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Israël : quelle est l’influence des nationalistes messianiques sur la politique gouvernementale ?

Par Ines Gil
Publié le 27/11/2024 • modifié le 28/11/2024 • Durée de lecture : 5 minutes

Partisans d’Itamar Ben Gvir (Force juive, extrême droite) durant un meeting à Tel Aviv. Crédits photo : Ines Gil

Le 11 novembre dernier, lors d’une réunion de sa formation politique, le parti sioniste religieux, le ministre des Finances Bezalel Smotrich a déclaré que pendant le précédent mandat du président élu Donald Trump, « nous étions à deux doigts d’appliquer la souveraineté sur les colonies de Judée et de Samarie [la Cisjordanie], et maintenant, le moment est venu de le faire ». Au même moment, la ministre des Implantations et des Missions nationales appartenant à l’extrême droite messianique (qui comprend les formations sionistes religieuses), Orit Strook (Mafdal-Religious Zionism, extrême droite), a fait son entrée au cabinet de guerre.

Projets d’annexion

Bezalel Smotrich a félicité le candidat républicain pour sa victoire, affirmant qu’elle « offre une grande opportunité ». La politique de Donald Trump pendant son premier mandat (2016-2020), influencée par des courants évangéliques américains, semble en effet réconforter les ministres les plus à droite du gouvernement Netanyahou.

Néanmoins, le gouvernement israélien n’a pas attendu les élections américaines pour appliquer l’agenda des droites extrêmes dans les territoires palestiniens, selon la chercheuse Nitzan Perelman (Université de Paris), « le nouveau gouvernement Netanyahou, formé en décembre 2022, est la coalition la plus marquée à l’extrême droite depuis la création de l’Etat d’Israël. Les annonces actuelles sont dans la continuité de la politique menée ces dernières années ». Selon la chercheuse, « l’annexion de jure d’une partie de la Cisjordanie a d’ailleurs déjà eu lieu. En février 2023, le ministre des Finances Bezalel Smotrich est devenu le dirigeant de l’administration civile en Cisjordanie [1] ». Ce corps administratif permet à l’Etat d’Israël de gérer les affaires civiles dans une large partie de ce territoire qui est sous occupation militaire depuis 1967. « Dans la zone C, qui représente plus de 60% de la Cisjordanie et qui est entièrement contrôlée par Israël, cette administration gère notamment les infrastructures, la construction ou la destruction de bâtiments, entre autres » affirme la chercheuse.

Selon le droit international, en cas d’occupation, l’administration civile doit être sous la responsabilité des militaires, car c’est l’armée qui occupe le territoire [2]. C’était le cas jusqu’en février 2023. Mais depuis que l’administration civile a été placée sous contrôle de Bezalel Smotrich, un civil et représentant de l’Etat, « les juristes internationaux et même israéliens affirment qu’il y a eu annexion de jure dans la zone C » explique Nitzan Perelman. Encouragée par Bezalel Smotrich, la colonisation de la Cisjordanie s’est par ailleurs accélérée depuis 2023. En juillet dernier, l’organisation israélienne qui plaide en faveur de la solution à deux Etats, La Paix maintenant, affirmait qu’Israël a approuvé « la plus grande saisie de terres [1 270 hectares] en Cisjordanie depuis 30 ans ». Et ce, alors que la Cour internationale de justice (CIJ) a jugé, vendredi 19 juillet, que l’occupation des terres palestiniennes par Israël est illégale.

L’élection de Donald Trump pourrait-elle néanmoins avoir pour effet de renforcer l’influence des nationalistes messianiques ? « L’entrée d’Orit Strook, la ministre des Implantations et des Missions nationales qui plaide constamment pour le retour de la colonisation à Gaza, dans le cabinet de guerre, a pu être influencée par l’élection de Donald Trump » indique Nitzan Perelman, « depuis le début de la guerre à Gaza, Washington a constamment refusé l’entrée de Bezalel Smotrich et d’Itamar Ben Gvir, deux ministres d’extrême droite, dans ce cabinet. Maintenant que M. Trump est élu, Benyamin Netanyahou semble avoir davantage les mains libres ».

