Les Britanniques conserveront des intérêts militaires en Irak pour une durée de 25 ans ainsi que des liens de coopération diplomatique. Comme décidé par le traité de 1930, le mandat britannique prend fin le 30 mai 1932 et l’Irak est le premier Etat arabe à entrer à la SDN.
L’indépendance met au grand jour deux problèmes latents, déjà perceptibles avant la mise en place du mandat : les oppositions entre sunnites et chiites et les problèmes des minorités religieuses. Même s’ils s’unissent dans un premier temps aux Ottomans pendant la Première Guerre mondiale pour faire front contre les Britanniques, sunnites et chiites s’opposent traditionnellement. En 1933, les chiites reprochent l’implication politique des sunnites, à leurs dépends. Cette même année, la question des minorités est sur le devant de la scène, avec les Assyriens. La commission des mandats de la SDN, au moment où était négociée l’indépendance, avait fait part de sa volonté que les minorités (chrétiennes et israélites) reçoivent la protection de l’Etat irakien. Le fait que la SDN souligne la nécessité d’être attentif à cette question met en évidence qu’elle ne va pas de soi. En dépit des recommandations de la SDN, la crise assyrienne se déclenche à l’été 1933. Les Assyriens, chrétiens originaires d’Anatolie en Turquie, et réfugiés en Irak pendant la Première Guerre mondiale, souhaitent créer un Etat autonome en Irak. En juillet, après être entrés en Syrie avec leurs armes, ils sont repoussés par les autorités mandataires françaises vers l’Irak, où des combats s’engagent entre l’armée irakienne et les Assyriens. Nombre d’entre eux se réfugient alors en Syrie, mais également aux Etats-Unis et ceux qui restent en Irak sont progressivement intégrés.
Dans le même temps, la santé du roi Fayçal décline. Il meurt au cours d’une visite en Suisse le 7 septembre 1933. Son fils Ghazi lui succède, mais il s’implique peu dans la vie politique. Divers gouvernements se succèdent sous son règne, marqués par des mutations politiques (élections manipulées, montée des partis d’opposition socialiste et communiste, début d’une politique panarabe), et des troubles sociaux (révolte kurde d’août 1935 matée par l’armée irakienne). En mars 1935, les élections portent à la tête du gouvernement Yasin al-Hachimi, officier ottoman rallié à Fayçal en 1920. Il oriente notamment le pays dans une politique panarabe et renforce les liens avec les nationalistes syriens, palestiniens et égyptiens.
Mais son pouvoir est de courte durée et Yasin al-Hachimi est exilé à la suite du coup d’Etat perpétré le 29 octobre 1936 par Bakr Sidqi, et qui porte au pouvoir Hikmat Sulayman. Le nouveau gouvernement s’oriente, au contraire de Yasin al-Hachimi, dans une politique non arabiste et réformiste. Proches du parti socialiste Ahali, ils entreprennent les réformes de l’Etat (mesures sociales, lutte contre la corruption, développement économique), mais ce programme est contesté par les notables irakiens. Sur le plan de la politique extérieure, Bakr Sidqi et Hikmat Sulayman se rapprochent de la Turquie et de l’Iran. Un pacte est notamment signé le 8 juillet 1937 entre les trois Etats ainsi qu’avec l’Afghanistan, garantissant le respect aussi bien des frontières communes que de la souveraineté de chacun des Etats. Cette prise de position, à l’encontre de la politique arabe suivie précédemment, est là encore vivement critiquée par les arabistes, qui expriment leur opposition : des officiers panarabes assassinent Bakr Sidqi le 11 août 1937 et contraignent Hikmat Sulayman à quitter le pouvoir le 17 août.
Le roi Ghazi nomme alors un ancien compagnon de Fayçal, Jamel al-Madfai, chef du gouvernement. Mais Nuri Saïd, contraint à l’exil à la suite du coup d’Etat du 29 octobre 1936, revient sur la scène politique à la faveur de la mise en place de ce nouveau gouvernement. S’appuyant sur l’armée, dont le rôle politique est dorénavant prépondérant (coup d’Etat de 1936, intervention dans l’assassinat de Bakr Sidqi), il reprend le pouvoir en décembre 1938. Quelques mois plus tard, le 4 avril 1939, le roi Ghazi meurt dans un accident de voiture. Fayçal II lui succède, mais il n’a que 4 ans. Le cousin de Ghazi, Abdallah, assure alors la régence jusqu’en mai 1953. Dans le même temps, Nuri Saïd reprend la diplomatie panarabe suivie avant le coup d’Etat de 1936 et, en lien avec les événements de Palestine, se fait le défenseur de la cause palestinienne. C’est ainsi qu’il accueille le grand mufti de Jérusalem, Hadj Amine al-Husseini en octobre 1939, dès le début de la Seconde Guerre mondiale. Cette politique fait de l’Irak le lieu d’expression du nationalisme arabe. En mars 1940, en raison de complications politiques internes, Nuri Saïd cède sa place de chef du gouvernement à Rachid Ali, et devient ministre des Affaires étrangères. Ce nouveau gouvernement entreprend d’entrer en contact avec l’Allemagne, en raison notamment des liens entretenus par certains nationalistes arabes avec le IIIème Reich, mais surtout afin de marquer l’indépendance de l’Irak vis-à-vis de la Grande-Bretagne. Cette volonté de proximité avec l’Allemagne n’est pas appréciée par les Britanniques, soucieux de préserver les voies de communication et l’acheminement du pétrole, essentielles pour les Alliés en cette période de guerre. Ils enjoignent ainsi le régent Abdallah de renvoyer Rachid Ali. Ce dernier est alors remplacé par Taha al-Hachimi (frère de Yassin al-Hachimi et ministre de la Défense du gouvernement sortant) le 30 janvier 1941. Dans le même temps, le grand mufti de Jérusalem, déjà en contact avec les Allemands, poursuit ses liens avec eux. La tension monte et Taha al-Hachimi ne parvient pas à s’imposer. Son gouvernement est renversé en avril 1941 (lui et le régent Abdallah se réfugient en Transjordanie) et Rachid Ali reprend la tête du gouvernement. Londres réagit vivement : il ne reconnaît pas le nouveau gouvernement irakien et, afin de contrer ce qu’il considère comme une menace sur la route des Indes, décide d’envahir militairement l’Irak. Des troupes britanniques débarquent ainsi à Bassorah, dans le but de remonter vers le nord de l’Irak. Fin avril, l’armée irakienne riposte mais elle est défaite par l’aviation britannique. Elle signe un armistice le 31 mai, tandis que Rachid Ali s’enfuit en Iran.
