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Le problème de l’ensemble de ces projets est cependant leur dépendance totale à l’évolution des relations diplomatiques entre les pays qui en sont à l’origine. L’échec progressif de la politique turque du "zéro problème avec ses voisins" au cours du deuxième mandat de l’AKP au pouvoir va ainsi finalement rendre caduque la réalisation de la plupart des tracés évoqués précédemment. Puisque si le début des années 2000 est marqué par la consolidation de l’aura du nouveau modèle politique turc sur la scène régionale, le tournant de la fin de la décennie va être synonyme d’une progressive redéfinition de sa politique étrangère. Pourtant, Recep Tayyip Erdoğan est réélu à son poste de Premier ministre en 2007, puis son parti conquiert la Présidence de la République par l’intervalle de son co-fondateur et ex-Ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül. Mais c’est justement cette même année que le dossier de l’adhésion du pays à l’Union européenne va être brutalement stoppé, en partie du fait de l’élection concomitante du Président Nicolas Sarkozy en France, suite à une campagne notamment menée sur la question du caractère non-européen de la Turquie. C’est dès lors tout le pilier occidental de la géostratégie d’Ankara qui va être mise à mal, puisque ses rapports avec l’Union européenne vont à partir de ce moment s’en retrouver fragilisés sur l’ensemble des projets de partenariats, et notamment énergétiques.
Ainsi, même si l’interconnecteur avec la Grèce est inauguré à la fin de cette année - afin de permettre à l’avenir le lien entre les potentiels gazoducs trans-adriatique et trans-anatolien toujours dans le cadre du Corridor Gazier Sud-Européen -, l’Azerbaïdjan va commencer à étudier à partir de ce moment-là la possibilité d’un autre tracé pour acheminer son gaz vers l’Europe, sans passer par la Turquie. Bakou est par ailleurs devenue depuis le 1er janvier 2007 l’une des premières capitales de l’ex-URSS à être totalement indépendante vis-à-vis du gaz russe, et également le principal fournisseur potentiel d’hydrocarbures non-russes du point de vue de Bruxelles, depuis les sanctions de la Commission Européenne contre le programme nucléaire iranien en 2006. Or, fort de ce nouveau statut le petit État du Sud-Caucase cherche à éviter la situation d’acteur incontournable pour le transport de ses hydrocarbures que s’est construite la Turquie.
C’est donc dans ce contexte que le Président azéri Ilham Aliyev va commencer à s’intéresser à un projet concurrent aux TANAP et autre Nabucco turc, qu’est le tracé White Stream porté depuis 2005 par l’Ukraine. Les Ukrainiens qui sont finalement les premiers concernés par les menaces russes poursuivent en effet eux-mêmes des projets de diversification de leurs apports énergétiques depuis le refroidissement de la relation entre leur premier gouvernement pro-Occidental et le régime du Président Poutine. Se voyant contournés par tous les projets de diversification proposés par le reste de l’Europe, ils décident dès lors de dessiner leur propre plan. Ce qui va prendre la forme d’un gazoduc pouvant acheminer jusqu’à 32 milliards de mètres cube de gaz par an depuis le gisement azéri de Shah Deniz à travers la Géorgie puis sous la mer Noire jusqu’à la Bulgarie et la Roumanie, pays frontalier de l’Ukraine. Or, le 1er janvier 2007 représente également la date de l’entrée de Sofia et Bucarest dans l’Union européenne, donc du nouvel élargissement à l’Est et dans les anciennes républiques proches de l’URSS de la nécessité de limiter l’influence russe dans les approvisionnements gaziers.
Ce projet entre alors en concurrence directe avec les ambitions turques à la fois dans le cadre du Corridor Gazier Sud-Européen ou du consortium Nabucco puisque le gisement de Shah Deniz est la source privilégiée par l’ensemble de ces tracés, et le produit de son exploitation ne pourra permettre de remplir les objectifs de transit que d’un seul des trois. Avec l’entrée dans l’UE de la Roumanie et de la Bulgarie - au moment même où celle de la Turquie semble définitivement enterrée -, puis le positionnement résolument pro-Occidental et donc européen adopté par l’Ukraine et la Géorgie par rapport à la reprise de leurs conflits respectifs avec la Russie en 2008 (échec des négociations entre Kiev et Gazprom en février puis entrée de l’armée russe dans les régions géorgiennes auto-proclamées séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud en août), White Stream va de plus en plus s’imposer comme la solution privilégiée par les Européens. Ce qui est finalement illustré par l’identification du projet comme relevant de l’intérêt commun et prioritaire de la Commission européenne le 28 mai 2008 [1].
