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Yves Brillet est ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure de Saint Cloud, agrégé d’Anglais et docteur en études anglophones. Sa thèse, sous la direction de Jean- François Gournay (Lille 3), a porté sur L’élaboration de la politique étrangère britannique au Proche et Moyen-Orient à la fin du XIX siècle et au début du XXème.
A l’issue du conflit mondial, les engagements de la Grande-Bretagne au Moyen-Orient se sont accrus. Cet accroissement suscite des débats sur l’importance des moyens à déployer et sur les réponses tactiques adaptées aux contraintes budgétaires. C’est dans ce contexte que la Grande-Bretagne va devoir faire face à l’évolution rapide de la situation en Mésopotamie.
Un mémoire de Churchill du 7 février 1920 examine les dépenses induites par l’occupation de la Mésopotamie et conclut que les coûts de fonctionnement sont hors de proportion avec ce que la Mésopotamie peut rapporter à la Grande-Bretagne. Il conclut à la nécessité de reconsidérer la politique générale de la Grande-Bretagne en Mésopotamie en soulignant le peu d’importance stratégique que revêt la région pour l’état-major, sauf pour ce qui concerne sa place dans la chaîne de communication aérienne vers l’Inde et l’existence de gisements pétroliers (1). L’avis personnel de Churchill est qu’il existe une disproportion trop importante entre les forces militaires sur le terrain et les enjeux. Il ajoute qu’il a donné pour instruction à l’état-major d’étudier ce qui peut être contrôlé militairement par une force n’excédant pas 4000 soldats britanniques et 16.000 locaux. Le scénario envisagé serait l’abandon des zones de Mossoul et Hamadan, le maintien d’une garnison et d’un camp retranché à Bagdad et à Bassora avec des détachements stationnés dans des positions fortifiées le long du fleuve pour un coût approximatif de 5,5 millions de livres (2).
Deux jours plus tard, la commission des finances se réunit pour discuter des prévisions budgétaires des forces armées pour l’année 1920-1921, sous la présidence du Premier ministre Lloyd George et en présence de Churchill, de Chamberlain, Chancelier de l’Echiquier et de Curzon, Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères. Les estimations budgétaires globales se montent à 134.000.000 livres dont 48.000.000 pour les engagements temporaires (Constantinople et Allemagne) et les nouvelles responsabilités de la Grande-Bretagne en Palestine, Mésopotamie et en Perse (3). La commission estime impossible le retour à une structure basée sur le modèle de l’armée d’avant-guerre. La disparition de la menace militaire allemande ne permet pas d’opérer des réductions dans la mesure où la Grande-Bretagne doit faire face à ses nouveaux engagements (4). Pour ce qui concerne la Mésopotamie, les estimations portent sur un contingent de 14.000 britanniques et 50.000 soldats locaux pour un coût total de 21.500.000 livres. Le coût de l’occupation étant considéré comme prohibitif, et devant donc être réduit, un retrait de la province de Mossoul est évoqué mais des voix s’élèvent pour faire remarquer qu’il s’agit d’une des régions les plus riches de la Mésopotamie en raison de son potentiel pétrolier et que dans l’hypothèse d’une évacuation de Mossoul, il conviendrait alors d’envisager le retrait de l’ensemble de la Mésopotamie.
La commission accepte la proposition de Churchill de réduire de moitié la somme allouée aux forces en Mésopotamie mais stipule qu’aucune décision ne sera prise avant la publication des conclusions du rapport commandé par le Secrétaire à la Guerre sur les ressources pétrolières de la Mésopotamie et du rapport du Général Haldane, commandant en chef à Bagdad sur la situation militaire et la taille de la garnison (5).
L’état-major répond, dans une note du 20 février, que la possibilité de réduire les effectifs servant en Mésopotamie selon les termes évoqués par Churchill ne laisse que peu de marge de manœuvre. Après le rappel des raisons qui ont conduit à la campagne de Mésopotamie, à savoir la protection des gisements pétroliers de la région de Ahwaz essentiels au fonctionnement de la Royal Navy, l’état-major rappelle que les considérations stratégiques n’ont pas changé et qu’un retrait des zones actuellement sous occupation britannique engendrerait plus de difficultés qu’il n’apporterait de solution.
La concentration des forces à Bagdad a pour conséquence le désengagement au nord de la Mésopotamie, ce qui implique l’impossibilité d’y faire respecter l’ordre. L’état-major insiste sur la situation dans les provinces de l’ouest et du nord-ouest et sur le sentiment d’hostilité des tribus vis-à-vis de l’occupation britannique. Le retrait des troupes et leur concentration sur Bagdad et la surveillance des lignes de communication entraîneront des difficultés telles que l’ensemble du dispositif britannique pourrait se trouver menacé (6). L’état-major estime en outre que la concentration du dispositif sur Bagdad signifie l’abandon de la ligne de communication vers Hamadan et par voie de conséquence de la Perse et qu’en tout état de cause une telle décision implique de maintenir les forces armées à leur niveau opérationnel (7).
Dans le cas où la décision serait prise de réduire les effectifs dans les proportions évoquées par Churchill, l’état-major considère que la seule possibilité serait de maintenir la présence britannique dans la zone de Bassora jusqu’aux gisements pétroliers d’Ahwaz (8).
L’état-major répète son opposition à une politique manifestement hostile à la Turquie et qui se trouve à l’origine d’un ferment de révolte et d’agitation dans le monde arabe et musulman.
Entretemps, le 19 février, un fonctionnaire du ministère de l’Air a fait parvenir à Trenchard, chef d’état-major des forces aériennes, un Mémoire dans lequel il lui fait savoir que Churchill, devant l’incapacité de l’état-major à assurer l’ordre en Mésopotamie et devant l’éventualité d’une évacuation totale de la région, lui demande s’il est prêt à en assumer contrôle grâce au recours à la force aérienne (9).
Le 23 février 1920, Churchill intervient devant la Chambre des Communes, et procède tout d’abord d’un constat : avant la guerre, la défense de l’Empire reposait sur l’existence des forces terrestres. La taille de l’armée dépendait de deux facteurs : le nombre d’unités nécessaires aux garnisons et aux forteresses impériales, le nombre d’unités stationnées en Grande-Bretagne nécessaires à la relève des troupes outre-mer (10). Churchill aborde le problème de la Mésopotamie en rappelant que 17.000 soldats britanniques y sont stationnés ainsi que 40.000 hommes de l’Armée des Indes. Il reconnaît que la situation est tendue en raison des événements en Syrie et des facteurs internationaux que sont le renouveau du nationalisme turc et le progrès du bolchevisme. Il estime cependant qu’un maintien en l’état de la garnison n’est pas possible au plan financier (11). Il se montre favorable à la montée en puissance des forces aériennes et, s’appuyant sur le précédent de la campagne aérienne en Somalie britannique, il se déclare prêt à confier le contrôle de la Mésopotamie à la RAF à condition que cela soit une source d’économie substantielle et que les résultats soient positifs. Il annonce avoir donné au chef d’état-major des forces aériennes des instructions afin qu’il soumette un plan de rechange pour le contrôle de la Mésopotamie (12). Churchill rappelle que jusqu’à présent, l’état-major de l’Armée n’a pas été en mesure de proposer une solution au problème de l’occupation de la Mésopotamie autre que le recours aux méthodes traditionnelles à un coût que les finances ne peuvent supporter (13).
