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Les Etats-Unis au Moyen-Orient (7) : visites et discours diplomatiques de Barack Obama (2009)

Par Laura Monfleur
Publié le 25/05/2018 • modifié le 27/02/2020 • Durée de lecture : 5 minutes

Visites et discours diplomatiques d’Obama

Après son investiture, Barack Obama cherche à rassurer ses principaux alliés au Moyen-Orient. Il téléphone ainsi à Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, Hosni Moubarak, président de l’Egypte, et au roi Abdallah II de Jordanie. Hillary Clinton, secrétaire d’Etat, se rend en Irak le 25 avril 2009 puis au Liban le 26 avril 2009, et le roi Abdallah II de Jordanie et Hosni Moubarak sont reçus à la Maison Blanche respectivement le 22 avril 2009 et le 18 août 2009. Barack Obama pour sa part se rend le 3 juin en Arabie saoudite et le 4 juin en Egypte. Le but de ces visites diplomatiques est d’assurer les liens entretenus entre ces pays et les Etats-Unis en essayant de reconquérir une légitimité et une crédibilité américaine au Moyen-Orient (Droz-Vincent, 2011 ; Rougé, 2017).

C’est dans ce contexte que Barack Obama donne le discours du Caire le 4 juin 2009. Il y évoque les principaux enjeux ainsi que sa nouvelle vision pour la région. Tout d’abord, il abandonne la rhétorique idéologique de la guerre du Bien contre le Mal et de l’axe du Mal développé par l’Administration Bush. Il s’agit de fonder « un nouveau départ pour les Etats-Unis et les musulmans du monde entier » qui reposerait sur « l’intérêt » et le « respect mutuel » (Chesnot, 2011). Le déploiement de la puissance américaine dans la région devrait prendre en compte l’existence d’autres acteurs tels que la communauté internationale, résumé par l’expression « engaging the world » (Droz-Vincent, 2011). Barack Obama cherche ainsi à « redonner une centralité émotionnelle à la puissance américaine » et à la « relocaliser », en évitant un point de vue surplombant et idéologique et en impliquant les acteurs locaux et leurs perceptions (Droz-Vincent, 2011, p. 498). Il délivre une vision plus pragmatique de la stratégie américaine dans la région en opposant la logique d’une guerre préemptive contre le terrorisme à une logique d’une guerre nécessaire et en opposant l’idée de démocratisation par le haut à l’idée de normalisation de la région (Droz-Vincent, 2011). En effet, Barack Obama annonce un retrait complet des troupes militaires américaines d’Irak pour la fin de l’année 2011. Il cherche également à normaliser les relations avec la Syrie et l’Iran par sa « politique de la main tendue ». Enfin, Barack Obama se prononce pour la création d’un Etat palestinien indépendant et énonce les conditions nécessaires à la coexistence de l’Etat palestinien et de l’Etat israélien : une reconnaissance du droit à exister de ces pays notamment par le Hamas, l’arrêt de la colonisation israélienne dans les Territoires palestiniens, le développement de structures institutionnelles pour l’Autorité palestinienne. Ce discours redonne une centralité au processus de paix israélo-palestinien pour résoudre les conflits dans la région, centralité qui avait été abandonnée au profit d’une politique étrangère irako-centrée (Samaan, 2009).

La rupture Obama ?

Ces visites diplomatiques ainsi que le discours du Caire montrent la volonté d’Obama de refermer la « parenthèse de l’ère Bush Junior et d’opérer un retour à une forme de réalisme » (Rougé, 2017). Barack Obama entame une « phase de réorientation » de la politique et de la rhétorique américaine concernant le Moyen-Orient (Droz-Vincent, 2011, p. 495). Cependant, peut-on parler d’une véritable rupture Obama ? Plusieurs facteurs permettent de nuancer cette idée.

Pour Antoine Coppolani, « Obama n’est pas l’homme de la rupture. Il est celui de la continuité, y compris et surtout au Proche-Orient » (2012, p. 63). Il y a en effet une continuité entre les projets d’Obama et les dernières années de l’administration Bush qui a déjà fait rupture avec sa propre politique depuis 2007 : tentatives de s’intégrer aux négociations entre l’Iran et certains pays européens, de relancer le processus de paix israélo-palestinien lors de la conférence d’Annapolis et annonce du retrait des troupes d’Irak par Bush lui-même.
Le retrait des troupes d’Irak n’implique pas la fin d’une politique étrangère irako-centrée. Pour Jean-Loup Samaan, « le retrait en 18 mois reste avant tout une stratégie ostentatoire d’Obama, fondée sur une promesse électorale » qui prendrait plus de temps face aux réalités opérationnelles (2009, p. 50). Ce retrait ne marquerait également pas la fin de la militarisation de la politique étrangère (le poids des acteurs et des institutions militaires dans les processus de décision). En effet, serait maintenue une « présence militaire résiduelle » sous la forme de conseillers militaires et de sociétés privées. Pour Jean-Loup Samaan (2009), il s’agirait d’une sorte de maquillage pour cacher une présence militaire toujours forte. Le Pentagone aurait toujours un poids important dans les processus de décision (Droz-Vincent, 2011). De plus, ces stratégies de sortie d’Irak (exit strategies) s’expliquent par un recentrage des forces militaires en Afghanistan où une guerre dite de nécessité est relancée contre les Talibans en 2009 et est doublée d’une action civilo-militaire visant à gagner « les cœurs et les esprits », reprenant ainsi les stratégies contre-insurrectionnelles du Général Petraeus mises en place en Irak à partir de 2007 (Droz-Vincent, 2011).

