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Les affaires de l’Arabie centrale 1915-1916 : conflits internes et rivalités dynastiques (3/3)

Par Yves Brillet
Publié le 21/11/2017 • modifié le 08/04/2020 • Durée de lecture : 14 minutes

A Painting dated in the early 20s, shows al-Sharif Hussein (1856-1931) descendant of the Moslem prophet Mohammed and founder of Hashemite dynasty. King of the Hejaz from 1916 until 1924 and head of the Arab Nationalist Movement in 1916.

AFP

Les affaires de l’Arabie centrale 1915-1916 : conflits internes et rivalités dynastiques (1/3)
Les affaires de l’Arabie centrale 1915-1916 : conflits internes et rivalités dynastiques (2/3)

La rivalité entre Ibn Saoud et le Chérif Hussein

Ibn Saoud avait appris à se méfier des ambitions du Chérif Hussein et de sa volonté d’étendre sa domination au-delà des limites du Hedjaz. En 1910, il avait été contraint de négocier un accord pour obtenir la libération de son frère (1). A partir de l’année 1913, les orientations de de plus en plus ouvertement antiturques d’Hussein favorisèrent cependant un rapprochement entre La Mecque et Riad. Au moment de la rencontre entre Shakespear et Ibn Saoud en décembre 1914, les deux hommes entretenaient une correspondance et Ibn Saoud confia à son visiteur qu’il ne s’opposerait pas à ce que le titre de calife soit à nouveau porté par un membre de la famille hachémite (2). Au début de l’année 1915, Ibn Saoud reçut un message du second fils d’Hussein, Abdallah, lui indiquant que les Turcs exerçaient une très forte pression pour inciter Hussein à proclamer le Jihad contre la Grande-Bretagne et la France et à appeler les tribus à la révolte. Il ajoutait qu’Hussein temporisait en attendant de connaitre la position adoptée par Ibn Saoud vis-à-vis de Turcs et de la Grande-Bretagne. Ibn Saoud conseilla à Hussein de ne rien faire qui puisse entrainer une réaction britannique, notamment une attaque sur Djeddah. Il lui fit savoir qu’il ne voyait pas d’avantage à se ranger aux côtés de la Turquie, expliquant qu’il avait agi de même en arguant de l’hostilité d’Ibn Rashid et de la crainte d’un raid sur Katif pour neutraliser les demandes de la Turquie. Hussein, n’ayant pas en janvier 1915 opté définitivement pour l’alliance britannique, suivit le conseil de Riad (3).

En octobre 1915, l’agent politique à Bahreïn fit état d’une possible alliance entre le Chérif et Ibn Rashid (4). Les relations avec La Mecque se tendirent cependant en novembre 1915 lorsqu’Abdallah fit une incursion dans le Nedjd dans le but de collecter les taxes dues par les habitants des districts de Qasim et de Seder, bien que la tradition parmi les tribus de la région ne reconnût la suzeraineté du Chérif que sur quelques sections des Ateibah. Cette action raviva les craintes et les soupçons d’Ibn Saoud concernant les intentions cachées d’Hussein (5). Le 22 décembre, un télégramme du vice-roi informa l’India Office de l’existence de tractations entre le Chérif, Ibn Rashid et d’autres chefs bédouins sous l’égide de la Turquie pour préparer une attaque imminente sur le canal de Suez (6). Les entretiens avec Cox en décembre 1915 révélèrent la méfiance d’Ibn Saoud envers son rival. Il informa Cox que ses relations avec La Mecque étaient normales et cordiales mais qu’Hussein, en raison de l’instabilité de son caractère, n’était pas une personne fiable ; Ibn Saoud précisa au cours de cette conversation qu’il n’ajoutait pas foi aux rapports indiquant l’existence d’un rapprochement entre les forces chérifiennes conduites par Abdallah et Hail, mais que la récente expédition de ce dernier dans le district de Qasim était une manœuvre opportuniste pour profiter des difficultés causées dans la province de Hasa par la révolte des Ajman. Interrogé au sujet de la proclamation et l’attribution éventuelle du califat à Hussein, il estimait que c’était là une question de peu d’importance pour les cheikhs et émirs de l’Arabie et que ceux-ci s’opposeraient à toute tentative du Chérif visant à les contrôler ou à les mettre sous tutelle (7). Malgré les négociations en cours avec Le Caire et quelques semaines avant de lever l’étendard de la révolte contre Constantinople, le comportement d’Hussein continua d’être ambigu. En février 1916, il fit parvenir deux épées, trois poignards dans leur fourreau d’or, des fusils et 15 000 livres turques à Ibn Saoud pour le remercier d’avoir dissuadé des bandes de Bédouins d’attaquer le chemin de fer de Médine. En réalité, Hussein était soupçonné d’agir pour le compte du gouvernement ottoman déterminé à corrompre l’émir de Riad et de le gagner à leur cause (8).