A la suite de l’intervention de Churchill, le major-général Seely, Sous-Secrétaire d’Etat (Air) et Président de l’Air Council, s’interroge sur les causes du retard pris en Mésopotamie et met en cause la résistance aux nouvelles idées des soldats de la « vieille école » qui ne croient pas en l’avenir de la force aérienne. Il critique leur refus d’utiliser la puissance de l’aviation comme elle devrait l’être dans le cas de conflits limités, en totale autonomie et sous la responsabilité des autorités politiques. Leur opposition entraîne pour lui des dépenses inutiles et limite l’efficacité de la force aérienne.
Cette évolution vers un transfert des responsabilités est soulignée quelques jours plus tard, au cours d’une réunion, par le Major Tryon, Sous-Secrétaire d’Etat (Air), qui confirme le projet de substituer des unités de la Royal Air Force aux unités terrestres en Mésopotamie si cela permet une réduction des coûts et une prise du commandement par un officier des forces aériennes (14). Churchill prend à son tour la parole pour rappeler qu’il est à l’origine de ce projet consistant à demander aux forces aériennes d’exercer le contrôle de la Mésopotamie. Il ajoute qu’il est de la responsabilité de la RAF de montrer qu’elle a les ressources et les compétences pour mener à bien la tâche qui lui est ainsi confiée (15). Retraçant alors la généalogie de « l’Air Power », Churchill fait référence aux campagnes en Afghanistan et sur la frontière du nord-ouest contre les Mashouds et les Warizis (16), et insiste pour conclure sur l’importance et la valeur de la RAF dans le maintien de l’ordre dans les territoires périphériques, particulièrement en ce qui concerne les économies en termes de fonctionnement et de vies humaines.
En réponse à la demande de Churchill émise le 19 février, Trenchard fait référence à la déclaration du Secrétaire d’Etat concernant le rôle possible de la RAF en Mésopotamie et il insiste sur la nécessité de parvenir rapidement à une décision afin de pouvoir rendre effectif le transfert de compétence en faveur de la RAF avant le mois d’avril 1921 (17). Dans le document proprement dit (18), Trenchard insiste sur le fait que dans les théâtres d’opérations éloignés tels que la Palestine, la Mésopotamie et l’Afrique orientale, la guerre a démontré que les capacités propres à l’arme aérienne peuvent être utilement employées contre les forces terrestres de l’ennemi. L’arme aérienne peut difficilement défendre un pays contre une attaque extérieure massive mais peut retarder de façon significative la progression de l’adversaire. En outre, sa capacité de dispersion des troupes au sol est considérable.
Si la force aérienne est requise pour assurer l’ordre dans une zone non entièrement pacifiée, les besoins en forces terrestres peuvent être envisagés sous un angle entièrement nouveau. Lorsque ces dernières sont chargées du maintien de l’ordre, leur manque de mobilité nécessite leur déploiement et leur stationnement sur des points stratégiques, entraînant ainsi la constitution d’une ligne de communication qu’il convient de sécuriser. En raison des coûts de fonctionnement et pour des raisons pratiques, l’ensemble d’un territoire ne peut être couvert par des forces conventionnelles terrestres, ce qui implique l’envoi ultérieur de colonnes punitives dans les zones insurgées, colonnes qui doivent disposer de moyens considérables pour réduire l’insurrection et protéger leurs propres lignes de communication. Les opérations terrestres doivent en conséquence être limitées dans le temps. Le retrait de la colonne entraîne souvent le réveil de l’agitation. Les difficultés sont multipliées lorsque l’insurgé est une tribu nomade dont la mobilité est supérieure à celle des troupes qui lui sont opposées.
Selon Trenchard, dans le cas où le maintien de l’ordre à l’intérieur des frontières incombe à la force aérienne, seules les principales lignes de communication ainsi que les bases aériennes doivent être protégées, ce qui réduit considérablement les zones à sécuriser en permanence. Il insiste sur la flexibilité de l’arme aérienne qui rend inutile le recours à un déploiement/dispersion des forces et permet d’atteindre les zones les plus reculées sans que l’on ait besoin de mettre en place un réseau secondaire de lignes de communication. La vitesse et le rayon d’action de l’aviation permettent une surveillance quasi constante de l’ensemble du territoire, phénomène dont l’impact psychologique sur la population ne doit pas être négligé (19).
Dans le cas de troubles, l’aviation est utilisée pour obtenir des informations sur les concentrations et les regroupements des tribus séditieuses. Quelques heures seulement après la collecte des informations, les forces aériennes peuvent entrer en action. Cette réactivité permet ainsi de bloquer le développement d’une insurrection et de soumettre les tribus les plus récalcitrantes (20).
Trenchard indique que l’état-major de l’Air est cependant convaincu de l’utilité d’unités blindées destinées à servir au transport des troupes et à l’appui de la force aérienne. La Mésopotamie constitue en effet un champ d’expérimentation idéal, en raison de la nature du terrain et des conditions climatiques. Il est en outre nécessaire de prendre en compte l’état politique de la région et de ne procéder que progressivement à l’installation d’officiers politiques, ceux-ci se déplaçant sous la protection des forces aériennes qui garderont tout pouvoir en matière de décision (21).
Pour ce qui concerne l’organisation des forces en Mésopotamie, la mission de l’aviation sera d’assurer l’ordre intérieur et la pacification progressive du territoire, le rôle des forces terrestres étant essentiellement de protéger les bases aériennes. Elles n’ont cependant pas pour objet d’assurer la sécurité de la Mésopotamie contre une attaque extérieure.
Le projet prévoit de faire de Bagdad le centre du dispositif en raison de sa situation au centre du système de communication et de son importance politique comme siège du gouvernement, avec le premier détachement de la flotte aérienne, les dépôts, les services de maintenance sous le commandement d’un chef d’escadrille lui-même placé sous les ordres de l’officier de l’armée de l’Air commandant en chef. La zone de Bagdad comprend l’état-major, quatre escadrilles (reconnaissance, chasse, bombardement, dirigeables), ainsi que les unités de transport des troupes. La fonction de la force aérienne dans la zone de Bagdad est d’assurer la protection de la ville contre les tribus qui l’entourent ainsi que de garantir la sécurité de la liaison vers la Perse jusque la frontière. Elle constitue enfin une réserve pour le reste du pays. L’escadrille de chasse à long rayon d’action permet de consolider la sécurité des lignes de communication et de renforcer la coopération avec les forces terrestres.
