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Le Golan, théâtre de l’investissement grandissant d’Israël dans la guerre syrienne et de la force croissante du régime syrien et de ses alliés

Par Ines Gil
Publié le 17/07/2017 • modifié le 17/07/2017 • Durée de lecture : 7 minutes

Israeli soldiers patrol near the border with Syria after projectiles fired from the war-torn country hit the Israeli occupied Golan Heights on June 24, 2017.

JALAA MAREY / AFP

Le 28 juin dernier, l’armée israélienne a annoncé avoir bombardé des positions du régime syrien à Quneitra, dans la partie du Golan contrôlée par la Syrie. Cette attaque intervient suite à des tirs de mortiers en provenance de la ville syrienne, qui est le théâtre de combats entre l’armée syrienne et ses alliés d’un côté et des groupes rebelles de l’autre. C’est le troisième incident du genre, depuis le 24 juin (1). Le 27 juin, Tsahal a déclaré que son système de défense aérien « Patriot » a abattu une « cible », qui pourrait s’avérer être un drone au-dessus du Golan israélien. La veille de cet épisode, l’agence syrienne Sana annonce que des missiles israéliens auraient frappé une position militaire situé au Sud-ouest de l’aéroport international de Damas. Ces événements résonnent avec l’extraordinaire montée des tensions déjà observée entre Tel-Aviv et Damas en mars 2017. Elles témoignent d’un accroissement des violences autour du plateau du Golan impliquant Israël, des groupes rebelles sunnites, ainsi que le régime syrien et ses alliés.

L’implication grandissante d’Israël dans le conflit syrien

A la mi juin 2017, le Wall Street Journal publie une enquête révélant qu’Israël soutiendrait directement des groupes rebelles syriens présents dans le Golan syrien, à travers une aide humanitaire et financière. Ces groupes combattraient le Hezbollah et le régime syrien. A l’appui d’une demi-douzaine d’interviews de combattants rebelles, le journal ouvre le débat concernant l’implication de Tel-Aviv dans le conflit. Depuis le début du conflit syrien en 2011, Israël évite de communiquer de manière officielle sur sa position. Ce flou lui a permis de se dissocier d’un conflit qui se trouve pourtant aux portes du Golan, un territoire en majorité annexé par l’Etat hébreu depuis 1981. Pourtant, d’après un rapport de la FNUOD, la force des Nations unies basée dans le Golan depuis 1974, Israël a initié un rapprochement avec des groupes rebelles syriens dès 2013.

Durant l’enquête du Wall Street Journal, des membres du groupe Foursan Al-Golani (Knihghs of the Golan) se sont exprimés sur la nature de l’aide israélienne. Ils affirment avoir été rémunérés 5000 dollars par mois pour payer les salaires et acheter des armes dans le but de combattre l’armée syrienne. Déjà en 2013, l’armée israélienne a créé un hôpital de campagne dans la zone du Golan qu’elle contrôle. Des unités médicales de l’armée ont été mobilisées dans cette structure qui sert de centre de tri pour évacuer les blessés dans les hôpitaux israéliens de Haïfa, Nahariya ou encore Safed. Tsahal ne fait pas publicité de ce centre médical, placé en zone militaire. Mais l’armée communique régulièrement sur les civils syriens transférés dans les hôpitaux israéliens (2).

Le soutien d’Israël à des groupes rebelles comporte cependant un risque à moyen et long terme. Une partie significative d’entre eux a adopté une idéologie salafiste radicale du même type que de Jabat Al-Nosra. Mais Israël prend avant tout en compte le fait que ces groupes combattent le Hezbollah et le régime syrien, mais aussi l’Etat islamique qui se trouve à la frontière sud du Golan israélien. Pour Israël, quelle que soit l’idéologie, les ennemis de ses ennemis sont ses amis. Avec ces alliances temporaires et court-termistes, Israël prend le risque de voir ces groupes se retourner contre lui dans le futur, si les circonstances du conflit changent. Cependant, à court terme, le soutien de ces groupes semble être le seul moyen pour Israël de remplir ses objectifs. A savoir, empêcher que le Hezbollah et ses soutiens syriens et iraniens ne contrôlent la frontière avec le Golan, tout en évitant de s’impliquer au sol.

