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Après l’annonce officielle par le président américain Georges W. Bush le 1er mai 2003 de la fin des combats en Irak, un des plus grands défis de la coalition débute. Une longue période d’occupation commence, suivie de la reconstruction économique et politique, qui ne s’achève qu’avec le départ des derniers soldats américains en décembre 2011. Sur fond d’instabilité, d’insécurité et de rivalités, dans un Etat anéanti et une société fractionnée entre différentes confessions et ethnies, Américains et Irakiens tentent d’instaurer un Etat libéral et démocratique fort dans le pays. Mais l’impréparation de l’administration américaine à organiser l’après-guerre se fait rapidement ressentir et la multiplication des erreurs et bavures rend la présence américaine toujours plus impopulaire dans le pays.
Le 22 mai 2003, avec la résolution 1483 votée par le Conseil de sécurité de l’ONU, toutes les sanctions qui pesaient sur le pays (à l’exception de l’embargo sur les armes) sont levées et la coalition reçoit le droit de diriger le pays pour une durée d’un an. Le diplomate américain Paul Bremer est nommé administrateur civil et prend la tête de la « Coalition Provisional Authority » (CPA), nouvellement formée et chargée de la reconstruction de l’Irak. Par ailleurs, le Brésilien Sergio Vieira de Mello est choisi comme représentant de l’ONU en Irak. Il est chargé de coordonner les actions humanitaires ainsi que de conseiller la coalition dans l’élaboration d’une nouvelle représentation politique irakienne. Paul Bremer commence par dissoudre l’armée et les services de sécurité irakiens. L’ensemble des fonctionnaires du régime baath déchu est également écarté de la fonction publique. Des dizaines de milliers de personnes se retrouvent ainsi sans emploi.
Dès le début, les Américains divergent sur le degré d’implication qu’ils doivent fournir dans la politique irakienne. Ils entendent, tout d’abord, s’appuyer sur les anciens opposants de Saddam Hussein, rentrés d’exil, pour reconstituer la base d’une unité politique. Le but est d’établir un gouvernement fédéral qui représenterait toutes les fractions de la société irakienne. Le 13 juillet 2003 se tient la première réunion du conseil de gouvernement transitoire irakien. Il est composé de 25 membres représentants les différentes ethnies et confessions que compte le pays. Dans ce système, une présidence tournante de 9 membres (5 chiites, 2 sunnites et 2 kurdes) est également préconisée. Le 1er septembre 2003, un gouvernement provisoire irakien est formé autour de 13 ministres chiites, cinq sunnites, cinq kurdes, un chrétien et un turcoman. Les Etats-Unis gardent cependant un droit de véto sur l’ensemble des décisions. La première mission du nouveau gouvernement est la rédaction d’une constitution provisoire qui devra être soumise au vote des Irakiens qui éliront ensuite un autre gouvernement avec, cette fois, la plénitude des pouvoirs. De plus, l’élection d’une Assemblée constituante est prévue pour 2005.
Après de longues négociations, le texte de la Constitution provisoire est adopté par le Conseil de gouvernement en mars 2004. Il y est convenu que la loi islamique ne sera qu’une des sources de la nouvelle législation du pays et non pas son unique source. Suivant le modèle allemand, les pouvoirs du Premier ministre sont augmentés.
Malgré l’intensification des affrontements contre les forces d’occupation et entre les chiites et les sunnites minoritaires, le Conseil transitoire du gouvernement irakien nomme Ghazi al-Yaouar président et le chiite Iyad Allaoui premier ministre le 2 juin 2004. La résolution 1526 votée le 8 juin 2004 par le Conseil de sécurité de l’ONU annonce finalement le transfert des pouvoirs au gouvernement intérimaire irakien ainsi que l’organisation des élections d’ici janvier 2005. Le transfert des pouvoirs au gouvernement intérimaire de Iyad Allaoui a effectivement lieu le 28 juin. Paul Bremer quitte alors le pays.
Lors de la conférence de Sham al-Shaykh, les élections multipartites désignant l’Assemblée nationale, l’Assemblée de la région autonome kurde et les 17 consuls de province et de Bagdad sont fixées pour le 30 janvier 2005. Il est en outre décidé que la dette irakienne envers les Occidentaux sera annulée à 80 %. Le climat reste toutefois extrêmement tendu, les violences, intimidations et attentats sont quotidiens et font des milliers de victimes.