L’escadrille de bombardement assure des missions de reconnaissance, de bombardement et de transport. L’utilisation de l’aviation dans des opérations combinées de sécurisation des terrains d’atterrissage et des zones stratégiques permet d’envisager une réduction importante de l’ensemble des forces militaires en Mésopotamie.
En ce qui concerne la zone sud, la force aérienne basée à Hilla comprend une escadrille de reconnaissance ainsi qu’une escadrille de bombardement et est chargée d’assurer la sécurité et le contrôle de la ligne de communication entre Bagdad et Bassora.
Au nord, deux escadrilles de reconnaissance et une escadrille de bombardiers basées à Shergat et Mossoul avec des bases avancées à Kirkuk et Arbil permettent de contrôler le nord de la Mésopotamie jusqu’au Kurdistan.
L’ensemble du dispositif comprend donc 11 escadrilles, 350 officiers et 31.00 hommes du rang et sous-officiers.
Dans le cadre du projet présenté par Trenchard, les forces terrestres ont pour mission d’assurer la protection des bases à Bagdad, Shergat, Mossoul, Hilla et Shaiba ainsi que les postes avancés de Kirkuk, Arbil, Kifa et Khanikin. Des colonnes mobiles de blindés sont à disposition de chacun des états-majors régionaux avec pour mission l’assistance aux opérations aériennes, sans qu’il soit prévu de les utiliser dans des opérations punitives. Le projet ne prévoit cependant pas à ce stade la prise de contrôle immédiat par l’aviation des opérations en Mésopotamie (22).
Certaines voix s’élèvent cependant contre la politique visant à réduire les effectifs des forces terrestres. A la Chambre des Communes, Sir Samuel Scott, membre du parti conservateur et député de Londres, met en garde, lors de la discussion sur les prévisions budgétaires pour l’année 1921-1922, contre une approche qui ne prend pas en compte l’augmentation des responsabilités de la Grande-Bretagne. Face à la recrudescence des troubles en Syrie et en Mésopotamie et à la montée de l’agitation dans le Kurdistan, il insiste sur la nécessité de disposer d’une force terrestre suffisante pour faire face à toute éventualité, dont la possibilité d’un soulèvement généralisé contre les nations occidentales (23).
Au cours de cette même séance, le Colonel Yate, député conservateur, ancien consul général à Mascate et dans le Golfe Persique, rappelle les dangers auxquels la Grande-Bretagne doit faire face en Afghanistan et au Moyen-Orient et regrette le projet de retirer les troupes britanniques de Perse (24).
Pour le député de Londres Sir John Davidson, il est essentiel de combattre la tentation de réduire les forces britanniques, particulièrement au Proche et au Moyen-Orient. Il attire l’attention sur les limites de la politique proposée en Mésopotamie visant à confier à l’aviation le contrôle de la région, en rappelant que seules les missions traditionnellement dévolues aux forces terrestres permettent d’aller au contact des populations et ainsi de tenir efficacement le terrain (25).
Le 23 mars 1920, lors d’une réunion consacrée pour partie à la préparation de la réponse à apporter par le Premier ministre Lloyd George aux questions de Asquith, chef de l’opposition, lors de la discussion parlementaire, le Cabinet considère les propositions de Churchill et approuve l’argumentation suivante : le gouvernement accepte le mandat de la Société des Nations sur la Mésopotamie si la Conférence de la Paix le propose. Le territoire sous mandat devra comprendre Mossoul en raison de l’absence de frontière physique marquée entre Mossoul et le Golfe Persique, et dans la mesure aussi où la population se montre opposée à la partition du pays. De plus, les gisements pétroliers de la province de Mossoul apparaissent comme essentiels au développement économique du futur Etat. Le Cabinet s’engage en outre à mettre en place un gouvernement arabe appuyé sur des institutions représentatives guidées au besoin par des conseillers britanniques. Il ne s’oppose pas à la candidature d’un membre de la famille hachémite si l’accord de la population est avéré. Le Cabinet confirme enfin son engagement de réduire la garnison en Mésopotamie et insiste sur l’importance des propositions du Secrétaire à la Guerre dans le cadre de la politique de désengagement militaire (26).
Le 25 mars 1920, Asquith intervient dans le débat consacré aux affaires étrangères pour faire état de ses doutes concernant la politique menée en Mésopotamie. Après avoir déploré le retard pris dans les négociations avec la Turquie, souligné les difficultés de parvenir à un accord et fait une déclaration d’ordre général sur l’avenir de la Turquie et l’internationalisation des Détroits, il passe à l’examen de la situation en Irak.
Rappelant que la Grande-Bretagne maintient toujours un contingent de 60.000 hommes, dont 18.000 soldats britanniques, malgré l’assurance donnée de le réduire de moitié, Asquith déclare qu’il considère que le seul moyen de diminuer la dépense causée par cette occupation militaire est de limiter la zone sous le contrôle de la Grande-Bretagne au vilayet de Bassora, et de s’appuyer sur sa situation stratégique pour défendre la basse vallée du Tigre et de l’Euphrate et verrouiller l’accès au Golfe Persique (27).
Tout en rappelant les raisons et les impératifs politiques et stratégiques qui conduisirent à l’occupation de Bagdad et à l’avancée des troupes jusqu’à Mossoul (et au-delà), il attire l’attention de la Chambre sur les risques que fait courir à la politique britannique l’absence claire de délimitation géographique de la Mésopotamie, absence qui selon lui doit conduire mécaniquement à l’occupation d’une zone s’étendant du Golfe Persique aux rives de la Mer Noire et de la Mer Caspienne. II ajoute qu’il était clair pour lui que l’état des ressources économiques de la Grande-Bretagne rendait impossible d’envisager un tel scénario et que le gouvernement devait accepter d’abandonner Bagdad pour Bassora (28).
En réponse, le Premier ministre Lloyd George souligne que si l’on peut, en théorie, envisager un retrait total de la Grande-Bretagne, un abandon des provinces de Bagdad et de Mossoul était exclu, en raison particulièrement de l’existence de riches gisements pétroliers dans cette partie de la Mésopotamie (29). En second lieu, Lloyd George insiste sur le fait que l’abandon de la Mésopotamie par la Grande-Bretagne signifierait l’installation à sa place d’une autre puissance, malgré les dépenses consenties pour libérer le pays des Turcs. D’autre part, le vide laissé par le départ de la Grande-Bretagne entraînerait le chaos et la division, en l’absence d’un gouvernement central pouvant renforcer la cohésion nationale. Lloyd George remarque néanmoins qu’il n’est pas question d’intégrer la Mésopotamie dans le système impérial, le but de la politique britannique étant l’installation d’un gouvernement autochtone, la Grande-Bretagne exerçant - comme puissance mandataire - les fonctions de conseil, d’assistance et de soutien, dans le cadre des compétences déléguées par la Société des Nations (30).