Dans le même temps, le mandat français en Syrie et au Liban connaît des turbulences. En mai 1940, la défaite de la France et l’armistice qui s’en suit est lourd de conséquence pour les mandats et pour le reste de l’empire, potentiellement placés sous la domination de l’Allemagne. Le gouvernement de Vichy ainsi que la nouvelle administration mandataire mise en place au Levant doivent obéir aux demandes allemandes et acceptent que des avions allemands atterrissent sur les aéroports de Syrie et du Liban, envoyés pour porter secours aux Irakiens. Mais l’aide aérienne allemande arrive trop tard, l’armée britannique étant déjà intervenue en Irak.
Le régent Abdallah revient alors sur le trône d’Irak ainsi que Jamel al-Madfai. Ce dernier forme un nouveau gouvernement le 3 juin 1941 tandis que les Britanniques occupent l’Irak jusqu’en 1945. Jamel al-Madfai est remplacé par Nuri Saïd le 9 octobre, et ce dernier mène une active répression politique contre les officiers nationalistes irakiens.
La fin de la Seconde Guerre mondiale laisse l’Irak dans une situation difficile, tant dans le domaine économique que sur le plan de la politique intérieure, en raison d’une forte opposition à la présence britannique. Afin d’obtenir une cohésion nationale, le régent Abdallah nomme en 1947 à la place de Nuri Saïd un nouveau chef de gouvernement, le chiite Salih Jabr, qui entreprend de renégocier le traité anglo-irakien de 1930 dans un sens plus favorable à l’Irak. Signé le 15 janvier 1948, ce nouveau traité ne sera pas appliqué par l’Irak : le traité marque le recul de la présence britannique en Irak mais n’en signifie pas pour autant son départ. Nuri Saïd est alors rappelé au pouvoir.
Sur le plan régional, l’Etat d’Israël est créé le 14 mai 1948 et la première guerre israélo-arabe dans laquelle l’armée irakienne intervient (ainsi que les armées libanaise, syrienne, égyptienne et jordanienne) est déclenchée le 15 mai. Elle se termine le 11 mars 1949 et se solde par la défaite des Arabes. Dans ce contexte régional complexe, également marqué par le coup d’Etat militaire fomenté par Nasser en juillet 1952 mettant fin à la monarchie égyptienne, ainsi que dans celui de la guerre froide, la politique intérieure irakienne reste troublée. A l’automne 1952, suite aux événements égyptiens, des émeutes éclatent exprimant le mécontentement populaire contre la monarchie hachémite. Elles sont réprimées par l’armée et la loi martiale est appliquée. Cette même année, des généraux hostiles à la politique pro-occidentale suivie par le gouvernement irakien et influencés par la révolution égyptienne, décident de renverser la monarchie hachémite. Ils constituent en 1956 le groupe des Officiers libres (même nom que les officiers égyptiens). Le roi Fayçal II, qui atteint la majorité le 2 mai 1953, accède au trône d’Irak le 22 mai.
Sur le plan de la politique extérieure, l’Irak signe le Pacte de Bagdad le 24 février 1955, de même que la Grande-Bretagne, la Turquie, l’Iran et le Pakistan. Les nationalistes irakiens refusent cette orientation politique pro-occidentale, tandis que se développent, à la faveur de la guerre froide, des relations entre Nasser et l’Union Soviétique. La crise de Suez de 1956 provoque des manifestations anti britanniques, qui sont réprimées par le gouvernement irakien. La création de la République Arabe Unie (RAU) le 1er février 1958 entre l’Egypte et la Syrie provoque le rapprochement des deux Etats hachémites d’Irak et de Jordanie dans une confédération appelée Union Arabe, le 14 février 1958, et dont Nuri Saïd devient le Premier ministre. La décision d’envoyer des troupes irakiennes afin de soutenir la Jordanie en difficulté avec la RAU provoque la révolution irakienne. En effet, l’armée, au lieu de se rendre en Jordanie, se retourne contre la monarchie et provoque un coup d’Etat le 14 juillet 1958. Les officiers Abdel Karim Kassem et Abdel al-Salam Aref en sont les instigateurs. Le roi Fayçal II et la famille royale sont assassinés, et le Premier ministre Nuri Saïd meurt également (il se suicide ou est assassiné). La république est proclamée.