Pour Israël, la nécessité de contrer les menaces du Hezbollah et de l’Iran

Les tirs en provenance de la partie syrienne du Golan se multiplient ces dernières semaines et représentent un risque pour les civils qui vivent dans la partie du Golan annexée par Israël et dans le nord. L’Etat hébreu a d’ailleurs prévu la construction d’abris anti-bombes dans le nord du pays. Même si ces missiles inquiètent les autorités israéliennes, celles-ci ont conscience qu’ils sont la conséquence des combats qui se déroulent dans la province de Quneitra, en bordure de la ligne de démarcation avec le Golan israélien. A ce stade des affrontements, les rebelles ont pour ambition de conquérir la ville d’Al-Baath.

L’inquiétude principale d’Israël se situe dans la montée en puissance de l’Iran, et dans l’acquisition d’armes sophistiquées par le Hezbollah, les deux alliés du régime syrien. Fin juin, Herzi Halevi, chef du renseignement militaire, a affirmé pour la première fois publiquement, l’existence d’usines de fabrication d’armes sophistiquées contrôlées par le Hezbollah sur le territoire libanais. Selon Yaakov Amidror, « le Hezbollah devient la plus forte armée terrestre de la région après la nôtre. On estime qu’il dispose d’environ 120 000 roquettes et missiles. Mais c’est surtout leur qualité qui importe. Le Hezbollah construit des missiles de longue portée, beaucoup plus précis, avec de lourdes charges de près d’une demi tonne, qui peuvent atteindre les infrastructures militaires et civiles israéliennes. La majorité de ces équipements sont cachés dans les villages libanais. Si une nouvelle guerre était déclarée, le résultat serait dévastateur » (3). D’une part, le transfert de ces missiles sophistiqués serait facilité par l’aéroport de Damas, contrôlé par le régime syrien, ce qui explique qu’Israël a bombardé des positions syriennes non loin de l’aéroport. D’autre part, le Hezbollah chercherait à forme un corridor Bagdad-Damas-Beyrouth (4), d’est en ouest, afin d’améliorer son approvisionnement en armes. Ce projet, soutenu par le régime syrien et l’Iran (5), est facilité par le recul actuel de l’Etat islamique à l’est de la Syrie. Le groupe, multipliant les défaites, se replie progressivement vers la frontière avec l’Irak.

L’Etat hébreu, inquiet que le régime syrien et ses alliés libanais et iraniens ne prennent le contrôle des territoires qui bordent le Golan annexé depuis 1981, riposte vivement chaque fois qu’un missile en provenance de la Syrie tombe sur son territoire. La réponse est toujours dirigée contre le régime syrien, et ce, sans chercher à savoir si les missiles tombés dans le Golan israélien sont intentionnels ou bien perdus durant les batailles qui opposent loyalistes et rebelles. L’Etat israélien cherche à montrer qu’il ne se laissera pas impressionné par la montée en puissance de ses ennemis. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, les offensives aériennes israéliennes auraient fait deux morts, du côté des loyalistes syriens.

Devant la montée des tensions entre le Hezbollah et l’Etat d’Israël, un nouveau conflit n’est pas à exclure, 11 ans après la guerre violente qui les a opposés en 2006. En cas d’affrontements entre Israéliens et Libanais du groupe Hezbollah, le Golan, comme le nord d’Israël, serait le principal terrain de violence du fait de sa force stratégique.

Le Golan, un territoire stratégique et symbolique

S’élevant de 500 à 1000 mètres d’altitude, avec ses réserves d’eau considérables, le plateau du Golan constitue une place stratégique tant pour les ressources que sur le plan militaire. Malgré cet atout, les groupes qui combattent à proximité du Golan israélien depuis le début du conflit syrien n’en ont pas tenté la conquête, stoppés par la puissance militaire d’Israël. Les missiles en provenance de Syrie qui s’échouent sur le Golan contrôlés par Israël sont généralement des missiles perdus, même s’ils peuvent être un moyen de défier l’Etat israélien et de créer la panique chez les habitants du Golan. Cependant, ils ne sont pas utilisés afin de récupérer ce territoire.

