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L’exposition universelle de Dubaï : quelles retombées économiques et diplomatiques pour les Émirats arabes unis ?

Par Justine Clément
Publié le 14/10/2021 • modifié le 14/10/2021 • Durée de lecture : 9 minutes

This picture shows the UAE pavilion at the Expo 2020, on October 3, 2021, in the gulf emirate of Dubai. Expo 2020 opened in Dubai, hoping to attract millions of visitors with its imaginative pavilions and technological advances.

Karim SAHIB / AFP

I. Dubai Expo 2020 : organisation, participants et programme

Thèmes de l’exposition et pavillons pays

Pour cette édition 2020, Dubaï s’accorde avec les grands défis mondiaux. Lors de la candidature de la ville aux côtés d’Izmir (Turquie), de Sao Paulo (Brésil) et d’Ekaterinbourg (Russie), l’émir de Dubaï déclarait : « Dans le monde hautement interconnecté d’aujourd’hui, une vision renouvelée du progrès et du développement basée sur le but et l’engagement partagés est essentielle » [3]. Chaque pays participant, via son pavillon et les trois sous-thèmes, s’inscrit dans une de ces dynamiques, à savoir l’urgence climatique (sous-thème « durabilité »), l’interconnexion mondiale (sous-thème « mobilité ») et la construction d’un futur meilleur (sous-thème « opportunité »).

Les pavillons de la « durabilité » visent à présenter des opportunités, progrès et innovations, tout en se focalisant sur la préservation et la protection de l’environnement, pour les générations actuelles mais surtout futures. Pour ce premier thème, 42 pays [4] ont répondu présents. On retrouve particulièrement une représentation d’Etats insulaires et côtiers - les premiers concernés par le changement climatique.

Les pavillons de la « mobilité », eux, mettent en lumière les flux de personnes, marchandises, mais aussi l’échange des savoirs. Animé d’une dimension historique, ce sous-thème présentera les plus grandes phases de déplacements mondiaux, depuis les explorateurs jusqu’à l’intelligence artificielle. 70 pays s’inscrivent dans cette dynamique [5]. Les pays ayant connu des grandes phases de déplacements de population sont largement représentés.

Enfin, les pavillons de l’« opportunité » s’attardent sur les innovations et progrès qui s’offrent aux nouvelles générations, et qui visent à répondre aux enjeux globaux actuels, via le soutien aux acteurs du changement. Ce dernier sous-thème est représenté 76 pays [6]. Dans ce troisième sous-thème, les pays émergents et récents sont majoritairement présents, témoignant ainsi des défis de développement qu’ils ont dû entreprendre.

Les Émirats arabes unis, pays organisateur, ont un pavillon à part. Dans une structure de 15 000 m2 représentant un faucon (symbole national), le pays s’inscrit dans un thème unique, « l’inclusion, la connexion et la tolérance » et s’attache à présenter son histoire et son ascension en tant qu’acteur mondial. Ce pavillon présente aussi les visions futures des dirigeants, comme celles de Dubaï et Abu Dhabi en 2030.

Autres pavillons et organisation de l’Exposition Universelle

Deux autres catégories de pavillons seront aussi présentes : celui des « Partenaires » et celui des « Organisations ». Les partenaires nationaux comme DP World (exploitant portuaire émirati), ENOC (compagnie nationale de pétrole) et Emirates (compagnie aérienne d’Abu Dhabi) bénéficient de pavillons exclusifs, afin de présenter leurs résultats et projets futurs. Du côté des organisations, l’Union Africaine (« opportunité »), l’ASEAN (« mobilité »), Dubaï Cares (« opportunité ») ; le Conseil de Coopération du Golfe (« opportunité »), la Société d’investissement du Pavillon de Dubaï (« opportunités »), la Ligue des États Arabes (« opportunités »), la Ligue Mondiale Musulmane (« mobilité »), l’Organisation de la coopération islamique (« mobilité »), l’Université des Émirats Arabes Unis (« mobilité ») ainsi que le Musée de l’Exposition Universelle (« mobilité ») sont aux côtés des pays participants dans les trois sous-thèmes précédemment exposés. L’exposition universelle accueille aussi des « pavillons spéciaux », à savoir le pavillon du Bade-Wurtemberg (région d’Allemagne), le pavillon The Good Place (un point de rencontres et d’innovations conçu par Expo Live) et le pavillon des femmes (qui s’attache à montrer le rôle clé des femmes dans le passé, présent et futur). Chaque sous-thème sera lui aussi représenté par un pavillon unique, à savoir pour la « mobilité », le pavillon Alif, pour l’« opportunité », le pavillon Mission Possible et pour la « durabilité », le pavillon Terra.