Alors que ses projets s’étiolent sur son flanc occidental, c’est ensuite la position de la Turquie dans le paysage énergétique oriental qui va commencer à se fragiliser. Et ce, malgré la promotion d’une diplomatie désormais qualifiée de "néo-ottomane" [2] par l’intermédiaire du nouveau Ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoğlu, nommé à ce poste en 2009. Jusqu’ici conseiller spécial du Premier ministre, cet ancien universitaire est depuis le début des années 2000 partisan d’un réalignement stratégique en profondeur de la Turquie, qui devrait se baser sur sa zone de rayonnement historique et non plus sur la poursuite des velléités occidentales, notamment au Moyen-Orient par rapport à Israël. En effet, il considère qu’Ankara a développé une relation "contre-nature" avec Tel-Aviv tout au long de la seconde moitié du XXIème siècle, et prône la reconstruction d’un positionnement géostratégique turc au centre d’un nouvel "arc islamique" [3] émergent de Rabat à Jakarta, comme à l’époque du califat de Constantinople.
L’année de sa nomination en tant que diplomate en chef du gouvernement AKP, est ainsi marquée par un accrochage retentissant entre Recep Tayyip Erdoğan et le Président de l’État hébreu, Shimon Peres, lors du Forum économique mondial de Davos. Amené à débattre avec son homologue israélien au sujet de la situation dans la bande de Gaza, le Premier ministre turc va finir par s’emporter contre lui à la fin du panel en le questionnant sur son sentiment de culpabilité par rapport aux victimes de ses actions en Palestine, notamment "des enfants morts sur des plages" [4]. Une sortie justifiée à chaud par un temps de parole inégalement distribué entre les deux chefs d’État, au désavantage du turc, et qui va finalement permettre à ce dernier de s’affirmer comme le héraut de la cause palestinienne, particulièrement porteuse en Turquie comme dans l’ensemble de sa région. Suite à son départ précoce de la rencontre internationale en Suisse, le Premier ministre turc sera ainsi reçu en héros par ses partisans venus l’accueillir à l’aéroport.
Un an plus tard, c’est à Gaza même que le portrait d’Erdoğan sera brandi fièrement par les manifestants au côté du drapeau turc, suite à un nouvel incident diplomatique entre les deux nations. Ainsi, en 2010, alors que cette bande côtière est toujours placée sous embargo militaire par l’État hébreu, un navire du nom de Mavi Marmara affrété par une ONG turque souhaitant acheminer du matériel humanitaire aux populations civiles sur place est attaqué par les forces spéciales israéliennes. Au nom de la défense du blocus militaire, ce sont alors neufs militants turcs qui sont tués par les commandos israéliens, forçant le chef du gouvernement hébreu, Benyamin Netanyahou, a présenter par la suite ses excuses à Ankara. Son homologue turc refuse toutefois de normaliser ses relations bilatérales avec Tel-Aviv et entame des poursuites contre les responsables militaires de l’attaque. Apparaissant dès lors comme les seuls qui ont su faire plier diplomatiquement Israël à propos du blocus de la bande de Gaza, Erdoğan et l’AKP s’imposent dès lors comme le modèle de gouvernement dont il faut s’inspirer pour les nations musulmanes qui souhaitent concilier leurs valeurs sociétales à un développement libéral. Or, cette volonté de rayonnement culturel a une conséquence directe sur l’avancée des dossiers gaziers turcs, dans la mesure où des discussions étaient parallèlement en cours entre la Turquie et Israël au sujet de deux projets de gazoducs évoqués précédemment.