Kassem et Aref se partagent les attributions du pouvoir, Kassem est Premier ministre, ministre de la Défense et commandant en chef de l’armée et Aref est vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur et commandant en chef adjoint. Le gouvernement se compose pour la majorité de militaires et une nouvelle constitution est mise en place.
Mais les deux hommes s’opposent concernant le positionnement politique de l’Irak. Tout en se déclarant en faveur du nationalisme arabe, Kassem se fait le défenseur de l’indépendance irakienne et du maintien de son intégrité, et ses partisans sont le parti communiste, les chiites et les kurdes. Aref est pour le rattachement de l’Irak à la RAU, ses partisans sont en faveur de Nasser et nombre d’entre eux appartiennent au parti Baas. Tout oppose les deux hommes et Aref est arrêté par le général Kassem en décembre 1958 et condamné à mort (il sera finalement mis en détention à perpétuité).
Dans ce contexte politique instable, un coup d’Etat est organisé dans la ville de Mossoul, siège du commandement militaire pour l’Irak du nord, où les officiers se réclament de Nasser et sont hostiles au communisme. Le 8 mars 1959, une réunion communiste se tient à Mossoul. Elle sert de prétexte à l’armée pour attaquer la ville. En représailles, Kassem fait bombarder Mossoul et des groupes armés kurdes et communistes attaquent les nationalistes. Forts de ce succès, les communistes demandent à participer au gouvernement. Les oppositions au régime se poursuivent et le 7 octobre 1959, le général Kassem échappe à un assassinat organisé par le parti baas auquel participe le dénommé Saddam Hussein. Le parti Baas est réprimé.
L’instabilité politique contraint Kassem à autoriser les partis politiques le 1er janvier 1960, ce qui lui permet dans le même temps de mettre un frein au parti communiste, devenu prépondérant dans la vie politique irakienne. Outre les tensions dans la vie politique, Kassem se heurte à la question kurde. Alors que les relations sont cordiales avec le pouvoir à la suite du coup d’Etat de 1958, et que le leader kurde, Moustapha Barzani, en profite pour rentrer d’URSS où il s’était réfugié pendant la Seconde Guerre mondiale, la situation se dégrade progressivement, les Kurdes souhaitant la reconnaissance de droits spécifiques qui ne leurs sont pas accordés. Il s’en suit une révolte à l’automne 1961 difficilement réprimée par l’armée irakienne, car les officiers kurdes se rangent du côté des rebelles.
Sur le plan extérieur, profitant de la nouvelle indépendance du Koweït, Etat riche en pétrole et protectorat britannique de 1899 au 19 juin 1961, Kassem revendique cet Etat en vertu de liens entretenus entre les deux territoires à l’époque ottomane, pendant laquelle le Koweït fut rattaché à Bassorah. Le 25 juin 1961, Kassem masse des troupes à la frontière irakienne afin d’annexer le Koweït, déclenchant les protestations arabes (dont celles de Nasser, qui ne souhaite pas que l’annexion du Koweït par l’Irak renforce sa puissance au détriment de l’Egypte) et l’arrivée de troupes britanniques le 1er juillet afin de porter secours à leur ancien protectorat.
Dans ce contexte, le parti Baas, qui a mis à profit sa mise à l’écart pour se réorganiser, fomente un coup d’Etat le 8 février 1963. Son organisateur est le général Ahmed Hassan al-Bakr, déjà impliqué en 1958 dans des tentatives de complot contre Kassem. Kassem est arrêté et exécuté le 9 février. Abdel Salam Aref (protagoniste de la révolution de 1958 et arrêté par le général Kassem) devient alors président de la République et le général Bakr président du Conseil.
Le nouveau gouvernement baassiste mène des actes de répression contre les communistes, en représailles à leur intervention à Mossoul en mars 1959. Les partisans de l’ancien président Kassem connaissent également la répression. Mais le Baas irakien n’est pas unifié et la situation est encore compliquée par les divergences avec le Baas syrien, qui prend le pouvoir en Syrie avec les nassériens lors du coup d’Etat du 8 mars 1963. Abdel Salam Aref profite de ces divergences pour interdire le parti Baas en Irak en novembre 1963 et pour appuyer son pouvoir sur les nassériens et se rapprocher de l’Egypte. Quant au baassiste Bakr, il préfère démissionner de ses fonctions gouvernementales. Le rapprochement avec l’Egypte se concrétise par un alignement de l’Irak sur la politique entreprise par Nasser : mise en place de mesures sociales (les nationalisations) et développement du socialisme. Mais les ministres irakiens pro-nassériens, estimant qu’Abdel Salam Aref tarde à réaliser l’union avec l’Egypte, démissionnent le 10 juillet 1965. Plusieurs gouvernements se succèdent alors, jusqu’à la mort accidentelle d’Abdel Salam Aref le 13 avril 1966.
