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Par Lisa Romeo
Publié le 07/08/2010 • modifié le 02/03/2018 • Durée de lecture : 4 minutes

Réunion des Officiers libres au Caire en 1952

AFP

L’organisation

Le comité des Officiers libres est une organisation révolutionnaire clandestine qui se forme au sein de l’armée égyptienne à partir de 1945 sous l’impulsion de Gamal Abdel Nasser et Abd al-Hakim Amer. Il prend le pouvoir en 1952 à la suite d’un coup d’Etat. Son but est de libérer l’Egypte de « impérialisme et de ses deux alliés, la féodalité et le capitalisme, qui maintiennent la majeur partie des citoyens en esclavage » [1]. Les Officiers libres rêvent de justice sociale et d’obtenir l’évacuation complète des Britanniques qui stationnent dans la zone du canal de Suez et au Soudan et qui souhaitent réaffirmer leur présence dans le pays. L’incapacité et l’avidité de la monarchie du jeune roi Farouk sont également visées. Celui-ci est vivement critiqué pour ses mœurs et pour son recours toujours plus fréquent à la corruption.

Le mouvement est financé par les contributions des officiers et s’organise autour de cinq branches : la direction des affaires économiques, la direction des sections d’assaut, le comité de sécurité, le comité de terrorisme et la direction de la propagande. Des tracts rédigés par Khaled Mohieddine et Nasser sont diffusés au sein de l’armée ; le mouvement recrute et étend ses contacts à d’autres organisations nationalistes, antibritanniques et antiroyalistes, comme les Frères musulmans. A partir de 1949 et de la défaite de Palestine (guerre à laquelle de nombreux Officiers Libres ont participé), le groupe s’élargit et se réorganise. Un Comité Exécutif est formé regroupant les principales personnalités de l’organisation : Gamal Abdel Nasser, Kamaleddine Hussein, Abdel Hakim Amer, Hassan Ibrahim, Abdel Monein Abdel Raouf, Salah Salem, Gamal Salem, Abdel Latif Boghdadi, Khaled Mohieddine et, à partir de 1950, Anouar El Sadate. En 1952, on compte environ 350 membres regroupés dans des cellules secrètes. Mis à part le général Neguib, ils sont jeunes (Nasser n’a que 34 ans au moment de la Révolution), issus de la petite bourgeoisie, peu gradés et pour la plupart inconnus des réseaux politiques traditionnels.

Vers la Révolution de juillet 1952

La crise du régime et la montée de l’instabilité politique mais aussi la défaite arabe contre Israël en 1948-1949, confortent les Officiers libres dans leur volonté de changer profondément le système égyptienne. En 1949, un plan révolutionnaire est élaboré et doit être appliqué cinq ans plus tard, mais la montée des tensions en Egypte bouleverse le calendrier.

L’instabilité sociale et politique atteint son paroxysme au début des années 1950. Le mécontentement s’intensifie au sein de l’opinion qui souffre de la montée du chômage ; des organisations d’extrême droite et d’extrême gauche multiplient leurs actions contre le régime ; les campagnes antibritanniques se radicalisent et deviennent plus violentes. Une guérilla antibritannique se déclenche dans la zone du canal de Suez dans les années 1950-1951 et les Britanniques finissent par attaquer le 25 janvier 1952 une caserne de police à Ismaïlia. L’incident fait une cinquantaine de morts. Le lendemain, des émeutes éclatent au Caire où les manifestants attaquent des bâtiments et des symboles européens. Le parti Wafd au pouvoir proclame la loi martiale et réprime les mouvements de contestation et le roi suspend le Parlement et met en place une dictature royale. Face à l’exacerbation des tensions, le comité des Officiers libres décide alors de déclencher un coup d’Etat : ils s’emparent du palais royal, sans effusion de sang, dans la nuit du 22 au 23 juillet. Le lendemain, Anouar El-Sadate annonce à la radio que l’armée a été purgée de ses membres incompétents. Farouk s’exile le 26. Le 18 juin 1953 marque officiellement la fin de la monarchie et la proclamation de la République.

Les Officiers libres au pouvoir

Une fois au pouvoir, les Officiers libres instaurent un Conseil de la Révolution composé, à quelques exceptions près, des anciens membres du Comité Exécutif. Ali Maher le préside jusqu’en septembre. Il est alors remplacé par le général Neguib. Nasser devient le chef du Conseil. Ils paraissent plus unis par leur patriotisme que par une conception commune du pouvoir, leur programme politique étant finalement assez flou. Une réforme agraire est promulguée dès septembre 1952 et une constitution provisoire est rédigée, abolissant celle de 1923. En juin 1953, lorsque que la République est proclamée, Neguib en devient le président et Nasser le Premier ministre, mais c’est surtout ce dernier qui tient la réalité du pouvoir. Ils sont d’abord proches des communistes et des Frères musulmans qui les ont aidés à s’emparer du pouvoir. Le gouvernement dissout toutefois les partis politiques en janvier 1953 et un régime autoritaire se met en place avec pour unique parti le « Rassemblement de la Libération ». Le mouvement des Frères musulmans, qui n’est pas considéré comme un parti, est toléré jusqu’à ce que Nasser le fasse interdire en février 1954. Nasser donne une orientation laïque au pouvoir et s’oppose ainsi à Neguib, dont la vision du pouvoir est panislamique. Neguib est finalement écarté et placé en résidence surveillée le 13 novembre 1954. Nasser, ainsi débarrassé de toute opposition politique, est élu Président le 23 juin 1956 avec 99,9 % des voix. Il négocie en 1954 le départ définitif des troupes britanniques pour juin 1956. Il reste au pouvoir jusqu’à sa mort en 1970, et un autre Officier Libre, Anouar al-Sadate, devient Président.

Bibliographie
 Bernard Lugan, Histoire de l’Egypte des origines à nos jours, Paris, Editions du Rocher, 2002.
 Nada Tomiche, L’Egypte moderne, Paris, Presses universitaires de France, 1966.
 Georges Vaucher, Gamal Abdel Nasser et son équipe, les années d’humiliation et la conquête du pouvoir, Paris, René Julliard, 1959.

Publié le 07/08/2010


Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.


 


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