La proclamation de la « révolte arabe » par Hussein de juin 1916 ne pouvait que cristalliser les craintes d’Ibn Saoud sur les intentions de son rival, et susciter son inquiétude concernant l’étendue et la nature des engagements pris par la Grande-Bretagne à l’égard du Chérif. Dès le mois de juin, l’India Office demanda au Government of India de lui fournir des indications sur les réactions de l’émir de Riad après l’annonce du soulèvement (9).
Ibn Saoud fit part à Cox de ses inquiétudes dans trois longues missives datées du 20 juillet, du 15 août et du 3 septembre 1916.

Dans le courrier du 20 juillet, Ibn Saoud fit tout d’abord référence au conflit qui l’opposait à la tribu des al Murra alliée aux Turcs et à Ibn Rashid ; selon ses informations, les rebelles devaient rejoindre les forces de Hail ou les troupes turques pour attaquer le Nedjd et les Britanniques en Irak. Ibn Saoud se voyait donc contraint de contrer les activités séditieuses des rebelles dans la province de Hasa et au voisinage de Katif pour empêcher la jonction des al Murra et d’Ibn Rashid. Ibn Saoud aborda ensuite l’objet principal de ses préoccupations, se félicitant tout d’abord des nouvelles en provenance de La Mecque et espérant que cela contribuerait à l’expulsion définitive des Turcs de la péninsule. Dans cette correspondance, Ibn Saoud s’interrogeait sur la manière dont la Grande-Bretagne envisageait sa relation avec Hussein, ainsi que sur la réponse à lui apporter selon qu’il s’agissait d’une affaire interne ne concernant que les deux protagonistes, ou d’une question affectant conjointement les intérêts de Riad et de Londres. Ibn Saoud expliquait clairement qu’il craignait que le Chérif n’obtienne un engagement de la Grande-Bretagne lui permettant de faciliter sa prise de contrôle du Nedjd et d’accroitre son emprise sur les Arabes. Il redoutait également que le représentant britannique chargé des négociations ne soit pas suffisamment au fait de la situation de l’Arabie centrale, rappelant le contentieux l’opposant à Hussein ainsi que les manœuvres de ce dernier pour s’immiscer dans les affaires intérieures du Nedjd et intriguer auprès des tribus nomades ou des populations sédentaires du district de Qasim, soulignant que le Chérif avait pour cela reçu le soutien de la Turquie. Il lui semblait nécessaire d’attirer l’attention du gouvernement britannique sur le fait que les lignes de démarcation entre le Nedjd et le Hedjaz étaient nettement définies et qu’Hussein ne pouvait pas impunément remettre en cause les allégeances tribales. L’émir de Riad, en insistant sur l’opportunisme de son rival, rappelait que La Mecque n’avait jamais constitué une entité indépendante du pouvoir ottoman, et que Constantinople lui avait fourni des armes afin qu’il les seconde en Syrie. Selon Ibn Saoud, en proclamant la souveraineté du Hedjaz, Hussein cherchait à mettre les Turcs en difficulté face à la Grande-Bretagne afin de garantir son pouvoir dans le Hedjaz. En résumé Ibn Saoud mettait en garde la Grande-Bretagne contre le cynisme d’Hussein et conseillait aux autorités britanniques de n’apporter au Chérif qu’une aide limitée lui permettant seulement de gêner l’action des Turcs en Irak (10).

Le 15 août 1916, Ibn Saoud informa Cox qu’Hussein lui avait écrit pour solliciter son aide et lui demander d’unir leurs efforts dans le combat contre les Turcs. L’émir de Riad dit à Cox que dans sa réponse, il avait indiqué qu’il le soutiendrait dans la mesure de ses possibilités mais qu’en matière d’union, il ne nourrissait aucun dessein sur le Hedjaz alors que le Chérif avait, dans le passé, pris l’habitude, en affirmant agir au nom de la Turquie, de s’immiscer dans les querelles entre les tribus installées sur ses domaines. Dans ce même courrier, Ibn Saoud exprimait à nouveau le désir de savoir si les rapports avec le Chérif relevaient des affaires intérieures de l’Arabie ou s’inscrivaient dans la sphère de coopération entre Riad et la Grande-Bretagne (11). Le même jour, il fit parvenir un message à Hussein lui demandant de s’engager solennellement, en gage de sincérité, à respecter l’indépendance du Nedjd (12).