C’est tout d’abord le possible dédoublement de Blue Stream qui est remis sur la table de négociations par la Russie en 2009, à travers la relance de l’idée d’un gazoduc reliant le terminal proche de Samsun sur la côte de la mer Noire jusqu’au port de Ceyhan au sud de l’Anatolie. L’objectif n’est néanmoins plus d’exporter le surplus turc vers les Balkans et l’Europe de l’est, mais plutôt en direction des pays du littoral de Méditerranée orientale comme Chypre, la Syrie, le Liban et donc Israël. Une redéfinition des débouchés possibles au flux russo-turc qui permet au départ d’à la fois refaire travailler ensemble Moscou et Ankara sur le dossier énergétique, tout en leur évitant d’entrer en concurrence avec leurs autres projets respectifs menés avec l’Union européenne. La Turquie inscrivant par ailleurs cette dynamique dans l’horizon de ses nouvelles ambitions au Proche et Moyen-Orient. Puisque l’une des hypothèses proposées pour rallier Ceyhan à ces pays du Levant est également un raccordement par tube sous-marin avec le terminal d’Ashkelon sur la côte d’Israël, où débouche déjà une extension de l’Arab Gas Pipeline avec l’Égypte, au large justement de la bande de Gaza. Ces deux hypothèses vont cependant être mises à mal par le refroidissement sans précédent de la relation diplomatique turco-israélienne. Or, la possibilité de raccorder sinon une potentielle extension du Blue Stream à l’Arab Gas Pipeline par la Syrie - comme pensé initialement lors de discussions entre Damas et Ankara portant à l’époque sur le projet Nabucco - va également peu après tomber à l’eau. C’est en effet des tensions cette fois-ci entre le gouvernement d’Erdoğan et celui d’el-Assad qui vont apparaître, dans le cadre de ce que l’on ne va pas tarder à appeler les Printemps arabes, synonymes de l’enterrement définitif de la doctrine turque du "zéro problème avec ses voisins".
La décennie suivante va ainsi commencer par la remise en cause d’une grande partie des gouvernements de la zone Middle-East & North Africa (MENA) par des soulèvements populaires, dont une partie des forces politiques se revendiquent notamment du modèle islamo-démocratique turc. Apparue en Tunisie contre le régime de Zine el-Abidine Ben Ali, puis rapidement étendue à la Libye puis à l’Égypte et enfin à la Syrie en passant par la Jordanie ou encore le Yémen, cette dynamique va ainsi paradoxalement renforcer les nouvelles ambitions internationales de la Turquie. Tout en fragilisant dans les faits ses partenariats existants avec des États alors destabilisés. Des partis politiques portant des revendications proches de celles de l’AKP vont néanmoins arriver dès 2011 au pouvoir à Tunis, au Caire et même à Rabat, laissant espérer à Ankara la possibilité de la concrétisation de ses ambitions sur le pourtour méditerranéen. Sauf que l’enlisement de la révolte du peuple syrien - également ardemment soutenue par Erdoğan - dans la guerre civile, puis le retour des militaires au pouvoir en Égypte suite à la contre-révolution de 2013, vont venir représenter autant de nouveaux obstacles régionaux pour le gouvernement AKP.
La Turquie va voir dans le même temps la contestation populaire s’épanouir sur son propre territoire à l’initiative des manifestations du parc Gezi à Istanbul. Choisissant d’emprunter la voie de la répression à outrance qu’il a passé deux ans a dénoncer chez ses voisins, Ankara voit dès lors ses relations avec les Occidentaux à nouveau se dégrader. Pointé du doigt par ses partenaires européens et américains pour sa façon de gérer l’opposition manifestant à Istanbul ainsi que dans l’ensemble du pays, c’est ensuite son soutien sans faille aux mouvements islamistes post-2011 en Tunisie, Libye, Égypte et Syrie qui va être reproché à l’AKP. La relation turco-occidentale s’en retrouvant à nouveau refroidie, alors qu’une menace terroriste ré-émerge aussi bien sur le vieux continent qu’au Moyen-Orient. De plus en plus mise de côté sur le plan diplomatique, la Turquie l’est également toujours plus sur celui de l’énergie. Puisqu’au-delà de la possibilité de concrétisation du tracé White Stream qui permettrait à ses États membres de se passer autant de la Turquie que de la Russie pour se fournir en Azerbaïdjan, la Commission européenne semble en effet à l’époque privilégier l’exploitation de nouveaux gisements découverts en Méditerranée orientale. Elle pourrait en effet bénéficier de la position géostratégique d’alliés plus fiables de son point de vue, dans cette région.