Si les sunnites appellent au boycott des élections, les chiites et les Kurdes se rendent massivement aux urnes. La liste soutenue par l’ayatollah chiite Ali Sistani obtient 48 % des voix et celle des Kurdes 25,7 %. Le Kurde Jalal Talabani devient président du pays, suite au vote de l’Assemblée nationale transitoire, et Ibrahim al-Jaafari, chef du parti chiite al-Dawa, devient Premier ministre. Le gouvernement qu’il forme est donc largement dominé par les chiites et les kurdes qui contrôlent les principaux ministères. Ils doivent rédiger la nouvelle constitution qui devra être approuvée par le peuple. La Constitution, qui inclut le fédéralisme, est ainsi approuvée en août par referendum par 78 % des voix et ce même par les sunnites qui réintègrent finalement le jeu politique. En décembre 2005, les élections législatives offrent à l’Alliance unie irakienne de Sistani 128 sur les 275 sièges alors que la Coalition kurde en obtient 53 et le Front irakien de la concorde (sunnite) 44. A partir d’avril 2006, Nouri al-Maliki du parti Dawa du Premier ministre Jaafari, doit former un gouvernement. A la fin de l’année 2006, une Loi proclamant le fédéralisme de l’Etat irakien est officiellement adoptée.
Le mécontentement augmente dans l’opinion américaine concernant l’incertitude de la situation irakienne et le danger auquel sont confrontés les soldats. La difficulté de l’administration américaine à stabiliser la société irakienne fait l’objet d’importantes critiques alors que les appels au retrait des troupes entendre avec plus de force. Le 5 janvier 2007, le président Bush nomme le général David Petraeus à la tête des troupes américaines. Une nouvelle stratégie « d’apaisement » se met alors en place et 21 500 soldats sont attendus afin de sécuriser le territoire irakien.
En septembre 2008, Bush annonce le retrait de 8 000 soldats avant février 2009 (sur un total de 146 000). Il s’agit alors de retirer progressivement les troupes tout en essayant d’apaiser la situation sur place notamment par la formation des forces de sécurité irakienne et par les tentatives de réconciliation du gouvernement irakien. Barack Obama, qui succède à Georges W. Bush à la présidence des Etats-Unis en janvier 2009, annonce que l’ensemble des soldats américains auront quitté le pays d’ici le 31 décembre 2011. En juin 2009, les troupes commencent donc à évacuer les principales villes passant la relève aux 500 000 policiers et 250 000 militaires irakiens.
Après neuf mois de négociations et de crise politique, le Parlement irakien accepte la composition d’un nouveau gouvernement présidé par Djalal Talabani, dont Nouri al-Maliki devient Premier ministre et Oussama al-Noujaifi (sunnite), président du Parlement. Sur les 35 ministres, on compte alors 20 chiites, 10 sunnites, 4 Kurdes et un chrétien. En octobre 2011, comme prévu, Obama annonce le départ des 39 000 soldats encore présents sur le territoire. Les 505 bases militaires sont évacuées. Il reste toutefois aujourd’hui 157 Américains sur place chargés de poursuivre l’entrainement et la formation des forces irakiennes. Un contingent de Marine est également mobilisé en Irak pour assurer la protection de l’ambassade américaine de Bagdad.
Après près de neuf années, le bilan du conflit irakien est très lourd. Alors que l’on comptait à la fin de la guerre en 2003 129 morts américains et 31 britanniques, fin 2011, près de 4 500 soldats américains y ont laissé la vie. Du côté irakien, on dénombre plus de 100 000 victimes du conflit alors qu’un Irakien sur quatre continue à vivre dans des conditions précaires. La guerre aura par ailleurs coûté aux Etats-Unis environ 770 milliards de dollars depuis 2003.
Bibliographie :
– Alain Gresh, Dominique Vidal, Les 100 clés du Proche-Orient, Paris, Hachette Littératures, 2006.
– Henry Laurens, L’Orient arabe à l’heure américaine, de la guerre du Golfe à la guerre d’Irak, Paris, Armand Colin, 2005.
– Emmanuel Saint-Martin, L’Irak, de la dictature au chaos, Toulouse, Editions Milan, 2005.
– Articles de presses : Le Monde, Le Figaro, L’Express (chronologie)
Lire également :
– La guerre d’Irak de 2003-2011
– Irak, 2002-2011 : leçons d’hier pour le temps présent
– Fiche pays Irak
Lisa Romeo
Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.
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