Si le discours du Caire semble donner des gages en faveur des Etats arabes et en particulier de l’Etat palestinien, « l’alliance avec l’Etat hébreu reste la pierre angulaire de Washington dans la région » (Chesnot, 2011, p. 80). Avant son élection, Barack Obama avait donné un discours devant le lobby israélien American Israël Public Affairs Committee (AIPAC), le 8 juin 2008. Il y assurait son soutien indéfectible à Israël, le refus de négocier avec le Hamas, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale indivisible d’Israël et promettait une aide de 30 milliards de dollars aux Israéliens sur dix ans.

La politique étrangère des Etats-Unis annoncée par Barack Obama semble être marquée par les mêmes contradictions que celle de ses prédécesseurs (Droz-Vincent, 2011 ; Rougé, 2017) : rassurer les Etats arabes tout en assurant la protection d’Israël, réagir aux multiples crises dans la région tout en opérant un retrait du Moyen-Orient et une gestion des conflits à distance, pousser ses alliés comme l’Egypte et l’Arabie saoudite à entamer des transformations vers plus de démocratie tout en maintenant la stabilité de ces pays. Cette politique est également marquée par des incertitudes quant à sa mise en place concrète (Samaan, 2009 ; Droz-Vincent, 2011 ; Coppolani, 2012). Instaurer un dialogue avec l’Iran demande de mettre en place des négociations multilatérales et de prendre en compte tout aussi bien l’enjeu de la prolifération des armes de destruction massive que celui du soutien iranien à des groupes terroristes (Samaan, 2009). La réouverture du dossier israélo-palestinien et en particulier de la question sensible des colonies implique de considérer également les relations entre Israël et ses voisins comme le Liban et la Syrie au risque de remplacer la « diplomatie de la paresse » par une « diplomatie du verbe » ou une « diplomatie velléitaire » sans véritables réalisations sur le terrain (Coppolani, 2012, p. 64).

Lire également :
Entretien avec Pierre Mélandri - Les Etats-Unis et le conflit israélo-palestinien sous la présidence Obama
Entretien avec Bertrand Badie – La politique américaine au Moyen-Orient sous la présidence Obama
Bilan de la colonisation israélienne sous la présidence de Barack Obama
Entretien avec Guillaume de Rougé - La présidence Obama et le Moyen-Orient : quel bilan ? (1/2)
Entretien avec Guillaume de Rougé - La présidence Obama et le Moyen-Orient : quel bilan ? (2/2)
L’occupation américaine en Irak (2003-2011)

Bibliographie :
CHESNOT C., 2011, « Les Etats-Unis au Moyen-Orient : la rupture Obama ? », Les Cahiers de l’Orient, Vol. 4, n° 104, p. 75-82.
COPPOLANI A., 2012, « Chapitre 2. La diplomatique au Proche-Orient de Bush à Obama », p. 63-92, in Olivier Richomme et al., Le bilan Obama, Paris : Presses de Science Po.
DE ROUGE G., 2017, « La présidence Obama et le Moyen-Orient : quel bilan (1/2) », Les Clés du Moyen-Orient [en ligne], https://www.lesclesdumoyenorient.com/Entretien-avec-Guillaume-de-Rouge-La-presidence-Obama-et-le-Moyen-Orient-quel.html.
DROZ-VINCENT P., 2011, « Du 11 septembre aux révolutions arabes : les Etats-Unis et le Moyen-Orient », Politique étrangère, Vol. 3, p. 495-506.
SAMAAN J.-L., 2009, « Une inconnue sur l’agenda : l’administration Obama face à l’équilibre des forces au Moyen-Orient », Hérodote, Vol. 1, n° 132, p. 47-59.

Publié le 25/05/2018


Elève en géographie à l’Ecole Normale Supérieure et diplômée d’un master de recherche en géographie, Laura Monfleur s’intéresse aux espaces publics au Moyen-Orient, notamment les questions de contrôle des espaces et des populations et de spatialité des pratiques politiques et sociales. Elle a travaillé en particulier sur Le Caire post révolutionnaire et sur les manifestations des étudiants à Amman.
Elle travaille pour la rubrique cartographique des Clés du Moyen-Orient.


 


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