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Revue Moyen-Orient, numéro 10, « révolutions, le réveil du monde arabe », avril-juin 2011

Par La rédaction
Publié le 07/04/2011 • modifié le 20/04/2020 • Durée de lecture : 6 minutes

Dans un entretien réalisé par Caroline Ronsin, Philippe Droz-Vincent, maître de conférence à l’IEP de Toulouse, se penche sur « les sociétés civiles dans le monde arabe ». Il étudie notamment les caractéristiques de celles-ci et leur rôle dans les mouvements de contestation actuels. Pour Philippe Droz-Vincent, « il y a clairement un effet d’imitation, une vague qui se propage dans le monde arabe, voire jusqu’en Iran et au-delà. Tous les types de pouvoir sont potentiellement contestés, car il est vrai que les différences institutionnelles (monarchies, républiques) cachent souvent des similarités bien présentes : l’autoritarisme du pouvoir, y compris celui transmis à une « nouvelle génération » de quadragénaires il y a quelques années (Syrie, Maroc) ». Ces éléments sont renforcés par un autre : « la chute d’un élément en quelque sorte psychologique, le « mur de la peur » face à la police, à la répression, à la visite d’hommes en civil plus ou moins menaçants, à l’arrestation arbitraire et aux ennuis tout simplement ». Il évoque également le rôle de l’armée dans ces mouvements de contestation.

Denis Bauchard, conseiller pour le Moyen-Orient à l’Institut français des relations internationales (IFRI), analyse les causes du « printemps arabe », qui a surpris par sa soudaineté : « La rapidité de la propagation de l’onde de choc montre bien que les vulnérabilités que connaissent de nombreux pays arabes représentent un terrain favorable au développement de révoltes qui ont affecté et continuent d’affecter la quasi-totalité de ces pays ». Il dresse ainsi le tableau de la démocratie dans les Etats arabes, dont « le bilan est accablant » ; celui de la « démocratie en marche » et de son avenir. Pour l’auteur, « cette évolution vers la démocratie est inéluctable ; elle sera difficile et sans doute semée pendant de nombreuses années de troubles aussi bien économiques que politiques ».

Amin Allal, chercheur en science politique à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence, revient sur la crise en Tunisie, mais explique que le mouvement de contestation actuel, qui a eu pour conséquence le départ du président Ben Ali, a commencé bien avant, notamment en 2008 à Gafsa : « Pour comprendre les protestations qui ont lieu en Tunisie en ce début 2011, il faut tout d’abord analyser les caractéristiques singulières de chaque mobilisation protestataire. Les manifestations à Gafsa sont « ancrées » dans des raisons d’être, des énonciations et des relations socio-économiques spécifiques à la région minière. Ce retour sur Gafsa permet simultanément de constater des points partagés avec les révoltes qui vont lui succéder : un registre de dénonciation contre la corruption, une détermination contre la fatalité du chômage, une mobilisation surtout de jeunes déclassés et une action collective peu institutionnalisée, en tout cas en décalage avec la classe politique d’opposition et la direction de la centrale syndicale ».

Tewfik Aclimandos, chercheur associé à la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France, dans un entretien réalisé par Caroline Ronsin et Frank Tétart, décrypte la crise en Egypte, en particulier les raisons de la situation « explosive » avant le déclenchement de la crise ; le système clientéliste, qui « s’est délité et (qui) a amené à la crise du parti au pouvoir (le PND) » ; le rôle des Etats-Unis, celui de l’armée et des Frères musulmans. Sa conclusion sur l’avenir est mitigée selon qu’il se positionne en citoyen ou en chercheur : « Si je réponds comme un chercheur, je dirais que je suis pessimiste, que le nouveau régime aura d’énormes défis à relever, sera vite rattrapé par la situation économique catastrophique et qu’il y a un fort risque d’instabilité politique. En réalité, il s’agit d’une recomposition majeure dont personne ne voit les contours ».

Constance d’Ambrières et Alexis Renault-Sablonière, coopérants au Caire, livrent leur témoignage sur les événements, tels qu’ils les ont vécu du Caire.

Arie M. Kacowicz, professeur au département des relations internationales à l’université hébraïque de Jérusalem, s’intéresse au « réveil arabe vu de Jérusalem ». La problématique étudiée est la suivante : « Cet article met l’accent sur les répercussions que pourrait avoir le réveil arabe du point de vue d’Israël et du conflit israélo-arabe en proposant plusieurs perspectives en fonction des théories des relations internationales sur lesquelles la prospective se fonde ». Il étudie ainsi les différentes réactions des « réalistes » et des « libéraux » face aux événements et « leurs conséquences potentielles ».

Mark Tessler, professeur de sciences politiques à l’université du Michigan et codirecteur du projet Arab Barometer Survey, analyse « les comportements de la population arabe face à l’islam et à la politique ». Une enquête, réalisée dans le cadre de l’Arab Barometer Survey, met en évidence que l’ « opinion publique (est) très largement favorable à la démocratie, certaines personnes penchant pour un système laïc, d’autres pour un système politique démocratique accordant une place importante à l’islam. Seule une minorité d’individus y affiche des opinions intégristes, mais l’absence de démocratie dans le monde arabe ne peut être interprétée par les liens entre le public arabo-musulman et la religion ».