Le 3 septembre, après avoir évoqué l’arrivée à Médine d’un contingent turc fort de 7 000 fantassins et cavaliers, ainsi que les déboires des fils d’Hussein contraints de se réfugier à Rābigh, Ibn Saoud questionna à nouveau Cox sur les modalités de la coopération avec La Mecque, soulignant la nécessité d’une consultation et d’un échange de vue confidentiel portant sur la conduite à tenir face à Hussein et à Ibn Rashid (13).

Les autorités britanniques réagirent dès septembre 1916 aux messages d’Ibn Saoud. Le 8 septembre, Cox informa le Bureau Arabe au Caire et l’India Office de la teneur des courriers de l’émir de Riad, soulignant que ce dernier ne désirait pas d’alliance avec le Chérif mais qu’il tiendrait compte des souhaits de la Grande-Bretagne concernant une coopération éventuelle. Cox attirait l’attention sur les conditions exprimées par Ibn Saoud dans sa lettre du 15 août et insistait sur la nécessité de dissiper ses craintes concernant les visées hégémoniques d’Hussein. Cox fit savoir qu’il estimait utile d’informer catégoriquement Ibn Saoud qu’aucun engagement présent ou à venir de la Grande-Bretagne n’était contraire aux articles 1 et 2 du traité conclu en décembre 1915 (14). Le 13 septembre, le Haut-Commissariat en Egypte fut informé qu’il n’existait pas d’incompatibilité entre les engagements pris envers Ibn Saoud et les termes négociés avec le Chérif et qu’il n’y avait ainsi pas d’obstacle à ce que le traité de Dhahran lui soit communiqué (15). Hirtzel ajouta qu’Hussein devait être instruit du fait que le gouvernement britannique usait de toute son influence pour inviter Ibn Saoud à lui apporter son concours (16). Un télégramme destiné au vice-roi précisa la pensée de l’India Office. Le projet d’établir un Etat arabe ou une confédération d’Etats n’était pas abandonné, et il convenait d’éviter tout ce qui pourrait laisser penser le contraire. Concernant Ibn Saoud, ce dernier devait s’allier avec le Chérif dans son propre intérêt. Les références au traité de décembre 1915 devaient se limiter à l’article 1 dans la mesure où la Grande-Bretagne ne pouvait admettre qu’elle s’était engagée à venir en aide à Ibn Saoud en cas d’agression commise par une force arabe. Il convenait si nécessaire de convaincre le Chérif que Londres n’avait aucune raison de supposer qu’il puisse nourrir des intentions hostiles envers Ibn Saoud (17). Le 25 septembre le vice-roi fut informé que le haut-commissaire en Egypte avait été officiellement autorisé à communiquer les termes du traité à Hussein et à lui faire savoir que le gouvernement s’employait à convaincre Ibn Saoud de coopérer avec lui (18).

