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Mohammad-Reza Djalili et Thierry Kellner, Histoire de l’Iran contemporain

Par Mathilde Rouxel
Publié le 15/09/2017 • modifié le 27/04/2020 • Durée de lecture : 5 minutes

Un ouvrage de synthèse riche et précis

L’ouvrage suit une lecture chronologique des deux derniers siècles de l’histoire de l’Iran. En suivant l’évolution des différents mouvements et courants politiques qui régirent ce grand pays, les deux auteurs présentent avec clarté les six grandes étapes qui composent l’histoire politique, sociale et économique de l’Iran entre 1796 et 2009. Le choix de cette périodisation est intéressant : l’entrée dans le XIXe siècle marque l’intégration de la Perse à l’économie mondiale ; c’est aussi le temps des premières réformes et des premiers dialogues avec des partenaires internationaux, ceux-là qui ouvrirent très vite la porte à l’ingérence des grandes puissances russe et européennes.

Des encadrés expliquant quelques événements fondamentaux de l’histoire du pays complètent cet ouvrage, ainsi qu’une section dédiée à une liste très complète de repères chronologiques qui permettent de reprendre dans le détail l’évolution de la politique intérieure et internationale sur l’ensemble de la période étudiée. Une riche bibliographie, enfin, clôt ce travail en offrant des clés supplémentaires au lecteur intéressé par les questions abordées dans l’ouvrage.

Deux cent ans d’histoire en six grandes périodes majeures

Une première partie consacrée aux Qadjar fait état de l’intrusion des intérêts russes et britanniques dans les affaires persanes. C’est aussi une période d’instabilité politique qui caractérise ce début de XIXe siècle, pourtant également marqué par le développement des exploitations de pétrole. Cette entrée dans le monde moderne provoque l’émergence d’un mouvement de contestation, qui aboutit à la première révolution constitutionnelle du Moyen-Orient (1906-1911). La constitution est signée en 1906, et resta en vigueur jusqu’en 1979.

La notion de vilayet e faqih (formule reprise par Khomeyni pour désigner le gouvernement du juriste théologien) apparaît pour la première fois et désigne le pouvoir juridique, détaché du pouvoir politique. Les objectifs de ces réformes ne sont pas atteints, et la révolution s’étiole en 1911, avant même le déclenchement de la Première Guerre mondiale, dans laquelle la Perse se trouve bien malgré elle violemment impliquée : s’y jouent en effet les intérêts russes et britanniques, desquels le pays ne peut se départir. À la sortie de la guerre, la question d’un partage du pays entre la Russie et la Grande-Bretagne est évoquée ; mais c’est cette dernière qui tente le plus directement d’imposer sa mainmise sur le territoire en imposant la signature d’un traité anglo-perse vigoureusement rejeté par les Perses.

Cette résistance permet à Reza Khan d’accéder au trône, dont il se saisit en 1926, marquant la fin de la dynastie Qadjar. Il règne sur ce qui se nomme désormais Iran, et entreprend un lourd travail de modernisation, de centralisation, d’unification et de sécularisation du système juridique qui lui permettent de trouver une place de choix sur l’échiquier international. Il favorise avec son voisinage les pactes de non-agression et balance les influences soviétiques et britanniques tout en développant des relations privilégiées avec l’Allemagne. Ses dérives autoritaires lui valent toutefois sa déposition par les anglo-soviétiques en 1941, laissant place à son film, Mohammad-Reza Shah.

Conscient de l’impact de l’opposition du clergé dans la démission de son père, Mohammad-Reza shah permet aux religieux de revenir sur le devant de la scène politique. Dès les années 1940, mais surtout durant la guerre froide (en réaction au conflit provoqué par la proclamation de la république autonome de l’Azerbaïdjan, sous protection soviétique), l’Iran se rapproche des États-Unis, jusqu’à devenir l’un des piliers principaux du bloc occidental dans la stratégie établie au Moyen-Orient par les États-Unis. Suite à une crise liée à la nationalisation des installations pétrolières à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le pouvoir de Mohammad-Reza shah se révèle de plus en plus autoritaire ; une série de réformes modernistes imposée dans les années 1960-1970 (la « révolution blanche ») provoque, malgré les succès du shah, l’émergence d’une opposition dominée par Rouhollah Khomeyni.