Abdel Rahman Aref, frère d’Abdel Salam Aref, prend alors la présidence. Sa première mesure est de mettre fin à la révolte kurde qui sévit dans le nord du pays en acceptant de signer le 29 juin 1966 un accord avec le leader kurde Moustapha Barzani. Cet accord reconnaît les droits des Kurdes, qui sont inscrits dans la constitution. Cet accord permet un retour au calme temporaire. Abdel Rahman Aref doit également faire face aux nassériens, qui préparent un coup d’Etat. Mais celui-ci est déjoué par l’armée. Un autre coup d’Etat se prépare, marquant le retour des baassistes au pouvoir. Le 17 juillet 1968, les baassistes, dont le général Bakr, entourent le palais présidentiel et Abdel Rahman Aref se rend aussitôt.
Après un moment de flottement, le pouvoir est définitivement attribué aux baassistes. Le général Bakr devient président de la République et Saddam Hussein, qui a participé à la réalisation du coup d’Etat, s’impose progressivement. Sur le plan de la politique intérieure, le nouveau gouvernement doit faire face à la question kurde et à celle de l’affirmation du pouvoir baassiste.
Concernant la question kurde, l’autonomie kurde est reconnue par le pouvoir le 11 mars 1970 et le 11 mars 1974, une région autonome du Kurdistan est établie, mais ses délimitations ne sont pas acceptées par Barzani et ses partisans. Soutenus par l’Iran, Israël et les Etats-Unis, les Kurdes reprennent la lutte en avril 1974. Le gouvernement irakien parvient néanmoins à reprendre en main la situation, de façon diplomatique, en négociant avec l’Iran un accord à Alger signé le 6 mars 1975, par lequel l’Iran cesse d’apporter son aide militaire aux Kurdes en échange de la reconnaissance par l’Irak des frontières du Chatt al-Arab. Les Kurdes, privés de leur soutien iranien, acceptent l’autonomie proposée en 1974.
Sur le plan politique, un pacte national réunissant le parti Baas, le parti communiste et le parti démocratique kurde est signé en 1973, mais en dépit de ce pacte, qui permet à deux ministres communistes d’entrer au gouvernement, seuls les baassistes détiennent le pouvoir au sein du Conseil de Commandement de la révolution. Les communistes, qui dénoncent cet état de fait, sont exclus du gouvernement en 1977 et des militants subissent une répression en mai et juillet 1978.
Sur le plan des relations extérieures, des liens sont entretenus entre le régime baassiste et l’Union soviétique et un traité est signé en avril 1972. En dépit de l’orientation initiale de l’idéologie du Baas vers le socialisme, des liens commerciaux se créent également avec l’Occident (France, Grande-Bretagne, Etats-Unis), dans le domaine de l’armement et du nucléaire.
Le 16 juillet 1979, le général Bakr démissionne pour raison de santé et Saddam Hussein est élu président de la République. Il est également secrétaire général du Baas, chef du commandement de la révolution et chef des armées. Ses nouvelles fonctions lui attirent des oppositions au sein du parti Baas, notamment de la part des pro-syriens. 21 d’entre eux sont exécutés en août 1979. Saddam Hussein a ainsi les coudées franches, l’opposition étant décimée, tant du côté des communistes (mai et juillet 1978) que du côté des baassistes chiites. Il s’affirme comme le maître de l’Irak, soutenu par une minorité sunnite à la tête du pouvoir.
Sur le plan des institutions, Saddam Hussein institue deux Assemblées par la loi du 16 mars 1980 : une Assemblée législative pour la région autonome du Kurdistan et une Assemblée nationale pour l’ensemble de l’Irak. Cette dernière est composée de 250 députés élus au suffrage universel direct. Lors de la première élection du 20 juin 1980, 175 députés bassistes sont élus.
Sur le plan des relations internationales et régionales, Saddam Hussein entreprend de se positionner comme le nouvel homme fort du monde arabe. Dans ce but, il rédige une charte arabe en février 1980, composée de huit articles, destinée garantir la sécurité des Etats arabes. Cette charte est également rédigée dans le contexte de la révolution islamique iranienne qui porte au pouvoir l’ayatollah Khomeini en février 1979, et qui fait craindre à Saddam Hussein un embrasement de la communauté chiite. Dans ce contexte, Saddam Hussein s’attaque aux chiites, tant en Irak qu’en Iran.
En Irak, la communauté chiite représente 60% de la population dans les années 1960, ce qui en fait la communauté majoritaire du pays. Dans le même temps, les chiites sont progressivement éliminés du pouvoir et du parti Baas, notamment en août 1979, alors que la révolution en Iran les remet sur le devant de la scène. Cette communauté, prépondérante par rapport aux sunnites qui sont au pouvoir, est perçue comme une menace par Saddam Hussein, tant pour la stabilité politique de l’Irak que pour celle de la région. Les chiites d’Irak, organisés autour de l’ayatollah irakien Baqr al-Sadr dans les deux villes saintes de Karbala et de Najaf, où gravitent également d’autres chiites comme l’ayatollah iranien Khomeini, expulsé d’Irak en octobre 1978, connaissent dès 1974 la répression du pouvoir irakien qui craint la prise de contrôle de l’Irak par les chiites (dont le programme est de réaliser la révolution islamique). La répression irakienne contre les chiites se renforce avec la révolution iranienne de février 1979, et 20 000 chiites d’origine iranienne sont obligés de fuir l’Irak et de se réfugier en Iran, tandis que les religieux chiites irakiens, dont l’ayatollah Baqr al-Sadr, et leurs familles sont exécutés, à la suite notamment de la tentative d’assassinat du ministre Tarek Aziz en avril 1980. Tandis que les chiites irakiens tentent de reconstituer leurs forces, Saddam Hussein attaque la nouvelle république islamique en septembre 1980.