Le 20 mai 1920, Churchill fait circuler une série de notes au Cabinet dans lesquelles il résume sa position concernant la situation en Mésopotamie, l’opinion de l’état-major impérial et les dispositions particulières au sujet de la Palestine et de la Mésopotamie. Considérant les analyses de l’état-major, il souligne l’opposition de ce dernier à toute réduction des troupes dans le cadre de la présente occupation de la région. Churchill demande à ses collègues d’étudier une répartition/concentration des forces sur les terminaux ferroviaires permettant de mieux sécuriser les garnisons (31). Daté du 1er mai 1920, le mémoire de Churchill intitulé Mesopotamian Expenditure, et qui constitue le premier des 4 documents, attire l’attention du Cabinet sur le gaspillage financier entraîné par la politique militaire et administrative britannique en Mésopotamie. Le ministre de la Guerre critique l’action du Foreign Office et fustige l’éparpillement des forces qui doivent faire face à toute attaque possible. Il souligne la gravité du problème de l’existence de lignes de communication qui doivent à leur tour être défendues contre toute attaque éventuelle (32). La critique de l’action du Foreign Office est basée sur le fait que ses compétences ne se prêtent pas à l’administration de territoires et qu’une bonne application des moyens alloués à la Mésopotamie passe par la prise de contrôle de la gestion du territoire par le Colonial Office (33).
Selon les estimations, la dépense pour l’administration de la Mésopotamie par le Colonial Office ne devrait pas dépasser 7 millions de livres par an. Le Colonial Office devrait, selon Churchill, être seul juge de la politique à mener dans les limites de cette enveloppe budgétaire, y compris pour ce qui concerne les questions militaires ainsi que la délimitation des zones et le choix des provinces directement contrôlées par les forces britanniques. Churchill demande qu’une fois effective la prise de responsabilité par le Colonial Office, il ait toute autorité pour décider de la taille de la garnison et du transfert de l’autorité militaire à l’Air Service (34).
Il revient une fois encore sur les avantages que procure l’utilisation de la force aérienne. Depuis sa base de Bagdad, celle-ci peut en quelques heures atteindre n’importe quel point de la portion de territoire mésopotamien qu’il convient dès à présent d’occuper effectivement. Des garnisons seront affectées sur les terrains d’atterrissage éloignés qui pourront être ravitaillés par voie aérienne ne nécessitant donc pas le contrôle de longues lignes de communication terrestres. Une fructueuse coopération entre le Colonial Office et l’Air Ministry permettra ainsi une baisse sensible des coûts induits par la présence britannique en Mésopotamie.
Dans ses propos liminaires du 20 mai, Churchill met l’accent sur les quatre points suivants : le passage de la Mésopotamie sous l’autorité du Colonial Office, l’accord sur une enveloppe budgétaire entre le Trésor et le Colonial Office, la prise de responsabilité par les forces aériennes et le transfert des responsabilités militaires permettant une réduction de la zone d’occupation ainsi que le renvoi des troupes non-nécessaires en Inde ou en Grande-Bretagne (35). Ce projet politique se heurte cependant à l’opposition de l’état-major impérial qui insiste sur l’impossibilité de réduire la garnison. Après une série de considérations techniques concernant l’état de la garnison en Mésopotamie en particulier et le rôle de l’armée sur l’ensemble des théâtres d’intervention de la Grande-Bretagne en général, l’état-major proteste contre toute limitation des forces terrestres qui ne serait pas accompagnée par une limitation correspondante des engagements de la Grande-Bretagne en Mésopotamie et en Palestine. D’autre part, l’administration civile en Mésopotamie considère que tout retrait partiel entrainerait un affaiblissement de la position britannique et que l’abandon évoqué des provinces de Mossoul entrainerait une fragilisation de la position britannique dans l’ensemble de la Mésopotamie (36).
Dans sa réponse du 24 mai aux quatre notes distribuées par Churchill, le Secrétaire d’Etat aux Colonies Milner plaide en faveur d’une approche plus mesurée et circonstanciée de la situation en Mésopotamie (37). Milner considère que les sommes dépensées ne correspondent pas à des conditions normales d’occupation. Sans contester le bien-fondé et la nécessité d’administrer et de défendre la Mésopotamie aves des forces réduites, il en critique la précipitation (38). Il considère qu’il est illusoire de penser réduire la garnison sans prendre en compte les menaces sur les positions britanniques tant que l’ensemble de la zone moyen-orientale se trouve dans une situation de totale instabilité. Il est donc impératif, selon lui, de distinguer entre les circonstances présentes et l’élaboration à long terme d’une politique de présence britannique dans la région (39). Tout en reconnaissant la nécessité des économies, il s’oppose à une réduction trop rapide des effectifs en s’interrogeant sur le bien-fondé et les conditions de leur déploiement. En second lieu, il insiste sur l’importance de ne pas se limiter à considérer la situation en Mésopotamie d’un seul point de vue mésopotamien et réaffirme la nécessité de l’inclure dans un ensemble régional (40).
Il évoque la Perse, qui est l’un des éléments du problème dont il ne faut pas sous-estimer l’importance. Pour pouvoir en effet mener à bien la réduction de la garnison en Mésopotamie, la stabilité politique et la pérennisation d’un sentiment pro-britannique dans cet Etat constituent deux facteurs essentiels (41). Il considère en outre qu’une invasion de la Perse par les forces bolchéviques entrainerait le basculement de la région (42). Elle rendrait impossible tout maintien de la Grande-Bretagne sur la zone (43). Parmi les différentes options envisagées, la normalisation des relations entre la Grande-Bretagne et le pouvoir des Bolchéviques aiderait à atténuer les tensions entre les deux régimes, les Russes s’engageant à ne pas provoquer de troubles en Inde, en Asie du Sud-ouest, en Perse et en Afghanistan. Cela permettrait en outre à la Grande-Bretagne de gagner du temps en attendant une clarification de la situation dans les anciennes provinces de l’Empire ottoman (44).
Dans l’attente d’une amélioration des relations anglo-bolcheviques, il convient cependant selon Milner de venir en aide au gouvernement de la Perse et d’empêcher le chaos et l’anarchie de gagner le pays. Il est aussi vital pour lui de maintenir les troupes britanniques stationnées en Perse et il s’élève contre l’abandon progressif des positions stratégiques qu’elles y détiennent (45).
Malgré la décision du 25 avril 1920 d’accorder à la Grande-Bretagne le mandat sur la Mésopotamie, Asquith, lors d’un débat sur le financement des opérations extérieures le 23 juin 1920, a l’occasion de compléter son analyse de la position gouvernementale en insistant sur les coûts entraînés par la présence britannique en Mésopotamie, tout en reprenant les arguments avancés lors de la discussion du 25 mars 1920 et critiquant à la fois le positionnement des troupes et l’extension des responsabilités militaires au sud-ouest de la Perse.
