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« L’Iran est en train de devenir un désert inhabitable. Cependant, n’imaginez pas que cela se produira demain. C’est déjà le cas ! » avait statué l’ancien ministre iranien de l’Agriculture Isa Kalantari en 2013 afin d’alarmer l’opinion publique sur la menace environnementale colossale, progressant de manière exponentielle dans son pays. Les violentes inondations qui dévastent depuis mi-mars le sud de l’Iran, et notamment la capitale du Fars, Shiraz, ne sont pas sans rappeler le tremblement de terre qui avait touché la province de Kerman en 2003. Ce désastre sismique avait causé la destruction presque totale de la ville de Bam qui abritait un des plus grands châteaux en argile du monde, entrainant la mort de dizaines de milliers d’Iraniens. Si la catastrophe naturelle qui bouleverse actuellement la partie méridionale du pays est bien moins meurtrière et soudaine, elle soulève avec insistance la question de l’écologie en Iran. L’urgence climatique qui s’en dégage coïncide alors avec les sanctions américaines qui juxtaposent aux menaces environnementales, la misère sociale.
Sous le règne de Mohammed Reza Shah, la question de la préservation de l’environnement en Iran est rapidement prise en compte par Téhéran. En effet, l’appauvrissement des sols suite à la surexploitation des ressources naturelles et notamment pétrolifères dans le Khouzistan, ainsi que la désertification alarmante dans le sud-est du pays inquiètent en plus haut lieu. Dès 1956, cette préoccupation gouvernementale initie la création de l’association iranienne de la vie sauvage en 1956 puis d’une organisation de la chasse et de la pêche en 1967, et enfin d’un ministère de l’Environnement en 1971.
La République islamique poursuit cette politique en créant un bureau national des changements climatiques dès 1996 au sein duquel les efforts des scientifiques de l’Université de Téhéran et de Sharif sont associés à ceux de l’administration. Il est intéressant de noter qu’en dépit de l’isolement international de l’Iran depuis 1979, la diplomatie du pays a été plutôt coopérative en terme d’environnement. En effet, Téhéran signe la Convention sur la diversité biologique en 1992 et ratifie même le protocole de Kyoto en août 2005 après quelques résistances liées à la protection de ses intérêts économiques.
En dépit de ses démonstrations politiques, le gouvernement iranien dispose de moyens limités face aux multiples menaces écologiques qui maillent son territoire. La pollution de l’air dans les grandes villes en tête desquelles Téhéran atteint des proportions inédites en Iran. De même, la pollution de l’eau causée par la faible réglementation des rejets industriels progresse sans réelle opposition, soulignant de nouveau la collusion étroite des élites économiques et politiques en Iran. Enfin, de nombreuses zones du Sud du pays sont menacées par une sècheresse galopante ce qui provoque des soulèvements populaires violents comme à Khorramshahr l’été dernier. L’ancienne capitale Safavide, Ispahan, est elle aussi en proie à la désertification et sa rivière Zayandeh Rud est fréquemment asséchée en dépit des quelques efforts du gouvernement pour y détourner de l’eau.
L’exemple le plus parlant est celui du Lac d’Orumieh en Azerbaïdjan iranien dont l’eau laisse peu à peu la place à des cristaux de sel, dont la couleur rouge indique la présence de bactéries, qui s’étendent à perte de vue. Auparavant le « plus grand lac du Moyen-Orient », Orumieh (cité de l’eau), comptait à son apogée pas moins de 30 milliards de mètres cube d’eau salée. Cependant, la hausse abrupte des températures associée à une activité humaine aussi abondante qu’immesurée entretient un asséchement foudroyant du lac d’Orumieh qui a perdu plus de deux tiers de son volume d’eau.
Afin d’être exhaustif, il faudrait ajouter à la liste des dangers environnementaux la déforestation ou encore la réduction brutale de la biodiversité. Si cette situation d’urgence écologique trouve un écho assez faible au sein d’un gouvernement miné par les sanctions internationales, des segments entiers de la population iranienne prennent conscience du danger que représente le changement climatique actuel.