La guerre entre l’Irak et l’Iran est déclenchée dans le contexte immédiat de l’opposition de Saddam Hussein aux chiites et de l’aide qui leur est apportée par l’Iran, mais d’autres raisons expliquent ce conflit. La question de la délimitation des frontières entre les deux Etats a été réglée par l’accord d’Alger du 6 mars 1975, mais des incidents frontaliers éclatent entre les deux Etats de février à juillet 1980. D’autre part, la révolution islamique inquiète les Etats de la région et notamment ceux du Golfe. Enfin l’Iran interprète la charte arabe de février 1980 comme un acte hostile. Devant les violences frontalières, Saddam Hussein estime le 17 septembre que l’accord d’Alger est caduc et l’armée envahit l’Iran le 22 septembre 1980. Par cette attaque, Saddam Hussein souhaite régler les questions frontalières. Mais d’autres objectifs motivent sa décision : mettre fin à la république islamique et asseoir la position de l’Irak dans la région. La guerre Iran-Irak se termine le 20 août 1988.
Pendant la guerre contre l’Iran, le pouvoir de Saddam Hussein s’affermit. Confirmé à la tête du parti Baas le 27 juin 1982, il poursuit la répression contre les chiites et les kurdes. Après l’exécution de l’ayatollah Baqr al-Sadr en avril 1980, les chiites irakiens se replient en Iran, où ils créent le Conseil supérieur de la révolution irakienne, chargé d’instaurer en Irak une république islamique. Des attentats sont perpétrés en Irak de 1982 à 1988 mais également à l’étranger, contre les intérêts irakiens. Quant aux kurdes, en dépit de l’accord d’Alger signé le 6 mars 1975, ils poursuivent la lutte, notamment au sein du parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Barzani qui se rapproche de l’Iran à la suite de la révolution islamique. Dans la guerre Iran-Irak, ils aident l’Iran dans la prise du Kurdistan. Les kurdes du PDK sont rejoints en novembre 1986 par les partisans de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Jalal Talabani (organisation créée à la suite de l’accord d’Alger). La reprise du Kurdistan par l’armée irakienne en juin 1988 donne lieu à des répressions contre les kurdes, notamment par l’utilisation de gaz chimique. A la suite des accords de cessez-le-feu entre l’Irak et l’Iran le 20 août 1988, l’Irak poursuit la répression militaire contre les kurdes, provoquant l’exode des populations vers la Turquie et l’Iran limitrophes.
La fin de la guerre avec l’Iran et le cessez-le-feu du 20 août 1988 laissent l’Irak très affaibli : sa dette extérieure est de 70 milliards de dollars (dont la moitié en provenance des Etats du Golfe) et le coût de la reconstruction est évalué à 60 milliards de dollars. Dans ce contexte, des élections législatives sont organisées en avril 1989 : 100 sièges sont obtenus par le Baas et 150 sièges par les autres organisations politiques. La volonté hégémonique de Saddam Hussein lui fait poursuivre une politique extérieure en direction des Etats arabes, par la création d’un Conseil de coopération arabe composé de l’Irak, de la Jordanie, de l’Egypte et du Yémen du nord. Il entretient également des relations tendues avec l’Occident et avec Israël qui craignent la fabrication d’armes chimiques irakiennes pouvant toucher Israël. Dans le même temps, Saddam Hussein accuse les Etats-Unis de soutenir Israël dans sa politique expansionniste et les Etats du Golfe d’entretenir des liens avec les Etats-Unis. La tension monte à partir de juillet 1990 quand le Koweït est directement impliqué par les accusations de Saddam Hussein. Les pourparlers diplomatiques entre l’Irak, le Koweït et les Etats-Unis se soldent par un échec et l’armée irakienne envahit le Koweït le 2 août 1990. Sur le plan diplomatique, afin de renforcer sa position régionale, l’Irak renoue le 15 août avec l’Iran, et lui propose la remise en application de l’accord d’Alger. Dans le même temps, l’ONU vote le 25 août la résolution 665, qui place l’Irak sous embargo (il ne peut plus exporter de pétrole), et afin de faire face à une pénurie, l’Arabie Saoudite et les Etats du Golfe augmentent leur production. Mais, en dépit de la réconciliation entre l’Irak et l’Iran, Téhéran, en raison de pressions syriennes, refuse d’aider l’Irak à contourner l’embargo.
L’invasion du Koweït par l’armée irakienne est motivée par la nécessité d’obtenir de nouvelles ressources, mais aussi par des revendications territoriales. Le 17 janvier 1991, la guerre du Golfe est déclenchée par l’opération Tempête du désert. Le cessez-le-feu est signé le 3 mars 1991.
Après l’opération Tempête du désert et le départ des troupes de la coalition le 15 juillet, l’Irak perd sa souveraineté et passe sous tutelle de l’ONU. L’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est autorisée par une résolution de l’ONU à contrôler les armes nucléaires. Une autre commission, l’UNSCOM, est également créée afin de contrôler les armes chimiques, biologiques et balistiques. Enfin l’Irak est soumis à un contrôle strict de son territoire et a interdiction de le survoler dans la zone située au nord du 36 ème parallèle. Sur le plan intérieur, Saddam Hussein fait à nouveau face aux kurdes et aux chiites. Ces derniers subissent la répression à la suite de leur soulèvement en février et mars 1991 : Karbala, Najaf et Bassorah sont détruites et l’on dénombre des milliers de victimes. Quant aux kurdes, ils fuient en Turquie, à la suite d’attaques de l’armée de l’air irakienne.
