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Situé à l’extrême Ouest de l’Iran, le Kurdistan iranien est une province historique de la Perse qui se distingue par sa forte identité culturelle et politique. Le peuple kurde qui l’habite constitue la plus nombreuse minorité d’Iran après les Turcs azéris et compte 10 millions d’habitants, ce qui représente 13% de la population totale du pays. En raison de sa forme rectangulaire toute en latitude, le fief des Kurdes longe la frontière Ouest iranienne respectivement avec l’Irak au Sud et avec la Turquie au Nord. Cette configuration géographique particulière trahit une situation géopolitique complexe du peuple kurde puisque le Kurdistan iranien accole en fait au Kurdistan turc et iraquien. Ce territoire kurde culturellement cohérent, de nature transnationale, est ainsi réparti sur quatre Etats si on y ajoute aux trois cités la Syrie.
Nous désignerons donc ici par le terme de Kurdistan iranien la région peuplée par le peuple kurde en Iran. Une telle précision est pertinente puisque ce territoire nommé Rojhelat est bien plus étendu que celui de la province administrative du Kurdistan établi par le pouvoir central de Téhéran. De même, la capitale politique de cette province est aujourd’hui Sanandaj, alors que la capitale historique du Rojhelat est la ville de Mahābād. Cet écart entre découpage administratif et réalité historique à première vue surprenant, est pourtant aisément explicable au regard de la trajectoire politique contemporaine du peuple kurde en Iran. De fait, ces mesures politiques prises depuis Téhéran visent à casser un éventuel réveil du nationalisme kurde dont l’histoire avec le gouvernement central est tumultueuse. En effet, loin de dater de la République islamique instituée par l’imam Khomeiny, le nationalisme kurde a connu son apogée contemporaine et sa plus cuisante défaite sous le Shah.
Lors de la Révolution iranienne de 1979, les Kurdes tout comme les communistes ou encore les libéraux font partie des principaux groupes d’opposition politique à Mohammad Reza Shah (1) . Ce ressentiment contre le pouvoir du monarque Pahlavi est d’autant plus vif chez les minorités Turcs azéris et les Kurdes qu’elles ont connu un écrasement militaire de leur cause nationaliste pendant la Seconde Guerre mondiale.
Je ne reviendrai pas dans cet article sur la crise irano-soviétique et la lutte azérie, sujet capital pour ancrer historiquement la rébellion kurde, que je développe dans un article antérieur (2) . Second Etat kurde contemporain après la République d’Aratat en Turquie (1927-1930), la République du Mahābād connaît un court règne politique du 22 janvier au 15 décembre 1946 (3) . Profitant de la déstabilisation du gouvernement central de Téhéran par la présence britannique et soviétique lors de la Seconde Guerre mondiale (4) , le président kurde Qazi Muhammad proclame la République kurde. Cependant, trahit par son allié soviétique ayant signé un nouvel accord pétrolier avec le Shah, la République du Mahābād est écrasée par l’armée iranienne et Qazi Muhammad jugé et pendu en 1947.
Si la minorité kurde d’Iran est aujourd’hui bien moins intégrée que celle des Turcs Azéris, elle est cependant plus tolérée par la République islamique que ne le sont les Baloutches au Sud-Est ou encore les Afghans au Nord-Est. De plus, il convient de noter que la situation des Kurdes en Iran est plus enviable que celle des Kurdes en Turquie ou en Syrie, le cas des kurdes irakiens étant en ce moment un peu a part en vertu du fragile système fédéral de l’Etat. De fait, les pratiques culturelle et sociales des Kurdes en Iran sont très peu encadrées par Téhéran, qui, sur le modèle de l’empire laisse à ce peuple un degré de liberté certain à ce niveau. Cependant, il n’en reste pas moins qu’au niveau politique, toute expression d’une volonté d’autonomie administrative ou d’un nationalisme kurde peut mener à la répression.
Outre la question historique et politique du Kurdistan iranien, y voyager permet de découvrir une des plus belles régions d’Iran. Il convient de noter que les pratiques culturelles des Kurdes en Iran se rapprochent plus de celles des Kurdes irakiens que des Kurdes syriens et turcs qui forment un ensemble quelque peu à part. Les familles kurdes en Iran sont particulièrement hospitalières, ce qui permet de mieux appréhender leur traditions et croyances. De plus, la nature est omniprésente au Kurdistan comme dans la vallée d’Howraman où les habitants de petits villages perdus entre les montagnes ont fait de la culture des grenades leur exploitation première. Les photographies suivantes, prises lors de mon voyage au Kurdistan, permettent de donner un court aperçu de cette aventure tant historique qu’humaine.
Le village de Satiar, à quelques quarante kilomètres de Paveh accueille chaque année le festival de la Grenade. Logé entre de vastes montagnes, ce petit village Kurde est un des premiers de la vallée d’Howraman.
Des arbres à grenades dans la vallée d’Howraman. Elles sont encore vertes puisque ces fruits ne seront murs et récoltés qu’en automne.
Taq-e Bustan est un bas relief situé à quelques kilomètres de la ville de Kermânchâh, la plus peuplée du Kurdistan iranien. Datant de la fameuse dynastie Sassanide (224-651), elle est composée de trois tableaux représentants des événements politiques et sociaux de cet empire. Celui-ci, qui se trouve à la droite du monument, représente Shah Shapur II (379-383) qui reçoit une couronne du Dieu zoroastrien alors qu’il piétine l’empereur romain Julien l’Apostat.
Cette gorge rocheuse abrite une rivière et apparaît comme très typique du paysage du Kurdistan iranien. La nature sauvage y est très peu exploitée, ce qui explique la présence des nombreux loups en liberté et de réserves naturelles.
Le Bazar ou marché de Kermânchâh est très coloré en raison des nombreux tissus qui constituent la matière première des robes kurdes. Il s’agit d’une des régions de l’Iran dans laquelle les habitants sont le plus attachés à leur tenue traditionnelle.
Ce père de famille kurde qui fut mon hôte et guide lors d’une partie de mon voyage porte le large pantalon traditionnel kurde que tous sans exception arborent fièrement.
Les paysages et la nature du Kurdistan furent les plus impressionnants de ce voyage de deux mois en Iran, et sûrement parmi les moins touristiques.
Notes :
(1) RICHARD Yann, L’Iran de 1800 à nos jours, Paris, Flammarion, 2016.
(2) MALEK Gabriel, « L’Azerbaïdjan : un cas d’école de l’indépendantisme par l’étude du mouvement azéri en Iran », Le Grand Continent, Paris, décembre 2017.
(3) FAWCETT Louise, Iran and the Cold War, Cambridge, Cambridge Middle East Library, 1992.
(4) GHOLI MAJD Mohammad, August 1941 : the Anglo-Russian occupation of Iran and change of Shahs, Lanham, University Press of America, 2012.
Gabriel Malek
Gabriel Malek est étudiant en master d’histoire transnationale entre l’ENS et l’ENC, et au sein du master d’Affaires Publiques de Sciences Po. Son mémoire d’histoire porte sur : « Comment se construit l’image de despote oriental de Nader Shah au sein des représentations européennes du XVIIIème siècle ? ».
Il est également iranisant.
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