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Les désaccords entre le chef du gouvernement et le ministre de la Défense étaient de plus en plus forts. Il a été remplacé par Israel Katz, un allié intransigeant de Netanyahou qui était jusqu’alors aux Affaires étrangères.
La nouvelle est un choc en Israël. Le soir du renvoi de Yoav Gallant, des centaines de manifestants ont marché sur Ayalon, autoroute névralgique à Tel Aviv, pour protester contre la décision de B. Netanyahou. Il faut dire que Y. Gallant constituait, pour les familles d’otages toujours retenus à Gaza, un mince espoir de pousser le Premier ministre israélien vers la conclusion d’un accord de cessez-le-feu permettant la libération des personnes kidnappées le 7 octobre 2023.
Yoav Gallant a été un moteur de la guerre à Gaza, débutée le 8 octobre 2023. Le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, avait d’ailleurs requis un mandat d’arrêt à l’encontre de Gallant et de Netanyahou pour les crimes de guerre présumés commis par l’armée israélienne depuis le 7 octobre 2023. Mais depuis que le Hamas a été réduit à une menace minime, ces récents mois, l’ex ministre de la Défense semblait de plus en plus en faveur d’un accord pour stopper les hostilités et permettre la libération des otages, contrecarrant les ambitions de Netanyahou de faire durer une guerre larvée dans le territoire palestinien.
L’avenir politique de l’enclave était aussi au cœur des désaccords. Yoav Gallant faisait pression pour que Gaza revienne sous le contrôle des Palestiniens (hors Hamas). Il était opposé à une occupation durable du nord de Gaza et au retour des colons. Un projet loin des ambitions révélées par Benyamin Netanyhou dans une intervention télévisée début septembre, dans laquelle il a non seulement annoncé le maintien du contrôle israélien dans le nord et le long du corridor Netzarim, qui coupe le territoire palestinien d’est en ouest en plein milieu de l’enclave, mais aussi assuré que la bande de terre la plus au sud de Gaza, le corridor Philadelphie, resterait sous contrôle militaire israélien, tandis qu’un troisième corridor contrôlé par Israël serait construit entre Rafah et Khan Younis. La recolonisation des territoires situés au nord de la ville de Gaza, sous l’impulsion des partis d’extrême droite au gouvernement, est de plus en plus envisageable avec le limogeage de Gallant.
Yoav Gallant soutenait par ailleurs la formation d’une commission d’enquête nationale sur les échecs du 7 octobre. Cet échec sécuritaire, un des plus retentissants de l’histoire d’Israël, avait été imputé à Benyamin Netanyahou par une large partie de la population israélienne. A l’heure où le Premier ministre tente de regagner des points dans l’opinion publique avec ses guerres à Gaza et au Liban, la tenue d’une enquête indépendante sur cet échec ouvrirait un peu plus les plaies du 7 octobre et endommagerait son image.
Autre point de discorde, l’enrôlement des ultra-orthodoxes dans l’armée israélienne. Yoav Gallant avait insisté sur la nécessité pour les haredim (juifs ultra-orthodoxes) de servir dans l’armée, ce dont ils sont exemptés aujourd’hui. Les formations ultra-orthodoxes, Shas et Judaïsme unifié de la Torah, qui font partie de la coalition gouvernementale, faisaient planer la menace de faire tomber le gouvernement si cette exemption était levée.
Avec le renvoi de Gallant, Benyamin Netanyahou conforte la frange la plus extrême de son gouvernement, les deux partis d’extrême droite (Force juive et Parti sioniste religieu) et les deux partis ultra-orthodoxes.
Yoav Gallant s’inscrivait dans une idéologie de centre-droit en Israël, son limogeage marque donc un nouveau glissement à l’extrême droite pour le gouvernement. Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir (Force juive, extrême droite), a salué ce renvoi : « Il est impossible de remporter une victoire totale avec Gallant en place », a-t-il indiqué. D’autant plus que Y. Gallant a été remplacé par Israel Kaatz, fervent soutien au colons en Cisjordanie occupée et dans le Golan syrien.
Pour Benyamin Netanyahou, c’est aussi l’occasion de se débarrasser d’une figure de plus en plus critique au sein du gouvernement, Yoav Gallant n’hésitant pas à discréditer le Premier ministre en public. Son renvoi est annoncé à l’heure où Benyamin Netanyahou fait face à deux enquêtes sérieuses liées à la sécurité nationale, contre des membres de son personnel [1]. Une façon de resserrer les rangs derrière le Premier ministre.
Ines Gil
Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban).
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.
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