Début 1993, l’Irak mène à nouveau des incursions au Koweït et installe des missiles dans la zone d’exclusion aérienne, provoquant la riposte des Etats-Unis : des raids aériens sont menés au sud le 13 janvier et un missile est tiré contre Bagdad le 17 janvier. L’Irak reconnaît finalement officiellement le Koweït en novembre 1994.
L’embargo voté par l’ONU porte sur les exportations de pétrole, principale ressource du pays. Ses conséquences se font sentir rapidement au niveau humain et sanitaire : mortalité infantile et malnutrition, et au niveau monétaire : chute du dinar irakien. C’est dans ce contexte que le programme « pétrole contre nourriture » est mis en place le 14 avril 1995 par la résolution 986 de l’ONU : des exportations limitées de pétrole permettent à l’Irak d’acheter des médicaments et de la nourriture, dont les premières livraisons arrivent en Irak en mars 1997. A partir de ce moment, l’Irak reprend ses relations diplomatiques et commerciales avec l’Occident mais aussi avec les Etats arabes de la région, sauf avec le Koweït et l’Arabie Saoudite.
Sur le plan de la politique intérieure, Saddam Hussein continue à contrôler le pouvoir (élections de 1995 et de 2002 qui le réélisent avec un taux de participation de 100%), entouré de ses proches (famille et amis provenant de la même ville que lui, Tikrit). Le pays connaît la corruption et les difficultés matérielles, tandis que l’exode de la population se renforce. Saddam Hussein est toujours confronté à la contestation des chiites et des kurdes. Les chiites connaissent la répression, notamment les religieux. Les villes de Nadjaf et Karbala sont également contrôlées par le pouvoir. Avec les Kurdes, Saddam Hussein se montre moins répressif, car cette communauté, à l’inverse des chiites, ne souhaite pas rentrer en concurrence avec le pouvoir mais revendique son autonomie. La tension nait de la mésentente entre le PDK de Massoud Barzani, fils de Mustapha Barzani, et l’UPK de Jalal Talabani, qui évolue au milieu des années 1990 en guerre civile dans le Kurdistan irakien. A la demande de Massoud Barzani, les troupes de Saddam Hussein occupent le Kurdistan. La guerre se poursuit néanmoins entre le PDK et l’UPK jusqu’en 1998, et un accord est trouvé grâce à la médiation américaine.
Depuis la guerre du Golfe de 1991, la diplomatie américaine est tentée de renverser Saddam Hussein. Sur le terrain, les armes nucléaires sont détruites en 1994, mais les années suivantes, les inspections de l’UNSCOM deviennent difficiles à réaliser car l’Irak refuse de coopérer. Devant ces difficultés, l’UNSCOM évacue son personnel en novembre 1998. Cette même année, le président Bill Clinton signe le 31 octobre le Iraq Liberation Act voté par le Congrès américain, permettant de soutenir financièrement l’opposition au régime, exilée à l’étranger. A la suite du départ de l’UNSCOM, et devant la menace que des armes de destruction massives ne soient pas détruites, le président Clinton ainsi que la Grande-Bretagne décident de bombarder l’Irak au cours de l’opération « renard du désert » qui débute le 16 décembre 1999.
Les attentats du 11 septembre 2001 renforcent la volonté de la nouvelle administration Bush de renverser Saddam Hussein, qui est associé à « l’axe du mal », au même titre que la Corée du Nord et que l’Iran, dans le discours sur l’état de l’Union prononcé par Bush le 29 janvier 2002. Cette même année, la tension ne fait que monter, la diplomatie américaine s’employant à prouver que l’Irak est un soutien aux terroristes, à qui il fournirait des armes de destruction massives. De nombreuses réunions diplomatiques sont tenues par la diplomatie occidentale afin de déterminer la suite des opérations (retour des inspecteurs de l’ONU et/ou recours à la force militaire contre l’Irak), mais, contre toute attente, l’Irak accepte le 17 septembre 2002 que les inspecteurs de l’ONU reviennent enquêter sur place. Les inspecteurs de l’ONU se rendent donc en Irak dès la fin novembre pour poursuivre leurs inspections, avec à leur tête Hans Blix. Dans le même temps, les négociations se poursuivent au Conseil de sécurité de l’ONU, et les avis divergent entre les Etats-Unis d’un côté, la France et la Chine de l’autre. La résolution 1441 de l’ONU est votée le 8 novembre 2002 exigeant que l’Irak mette fin à ses programmes d’armes de destruction massive. L’Irak accepte cette résolution et annonce également ne plus détenir d’armes de destruction massive. Mais cette déclaration est considérée comme mensongère par les Etats-Unis, qui poursuivent leur préparation à l’imminence d’une guerre, notamment lors du discours de l’état de l’Union prononcé par le président Bush le 28 janvier 2003. Cependant, les arguments américains laissent perplexe une partie de l’Europe, dont la France, qui demande, avant de prendre une quelconque décision, que les inspections se poursuivent. Le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin s’exprime en ce sens le 7 mars 2003 au Conseil de sécurité de l’ONU. Mais les Etats-Unis passent outre et lancent un ultimatum à l’Irak le 17 mars 2003.