La question sociale de l’urgence environnementale en Iran se fait d’autant plus pressante que le renforcement des sanctions américaines a atteint un nouveau point culminant. En effet, le lundi 22 avril, les Etats-Unis ont annoncé la fin des exemptions pour huit pays qui continuaient à acheter du pétrole iranien, dont la Russie et la Chine. Dans la droite ligne du rétablissement des sanctions internationales le 8 mai 2018, Donald Trump cherche à asphyxier économiquement le pays pour le faire revenir à la table des négociations sur ses termes. Pourtant, de telles mesures ne font qu’aggraver la situation de misère économique en Iran et renforce ainsi le parti conservateur au pouvoir, ce qui éloigne le gouvernement iranien un peu plus encore de la posture diplomatique.
Le nombre de victimes est d’environ 80 dans les grandes inondations récentes du Fars, plus d’un demi-million de personnes ont dû être déplacées d’urgence et deux millions d’Iraniens nécessitent une aide humanitaire selon l’ONG Croissant Rouge. Cependant, l’inflation galopante en Iran, accentuée par l’annonce du 22 avril dernier, rend bien plus difficile l’importation de biens étrangers. Les sanctions financières ou la privation de l’accès au marché américain encourues par les entreprises des autres États membres de la communauté internationale en cas de non-respect des sanctions économiques envers l’Iran, compliquent d’autant plus l’approvisionnement du pays en biens de première nécessité. Ainsi, la politique du Big Stick brandie par Donald Trump pour faire rentrer l’Iran dans le rang, épaulée par l’extraterritorialité du droit américain participe à l’appauvrissement du pays.
La conjonction actuelle des catastrophes écologiques et du poids des sanctions internationales génère en Iran une situation d’urgence sociale de taille. Le renforcement du pouvoir conservateur et policier en Iran en réaction à la politique occidentale engendre la répression face aux militants écologistes. Cependant, les réalités visibles des conséquences du changement climatique en Iran en font aujourd’hui une question politique incontournable dans le pays. Les soulèvements populaires et la mobilisation de certains politiques montrent bien que l’urgence climatique, une fois physiquement concrète dans un pays, devient une question démocratique dont le gouvernement ne peut se défaire.
Bam - Sa construction ayant commencé au Vème siècle avant Jésus-Christ, la gigantesque ville-citadelle de Bam restera une étape sur la route de la soie jusqu’en 1850. Cependant un tremblement de terre en date du 26 décembre 2003 ravagea la ville en faisant plus de 40 000 victimes. Pourtant, une vaste entreprise de reconstruction est en cours pour tenter de rendre à la ville son éclat architectural d’antan. On observe ici les bâtisses reconstruites au premier plan.
Pol-e Si-o-Seh - ou « pont aux trente-trois arches » est un des onze ponts de la ville d’Ispahan et surement le plus fameux. Erigé sur ordre de Shah Abbas Ier par son général Allahverdi Khan en 1608, il permet à la fois de traverser la rivière Zayandeh Rud et d’y réguler le cours de l’eau. Cependant la sècheresse qui touche l’Iran depuis plusieurs années est illustrée dans la terre craquelée d’été où l’eau est rare voire absente. Une telle image interroge sur la capacité de l’Iran du sud à relever le défi de l’eau.
Lac d’Orumieh - Un large bateau, rouillé et désuet, est désormais prisonnier des cristaux de sel rouge qui chaque année gagnent du terrain sur l’eau du lac. Alors que le sel le plus éloigné de l’eau a une couleur grise, celui proche du lac est rouge en raison des bactéries qui y pullulent.
Si le lac d’Orumieh a une esthétique unique pour les quelques voyageurs qui s’y aventurent, cet assèchement de l’eau au profit du sel reste une catastrophe écologique d’une ampleur considérable. On peut, en effet, marcher pendant des centaines de mètres sur du sel rouge qui chaque année gagne du terrain.
Gabriel Malek
Gabriel Malek est étudiant en master d’histoire transnationale entre l’ENS et l’ENC, et au sein du master d’Affaires Publiques de Sciences Po. Son mémoire d’histoire porte sur : « Comment se construit l’image de despote oriental de Nader Shah au sein des représentations européennes du XVIIIème siècle ? ».
Il est également iranisant.
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