Après avoir estimé le montant global des dépenses causées par l’occupation militaire et l’administration civile à environ 35 millions de livres, il s’élève contre la mise en place en Mésopotamie d’une administration civile sur le modèle indien. Il réfute l’idée qu’il puisse y avoir à court terme une réduction des dépenses ainsi que l’argument de Lloyd George selon lequel une autre puissance viendrait s’établir en Mésopotamie au cas où la Grande-Bretagne s’en retirerait. Concernant l’avenir, il insiste sur le fait que la présence britannique ne peut avoir aucune justification légale avant l’explicitation par la Société des Nations du mandat formel sur la Mésopotamie, accusant d’une certaine façon le gouvernement de prendre des gages en vue d’une occupation future (46).
Il souligne l’impossibilité pour la Grande-Bretagne d’assurer financièrement l’occupation de la Mésopotamie (47). Ces considérations établies, il plaide une fois de plus la nécessité de limiter l’aire d’occupation britannique à la zone de Bassora. S’appuyant sur l’exemple de la frontière du Nord-Ouest et du Baloutchistan, il estime que le reste du territoire mésopotamien, y compris la région de Mossoul peut être mis sous administration mésopotamienne, la Grande-Bretagne apportant conseil et assistance, détachant des officiers britanniques pour l’encadrement de forces locales chargées du maintien de l’ordre. Ceci doit, pour Asquith, permettre l’inscription de l’action de la Grande-Bretagne dans le cadre de la politique mandataire définie par la Société des Nations et la réduction substantielle des dépenses liées à l’occupation (48).
A la suite d’Asquith, Ormsby-Gore, futur Sous-secrétaire d’Etat aux Colonies, réplique qu’un retrait sur Bassora coûterait finalement plus cher que le maintien des positions en l’état dans le cas où, à la demande éventuelle de la Société des Nations, il faudrait reconquérir l’ensemble du territoire jusqu’à Mossoul. La réduction des coûts ne peut selon lui s’effectuer que par la mise en place d’une administration arabe efficace et par le départ des troupes indiennes qu’il considère comme l’une des causes des difficultés et des frictions auprès de la population arabe de la Mésopotamie. Il déclare également qu’il ne faut pas non plus chercher à reproduire en Mésopotamie le modèle administratif indien et veiller à ce que les niveaux d’imposition n’entraînent un phénomène de rejet de la part de la population (49).
Le Premier ministre Lloyd George, dans sa réponse, insiste sur l’impossibilité de limiter la présence britannique à la zone de Bassora, et rappelle le souhait des habitants de Mossoul de voir leur province unie à celles de Bagdad et de Bassora avec lesquelles elle forme, à son avis, une entité économique. S’agissant de la limite géographique de la Mésopotamie, il s’appuie sur les déclarations de Kitchener lorsqu’il était commandant en chef des forces britanniques en Inde pour estimer que celle-ci est constituée par les montagnes situées au nord de Mossoul et que les richesses pétrolières de la région septentrionale doivent profiter à l’ensemble de la Mésopotamie (50).
Ayant accepté le mandat sur la Mésopotamie, il incombe donc désormais au gouvernement de la Grande-Bretagne de prendre les mesures nécessaires à l’établissement d’un système de gouvernement, tâche à laquelle doit s’atteler Sir Percy Cox (51) rappelé pour l’occasion de Téhéran. C’est seulement, selon Lloyd George, après la mise en place d’un régime fermement établi et accepté par toutes les parties de la population que le processus de réduction de la présence britannique et donc des dépenses pourrait ainsi commencer (52).
Seely prend ensuite la parole pour faire remarquer que les difficultés rencontrées proviennent d’une approche déficiente de la situation et d’un choix erroné concernant l’utilisation des forces armées. Plutôt que de conserver un contingent composé de troupes indiennes, il aurait mieux valu, selon lui, que la Grande-Bretagne se consacre à la mise sur pied d’une force locale. Après avoir qualifié de folie la politique britannique en Mésopotamie, il plaide pour l’établissement d’une entité mixte composée de troupes locales constituées en colonnes mobiles et d’une force aérienne puissante et bien équipée sous le commandement partagé d’un officier politique. Il critique également l’extrême dispersion des troupes, critique reprise par Spender-Clay, député conservateur du Kent, qui insiste sur l’impossibilité de contenir une rébellion armée et demande à Churchill des assurances sur le degré de préparation des troupes dans l’éventualité d’un soulèvement généralisé (53).
A toutes ces remarques, Churchill répond en soulignant tout d’abord les contraintes (budgétaires et humaines) engendrées par la multiplication des engagements extérieurs de la Grande-Bretagne. Il souligne ensuite la détermination du gouvernement dans le choix de l’arme aérienne pour maintenir l’ordre en Mésopotamie. Rappelant les projets de Trenchard à cet égard, il fait remarquer qu’un délai d’un an était indispensable avant que cette politique d’engagement des forces aériennes ne soit effective (54).
Deux jours plus retard, la Chambre des Lords se saisit de la même question. Au cours du débat, Lord Islington, ancien sous-secrétaire d’Etat pour l’Inde en 1915, interroge le gouvernement sur son action en Mésopotamie et tout particulièrement sur la nature du système administratif mis en place, sur le nombre des troupes indiennes et britanniques engagées, sur la hauteur des dépenses engendrées et sur le partage des responsabilités gouvernementales concernant les affaires mésopotamiennes.
Au sujet de la nature du système administratif, il s’élève contre la mise en place d’un modèle calqué sur celui existant dans les colonies de la Couronne et d’une administration inspirée de l’expérience indienne financée par l’augmentation de la pression fiscale supportée par les habitants, passant de 1.250.000 livres en 1918-1919 à 5.55.000 livres en 1919-1920, soit une hausse de 437% pour un accroissement de 490% des dépenses liées à l’administration du pays (55).
Ceci explique, selon Islington, la montée de l’impopularité et l’opposition grandissante de la population arabe à l’occupation étrangère. Si l’argumentation de Lloyd-George pour qui en l’absence d’un mandat, il n’est pas juridiquement possible d’instituer un régime respectant les engagements de la Déclaration de novembre 1908, parait recevable, rien ne permet cependant l’instauration d’un système faisant de facto de la Mésopotamie une colonie de la Couronne.
Evoquant ensuite la situation militaire, au-delà des aspects financiers liés à l’entretien des forces, il s’inquiète de l’extrême dispersion des troupes et de l’utilité d’un contingent détaché dans le nord-ouest de la Perse. Revenant à l’espace mésopotamien, il s’interroge sur le bien-fondé du maintien de petites garnisons isolées dans les montagnes du Kurdistan, comparant la situation dans ce secteur à celle de la frontière du Nord-Ouest, où il est, pense-t-il, avéré que la présence de simples détachements parmi des populations potentiellement hostiles ne faisait que provoquer les tribus. S’inspirant de la stratégie des autorités militaires en Inde, il propose le retrait des troupes vers les zones de plaine où elles pourraient former un dispositif de défense de la Mésopotamie proprement dite (56).