En l’absence de réaction de Saddam Hussein, la guerre du Golfe (opération Liberté pour l’Irak), est déclenchée le 19 mars 2003 par des bombardements sur Bagdad, suivis dès le 20 mars par l’entrée des troupes terrestres, jusque là stationnées au Koweït, à Bahreïn et au Qatar, l’Arabie Saoudite ayant refusé l’utilisation de son territoire. Les 150 000 soldats américains et britanniques prennent Bassorah le 7 avril, Bagdad le 9 avril, Mossoul le 10 avril, Kirkouk le 11 avril et Tikrit le 14 avril. Saddam Hussein et ses proches s’enfuient et le pays sombre dans le chaos : pillages, fermeture des administrations et des écoles. Les combats prennent fin officiellement le 1er mai.
Après la guerre, l’Irak est exangue et le désordre généralisé. Le général américain Jay Garner est nommé administrateur civil provisoire de l’Irak. Il est remplacé en mai par Paul Bremer, entouré de conseillers américains et britanniques, qui mettent en place des réformes économiques et sociales. Mais la situation reste très instable, et des attentats sont perpétrés contre les forces américaines dès avril, tandis que le pays est dans le chaos : les anciens cadres baassistes sont poursuivis, les militaires sont licenciés, les services sont difficilement remis en état de marche (eau et électricité).
Sur le plan intérieur, les chiites reviennent sur le devant de la scène, après avoir subi la répression de Saddam Hussein : deux tendances coexistent, celle de Muqtada al-Sadr, fils de Baqr al-Sadr assassiné par Saddam Hussein en avril 1980, à la tête de la milice appelée armée du Mahdi et celle de l’ayatollah Sistani, basé dans la ville sainte de Najaf. Particulièrement hostiles à la présence américaine, les partisans de Muqtada al-Sadr contrôlent la banlieue de Bagdad et mènent des actions contre les Américains. Les partisans de Muqtada al-Sadr et ceux de Sistani s’opposent également entre eux.
La résolution 1483 du Conseil de sécurité de l’ONU votée le 22 mai 2003 permet aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne de contrôler l’Irak, où un représentant de l’ONU est également nommé, le Brésilien Sergio Vieira de Mello. Les oppositions à la présence américaine se multiplient, notamment celles des sunnites qui veulent une fin rapide de l’occupation. Cette opposition sunnite s’est formée dans le « triangle sunnite » situé à l’ouest de Bagdad, dans la région de Falluja, dont les moyens d’action sont la guérilla et les attentats suicides. Malgré ces difficultés, une nouvelle résolution de l’ONU, la résolution 1500 reconnaît la mise en place du Conseil de gouvernement d’Irak le 14 août 2003 : institué pour la première fois le 13 juillet, ce conseil est composé de 25 Irakiens, mais il reste sous le contrôle américain.
Mais la situation reste très tendue, comme le montrent les attentats contre l’ambassade de Jordanie à Bagdad le 7 août et contre le quartier général de l’ONU le 19 août 2003 dans lequel Sergio Vieira de Mello est tué ainsi que d’autres membres de l’ONU. Outre les bassistes, d’autres mouvances luttent également contre les forces américaines. Les attentats se poursuivent en octobre et novembre, faisant de nombreuses victimes. Dans ce contexte difficile pour les Américains, ceux-ci arrêtent Saddam Hussein le 13 décembre 2003, mais son arrestation n’a pas d’impact sur les opposants à la présence américaine car les attentats se poursuivent.
En dépit des violences, le processus démocratique se poursuit, même s’il connaît des retards. Le 8 mars 2004, le Conseil de gouvernement vote une constitution qui prévoit les attributions du Président de la république, du Premier ministre et de l’Assemblée. Dans le même temps, une guérilla urbaine est menée à Falluja, obligeant les Etats-Unis à intervenir dans le « triangle sunnite ». Ils parviennent à reprendre la ville à la suite de la bataille de Falluja d’octobre-novembre 2004 qui se solde par de nombreuses victimes et dévaste la ville. Le processus démocratique se poursuit et le 2 juin 2004, le conseil et la coalition désignent le sunnite Ghazi al-Yaouar à la Présidence de la république. Iyad Allaoui, irakien baasiste à ses débuts, puis dans l’opposition et ayant travaillé pour la CIA devient son Premier ministre et Paul Bremer quitte l’Irak après avoir transféré le pouvoir au gouvernement intérimaire le 28 juin. John Negroponte devient alors ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad. Depuis le 2 juin 2004, l’Irak a retrouvé sa souveraineté, qui a été reconnue par la résolution 1546 de l’ONU adoptée le 8 juin 2004.
Alors que des élections sont prévues pour le 30 janvier 2005, la situation est toujours aussi tendue en raison de la guérilla et des attaques réalisées par les opposants sunnites qui visent à la fois les populations civiles chiites et les forces américaines. Les sunnites souhaitent faire échouer les élections de 2005, qui se tiennent néanmoins comme convenu le 30 janvier. Les sunnites ne vont pas voter tandis que les chiites et les kurdes, en dépit des intimidations sunnites, s’y rendent. Après plusieurs semaines d’attente définitive des résultats, le leader kurde Jalal Talabani est élu président de la République le 6 avril et le chiite Ibrahim al-Jaafari, chef du parti chiite al-Dawa, devient Premier ministre. Il forme un gouvernement dans lequel les sunnites sont en minorité et les chiites et les kurdes détiennent la majorité des ministères. Le 15 décembre 2005, de nouvelles élections législatives sont organisées afin d’élire l’Assemblée. Sur 275 sièges, les chiites de l’Alliance irakienne unifiés en obtiennent 128, la Coalition kurde 53 et la liste sunnite du Front irakien de la concorde 44.