Khomeyni sut rassembler l’opposition de telle sorte que le shah est renversé en 1979 à son profit. Le régime impérial est mis à bas, remplacé par une République islamique d’inspiration divine. Un « Guide » (instance théocratique) est instauré, qui domine l’édifice institutionnel ; l’islamisation de l’enseignement est lancé. Du point de vue de la politique étrangère, le nouveau régime suit les principes de la révolution, défendent les intérêts tiers-mondistes et se déclare anti-sioniste et anti-américain.

Khomeyni meurt en 1989 ; il est remplacé par Rasfandjani, qui préside entre 1989 et 1997. Il fait face aux défis de la reconstruction, lourde conséquence des huit ans de conflit de la guerre Iran-Irak déclenchée par Bagdad en septembre 1980. Il tente également de sortir de l’isolement international dans lequel le régime de Khomeyni avait plongé l’Iran, renouant ses liens avec la communauté internationale dans le but de relancer les investissements privés. Toutefois, les réformes économiques de Rasfandjani échouent. Son successeur, Khatami, change de stratégie et décide d’ouvrir politiquement le régime. Sa crédibilité est rapidement attaquée par une opposition conservatrice qui reprend du pouvoir localement (dans les municipalités) puis plus nationalement (au Parlement). Une nouvelle génération de militants islamistes arrive au pouvoir, portant Mahmoud Ahmadinejad au pouvoir en 2004. Celui-ci s’appuie sur le clergé chiite et les Gardiens de la Révolution, et s’adresse davantage aux classes sociales les plus défavorisées, alors que son prédécesseur était principalement soutenu par les classes moyennes. La question du nucléaire attise les tensions entre Téhéran et Washington : l’opposition à Israël et aux États-Unis domine la politique étrangère de Mahmoud Ahmadinejad, qui tente de jouer la carte de la victimisation pour créer une cohésion nationale autour de son régime. À la suite de fraudes massives, il est réélu en 2009 à la présidence de la République islamique. Une « Révolution verte » s’organise, réprimée massivement mais fragilisant beaucoup la légitimité du régime. L’embargo pétrolier imposé par l’Europe en 2012 pèse lourdement sur l’économie du pays, et conduit au départ d’Ahmadinejad au profit de Hassan Rohani, élu en 2013. Vue comme une « victoire des modérés contre les islamistes », la présidence de Rohani est marquée par la relance des négociations sur le nucléaire avec le P5+1 (cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies plus l’Allemagne), qui conduisent aux accords historiques de juillet 2015. Malgré ces avancées, l’arrivée au pouvoir de Rohani n’a pas modifié la politique régionale de l’Iran, comme en témoigne son implication en Syrie ou au Yémen. La remise en question des accords sur le nucléaire par le président américain Donald Trump est également une source d’inquiétude lorsqu’il s’agit de réfléchir à la place que se destine à occuper l’Iran sur l’échiquier international dans les années à venir.

Mohammad-Reza Djalili, Thierry Kellner, Histoire de l’Iran contemporain, Paris, Éditions La Découverte, 2017 (2010), 126 p.

Lire également sur Les clés du Moyen-Orient : Mohammad-Reza Djalili, Thierry Kellner, L’Iran en 100 questions

Publié le 15/09/2017


Suite à des études en philosophie et en histoire de l’art et archéologie, Mathilde Rouxel a obtenu un master en études cinématographiques, qu’elle a suivi à l’ENS de Lyon et à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, Liban.
Aujourd’hui doctorante en études cinématographiques à l’Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle sur le thème : « Femmes, identité et révoltes politiques : créer l’image (Liban, Egypte, Tunisie, 1953-2012) », elle s’intéresse aux enjeux politiques qui lient ces trois pays et à leur position face aux révoltes des peuples qui les entourent.
Mathilde Rouxel a été et est engagée dans plusieurs actions culturelles au Liban, parmi lesquelles le Festival International du Film de la Résistance Culturelle (CRIFFL), sous la direction de Jocelyne Saab. Elle est également l’une des premières à avoir travaillé en profondeur l’œuvre de Jocelyne Saab dans sa globalité.


 


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