Narrimane Benakcha, en master Affaires internationales à Sciences Po Paris et à l’université de Columbia, dresse un bilan des révoltes dans le monde arabe, rappelant que « la tournure spectaculaire des événements actuels réside non pas tant dans la nature des revendications ou dans leur aboutissement que dans leur caractère inattendu et spontané ». Sont ainsi analysés les revendications des manifestants ; les traits communs des régimes, en particuliers leur longévité ; le rôle de l’armée. L’auteur s’interroge au final sur la manière de qualifier ces mouvements, sont-ils des « révoltes ou (des) révolutions » ?

La situation en Syrie est également analysée par Ignace Leverrier, ancien diplomate et chercheur arabisant. Il articule ses propos autour de la problématique suivante : « La position d’attente de la population syrienne s’expliquait moins par la proximité de ses convictions avec celles de Bachar al-Assad que par peur des représailles. Nous voudrions montrer ici que le pouvoir syrien n’est pas moins effrayé que la population ». L’auteur détaille les mesures mises en œuvre par le gouvernement ces dernières semaines (réformes économiques et sociales, moyens mis en place afin d’éviter toutes les manifestations d’agitation, soutien à Mouammar Kadhafi). Cependant, « au début du mois de mars 2011, Bachar al-Assad s’interroge. Il sait que les mesures adoptées au cours des deux mois précédents ne constituent pas des réponses suffisantes aux revendications de la population ». Ignace Leverrier détaille alors les options possibles du président syrien et leurs conséquences.

En plus de ce dossier sur les « révolutions » au Moyen-Orient, Théo Corbucci, journaliste spécialiste sur les médias du Proche et du Moyen-Orient, s’intéresse aux « chaînes satellitaires, outils d’influence, facteurs de puissance », qui en ce temps de crise, « ont une véritable influence sur le plan politique, mais également sur le plan diplomatique, voire stratégique ».

Julien Le Tellier, géographe, chargé de mission du Plan Bleu (PNUE/PAM), évoque la ville de Tanger, « interface entre Afrique et Europe » et sa position stratégique dans de nombreux domaines. Il dresse ainsi le portrait d’une ville, qui « après sa marginalisation pendant le règne de Hassan II (1961-1999), (…) profite de toutes les attentions de l’Etat qui concrétise à grands pas des projets de développement dans une région historiquement frondeuse ».

Cyril Fargues, comédien, chanteur et historien se penche sur le théâtre en Iran, dont il décrit le passé historique et l’évolution actuelle, rappelant que « si l’Iran occupe régulièrement le devant de la scène internationale pour des raisons géopolitiques évidentes (…), le grand public occidental ignore à peu près tout du colossal patrimoine théâtral persan et de l’étonnante vitalité artistique du pays ».

Emma Soubrier, chargée d’études au centre de doctrine d’emploi des forces du ministère de la Défense et étudiante en master 2 à l’université de Paris I, étudie la question de « la résistance à la guerre » lors de la guerre du Liban. L’auteur explique que « si la guerre du Liban a fait couler beaucoup d’encre, un sujet demeure absent de la profusion d’écrits sur la période : les actions civiles contre la guerre ». Sont ainsi analysées les « initiatives individuelles » et « collectives » de la résistance pendant la guerre civile.

Sommaire :
REGARD de Philippe Droz-Vincent sur les sociétés civiles dans le monde arabe
DOSSIER RÉVOLUTIONS
Le « printemps arabe » entre espoirs et désillusions 
par Denis Bauchard
Enjeux politiques en Tunisie : Des protestations de 2008 à la fuite de Ben Ali 
par Amin Allal
Égypte : « L’histoire commence aujourd’hui » 
Entretien avec Tewfik Aclimandos
La surprise égyptienne : la révolution du 25 janvier vue du Caire
Témoignage de Constance d’Ambrières et Alexis Renault-Sablonière
Repères révolutions : Démographie 
par Clémence Brutin, Marie-Hortense Varin et Maxime Leclercq
Le réveil arabe vu de Jérusalem
 par Arie M. Kacowicz
Les comportements de la population arabe face à l’islam et à la politique 
par Mark Tessler
Les révoltes arabes : convergences et hétérogénéités 
par Narrimane Benakcha
En Syrie aussi, la peur a commencé à changer de camp 
par Ignace Leverrier
GÉOPOLITIQUE
Chaînes satellitaires : outils d’influence, facteurs de puissance 
par Théo Corbucci
VILLES • SOCIÉTÉ
Interface entre Afrique et Europe : Tanger, ville port(e) en devenir 
par Julien Le Tellier
Le théâtre en Iran : un engouement millénaire 
par Cyril Fargues
HIER
Liban  : la résistance à la guerre (1975-1990) 
par Emma Soubrier

Publié le 07/04/2011



 


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