A la suite d’Islington, Lord Sydenham insiste sur la nécessité de réduire les coûts et appelle à la constitution, sur le modèle de la Fédération des Etats malais, d’une administration arabe contrôlée par des Résidents britanniques nommés dans les différentes entités formant la fédération et ayant à sa tête un membre de la famille de Hussein, Chérif de La Mecque et roi du Hedjaz (57). Pour le vicomte Goshen enfin, la priorité est de conserver le contrôle de la province de Mossoul et son intégration dans l’ensemble mésopotamien, en raison de l’absence de frontière naturelle au nord de Bagdad permettant la défense de la ville et de la province (58).
A la suite de ces interventions, Lord Curzon prend la parole en tant que Secrétaire au Foreign Office pour faire un historique de la situation depuis 1915 et dégager les perspectives et les intentions du gouvernement en matière de politique mésopotamienne. Il rappelle l’existence de l’Eastern Committee composé du Foreign Office, de l’India Office, du War Office et de l’Amirauté et des difficultés engendrées par la lenteur des négociations de paix avec la Turquie. Il insiste sur le fait que la Grande-Bretagne n’a jamais envisagé l’annexion de territoires et que son objectif reste l’établissement d’un gouvernement ou de gouvernements arabes dans les régions libérées, l’organisation en un ou plusieurs Etats faisant l’objet d’une consultation des populations concernées, la Grande-Bretagne se montre prête à assumer le mandat sur la Mésopotamie si tel était leur souhait (59). Curzon récuse l’accusation selon laquelle la Grande-Bretagne a installé un système comparable à celui d’une colonie de la Couronne, rappelant que cette mise en place procédait de la nécessité de contrôler et d’administrer les territoires à mesure de l’avancée des troupes vers Bagdad, aucune personnalité arabe ou mésopotamienne n’étant susceptible d’assumer la direction de cette nouvelle administration (60). C’est donc aux cadres britanniques formés aux et par les procédures en vigueur en Inde qu’avait incombée la mission de combler le vide engendré par le départ des Turcs.
Concernant les critiques formulées quant au retard pris dans le processus d’élaboration d’une Constitution et d’établissement d’un gouvernement arabe, il fait remarquer qu’en l’absence d’un traité de paix dûment établi avec la Turquie, la Mésopotamie était toujours techniquement et juridiquement un territoire ottoman sous occupation militaire et qu’un changement de statut et une transformation de la structure administrative ne pouvaient être envisagés avant la signature d’un accord mettant fin à l’état de guerre entre les deux pays (61).
A propos des questions militaires, Curzon aborde tout d’abord le problème de la présence de troupes britanniques en Perse, insistant sur la nécessité de contrer des menées turques et bolcheviques susceptibles de menacer la stabilité d’une région vitale pour la sécurité de l’Inde et de l’Afghanistan. Répondant ensuite à Islington sur le déploiement des troupes au Kurdistan, il justifie le dispositif en vigueur par la nécessité de défendre la route reliant Bagdad à Kermanshah, tout en soulignant le souhait des Kurdes eux-mêmes de voir pérenniser le rattachement de leur région au vilayet de Mossoul, pour des raisons administratives et économiques (62).
En dernier lieu, il estime que le recours aux forces aériennes constitue un moyen efficace pour contrôler la Mésopotamie tout en réduisant de façon drastique les coûts de fonctionnement ainsi que les effectifs terrestres présents, l’éventualité d’une substitution ou d’un transfert des responsabilités de l’Armée de Terre vers l’Air Force faisant l’objet d’une mission d’enquête et d’étude du général Salmond auprès des autorités militaires en Mésopotamie (63). S’agissant de l’administration civile et militaire, du partage et de la hiérarchisation des responsabilités entre le War Office, le Foreign Office, le Government of India et de l’India Office il remarque que le dispositif demande à être rationalisé et qu’il convient de réunir dans un seul organisme les différents départements et comités s’occupant non seulement des questions mésopotamiennes mais aussi de tout ce qui relève du Moyen-Orient (64).
Lire les autres parties :
– La Royal Air Force et l’Irak 1918-1922 (1/6). Considérations de doctrine : la RAF dans le cadre de la stratégie impériale britannique et son utilisation dans la gestion de la situation mésopotamienne
– La Royal Air Force et l’Irak 1918-1922 (3/6). L’insurrection de l’été 1920 et ses conséquences
– La Royal Air Force et l’Irak 1918-1922 (4/6). Penser le désengagement : vers la Conférence du Caire
Notes :
(1) Memorandum by the Secretary of State for War. Army Estimates, 1920-1921, (TNA, CAB/24/97, CP586).
(2) Ibid., “Because we have had a country like this assigned to us, it does not follow that we should occupy the whole of it at once. It should be quite sufficient to hold Baghdad and the river line and let our influence gradually radiate out from there in the next 10 or 15 years as was done from Khartoum in the Soudan. I am entirely opposed to maintaining an army of the dimensions now demanded in Mesopotamia, and if there is no other method of holding the country, I am of opinion that our commitments should be reduced.”
(3) Army Estimates 1920-1921 (Note by the Secretary). Conclusions of a Meeting held at 10 Downing Street, (TNA, CAB/24/31, CP659).
(4) Ibid., “No reduction, however, appeared practicable owing to the disappearance of Germany as a military Power, in view of the fact that the pre-war Army, though organized to meet an emergency on the Continent had been designed, so far as its strength was concerned, solely with a view to the defence of the Empire, and our liabilities in this respect, so far from being diminished, had been increased by the acceptance of the mandates over Palestine and Mesopotamia.”
(5) Ibid., “The Committee accepted a proposal by the Secretary of State for War that the sum of £21,500,000 proposed for the maintenance of the garrison on Mesopotamia should be halved, discretion being left to the War Office to determine the method by which this reduction should be secured.”
(6) Possibility of reducing the Garrison of Mesopotamia. Note by the General Staff on the Possibility of reducing the Garrison of Mesopotamia to 4,000 British and 16,000 Indian Troops, (TNA, CAB/24/99, CP707) : “In fact, it seems almost certain that to withdraw and confine ourselves to the holding of Baghdad and the river or railway line as suggested, even if this were possible with the force proposed, will involve us in such difficulties both within and without, the troops so withdrawn will have to be retained in the country in order to meet them.”
(7) Ibid., “It is considered that at the present and for many months to come any attempt to hold Baghdad and the Line of Communication to Basra with the force suggested is to invite disaster. If, as the Secretary of State implies, the intention is to retain Baghdad, we should keep our troops at the strength and in the position that they are at present.”