Sur un site de plus de 438 hectares, chaque sous-thème et ses pavillons correspondants, ainsi que le pavillon des Émirats arabes unis et le métro de Dubaï sont reliés par un bâtiment central de 150 mètres de diamètre, le Al Wasl Plaza (nom historique de la ville de Dubaï). Ce dernier, qui a pour rôle de connecter les différentes composantes de l’exposition est aussi un lieu de projection immersive de 360 degrés. Cette prouesse technique permet au pays hôte de montrer ses avancées technologiques - domaine massivement investi pour la diversification économique du pays.

Durant ces 182 jours, le site situé à Jebel Ali accueillera les visiteurs de 10h00 à minuit du samedi au mercredi, et de 10h00 à 02h00, du jeudi au vendredi. Des évènements réguliers rythmeront la vie du site (spectacles, théâtre, découvertes culturelles), tout comme des évènements plus ponctuels comme la Journée de la Langue Arabe, la Journée Internationale de la poésie ou encore la fête du Nouvel An. En plus, la Dubai Expo 2020 sera ponctuée de dix semaines à thèmes, réparties tout au long des six mois, en lien avec les défis mondiaux contemporains. Seront abordés les thèmes du Climat et biodiversité (du 3 au 9 octobre 2021), de l’Espace (du 17 au 23 octobre 2021), du Développement urbain et rural (du 31 octobre au 6 novembre 2021), de la Tolérance et l’inclusion (du 14 au 20 novembre 2021), des Connaissances et de l’Apprentissage (du 12 au 18 décembre 2021), du Voyage et de la connectivité (du 9 au 15 janvier 2022), des Objectifs globaux (du 16 au 22 janvier 2022), de la Santé et bien-être (du 27 janvier au 2 février 2022), de l’Alimentation, l’Agriculture et les moyens de subsistance (du 17 au 23 février 2022) et de l’Eau (du 20 au 26 mars 2022).

II. Au-delà de l’événement, quelles retombées diplomatiques et économiques pour les Emirats arabes unis ?

Renforcer le poids diplomatique des Émirats arabes unis

Les Emirats arabes unis est le premier pays du Moyen-Orient à accueillir une exposition universelle. En outre, cet événement s’inscrit dans un contexte de pandémie mondiale. Mais à la différence des Jeux Olympiques de Tokyo de l’été 2021, le public est attendu lors de cette exposition universelle. Dans le pays, près de 85% des résidents ont reçu une dose de vaccin et 75% sont totalement vaccinés [7].

La composition des participants en dit aussi beaucoup sur la posture diplomatique du pays - qui adopte des stratégies de neutralité et de compromis. Malgré l’appel du Parlement européen à boycotter l’événement pour le non-respect des droits humains (résolution du 16 septembre 2021), la Dubai Expo 2020 affiche un nombre record de participation. Après la normalisation officielle des relations entre l’Etat hébreu et les Émirats arabes unis via les Accords d’Abraham en 2020, c’est « la première fois qu’Israël participe à un événement d’une telle ampleur dans un État arabe » [8]. Parallèlement, l’ensemble des pays arabes de la région a confirmé sa présence - et la Palestine dispose également de son propre pavillon.

Les Émirats arabes unis s’alignent également avec les enjeux mondiaux, comme celui de l’urgence climatique. D’abord dans le choix des sous-thèmes, mais surtout via leur pavillon de plus de 15 000 m2, couvert de panneaux photovoltaïque. L’énergie récupérée, connectée au réseau électrique principal, servira ensuite à alimenter l’ensemble du bâtiment. État pétrolier récent, et souvent critiqué pour sa consommation d’énergie, les Émirats arabes unis montrent alors une posture plus « responsable », augmentant leur influence mondiale. Par les éveils culturels, ils s’inscrivent aussi dans une stratégie de diplomatie culturelle, où leur soft-power en sort renforcé. De plus, le cœur de l’exposition, la Al Wasl Plaza, dotée d’un dôme de 360 degrés, est désigné comme la plus grande surface de projection au monde, pour des expériences immersives [9]. Si les Émirats arabes unis investissent depuis quelques années dans le domaine de la haute-technologie, ils montrent avec cette innovation les résultats de cet effort.

