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La coalition qui compose l’actuel gouvernement israélien comporte plusieurs petits partis d’extrême droite, nécessaires au Likoud pour obtenir la majorité à la Knesset. Malgré leurs origines très diverses, ces partis reflètent tous les différentes évolutions du sionisme. Deux grands types de partis d’extrême droite se distinguent : d’un côté figurent les « laïcs », pour la majorité ultra-nationalistes et souvent hostiles à l’idée d’un Etat palestinien, et de l’autre côté figurent l’extrême droite « religieuse », dont l’électorat est principalement constitué d’orthodoxes et d’ultra-orthodoxes.
Les origines de l’extrême droite laïque se confondent avec les origines de la droite actuelle. Elles remontent en effet au parti révisionniste de Jabotinsky et au groupe Brit Habirionim qui, en 1931, avait incarné la tentation fasciste du sionisme révisionniste. Si le groupe Brit Habirionimne ne survit pas plus de trois ans et que la tentation fasciste au sein du parti révisionniste s’arrête avec lui, d’autres organisations se réapproprient nombre de ses thèses dans les années 1940. Parmi les points les plus emblématiques de leur programme se trouve la lutte armée pour l’établissement d’un « Grand Israël », sur les deux rives du Jourdain, qui s’accompagne généralement d’une grande détermination dans le combat contre les résistants Arabes. Le Lehi, aussi connu sous le nom du « groupe Stern », est l’une de ces factions. Créé en 1940, le groupe définit lui-même ses actions comme « terroristes » (1), aux vues des nombreux attentats commandités tant contre les Britanniques que contre les Palestiniens. Le leader du Lehi, Avraham Stern, est représentatif des leaders qui se trouvent à droite du parti révisionniste de Jabotinsky et pour qui le « Grand Israël » est une revendication centrale à toutes leurs actions.
Après la déclaration d’indépendance d’Israël en 1948 et la domination des travaillistes qui s’en suit, ce courant de pensée cesse d’être politiquement actif, tout en continuant à s’incarner dans la parole de plusieurs intellectuels du siècle dernier. Israël Eldad (2) est l’un d’entre eux. Essayiste d’origine polonaise, il rejoint rapidement le Betar, puis le Lehi, et participe en 1948 à la préparation de l’assassinat de l’émissaire des Nations unies Folke Bernadotte (3). Après l’indépendance, il lance une revue dans laquelle il critique la gouvernance des travaillistes et défend sa vision d’un « Grand Israël », du Nil à l’Euphrate, ainsi que la nécessité d’un troisième Temple (4). En 1969, il tente de se faire élire sans succès à la Knesset, sous l’étiquette d’un parti éphémère : Le Mouvement des fidèles de la Terre d’Israël. Si son engagement en politique n’est pas réellement concluant, Eldad continue de former un cadre de pensée aux thèses nationalistes à travers la publication de plusieurs ouvrages et articles, notamment l’ouvrage « La révolution juive ».
En 1973, la branche israélienne de la Ligue de défense juive forme un nouveau parti, le Kach, sous l’impulsion de Meir Kahane, en vue de préparer les prochaines élections législatives. Si les premiers scores – très bas – ne permettent pas au Kach d’avoir des députés à la Knesset, il s’agit cependant d’une première dans le processus de « démocratisation » des groupes nationalistes.
Il faut toutefois attendre la fin des années 1970 pour que ces groupes commencent à rencontrer un certain succès électoral. Les accords de Washington, qui restituent le Sinaï à l’Egypte en mars 1979, sont probablement en partie liés à ce regain d’intérêt pour un courant de pensée qui n’était jusqu’alors pas revenu sur sa revendication du « Grand Israël ». En effet, le « Grand Israël » reste la revendication centrale de tous les groupes de pensée nationalistes et ultra-nationalistes, tandis que les questions sociale et économique sont secondaires. Si à la fin des années 1970, la revendication du territoire jordanien n’est plus très pertinente, l’occupation de Gaza et de la Cisjordanie – consécutivement à la guerre des six jours – est un point central de l’argumentaire nationaliste. Beaucoup ont proposé le transfert des populations arabes résidant sur ces terres vers des pays arabes voisins, c’est notamment le cas du Kach (5). Ce parti remporte un siège à l’issue des élections législatives de 1984, mais son représentant, Meir Kahane, n’est pas éligible aux élections suivantes. Le Kach continue aujourd’hui d’exister comme un groupe extra-parlementaire, principalement présent dans les colonies.
En 1999, l’un des plus grands partis ultra-nationaliste est fondé par Avigdor Liebermann, un ancien membre du Likoud. Il s’agit du parti Israël Beytenou (6), littéralement « Israël notre maison ». La base électorale de ce parti est composée de Juifs ashkénazes qui ont immigré en Israël après la chute de l’URSS. L’idéologie d’Israël Beytenou est majoritairement axée autour du maintien des territoires occupés et du rattachement des colonies de Cisjordanie à Israël. Aux élections législatives de 2006, le parti réalise son premier grand score et obtient 11 sièges à la Knesset. Avigdor Liebermann est alors nommé ministre des Affaires stratégiques, en charge du dossier nucléaire iranien. Depuis cette date, Israël Beytenou fait partie de toutes les coalitions gouvernementales. Il est présent dans le gouvernement actuel et remporte six sièges aux élections de mars 2015.
