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Les 30 ans de la guerre Iran-Irak (22 septembre 1980-20 août 1988)

Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 20/09/2010 • modifié le 02/03/2018 • Durée de lecture : 4 minutes

Soldats irakiens en mars 1985

AFP

Les causes de la guerre Iran-Irak

La guerre entre l’Iran et l’Irak est déclenchée dans le contexte immédiat de l’opposition de Saddam Hussein aux chiites d’Irak, soutenus par l’Iran. Ce soutien fait craindre à Saddam Hussein une contagion de la Révolution islamique à l’Irak. Des paramètres territoriaux expliquent également la monté des tensions entre les deux Etats : la question, ancienne, de la possession du Chatt el-Arab et notamment la délimitation des frontières entre l’Irak et l’Iran, réglée par l’accord d’Alger du 6 mars 1975 (par lequel l’Iran cesse d’apporter son aide militaire aux Kurdes d’Irak en échange de la reconnaissance par l’Irak des frontières du Chatt al-Arab). Il n’en demeure pas moins que des incidents frontaliers éclatent à nouveau entre les deux Etats de février à juillet 1980. D’autre part, la révolution islamique d’Iran de 1978 est perçue comme une menace par les Etats arabes et par ceux du Golfe, riverains de l’Iran, qui redoutent une contagion de la révolution. Enfin la charte arabe de février 1980 rédigée par Saddam Hussein est considérée par l’Iran comme un acte d’hostilité à son encontre. Les violences frontalières se poursuivent pendant l’été 1980 et Saddam Hussein, considérant le 17 septembre que l’accord d’Alger n’est plus en vigueur, donne l’ordre à l’armée le 22 septembre 1980 d’envahir l’Iran.

Par cette attaque, Saddam Hussein souhaite renverser la république islamique d’Iran, récupérer les avantages territoriaux abandonnés par l’accord d’Alger de 1975 et surtout faire de l’Irak un Etat puissant, dans un contexte régional arabe troublé : implication de la Syrie dans le conflit civil au Liban et mise à l’écart diplomatique de l’Egypte à la suite de la reconnaissance d’Israël en 1979.

Les opérations militaires

Saddam Hussein estime que l’Iran est affaibli sur le plan militaire en raison de la révolution islamique de 1979, et que la guerre n’en sera que plus rapide et limitée. En réalité, l’attaque de l’Irak galvanise la population iranienne, qui s’engage dans l’armée. Saddam Hussein doit ainsi réviser ses prévisions de succès rapide, d’autant plus que la guerre s’enlise. En effet, les Irakiens occupent en septembre des positions dans le nord et au centre de l’Iran. Au sud, les villes de Khorramchahr et d’Abadan dans la région du Chatt al-Arab tombent en octobre. Mais de décembre 1980 à décembre 1981, les positions des deux armées n’évoluent pas, et les Iraniens refusent de négocier avec l’Irak la fin des combats.

Fin 1981, l’armée iranienne réussit à reprendre Abadan et ce succès se poursuit par la reprise en mars 1982 du centre du pays. L’armée irakienne fuit et des milliers de soldats sont faits prisonniers. Fin mai, la ville de Khorramchahr est reprise par les Iraniens. En revanche, l’armée irakienne maintient ses positions dans le nord. Saddam Hussein décide alors de respecter la demande de cessez-le-feu votée le 12 juillet par le Conseil de sécurité des Nations unies tandis que les Iraniens le refusent et poursuivent les combats : à l’été 1982, l’armée iranienne mène des incursions en Irak.
A partir de cette période, l’Irak bloque les installations pétrolières d’Iran : en août 1982 l’île de Kharg comportant le terminal pétrolier le plus important d’Iran est bloquée et les pétroliers iraniens sont également attaqués. De son côté, l’Iran poursuit la guerre terrestre, notamment vers Bassorah, ville d’Irak située sur le Chatt al-Arab. En avril 1984, l’Irak lance la guerre des villes par des attaques aériennes, à laquelle les Iraniens ripostent par des tirs de missiles sur Bagdad de mars à juillet 1985. En 1986, l’armée iranienne reprend ses attaques terrestres : elle prend Fao en février puis le Kurdistan irakien, puis en janvier 1987 la région de Bassorah.

Cette même année, les Iraniens lancent la guerre des pétroliers et arraisonnent plusieurs tankers koweïtiens, le Koweït ayant apporté son soutien à l’Irak dans cette guerre contre l’Iran. Les attaques contre les pétroliers provoquent la demande d’aide du Koweït auprès des grandes puissances, dont les Etats-Unis, qui refusent dans un premier temps. La demande d’aide à l’Union Soviétique provoque cependant en mai 1987 l’intervention des Etats-Unis, qui assurent la protection des navires koweïtiens en les plaçant sous pavillon américain. Le Conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 598 le 20 juillet 1987, mais le cessez-le-feu décidé est refusé par l’Iran, qui poursuit ses attaques maritimes dans le Golfe contre les navires américains. En 1988, l’Irak reprend l’offensive terrestre et récupère plusieurs positions détenues par les Iraniens : Fao en avril, la région de Bassorah en mai, le Kurdistan en juin.

Devant ces échecs militaires, en raison de la montée des tensions et de la présence américaine dans le Golfe, l’Iran accepte finalement la résolution 598 de l’ONU : le cessez-le-feu prend effet le 8 août 1988 et les combats cessent le 20 août.

Le bilan de la guerre est lourd pour l’Iran, tant sur le plan humain, matériel que financier. Quant à l’Irak, sur le plan économique, il sort très endetté de cette guerre, notamment auprès des monarchies du Golfe. Sur le plan extérieur en revanche, Saddam Hussein apparaît comme le défenseur des sunnites du Moyen-Orient, et l’Irak se positionne comme une puissance régionale. Mais deux ans plus tard, à la suite de l’invasion du Koweït par l’Irak et de sa libération par la coalition internationale, l’Irak se trouve marginalisé tant sur la scène régionale qu’internationale.

Bibliographie
Henry LAURENS, Le grand jeu, Orient arabe et rivalités internationales, Paris, Armand Colin, 1991, 447 pages.
Philippe RONDOT, « Guerre Iran-Irak 1980-1988 », Encyclopédie Universalis 2009.

Publié le 20/09/2010


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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