Les télégrammes envoyés par Cox au début du mois d’octobre insistent sur la nécessité d’apporter des réponses aux interrogations de Riad concernant la nature de sa relation avec le Chérif. En référence à la lettre du 3 septembre dans laquelle Ibn Saoud sollicitait un entretien pour procéder à un échange de vues sur les différents points affectant sa relation avec la Grande-Bretagne, Cox indiqua qu’il pouvait organiser une rencontre à la fin du mois (19). L’India Office prit acte des communications de Cox, et précisa la nature des réponses que Cox devait fournir à Ibn Saoud. Ceci fut fait dans un courrier daté du 18 octobre, dans lequel il était spécifié que le gouvernement avait pris en compte les interrogations de Riad concernant Hussein et Ibn Rashid. En conséquence, Cox insista sur le fait que le gouvernement britannique n’avait aucune raison de penser que le Chérif entretenait des visées hostiles à l’encontre des tribus et des populations du Nedjd. Il assura Ibn Saoud que le traité de décembre 1915 dans son article 1 reconnaissait son indépendance et son autorité sur le territoire et que le Chérif devait naturellement reconnaitre la validité de ce traité garantie par Londres. Cox rappelait que la finalité des opérations menées par les forces britanniques était d’expulser les Turcs de la péninsule, que la Grande-Bretagne considérait qu’il était dans l’intérêt de tous qu’il y ait une coopération effective entre Riad et La Mecque et qu’en conséquence, Ibn Saoud devait clairement et publiquement apporter son soutien à Hussein (20). Le 27 octobre, l’India Office télégraphia au vice-roi que Cox devait décourager toute velleité de la part d’Ibn Saoud de jouer sur une divergence de vue supposée entre Le Caire et le Government of India et le convaincre que ses craintes de voir la Grande-Bretagne sacrifier ses intérêts au profit du Chérif n’étaient pas fondées (21). Pour sa part, le Haut-Commissariat au Caire fit intervenir le colonel Wilson, son représentant à Djeddah, pour avertir Hussein que dans le cadre de la négociation avec les autorités britanniques, il avait reconnu la validité des traités passés par le gouvernement avec les chefs arabes et qu’il s’était engagé à les respecter. L’attention du Chérif était attirée sur le fait que rien dans le traité entre Ibn Saoud et la Grande-Bretagne n’était contradictoire avec les engagements pris par la Grande-Bretagne envers lui. En dernier lieu, Wilson lui rappelait les efforts déployés pour convaincre Ibn Saoud de lui apporter son soutien et l’invitait à inciter Ibn Rashid à le rejoindre (22). Malgré toutes ces assurances, Ibn Soud fit savoir à Cox qu’il se trouverait à Hasa le 11 novembre et qu’il souhaitait le rencontrer pour qu’ils puissent s’entretenir des problèmes l’empêchant d’honorer ses engagements envers la Grande-Bretagne (23). Le 28 octobre, l’agent en poste à Bahreïn précisa que Cox pourrait rencontrer l’émir de Riad le 15 novembre à Katif (24).

La rencontre du 20 novembre 1916 et le Durbar de Koweït

La rencontre d’Ojair suivie du Durbar (audience / réception officielle) à Koweït le 20 novembre permirent à Ibn Saoud d’exprimer de vive voix ses préoccupations concernant Hussein, Ibn Rashid et les Ajman et de plaider pour un renforcement du soutien matériel et financier de la Grande-Bretagne. Le principe d’un prêt de 20.000 livres financé par le Trésor indien avait été cependant accepté par l’India Office et autorisé par le Foreign Office le 22 octobre. Londres reconnaissait qu’Ibn Saoud jouait un rôle essentiel en Arabie centrale et que le soutien de la Grande-Bretagne face à des adversaires armés et financés par les Turcs demeurait souhaitable (25). Lors de la rencontre, outre les inquiétudes au sujet du Chérif, Ibn Saoud confia à Cox qu’il rencontrait de graves difficultés causées par son engagement auprès de la Grande-Bretagne, alliance critiquée par les habitants du Nedjd en raison des pertes de revenu engendrées par la guerre en Syrie ainsi que par les grands marchands caravaniers du Qasim qui ne pouvaient plus vendre leurs chameaux sur le marché de Damas (26). Il ajouta que les rebellions des tribus (Ajman et al Murra) ainsi que le conflit non résolu avec Ibn Rashid avaient entrainé de lourdes pertes en hommes et en matériel depuis le mois de janvier 1915 et une détérioration des relations avec le Koweït (27).

