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Les temps modernes, dossier spécial « Soulèvements arabes », numéro 664, mai-juillet 2011

Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 12/07/2011 • modifié le 20/04/2020 • Durée de lecture : 5 minutes

Dans ce dossier spécial « Soulèvements arabes », neuf auteurs font part de leur analyse sur ces événements.

Laurent Jeanpierre et Patrice Maniglier s’interrogent en avant-propos sur ces révolutions, en particulier sur leur aspect soudain et surtout imprévisible. Cependant, pour les auteurs, une telle réflexion est une « lapalissade » : « le propre d’une révolution est précisément de ne pas être prévue, sans quoi elle ne serait pas une révolution, et sans doute, d’ailleurs, n’aboutirait jamais, car ceux qui la craignent sauraient l’éviter à temps ».

Trois auteurs évoquent la situation en Tunisie. Choukri Hmed, dans son article dont le titre reprend le premier vers du dernier couplet de l’hymne national tunisien « Si le peuple un jour aspire à vivre, le destin se doit de répondre », pose le constat : « apprendre à devenir révolutionnaire en Tunisie ». Il estime que les événements en Tunisie, une fois passés, ont été depuis « jetés aux oubliettes médiatiques », alors que, selon lui, rien n’est réglé. Il explique également que l’expression utilisée en Occident afin d’évoquer ce mouvement, « Révolution du Jasmin », a été « récusée » par bon nombres de personnalités politiques en Tunisie, car elle n’était pas représentative de la situation. L’auteur revient alors sur les faits qui se sont déroulés en Tunisie : la fuite du président Ben Ali, le climat d’incertitude, les affrontements et la répression. Choukri Hmed évoque alors les moyens de « socialisation politique » qui ont permis aux différents « groupes sociaux » de participer ou d’assister aux événements. Les événements ont également conduit la population tunisienne « à rompre leur autonomie et à créer de nouveaux espaces de confrontation », qui sont analysés par l’auteur. En conclusion, Choukri Hmed estime que l’incertitude quant à l’avenir de la Tunisie demeure, en lien également avec les événements en Libye. Antoine Hatzenberger revient également sur les événements tunisiens dans son article « L’hiver à Tunis et le printemps », avec comme prisme d’analyse les écrits de philosophes. Ceux de Rousseau sont étudiés, en particulier ses réflexions sur « la meilleure Constitution d’un Etat », et sont mis en perspective avec la situation en Tunisie. Les actes de courage de Tunisiens pendant la révolution sont notamment relatés, car ils sont perçus par l’auteur comme des faits ayant permis la « révolution démocratique ». Sylvie Camet relate pour sa part les événements tunisiens tels qu’elle les a vécu en janvier 2011, dans son article intitulé « Journal de la Tunisie en révolte ».

L’Egypte est traitée dans l’article d’Assia Boutaleb : « L’enjeu égyptien : protestataires, opposants et ruse de la raison autoritaire ». L’auteur s’interroge en effet sur la notion d’autoritarisme et sur sa finalité : « formule instable, l’autoritarisme est condamné à se réinventer sans cesse, à craindre et à évoluer. Il doit toujours se présenter comme étant à lui-même sa propre alternative. Sans doute est-ce là sa ruse véritable ». La constance et la détermination des Egyptiens est un autre point de son analyse, ainsi que la non-intervention de l’armée. Un rappel des mobilisations antérieures et des revendications suit, depuis les années 2000, mettant en évidence l’évolution de ces mouvements : « Les années 2008-2010 ont donc connu une accélération et une amplification de la dynamique protestataire : multiplication des appels à la grève, à la manifestation, mais aussi approfondissement des actions contestatrices indépendantes des formations politiques ». Au final, au regard de cette analyse, l’auteur estime que le peuple égyptien ne s’est pas « éveillé » en 2011. Suivent également les événements marquants de la révolte place Tahrir (« la contre-attaque à cheval et à chameau des séides du régime », les journées place Tahrir et l’organisation du quotidien) ainsi que la présentation des acteurs politiques (ceux de l’ancien gouvernement, les Frères musulmans, Mohamed El Baradei).