(8) Ibid., “To retain possession of the area which has Basra for the centre and Nasarie on the Euphrates, Amarah on the Tigris, and the oilfields near Ahwaz on the circumference.”
(9) Philip Anthony Towle, Pilots and Rebels, the use of aircraft in unconventional warfare 1918-1988, London 1988, 253. “Secretary of State tells me today that the General Staff profess themselves unable to garrison Mesopotamia. As you will remember the original estimates provided for £21.5 million for this purpose which is considered to be more than the country is worth. Secretary of State has had to cut this down very considerably with the result that the General Staff now proposes complete evacuation of the country. He wishes to know whether you are prepared to take on Mesopotamia. If you Royal can give him an answer in the affirmative, he will announce the scheme in his speech on Monday on the Army Estimates.”
(10) HC Debs Feb 23, vol 125, cc1339-455. Mr Churchill’s Statement “The British Army before the War was provided for garrisoning India, for garrisoning our fortresses abroad and our dependencies, and any expeditionary force available for Europe was just made up of the spare parts of that machinery.”
(11) Ibid., “We have decided to take an optimistic view, and we have therefore made provision in the Estimates which involves during the new financial year a reduction of these garrisons in the Middle east by half”
(12) Ibid., “the Air Force being the principal force or agency of control, while the military and Naval forces on the ground and river would be an ancillary power.”
(13) Ibid., “It may be that by changing fundamentally the point of view and by applying an entirely new line of thought a great saving in annual expenditure may be effected, and should a practical scheme involving a great reduction be framed on high professional authority, and should it receive the approval of the cabinet, the Air Force estimates will be increased by the amount necessary to provide for the security of Mesopotamia, and the war Office Estimates will be decreased by what I hope will be a much larger sum.”
(14) Major Tryon’s Statement, HC Debs 126 (11 Mar 1920), 1579-640. “It is proposed to substitute Royal Air force units for considerable military forces in Mesopotamia if a considerable economy is found to be practicable and an important development is shown in the announcement that if the RAF supplies the main power involved the command will be held by an RAF officer.”
(15) Ibid., “Whether it will be carried out will depend entirely upon the capability of the staff in devising plans, which really gives us an assurance that the country can be held with air-power as the main and dominant factor. That they have got to prove to the satisfaction of the Cabinet. But the opportunity is there. That opportunity has been offered freely to the Air Force.”
(16) Ibid., “The Royal Air Force has been in action in the past year in many parts of the world against the Afghan Mashuds and Waziris […]. In the recent Afghan war, the RAF are stated by the C.I.C to have appreciately shortened operations. In 2 days, the RAF compelled the unconditional surrender of the Kharza Madda Khel.”
On peut consulter à cet égard : Operations in Waziristan 1919-1920 Compiled by the General Staff Army Headquarters India 1923 Delhi 1923, 194 et The Third Afghan War 1919 Official Account, Compiled in the General Staff Branch Army Headquarters, India, Calcutta, Government of India Central Publication Branch, 1926, 174, pour le rôle et l’action des forces aériennes dans ces conflits périphériques.
(17) Preliminary Scheme for the Military Control of Mesopotamia by the Royal Air Force. Memorandum with Covering Minute by the Chief of Air Staff, (TNA, CAB24/106, CP1320) : “We have to put forth considerable efforts to render ourselves self-contained as regards repairs to aeroplanes and engines, necessitating considerable expansion of depots in that country. Further, in order to render ourselves really mobile, we have to develop the design of the supply aeroplanes for the transportation of considerable numbers of men.”
(18) On the Powers of the Air Force and the Application of this Power to Hold and Police Mesopotamia, (TNA, CAB 24/106, CP1320).
(19) Ibid., “It must be remembered that from the ground every inhabitant of a village is under the impression that the occupant of an aeroplane is actually looking at him, and the frequent and perhaps daily appearance of an aircraft apparently overhead will do much towards establishing the impression that all their movements are being watched and reported.”
(20) Ibid., “With certain stubborn races it is essential to prove to them the futility of resistance to aerial attack by a people who possess no aircraft, but it is held that the dislocation of living conditions and the material destruction caused by heavy and persistent aerial action must infallibly achieve the desired result. The following up of air attacks by ground troops is only playing into the hands of the tribesmen by substituting for a foe against whom their efforts can affect little an enemy whom they can meet on comparatively favourable terms.”
(21) Ibid., “In the opinion of the General Staff, the success of holding the country with a small force depends upon strict control of the rate at which the various districts are to be made safe for the free movement of political officers. To carry out this a very efficient intelligence service is required, and the policy of peaceful penetration by frequent visits by air to important districts should be adopted. It may take from ten to fifteen years before the whole of the country inside the borders is secure to Europeans moving about the country.
For the next few years, the Air Council considers that it is absolutely essential that the control of the movement of political officers inside the occupied areas should be under the direction of the Air Officer Commanding-in-Chief.”
(22) Ibid., “It is advisable that the Army should continue to exercise command and gradually reduce the number of troops in the country as RAF squadrons arrive, until the RAF has organized a force of eight squadrons. When the RAF attains its full strength, a further reduction may be possible, and this will be carried out under the Air Force responsibility by consultation between the Air Ministry and the War Office.”
(23) Sir Samuel Scott, H C Debs 127 (22 March 1920), 79-163.
(24) Ibid., “My point is that we have to protect the whole of the vast country which I have described. In our Eastern Empire we have an enormous slice of the world under our charge, and to protect it we require a large military force. It stretches from Cairo to the Cape on the South and on the East to Jerusalem, Baghdad, Teheran, Cabul Peshawar, Delhi, Calcutta, Rangoon, Singapore and up to China and we must have sufficient forces to defend our interests in those parts. I want to enter my protest against this proposal to reduce our Army. We want all the men we can get to protect our interests at the present moment.”
(25) Ibid., “It is true that a reduction is sought there in our Force. In order to obtain that reduction the right hon. Gentleman has, I think rightly put it to the Air ministry to ascertain that the cost would be of looking after that country from the air point of view, and to see whether any reduction can be made, and if so, to what extent. But the ordinary principle of the occupation of a country, upon which we have always worked, has been that of getting the British character into contact with the nations, and so bringing about that moral superiority that counts.”
(26) Conclusions of a Meeting of the Cabinet, Cabinet 16(20), 23 March 1920 (TNA, CAB/23/20) : “The cabinet were agreed that a large reduction in the size of the present garrison of Mesopotamia is urgently necessary. They await with interest the proposals of the Secretary of State for War and Air, which they trust may enable the garrison to be reduced art an early date.”
(27) Asquith, HC Debs 127, (25 March 1920), 639-717.
(28) Asquith, HC Debs 127, (25 March 1920), 639-717.
(29) Lloyd-George, HC Debs 127, (25 March 1920), 639-717.