Dans le rapport qu’il rédigea immédiatement après l’entrevue, Cox conclut qu’une coopération effective entre La Mecque et Riad ne lui paraissait pas possible en l’état mais qu’Ibn Rashid pouvait constituer un objectif atteignable avec un soutien matériel approprié. Ibn Saoud devant se rendre à Bahreïn puis au Koweït et à Mohammerah, Cox se proposait de lui faciliter le passage, d’organiser pour lui une visite de Bassora et de profiter de son séjour au Koweït pour lui décerner le titre de Knight Commander of the Indian Empire (28). Cette proposition fut approuvée le 15 novembre. Cox était invité à exprimer la satisfaction du gouvernement et à assurer une fois de plus à Ibn Saoud que Londres agissait au mieux de ses intérêts.
Le 20 novembre étaient présents Ibn Saoud, les cheikhs de Mohammerah, du Koweït, de la tribu des Muteir et des Aslam Shammar. Cox leur fit part de la satisfaction de la Grande-Bretagne de les voir unis. Il fit l’éloge du Chérif et insista sur la nécessaire coopération de tous. Les trois chefs réunis prêtèrent serment et Ibn Saoud se montra satisfait des efforts déployés par la Grande-Bretagne pour faciliter une réconciliation avec Ibn Rashid si ce dernier renonçait à lutter contre les forces britanniques (29). Concernant la relation avec Hussein, l’émir de Riad se disait disposé à lui envoyer un de ses fils accompagné de 50 hommes en gage d’amitié et de soutien à la cause chérifienne. Ibn Saoud ajoutait cependant qu’il souhaitait que cela procède d’une requête amicale de la part du Chérif. En raison de l’attitude discourtoise d’Hussein, Cox demandait à ce qu’il soit invité à plus de diplomatie (30). Après transmission au Foreign Office qui informa Le Caire, le Chérif fit amende honorable dans un courrier adressé à Ibn Saoud dans lequel il l’assurait de son amitié et réaffirmait la nécessité d’expulser les Turcs, « nos ennemis et les ennemis de la vérité » (31).

Au-delà des actes symboliques, la réunion du Koweït permit de préciser les objectifs et d’obtenir des résultats tangibles concernant la nature des opérations et la répartition des rôles dans le cadre d’une éventuelle campagne contre Ibn Rashid. Ibn Saoud accepta de maintenir un contingent de 4 000 hommes en armes. Au cas où Ibn Rashid tenterait de marcher sur l’Irak, l’émir de Riad devrait se porter sur Zubair et assurer la jonction avec les hommes des tribus amies et les troupes du Koweït. Si par contre, Ibn Rashid restait à Hail, Ibn Saoud s’engageait à le harceler et à l’attaquer depuis le Qasim si l’occasion se présentait. Pour compenser les dépenses des deux années écoulées, Riad recevrait 5 000 livres par mois ainsi que 3 000 fusils avec munition et 4 mitrailleuses. Il fut aussi possible de mettre en œuvre un début de règlement du différend opposant Ibn Saoud aux Ajman. Cox convoqua les chefs rebelles à Zubair où il leur promit le versement mensuel de subsides équivalentes à celles versées aux tribus amies s’ils acceptaient de suspendre les hostilités pendant la durée de la guerre (32).

Conclusion

En conclusion, les années 1915 et 1916 révélèrent les faiblesses d’Ibn Saoud aux yeux des autorités britanniques. Son incapacité à porter une attaque décisive contre Ibn Rashid, les difficultés engendrées par la haine profonde qu’il portait aux rebelles Ajman ainsi que l’impossibilité de construire une relation non conflictuelle avec le Chérif Hussein trouvèrent une solution provisoire après la rencontre du 20 novembre au Koweït. La Grande-Bretagne se trouvait ainsi placée dans une situation favorable pour tenter de mener à bien son entreprise d’intégration des objectifs antagonistes de Riad et de La Mecque. Les années 1917 et 1918 allaient cependant en montrer les limites.