C’est ainsi tout d’abord Israël qui officialise en 2009 sa découverte du gisement Tamar 2 au large de ses côtes, pour un stock estimé à plus de 200 milliards de mètres cube de gaz naturel. Puis, l’année suivante, celle d’une réserve de 450 milliards de mètres cube, nommée Léviathan. Soit une production potentielle très largement plus élevée que celle du champ Shah Deniz de l’Azerbaïdjan en Mer Caspienne, pour lequel les estimations oscillent entre 50 et 100 milliards de mètres cube de gaz naturel au total. Or, si l’État hébreu entend bien profiter de cette manne inespérée pour assurer son indépendance énergétique dans une région qui lui est historiquement hostile, ses besoins en propre restent inférieurs à la production attendue, et ses capacités d’exportations réduites, justement du fait même de l’hostilité de ses voisins. Jusqu’en 2009 la Turquie et sa stratégie d’hub énergétique représentent donc l’accès rêvé pour le gaz israélien sur le marché européen, que ce soit à travers les projets de gazoducs précédemment mentionnés, ou grâce à l’existence de terminaux méthaniers reliés au reste du réseau et à même de recevoir du gaz naturel liquéfié (GNL) sur le littoral méditeranéen. Mais l’année de la découverte de ces gisements est également celle de la rupture des relations diplomatiques existantes entre les deux États, ce qui pousse Tel-Aviv à se tourner vers d’autres solutions que celles portées jusqu’ici par Ankara.
L’autre allié historique d’Israël dans la région, l’Égypte ayant à l’époque porté au pouvoir un Président issu du mouvement des Frères musulmans par nature opposé au sionisme, c’est vers l’île de Chypre que la nouvelle puissance gazière va dès lors se tourner. En plus d’être elle-même la capitale d’un État membre de l’Union européenne, Nicosie a également l’avantage d’avoir découvert à son tour un gisement de première importance dans ses eaux territoriales. Présentée en 2011, Aphrodite donnerait effectivement accès à des réserves de gaz naturel comprises entre 140 et 230 milliards de mètres cube, toujours en Méditerranée orientale. Membre de l’Union européenne depuis 2004, mais isolée du reste du continent par sa situation insulaire, la République de Chypre va dès lors chercher à s’associer aux richesses d’Israël pour compenser les importants coûts de construction d’infrastructures permettant l’exploitation et l’exportation de ces ressources. Dès 2013, un projet d’East-Med Pipeline (gazoduc de Méditerranée orientale), reliant Israël et Chypre à la Grèce puis l’Italie par voie sous-marine, est alors identifié comme faisant partie de "l’intérêt commun" [5] pour une Commission européenne qui espère pouvoir en tirer un apport d’au moins 10 milliards de mètres cube par an à l’horizon 2025.
Le problème est néanmoins que les premières études de faisabilité financées par Bruxelles révèlent un coût de construction qui reste toujours très élevé du fait de la difficulté technique inhérente à un si long tracé sous-marin. Les répercussions potentielles se faisant sentir en termes de prix pour des États consommateurs aux yeux de qui le gaz russe reste moins cher, malgré le coût du levier d’influence politique qu’il représente pour Moscou. La question se pose également de la délimitation des eaux territoriales dans lesquelles ce futur gazoduc pourrait passer. Le tracé des frontières maritimes est en effet l’objet de disputes de longues dates entre les pays côtiers, au même titre que la propriété des zones où les gisements qu’ils prévoient d’exploiter ont été découverts. Alors que Tel-Aviv et Nicosie ont su trouver un accord dès 2010 sur l’établissement de leurs zones économiques exclusives (ZEE), plusieurs États situés sur le littoral de la Méditerranée orientale les contestent en arguant qu’elles n’ont aucune valeur sans leurs ratifications respectives. Le Liban historiquement en conflit avec Israël, revendique ainsi le contrôle d’une partie des gisements découverts par l’État hébreu. Et c’est face à Chypre que l’on retrouve une nouvelle fois la Turquie, dans la mesure où ses forces armées occupent une moitié de l’île depuis 1974, sous le nom d’une République turque de Chypre-Nord qu’Ankara est la seule à reconnaître. La Convention du droit de la mer - qui prévoit qu’un État ne peut exercer légitimement et souverainement ses droits d’usages et d’exploitations maritimes que s’il s’est au préalable mis d’accord sur sa délimitation avec les autres États riverains de la zone pouvant également revendiquer leurs droits -, empêche dès lors toute avancée sur le projet East-Med pourtant identifier comme prioritaire par l’UE [6].