Israël Beytenou reste actuellement le principal représentant de l’extrême droite laïque en Israël et parvient souvent à s’allier avec la droite israélienne dans le cadre des différentes échéances électorales. Cette proximité est en partie rendue possible par la parenté historique du Likoud et de l’extrême droite nationaliste, ces derniers ayant les mêmes ancêtres idéologiques.
L’extrême droite religieuse israélienne défend globalement le même programme que les nationalistes, mais avec un argumentaire qui varie quelque peu. En effet, l’établissement d’un « Grand Israël » est chez les religieux, comme chez les nationalistes, un point central. Toutefois, contrairement à l’extrême droite nationaliste, les religieux justifient leurs revendications exclusivement par des arguments bibliques, se référant aux textes dans lesquels la Terre d’Israël s’étendait du Nil à l’Euphrate. Ces arguments sont principalement répandus dans les milieux orthodoxes et ultra-orthodoxes, notamment parmi les colons religieux, ainsi que dans certaines yeshivot.
L’extrême droite religieuse commence réellement à s’organiser politiquement à partir de la décennie 1980, où le parti Agoudat Israel – alors unique représentant des ultra-orthodoxes – connaît deux scissions. En 1984, le Shas (7) est créé par une partie des militants séfarade d’Agoudat Israel. Bien que se définissant comme un parti religieux, et donc attaché à la pratique religieuse et à la défense de la souveraineté juive en Israël, le Shas défend aussi une certaine politique sociale ainsi qu’une relation parfois ambiguë à l’égard des Palestiniens. En effet, s’il s’oppose à la création d’un État palestinien, sa position sur la question des Territoires occupés varie souvent en fonction de ses intérêts politiques et des coalitions gouvernementales dans lesquelles il se trouve. Présent dans la vie politique israélienne depuis près de trois décennies, le Shas a donc du composer avec plusieurs partis – tant les travaillistes que la droite – mais s’allie désormais régulièrement avec le Likoud pour chaque rendez-vous électoral.
En 1988, les juifs ashkénazes répondent à la création du Shas par la formation de leur propre parti : DegelHaTorah. Malgré ces scissions, les deux partis unissent leur électorat dans la majorité des scrutins sous le parti de YahadutHaTorah, littéralement « Judaïsme unifié de la Torah ».
La même année, le parti Moledet est fondé par Rehavam Zeevi. Considéré comme un des successeurs du Kach, la proposition centrale de son programme politique est le transfert des Palestiniens des Territoires occupés vers les pays arabes voisins (8). Bien que très centré sur des arguments du sionisme religieux, le Moledet attire aussi un électorat nationaliste laïc. Les scores électoraux de ce part sont relativement faibles (deux sièges sur 120 à la Knesset aux élections de 1988), mais le parti a tout de même intégré l’alliance Union nationale, qui regroupe plusieurs des formations militant pour le « Grand Israël ».
En 2006, l’Union nationale s’allie avec un autre parti – le parti national religieux – en vue de former une liste commune pour les prochaines élections législatives. Deux ans plus tard, cette alliance se transforme en un nouveau parti appelé le Foyer Juif. Les objectifs du parti sont sensiblement identiques à ceux de ses prédécesseurs, notamment en ce qui concerne le refus de céder les Territoires occupés. En revanche, le parti défend aussi un volet social, particulièrement en ce qui concerne la promotion de l’éducation juive. Plus qu’uniquement religieux, le Foyer juif est donc souvent défini comme un parti religieux-nationaliste. Le Foyer juif est depuis 2012 dirigé par Naftali Bennett, l’ancien directeur de cabinet de Benjamin Netanyahou.
Aux dernières élections législatives de 2015, les principaux partis d’extrême droite (à savoir le Judaïsme unifié de la Torah, Israël Beytenou, le Shas et le Foyer juif) obtiennent à eux quatre 27 sièges sur les 120 que compte la Knesset. Ces quatre partis ont contracté une alliance avec le Likoud, qui a lui-même obtenu trente sièges.
Notes :
(1) http://www.akadem.org/medias/documents/3987_Doc6_Irgoun_GroupeStern_Lehi.pdf
(2) http://www.israeleldad.co.il/israel-eldad/
(3) http://orientxxi.info/lu-vu-entendu/l-assassinat-du-comte-bernadotte,0625
(4) Le second temple, aussi appelé temple de Salomon, a été détruit en l’an 70 par des légionnaires romains. Sa destruction marqua le début de l’exode des Juifs.
(5) http://www.medea.be/fr/themes/conflit-israelo-arabe/transfert-de-la-population-arabe-hors-de-palestine/
(6) http://www.beytenu.org/
(7) https://www.knesset.gov.il/faction/eng/FactionPage_eng.asp?PG=2
(8) http://www.csmonitor.com/2002/0206/p05s01-wome.html
Amicie Duplaquet
Amicie Duplaquet est étudiante à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, en Master Coopération et développement au Maghreb et Moyen-Orient. Après avoir suivi des cours de sciences politiques à l’université de Birzeit, en Cisjordanie, elle a réalisé un mémoire sur les conséquences du printemps arabe sur la stratégie israélienne et prépare une thèse sur le même sujet à l’Institut Français de Géopolitique.
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