Claire-Gabrielle Talon étudie quant à elle « Al Jazeera, objet médiatique original, une critique des normes journalistiques occidentales ». Le constat de l’auteur est le suivant : « Aujourd’hui considérée comme un acteur clé des processus de démocratisation arabes, Al Jazeera demeure cependant une chaîne de télévision mal connue, dont le fonctionnement est encore largement ignoré et dont les lignes éditoriales provoquent les analyses les plus contradictoires ». Claire-Gabrielle Talon rappelle alors les origines de la chaîne, mise en place par l’émir du Qatar en 1995, les conflits d’intérêt au sein de la famille régnante et leurs conséquences éditoriales pour la chaîne, le positionnement éditorial d’Al Jazeera face aux médias occidentaux, en particulier face à leur couverture de l’actualité au Moyen-Orient et à leur notion d’objectivité. Lors des événements de 2011, « ce journalisme engagé a permis à Al Jazeera de jouer un rôle essentiel dans la diffusion de la révolte et de s’imposer comme un acteur démocratique à part entière dans la région ». La chaîne a notamment soutenu les révolutionnaires en Tunisie, Egypte et Libye, mais en raison des liens du Qatar avec l’Arabie saoudite par exemple, la révolte au Bahreïn n’est pas couverte « avec autant d’enthousiasme ». L’auteur souligne en outre que la chaîne est une source d’information pour le monde entier, par ses analyses de qualité, son refus de la censure et « l’équilibre » des sources utilisées. La version anglaise de la chaîne Al Jazeera est également étudiée par Claire-Gabrielle Talon.

Laurent Jeanpierre s’intéresse aux « points d’inflexion des révoltes arabes ». Sa problématique est la suivante : « Identifier, localiser ces points d’inflexions dans les fils entremêlés des révoltes arabes actuelles est ce qui permet de situer leur singularité historique et la manière dont elles bouleversent nos connaissances préalables sur les mobilisations et les révolutions ». Il s’intéresse ainsi aux facteurs qui ont permis l’apparition de ces soulèvements : facteurs démographiques, éducatifs et économiques ; facteurs politiques liés au régime autoritaire et sécuritaire, à la corruption et à l’appropriation des ressources nationales par une minorité. L’auteur s’interroge ensuite sur les « rebelles » et relève que dans ces pays, les forces d’opposition aux pouvoirs en place étaient faibles. Les opposants se sont alors structurés autour des réseaux sociaux et d’Internet, autour des réseaux anciens des syndicats, groupes d’ouvriers grévistes, ONG, organisations des quartiers dans les villes… Au regard de ces différents critères, la spécificité des révoltes dans chaque pays est évoquée, ainsi que leurs liens avec l’Occident, en particulier économiques. S’interrogeant sur l’avenir, l’auteur estime que « les processus révolutionnaires sont longs, ils prennent souvent plusieurs années, mais il n’en est pas un qui n’ait débouché sur une issue révolutionnaire sans passer par une polarisation politique au sein des forces contestataires ».

Claude Lanzmann livre son analyse sur la situation en Libye et sur celle des populations. L’intervention militaire est également étudiée, en particulier « la façon dont (celle-ci) avait été engagée au premier chef par la France, même si celle-ci avait réussi à se faire un certain nombre d’alliés sous la bannière de l’ONU ».

Patrice Maniglier s’interroge sur la crise financière de 2008 et sur les révolutions dans le monde arabe, et pose deux questions : « combien de temps cela pourra-t-il encore durer ? » ; « que toute révolution implique une crise de la parole signifie-t-il que toute parole est, par principe et par nature, illégitime ? » Il fait alors le point sur ces deux sujets.

Publié le 12/07/2011


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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