En parallèle, la Turquie, qui se retrouve marginalisée à l’Ouest, se tourne une fois de plus vers la Russie, elle aussi toujours plus mise de côté par Washington et Bruxelles. Les deux États autrefois en concurrence dans le cadre de cette géopolitique des tubes vont alors faire le choix de mettre leur stratégie en commun, dans la mesure où leurs projets précédents de gazoducs semblent avoir été remisés au placard par les États membres situés au sud de l’UE. Reprenant à leur compte l’idée de la voie contournant l’Ukraine en passant sous la mer Noire, Moscou et Ankara annoncent dès 2014 leur nouvelle ambition qui porte désormais le nom de Turkish Stream. Prévu à nouveau pour une estimation de flux de plus de 30 milliards de mètres cube par an entre les deux États, ce tracé se différencie donc du South Stream proposé précédemment par son débouché en Turquie et non plus directement dans l’Union. Cette entité serait néanmoins potentiellement connectée en aval via l’interconnecteur greco-turc puis en direction de la Bulgarie, de la Serbie, de la Hongrie et enfin de l’Autriche à travers une extension potentielle du nom de Tesla Pipeline.
Dans le même temps, Ankara continue d’avancer ses pions et de jouer sa propre carte de diversification des sources d’approvisionnement en continuant de porter le dossier du gazoduc trans-anatolien TANAP dont l’accord de construction - dans le cadre du projet de Corridor Gazier Sud-Européen - a été signé en 2012 avec l’Azerbaïdjan et la Géorgie, pour un début des travaux en 2015. Ainsi, malgré l’abandon officiel du tracé Nabucco en 2013 c’est bien malgré tout un projet turc qui est choisi pour exporter à hauteur d’une trentaine de milliards de mètres cube par an le gaz du gisement Shah Deniz par la société azérie SOCAR, au détriment de l’Ukraine et de son projet White Stream donc. Une victoire fondamentale du point de vue de la géostratégie turque du hub, qui s’impose dès lors comme le principal point de transit du gaz en direction de l’Europe du sud, malgré l’escalade toujours croissante de ses tensions avec l’UE. Et ce sûrement grâce à une relation renforcée avec l’Azerbaïdjan, de plus en plus présentée comme une nation sœur de la Turquie [7]. Cette carte culturelle, qui n’est pas sans rappeler les bases de la politique extérieure özalienne dans les années 1980-1990, va également être utilisée par la suite avec le Turkménistan, autre État parlant une langue turcique et possédant des gisements gaziers prépondérants en mer Caspienne, du côté du littoral d’Asie centrale.
Rémi Carcélès
Rémi Carcélès est doctorant en science politique à l’Université d’Aix-Marseille au sein du Centre méditerranéen de sociologie, de science politique et d’histoire (MESOPOLHIS) et fellow de l’Institut Convergences Migrations (ICM). Travaillant sur l’insertion des mobilisations politiques transnationales en contexte migratoire, il est également chargé d’enseignement à l’Institut d’études politiques (IEP) d’Aix-en-Provence en introduction à la science politique, relations internationales et analyse des comportements politiques. Dans cette optique, il s’intéresse tout particulièrement au suivi des mobilisations politiques en France au même titre qu’à l’analyse des évolutions géopolitiques contemporaines, notamment liées à la Turquie et ses ressortissants.
Notes
[1] VASHAKMADZE, Giorgi. "The White Stream gas transportation project", Energy Charter Secretariat Group on Trade and Transit, 13-14 mai 2009.
[2] GROC, Gérard. "La doctrine Davutoglu : une projection diplomatique de la Turquie sur son environnement", Confluences Méditerranée, 2012, vol. 4, N°83, pp. 71-85.
[3] JOSSERAN, Tancrède. "Ahmet Davutoğlu, prophète de l’ottomanisme", Conflits : histoire, géopolitique, relations internationales, 2014, N°3, pp. 16-19.
[4] "Le coup de calcaire de Recep Tayyip Erdogan à Davos", AFP, 30 janvier 2009.
[5] Regulation No 347/2013 of the European Parliament and of the Council of 17 April 2013 on guidelines for trans-European energy infrastructure and repealing.
[6] CARCELES, Rémi. "Rapprochements et marginalisations autour du gaz en Méditerranée orientale", Les Clés du Moyen-Orient, 10 juillet 2019.
[7] BALCI, Bayram. "Turquie-Azerbaïdjan : une seule nation, deux États ?", Repair, 14 novembre 2016.
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