La continuité de la stratégie de diversification économique

Bien que l’Exposition Universelle offre aux Émirats arabes unis, et particulièrement à Dubaï, un rayonnement international, elle s’inscrit surtout dans la stratégie de diversification économique du pays, impulsée depuis les années 1980 [10]. Près de 25 millions de visiteurs, soit environ 137 000 par jour sont attendus, pour ce que le Sheikh Al-Maktoum a promis comme l’Exposition Universelle « la plus exceptionnelle de l’histoire » [11]. Même si Dubaï s’est déjà illustrée comme une destination touristique mondiale, la Dubaï Expo 2020 renforce son attractivité et développe son secteur touristique.

Selon un rapport du cabinet Ernst & Young [12], la Fédération du Golfe devrait avoir des retombées économiques de près de 122,6 milliards d’AED, soit près de 28,82 milliards d’euros, entre 2013 (date où la ville a été désignée comme hôte de l’exposition) et 2031. Selon cette même étude, cet événement soutiendra près de 900 000 emplois à temps plein par an, dans divers domaines comme la construction, l’évènementiel, l’entreprenariat ou encore les services. Les six mois de l’exposition universelle devraient à eux-seuls participer à hauteur de 1,5% du PIB annuel des Émirats arabes unis, soit environ 1,48 milliards d’euros (en se basant sur le PIB de 2019).

Cependant, l’Exposition Universelle apparaît surtout être un investissement de long terme pour les Émirats arabes unis - en témoigne le projet du « District 2020 ». Environ 80% du site de Jebel Ali devrait être transformé - durant les six mois suivant la fin de l’exposition - en un quartier mixte de 145 000 personnes (pleine capacité) ainsi qu’en un laboratoire d’innovations. Avec un urbanisme qui se veut plus « européen » [13], le projet accueillera de nombreuses entreprises internationales (Siemens et Accenture ont déjà confirmé leur présence future [14]), mais surtout des start-up focalisées sur l’intelligence artificielle, les Big Data, Internet of Things (IoT), la robotique et le blockchain (stockage et transfert d’informations). Cette nouvelle « ville intelligente », centrée sur l’humain, sera intégralement couverte par la 5G et accueillera près de 4 km de route pour les véhicules autonomes. Durable, elle réutilisera les bâtiments de l’Exposition Universelle, couverts par les certificats or et argent « Leadership in Energy and Environmental Design » (LEED) et construits en fibre de carbone, plus écologique que l’acier. Les panneaux solaires préexistants seront réutilisés et une éolienne de plus de 25 mètres contribuera aussi à l’alimentation de ce nouveau quartier. L’eau utilisée par la ville sera aussi recyclée, et l’humidité de l’air sera convertie en molécules d’eau. Enfin, de nombreuses bornes pour les véhicules électriques seront à la disposition des usagers.

Avec le « District 2020 », les Émirats arabes unis devraient attirer une nouvelle population expatriée, concentrée dans le domaine de la haute-technologie. Pour se faire, le gouvernement prévoit la mise en place d’un programme entrepreneurial, « Scale2Dubai » qui offre aux entreprises sélectionnées (y compris les petites et moyennes entreprises) deux ans d’espace de travail gratuit, deux ans de visa, deux ans d’habitat urbain subventionné ainsi qu’un programme de suivi. En favorisant ces initiatives, Dubaï renforce son attractivité et attire sur son territoire des start-ups innovantes, qui l’aideront à réussir sa diversification économique.

Conclusion

Les Émirats arabes unis ont réussi à réunir un nombre record et une diversité de pays, ainsi que de grandes organisations et entreprises mondiales. Ce rendez-vous offre à la ville une stature toute particulière. Il s’accorde avec les défis mondiaux contemporains, et se veut être un laboratoire pour les projets futurs. De plus, il permet au pays de renforcer son poids diplomatique, particulièrement en pleine pandémie de Covid-19. Enfin, cette Exposition Universelle s’inscrit aussi dans la stratégie de diversification économique des Émirats arabes unis, impulsée depuis les années 1980. En attirant de nombreux touristes, mais surtout en permettant l’installation d’entreprises innovantes sur le long terme, le pays espère contrecarrer le piège de la rente pétrolière.

Publié le 14/10/2021


Justine Clément est étudiante en Master « Sécurité Internationale », spécialités « Moyen-Orient » et « Renseignement » à la Paris School of International Affairs (PSIA) de Sciences Po Paris. Elle a effectué un stage de 5 mois au Centre Français de Recherche de la Péninsule Arabique (CEFREPA) à Abu Dhabi en 2021, où elle a pu s’initier au dialecte du Golfe. Elle étudie également l’arabe littéraire et le syro-libanais.
En 2022 et 2023, Justine Clément repart pour un an au Moyen-Orient, d’abord en Jordanie puis de nouveau, aux Émirats arabes unis, pour réaliser deux expériences professionnelles dans le domaine de la défense.


 


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