En revanche, le Golan, occupé puis annexé par Israël, toujours syrien aux yeux du droit international, représente un territoire symbolique pour les ennemis de l’Etat hébreu. Fin mars 2017, une milice irakienne chiite qui combat en Syrie sous la coupe des Gardiens de la Révolution islamique iraniens, Harakat Al-Nujaba, annonce que le vrai ennemi à abattre est Israël et non les milices sunnites. Le même mois, le groupe annonce la création des Brigades de Libération du Golan, pour lutter contre l’Etat hébreu, dont la destruction « résoudrait les problèmes de la région » (6). Le régime syrien a donné son accord pour combattre Israël depuis son territoire. Cette brigade et ses alliés ont conscience qu’étant donnée la puissance militaire israélienne, le Golan est quasiment impossible à récupérer à l’heure actuelle. Cependant, leur message antisioniste permet de justifier et de rendre populaires les aventures iraniennes à l’étranger, ainsi que de montrer que le réel ennemi de l’Iran, mais aussi du régime syrien et du Hezbollah, reste le régime israélien, et non pas les combattants arabes.

Conclusion

Depuis le début de la guerre syrienne, l’Iran a été investi pour soutenir le régime syrien avec l’envoi de combattants des Gardiens de la révolution et en recrutant des milices alliées en provenance du Pakistan, d’Afghanistan et particulièrement du Liban, avec le Hezbollah. Avec l’investissement progressif du groupe chiite libanais, Israël a montré un intérêt croissant pour le conflit voisin. A la frontière avec le Golan que l’Etat hébreu a annexé en 1981, ces tensions se concentrent plus fortement. Pour éviter le contrôle du Golan syrien par les Iraniens ou le Hezbollah, Israël soutient des groupes rebelles sunnites à la bordure du Golan, et a bombardé à plusieurs reprises des positions militaires du régime syrien, notamment après des tirs perdus tombés dans le Golan israélien. Des relations de plus en plus belliqueuses avec l’Iran, alors qu’Israël et l’Arabie saoudite ont amorcé un rapprochement, mais aussi une manière pour l’Etat hébreu de réaffirmer sa souveraineté sur le Golan israélien. A la mi juin 2017, le président israélien Rivlin, a appelé le monde à reconnaître le Golan annexé comme israélien, affirmant que le plateau était essentiel à l’existence du pays.

Lire également sur Les clés du Moyen-Orient :

Le plateau du Golan, un territoire historiquement disputé devenu le théâtre d’affrontements depuis le début du conflit syrien

Notes :
(1) KHALIFEH Paul, « L’armée israélienne bombarde de nouveau l’armée syrienne dans le Golan », RFI, le 29 juin 2017, consulté le 7 juillet 2017 (en ligne), URL : http://www.rfi.fr/moyen-orient/20170629-armee-israelienne-bombarde-armee-syrienne-golan-quneitra
(2) NISSIM Behar, « Israël soupçonné de financer les rebelles du Golan », Libération, le 20 juin 2017, consulté le 8 juillet 2017 (en ligne), URL : http://www.liberation.fr/planete/2017/06/20/israel-soupconne-de-financer-les-rebelles-du-golan_1578201
(3) SMOLAR PIOTR, « Israël applique la tolérance zéro face à la hausse des tirs sur le Golan », Le Monde, le 3 juillet 2017, consulté le 9 juillet 2017 (en ligne), URL : http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/07/03/israel-applique-la-tolerance-zero-face-a-la-hausse-des-tirs-sur-le-golan_5154667_3218.html#LveR4SDV9yskHSP5.99
(4) A la mi juin, l’Iran annonce que des milices chiites d’Irak et de Syrie se sont rejointes pour la première fois sur la frontière irako-syrienne.
(5) Les avancées enregistrées par le groupe libanais chiite sont soutenues par l’Iran, qui fournirait 75 millions de dollars par an au groupe libanais.
(6) MAJIDYAR Ahmad, « Iran-backed militia group calls for collective action to reclaim Golan Heights, destroy Israel », The Middle East Institute, le 29 mars 2017, consulté le 9 juillet 2017 (en ligne), URL : http://www.mei.edu/content/article/io/iran-backed-militia-group-calls-collective-action-reclaim-golan-heights-destroy-israel

Publié le 17/07/2017


Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban). 
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.


 


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