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Le 6 décembre 2017, Donald Trump annonçait la mise en œuvre d’une de ses promesses de campagne les plus emblématiques : le déplacement de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem. Il reconnaissait ainsi la ville trois fois sainte comme capitale de l’Etat d’Israël. Déjouant tous les pronostics qui affirmaient que le déménagement ne pourrait se faire avant plusieurs années, le président américain a par la suite annoncé que sa décision serait mise en œuvre le 14 mai 2018. Cette date symbolique correspond à la fois aux 70 ans de la déclaration d’indépendance d’Israël selon le calendrier grégorien, et à la veille de la Naqba, le jour de la commémoration de l’exil de 1948 pour les Palestiniens.
Côté palestinien, la décision américaine avait alors entraîné de vives réactions. Le Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, avait appelé à manifester et le Hamas avait lancé la 3e Intifada. Les Palestiniens revendiquent Jérusalem comme capitale depuis plusieurs décennies. C’est le 15 novembre 1988, à Alger, que le Conseil National Palestinien avait déclaré l’indépendance de l’Etat palestinien avec Jérusalem comme capitale (1).
En amont des préparatifs du 14 mai, d’importantes mobilisations palestiniennes étaient donc attendues. D’autant plus que quelques semaines précédant le déménagement, les Palestiniens avaient amorcé la « Marche du retour », des mobilisations étalées sur 10 semaines avec pour principale revendication le retour des réfugiés sur leurs terres de 1948. Concentrées dans la Bande de Gaza, le long de la frontière avec Israël, ces manifestations ont débuté le 30 mars dernier. Une date qui n’a pas été choisie par hasard, car elle correspond à la commémoration du 30 mars 1976 : suite à une grève lancée par des Palestiniens pour protester contre la confiscation de plusieurs terres en Galilée, six manifestants avaient été tués par les autorités israéliennes.
Ainsi, à partir du 30 mars dernier, des milliers de Gazaouis se sont retrouvés à la frontière, chaque vendredi, soit mobilisés par le Hamas, soit de leur propre gré. En partie pacifiques, ces mobilisations ont néanmoins débouché chaque semaines sur des affrontements entre certains manifestants et l’armée israélienne, postée de l’autre côté de la frontière. Toutes les « Marches du retour » se sont soldées par des bilans meurtriers.
Le déplacement de l’ambassade américaine s’est donc amorcé dans un contexte de fortes tensions dans les Territoires palestiniens.
A Jérusalem, la mobilisation a été contenue. Trois ans après le début de l’Intifada des couteaux, les Jérusalémites palestiniens n’étaient pas prêts à se mobiliser, et la police israélienne était fortement préparée.
En revanche, en Cisjordanie, des milliers de manifestants sont descendus dans les rues pour dénoncer la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par les Etats-Unis, et invoquer le « droit au retour ».
A Ramallah, la mobilisation a débuté sur la place de l’Horloge (parfois appelée place Arafat), puis a continué sur la place Manara, considérée comme le cœur de la ville. Principalement rythmée par des défilés et des mobilisations de type familial, la manifestation s’est déroulée dans le calme.
Mais la colère était visible. Les drapeaux israélien et américain ont été brulés au début de la mobilisation.
Les manifestants ont ensuite marché le long de la route menant à Jérusalem. Mais seulement une partie d’entre eux, en majorité des hommes d’une vingtaine d’années, se sont rendus jusqu’au mur de séparation (appelé mur de sécurité en Israël), au niveau du checkpoint de Qalandia, qui sépare Jérusalem de Ramallah. C’est à Qalandia que d’importants heurts ont éclaté.
Des jeunes Palestiniens envoient des pierres, un outil couramment utilisé dans les affrontements avec l’armée israélienne depuis la Première Intifada (1987-1993).
L’armée réplique fréquemment par l’utilisation de gaz, d’un niveau élevé, et des tirs. Les tirs en direction des manifestants sont probablement des balles en caoutchouc, mais des balles réelles sont utilisées pour tirer en l’air.
Certaines grenades lacrymogènes sont renvoyées par les manifestants sur les soldats.
Des femmes, mais aussi des enfants sont présents dans les affrontements.
Plusieurs blessés sont recensés. Le Croissant rouge palestinien et des secouristes sont présents en grand nombre.
Le feu est utilisé par les manifestants pour brouiller la visibilité des soldats.
La mobilisation a duré plusieurs heures, le checkpoint de Qalandia était alors totalement fermé.
Dans la Bande de Gaza, les affrontements ont été d’une intensité bien plus élevée. Ils se sont soldés par la mort de 60 personnes, et a provoqué une condamnation internationale quasi unanime. Suite à ces événements, qualifiés de « massacres » par Mahmoud Abbas, une réunion d’urgence a été organisée au Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi qu’entre les Etats de la Ligue Arabe. Ces rencontres ont pour le moment débouché sur des déclarations d’intention et des condamnations diplomatiques. En revanche, au lendemain de ces événements meurtriers, les relations bilatérales entre la Turquie et Israël se sont fortement dégradées. Ankara a renvoyé l’ambassadeur israélien, et en réponse, Tel-Aviv a demandé le départ du Consul général turc à Jérusalem, entraînant ensuite celui du Consul général israélien à Istanbul (2).
Ines Gil
Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban).
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.
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