Droitisation de la population

Si l’extrême droite a un pouvoir grandissant sur les politiques israéliennes à travers ses deux figures, Bezalel Smotrich (Parti sioniste religieux) et Itamar Ben Gvir (Force juive), cette frange nationaliste messianique reste marginale dans les urnes. En octobre dernier, un sondage publié par le quotidien israélien Maariv indiquait que le parti de Bezalel Smotrich ne passerait pas le seuil électoral de quatre sièges à la Knesset (Parlement israélien) si des élections étaient organisées. Les sondages précédents avaient déjà mis à jour cette tendance.

L’intensification de la colonisation et les projets d’annexion de la Cisjordanie ne sont pas défendus avec ferveur par la majorité des Israéliens, mais ils rencontrent peu de résistance, voir de l’indifférence selon le chercheur David Rigoulet-Roze (Institut de Relations internationales et Stratégiques), « avant le 7 octobre, il existait encore un débat entre la gauche et la droite sur la solution à deux Etats. Il n’est plus réellement d’actualité, ce qu’a montré le vote de la Knesset le 18 août dernier rejetant à une écrasante majorité (68 contre 9) toute idée d’un Etat palestinien ». Depuis le 7 octobre, la gauche israélienne est désormais elle aussi davantage opposée à la création d’un Etat palestinien, « pas par ambition messianique, mais pour des raisons sécuritaires » indique le chercheur. « Pour l’extrême-droite, cette nouvelle configuration politique interne constitue une forme d’aubaine. Faute d’opposition nette, les partisans d’une vision nationaliste messianique se sentent plus que jamais les mains libres pour annexer les territoires palestiniens ».

La recolonisation de la bande de Gaza, et notamment du nord, est régulièrement évoquée par les représentants de la droite extrême comme Orit Strook. Mi-novembre, Israël a annoncé que les Palestiniens qui ont fui le nord de Gaza pendant la guerre ne « pourront pas rentrer chez eux » [3], probable prélude d’un retour de la colonisation. Paradoxalement, Gaza n’a pas toujours été centrale dans le discours de la droite israélienne religieuse car elle n’est pas a priori un territoire « biblique » selon David Rigoulet-Roze. C’est d’ailleurs ce qui avait justifié la décision unilatérale d’un retrait de Gaza en 2005 par Ariel Sharon, Premier ministre du Likoud et le démantèlement manu militari des 21 colonies qui s’y trouvaient. Aujourd’hui une « recolonisation » est promue par les ministres d’extrême droite de la coalition dirigée par Benjamin Netanyahou. Mais le véritable enjeu concerne la colonisation en Cisjordanie - la Judée-Samarie « biblique » et désormais « politique ». « C’est là que la pression des colons est la plus forte du fait de sa résonance théologique » ajoute le chercheur.

Transformation des fondements du sionisme ?

Avec le glissement vers l’annexion d’une majeure partie de la Cisjordanie, le risque de recolonisation du nord de Gaza et le débat ouvert dans les formations d’extrême droite sur la colonisation du sud-Liban, ainsi que les violences contre les populations palestiniennes qui existaient déjà mais se sont accélérées, le projet sioniste à l’origine de la création d’Israël est-il en train de changer de visage ? « Pas réellement » selon Nitzan Perelman, « il existait déjà un phénomène religieux dans le sionisme de gauche qui avait dominé le mouvement sioniste et qui était au pouvoir pendant 30 ans à partir de 1948 ». Aujourd’hui, les sionistes religieux sont très influents sur les politiques gouvernementales, « mais nous n’assistons pas à un changement dans la nature d’Israël » explique la chercheuse. « Même les sionistes de gauche ont utilisé la Bible pour justifier l’installation des juifs en Palestine. Le sionisme a toujours été composé de trois éléments, le religieux, le nationalisme et le colonial. Les messianiques sont plus influents mais n’inventent rien de nouveau. Ils renforcent simplement les éléments religieux qui étaient déjà présents et les mettent

Publié le 27/11/2024


Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban). 
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.


 


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