(30) Lloyd-George, HC Debs 127, (25March 1920), 639-717.
(31) Cabinet, Mesopotamia, Note by the Secretary of State for War covering four Memoranda, 20 May 1920 (TNA, CAB24/106, CP1320) : “a proposal to withdraw our garrisons immediately at all points to the various railheads where it is much easier and much cheaper to feed them, and where they can so rapidly reinforce each other reciprocally. Beyond the railheads, on this basis, there could only be political influence.”
(32) Mesopotamian Expenditure, Memorandum by the Secretary of State for War. “Each of these distant forces must be strong enough to resist every considerable attack. All of them are supplied by long lines of communication by road, by Ford cars and by pack animals. All along these lines of communication garrisons have to be established, each of which must be strong enough to resist the maximum potential force that could be brought to bear, and then from post to post along these lines there trickles art gigantic expense a stream of outward and inward-bound convoys.”
(33) Ibid., “The Foreign Office is the great Department of State the whole of whose experience and special aptitude is devoted to the conduct of the relations of this country with foreign states, and to mix up with this the administration of provinces is to impair the discharges of both functions. I hope, therefore, that Mesopotamia may be handed over immediately to the Colonial Office.”
(34) Ibid., “I shall be entitled to transfer the military responsibility for sustaining the policy of the Colonial Office from the War office to the Air Ministry, and to take the necessary steps to form the additional air forces required and generally to give directions that will result in the effective diminution even during the present financial year of the enormous forces and charges now involved.”
(35) Cabinet, Mesopotamia, Note by the Secretary of State for War Covering four Memoranda, 20 May 1920 (TNA, CAB 24/106, CP1320).
(36) Cabinet, Mesopotamia, Note by the Secretary of State for War Covering four Memoranda, 20 May 1920 (TNA, CAB24/106, CP1320) : Policy Regarding Garrisons of Egypt and Palestine and Mesopotamia and Persia, Note by the General Staff, Appendix C. From Civil Commissioner, Baghdad, 13 February 1920. (Repeated to Government of India and Teheran.) :“It is my deliberate opinion we cannot withdraw to any appreciable extent from the area that we at present occupy without endangering our position from one end of Mesopotamia to the other. The abandonment of Mosul, Arbil and Suleimaniyiah Divisions would so unfavourably affect our position in Baghdad and Basrah vilayets as to render our position before long untenable without considerable reinforcements. These three vilayets form an indivisible whole […].We cannot appreciably reduce our responsibilities in this country without leaving it altogether and incidentally without repudiating engagements in Persia.”
(37) Memorandum by the Secretary of State for the Colonies, 24 May 1920 (TNA, CAB24/106, CP1337).
(38) Ibid., “Something like panic seems to have seized on the public mind. I am not sure that it has not affected our own minds-at the discovery that we are incurring a military expenditure of 18 million a year in respect of Mesopotamia.”
(39) Ibid., “Without attempting at this time to go into the details of a permanent defense scheme for Mesopotamia-with regard to which the recent memorandum of Air-Marshal Trenchard reveals interesting possibilities-I will only say that no interferences whatever as to the cost of such a scheme can be drawn from the cost of the present Army of occupation. The two things have simply no relation to one another.”
(40) Ibid., “I cannot urge too strongly, that at this juncture, it is necessary to take a wider view. It is essential to take account of the military position of the Near-East as a whole, at any rate until a semblance of order is re-established in all these distracted countries. We may deflate too fast. This is just one of these cases, in which precipitate reduction, the rage for immediate saving, is likely to involve us in much greater and quite unnecessary expenditure in the future.”
(41) Ibid.,“With a chaotic, or worse still, a hostile Persia, our position in Mesopotamia would be untenable, or only tenable at such a cost, that we should certainly end by giving it up.”
(42) Ibid., “That is the danger which threatens Persia today, and that is the danger, which would threaten Mesopotamia tomorrow.”
(43) Ibid., “Is it not self-evident that under such conditions the peaceful development under British influence would be impossible ?”
(44) Ibid., “We ourselves urgently require some little time in which to turn round and try to stabilise the position in all South-Western Asia, where everything is still at a loose end, not to mention the repercussion of the unsettled state of the region upon Egypt and India. Our own position in Persia and Mesopotamia, the French position in Syria and Cilicia, the future of all the rest of Turkey in Asia are still quite indeterminate, and the settlement of all these problems will be intolerably complicated by the continuance of Bolshevik interference.”
(45) Ibid., Il faut au contraire selon lui renforcer la ligne Kasvin-Hamadan-Kermanshah en la protégeant éventuellement depuis la Mésopotamie.
(46) Asquith, HC Debs 130, (23 June 1920), 2223-85.
(47) Asquith, HC Debs 130, (23 June 1920), 2223-85
(48) Asquith, HC Debs 130, (23 June 1920), 2223-85
(49) Ormsby-Gore, HC Debs 130, (23 June 1920).
(50) Lloyd-George, HC Debs 130, (23 June 1920)
(51) Sir Percy Cox fut au début du siècle la plus haute autorité britannique dans le Golfe persique. Il fut nommé Ambassadeur à Téhéran en 1918 et devint le premier haut-commissaire à Bagdad.
(52) Lloyd-George, HC Debs 130, (23 June 1920). “I have no doubt at all, in spite of the rather gloomy predictions of my right hon. Friend, that the expenditure will decrease, that the forces that will be necessary will diminish, and that, in the course of time, this State will be a self-supporting and prosperous community.”
(53) Spender Clay, HC Debs 130, (23 June 1920).
(54) Churchill, HC Debs 130, (23 June 1920).
(55) Islington, HL Debs 40, (25 June 1920), 847-894.
(56) Islington, HL Debs 40, (25 June 1920), 849.
(57) Sydenham, HL Debs 40 ,(25 June 1920),864.
(58) Goschen, HL Debs 40 ,(25 June 1920),866.
(59) Curzon, HL Debs 40, (25 June 1920), 874.
(60) Curzon, HL Debs 40, (25 June 1920), 875.
(61) Curzon, HL Debs 40, (25 June 1920), 879.
(62) Curzon, HL Debs 40, (25 June 1920), 883.
(63) Curzon, HL Debs 40, (25 June 1920), 884.
(64) Curzon, HL Debs 40, (25 June 1920), 885.
Yves Brillet
Yves Brillet est ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure de Saint Cloud, agrégé d’Anglais et docteur en études anglophones. Sa thèse, sous la direction de Jean- François Gournay (Lille 3), a porté sur L’élaboration de la politique étrangère britannique au Proche et Moyen-Orient à la fin du XIX siècle et au début du XXème.
Il a obtenu la qualification aux fonctions de Maître de Conférence, CNU 11 section, a été membre du Jury du CAPES d’anglais (2004-2007). Il enseigne l’anglais dans les classes post-bac du Lycée Blaringhem à Béthune.
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