En mai 2006, un gouvernement d’unité nationale est dirigé par Nouri al-Maliki, toujours sous la présidence de Jalal Talabani. Les attentats se poursuivent. Dans ce contexte, le gouvernement britannique annonce le 13 mars qu’il retirera 10% de ses troupes en mai. Le 8 juin, les troupes américaines annoncent la mort du responsable d’al-Qaïda pour l’Irak, Abou Moussab al-Zarkaoui. Mais le cycle de violence fait que les Etats-Unis décident de renforcer leur présence militaire en Irak. Les orientations américaines sont néanmoins remises en question par des responsables politiques américains, qui prônent le retrait militaire et le renforcement des relations diplomatiques avec l’Irak et les Etats de la région, notamment avec la Syrie et l’Iran qui ont rétabli leurs relations diplomatiques avec l’Irak en novembre. Début 2007, le président Bush décide de l’envoi de nouvelles troupes en Irak tandis que le gouvernement britannique annonce en février le redéploiement de ses troupes, qui remettent aux Irakiens la sécurité des zones qu’elles quittent progressivement. Dans un contexte de violences, le parlement irakien vote en janvier 2008 une loi permettant la réconciliation nationale, notamment le retour des membres du parti baas à la vie politique. Le parlement poursuit les réformes de l’Irak par l’adoption d’une loi permettant la reprise des élections locales pour octobre 2008. Les efforts de réconciliation nationale se poursuivent. En mars 2008, une conférence réunissant les différents acteurs politiques sunnites, chiites et kurdes est tenue, mais elle n’aboutit à aucune décision. Dans le même temps, le cycle de la violence se poursuit, avec des attentats suicides, des enlèvements et des affrontements. C’est notamment visible de mars à mai, dans la ville de Bassorah, occupée jusqu’en décembre 2007 par l’armée britannique, et dans laquelle des violences sont commises contre les forces irakiennes par l’armée du Mahdi de l’imam Moktada Sadr. Les violences s’étendent aux autres villes chiites, dont Bagdad. Un accord est signé entre Moktada Sadr et les autorités irakiennes le 12 mai, prévoyant que Sadr city (quartier de Bagdad sous contrôle de Moktada Sadr) passe son contrôle de l’armée irakienne. Mais cet accord n’empêche pas les violences de reprendre. Sadr City est néanmoins reprise le 20 mai par l’armée irakienne. Pendant l’été, l’armée irakienne poursuit la reprise et le contrôle des provinces irakiennes, soutenue par l’armée américaine, alors que le climat de violence se renforce. L’ONU est également impliquée dans le processus de reconstruction de l’Irak, et signe le 13 août un accord avec le gouvernement portant sur l’aide humanitaire, le développement et la reconstruction du pays. A partir de septembre 2008, le gouvernement américain annonce qu’il va procéder début 2009 au retrait de 8000 hommes, afin d’augmenter les effectifs en Afghanistan. 150 000 soldats américains restent néanmoins en Irak. Il n’en demeure pas moins que les provinces sous contrôle américain, comme celles sous contrôle britannique, sont progressivement remises aux forces irakiennes, comme la province de Babylone, dont la sécurité est transférée des Américains aux Irakiens le 23 octobre.
Sur le plan intérieur, le Parlement irakien décide en septembre 2008 d’organiser des élections provinciales au plus tard le 31 janvier 2009. En outre, alors que le mandat de l’ONU qui régit la présence des soldats de la coalition en Irak doit prendre fin le 31 décembre 2008, des négociations entre la diplomatie américaine et les instances gouvernementales irakiennes aboutissent à la signature d’un accord le 4 décembre 2008, prévoyant un plan de retrait de l’armée américaine en deux étapes : retrait des villes fin juin 2009 et retrait total d’Irak pour la fin 2011. Comme prévu, les élections provinciales se tiennent dans les provinces irakiennes le 31 janvier 2009 (dans 14 provinces sur 18), et sont remportées par la liste Coalition pour l’Etat de droit du Premier ministre chiite Nouri al-Maliki. Mais à mesure que le redéploiement des troupes américaines s’effectue, afin de parvenir au retrait final fin 2011, les violences reprennent, notamment en mars-avril, et sont attribuées à al-Qaïda. A partir du 30 juin 2009, les forces irakiennes prennent le relais des troupes américaines à Bagdad et dans les grandes villes irakiennes. Les soldats américains sont regroupés dans des bases, en dehors des villes. Le 1er août, les soldats australiens et britanniques quittent l’Irak.
Le 7 mars 2010, des élections législatives sont organisées.
Loulouwa AL RACHID, Brigitte DUMORTIER, Philippe RONDOT, « Irak », Encyclopédie Universalis 2008.
Henry LAURENS, Le grand jeu, Orient arabe et rivalités internationales, Armand Colin, Paris, 1991, 447 pages.
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Site de la Documentation française, chronologie internationale, Moyen-Orient.
Site du ministère des Affaires étrangères, Irak, Présentation Irak.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.
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