Notes :
(1) Voir Yves Brillet, Ibn Saoud et la Grande-Bretagne, 1906-1911, Les clés du Moyen-Orient, juin 2017.
(2) Relations with Ibn Saud, Memorandum dated 12 the 12th January 1917, from : The Chief Political Officer, in charge, Iraq Section, Arab Bureau, to : The Director, Arab Bureau, Cairo, Eastern Bureau, Basrah Branch, IOR/R/15/2/68.
(3) Historical Summary of Events in the Territories of the Ottoman Empire, Persia and Arabia affecting the British Position in the Persian Gulf, 1907-1928, IOR/R/15/1/730.
(4) File E-8 (II), Holland to Cox, 28 Oct. 1915.
(5) Relations with Ibn Saud, Note prepared by Arab Bureau, Iraq Section, IOR/L/PS/18/B 251.
(6) File 2182/1913, part 5, Copy of telegram from Viceroy to India Office, 22 Dec 1915.
(7) File E-8 (II), Sir Percy Cox, Note regarding Interview with Bin Saud on 28th December 1915.
(8) Ibid., Political Agent, Bahrein, to the Political Resident in the Persian Gulf, Basrah, 22 Feb. 1916.
(9) File 2182/1913, part 5, Draft from India Office to Viceroy, 30 June 1916.
(10) File E-8 (II), Translation of a Letter from Abd-el-Aziz Ibn Abd-er-Rahman al Faisal dated 20 July 1916 to His Honour Sir Percy Cox, H. M. Consul in the Persian Gulf.
(11) Ibid., Abdul Aziz ibn Abdur Rahman al Faisal to The Chief Political Officer, Basrah, 15 Aug 1916.
(12) Eastern Bureau, Basrah Branch, Translation of a Letter from Ibn Sa’ud to the Sharif of Mecca dated 18th Shawal 1334 (15 August 1916). Le Chérif répliqua en termes peu diplomatiques que de telles exigences ne pouvaient qu’être le fruit d’un esprit dérangé, Eastern Bureau, Translation of a Letter from Sharif Hussein of Mecca to Abdul-Aziz, 5 Sept. 1916.
(13) File X-4, British Relations with Ibn Saud, Translation of a Letter from Bin Saud to Sir Percy Cox, dated 3rd September 1916.
(14) File 2182/1913 part 5, From Sir Percy Cox, Arab Bureau, addressed to Bureau, Cairo for information, repeated to Foreign and Secretary of State for information and favour of instructions, 8 Sept. 1916.
(15) Ibid., Egypt, Military, Decipher Sir H. McMahon, Basrah telegram unnumbered Sept. 8, to Secretary of State for India, 13 Sept. 1916.
(16) Ibid.,Reg 3665, Arthur Hirtzel, Communication de l’accord signé avec Ibn Saoud. Minute manuscrite, 20 Sept. 1916.
(17) Ibid., Draft telegram to Viceroy, (repeated to Cox for instructions), 19 Sept. 1916.
(18) Ibid., Secretary of State to Viceroy, 25 Sept. 1916.
(19) Ibid., Telegram, Cox to London Office, Basrah, 6 Oct. 1916.
(20) File E-8 (II), Translation of a Letter from Chief Political Officer to Amir Abdul Aziz al Faisal al Saoud, Oct. 18, 1916.
(21) File 2182/1913 part 5, From Secretary of State to Viceroy, 27 Oct. 1916.
(22) Ibid., Sir Henry McMahon to Sir Edward Grey, Letter from Col. Wilson, Jedda, to the Grand Sherif and Amir of Mecca, 21 Oct. 1916.
(23) Eastern Bureau, Basrah Branch, Translation of a Letter dated 24th Dill Haj 1334 (22nd October 1916) from Abdul Aziz bin Abdur Rahman al Faisai bin Sa’ud, Ruler of Nejd, to the Hon’ble Sir Percy Cox, Chief Political Officer in Iraq.
(24) File 2182/1913 part 5, Telegram from Foyle, Bahrein, to Sir Percy Cox, 28 Oct. 1916.
(25) Ibid., Telegram from Foreign Office and War office, 22 Oct. 1916 ; telegram from Viceroy to Secretary of State for India, 15 Oct. 1916 ; note manuscrite de Hirtzel, 14 Oct. 1916.
(26) Historical Summary of Events in the Territories of the Ottoman Empire.
(27) Relations with Ibn Saoud, Note prepared by Arab Bureau, Iraq section.
(28) Ibid., Sir Percy Cox to Foreign, repeated to Secretary of State.
(29) Relations with Ibn Saud, Note prepared by Arab Bureau, Iraq Section.
(30) File 2182/1913 part 5, From Sir Percy Cox, 21st November 1916, (Addressed to Foreign, repeated to Secretary of State for India, Cairo and Basrah).
(31) File 2182/1913 part 5, Grand Shereef’s amende honorable, 2nd Dec. 1916.
(32) Eastern Bureau, Translation of a set of instructions to be communicated to and imposed upon the Dhafir, Shammar Aslam and Ajman, with the consent and approval of Ibn Sa’ud and the Sheikhs of Kuwait and Mohammerah, 22 Nov. 1916.

Publié le 21/11/2017


Yves Brillet est ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure de Saint Cloud, agrégé d’Anglais et docteur en études anglophones. Sa thèse, sous la direction de Jean- François Gournay (Lille 3), a porté sur L’élaboration de la politique étrangère britannique au Proche et Moyen-Orient à la fin du XIX siècle et au début du XXème.
Il a obtenu la qualification aux fonctions de Maître de Conférence, CNU 11 section, a été membre du Jury du CAPES d’anglais (2004-2007). Il enseigne l’anglais dans les classes post-bac du Lycée Blaringhem à Béthune.


 


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