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Un an après le début de la révolution, le réalisateur italien Stefano Savona rend hommage au peuple égyptien dans son neuvième documentaire intitulé Tahrir, place de la Libération, sorti en salle le 25 janvier 2012.
Stefano Savona est né en 1969 à Palerme, en Sicile. Ayant séjourné en Egypte à de nombreuses reprises, il connait bien sa société et son histoire. Lorsqu’il apprend que des milliers de manifestants occupent la place Tahrir, dans le centre du Caire, il décide de se joindre aux protestataires. Au cœur de la contestation, il y improvise son nouveau long-métrage. Plus déterminés que jamais, des Egyptiens venus de divers horizons occupent jour et nuit cette place de plusieurs kilomètres, devenue un symbole fort de la lutte pour la démocratie et la liberté. On y réclame, d’une seule voix, le départ du président Hosni Moubarak qui, âgé de 83 ans, gouverne le pays depuis 1981. Stefano Savona immortalise alors, à l’aide d’un petit appareil photo qui filme, les visages d’une nouvelle Egypte assoiffée de liberté.
Stefano Savona arrive sur la place le 30 janvier 2011. Le film débute donc six jours après le début de la contestation. Il suit quatre jeunes qui militent sur la place depuis le premier jour du soulèvement sans négliger pour autant l’impression de masse qui se dégage du mouvement. Aucun commentaire ne vient s’ajouter à ceux des Egyptiens, Stefano Savona laissant les images parler d’elles-mêmes. Il fait ainsi vivre de l’intérieur, de jour comme de nuit, l’émotion et les évolutions de cette révolte populaire qui a bouleversé l’Histoire de l’Egypte en 18 jours.
Le film nous plonge immédiatement dans l’effervescence de la place Tahrir. La foule reprend en cœur les slogans inventifs et ironiques scandés par quelques leaders équipés de micros. Les langues se délient, on ose dorénavant crier haut et fort sa colère et défier le régime devant les caméras venues filmer l’événement. La corruption, le coût élevé de la vie, le chômage ou encore la difficulté des plus pauvres à se procurer un kilo de lentilles, sont maintenant ouvertement dénoncés. On découvre des pancartes rédigées en arabe mais également en anglais qui affirment au monde entier la volonté du peuple égyptien de reprendre son destin en main. Les drapeaux aux couleurs du pays s’agitent de partout et les Egyptiens semblent s’enorgueillir, pour la première fois depuis longtemps, de leur nationalité. On est alors mêlé aux discussions. L’ouverture et la diversité des occupants de Tahrir sont parfaitement mises en avant par le réalisateur italien. Des personnes venues de milieux très différents échangent et discutent librement d’un avenir sans Moubarak, de la propagande gouvernementale, des Frères musulmans, de leur espérance et leur crainte. On s’inquiète notamment du manque de leader et de la difficile représentativité du mouvement.
La place Tahrir se transforme ainsi en un lieu de rencontre pour des populations qui sont d’ordinaire peu mélangées. Hommes, femmes, enfants, vieillards, venant des villes, de la campagne, musulmans pieux et moins pieux, chrétiens, s’unissent sur la place contre le régime de Moubarak. Un père de famille raconte, par exemple, qu’il arrive de Suez avec sa petite fille pour soutenir le mouvement. Des inconnus dorment les uns à côté des autres, à même le sol ou dans des tentes, et se partagent leur nourriture. L’esprit de solidarité se manifeste également face à la répression et aux tentatives de délogement. Cette ambiance festive ne doit en effet pas faire oublier que la liberté a un coût et qu’il faut parfois l’obtenir au risque d’y laisser sa vie.
Les hommes cassent les pavés des trottoirs en mille morceaux et les utilisent comme projectiles contre les forces armées et les manifestants pro-Moubarak payés par le régime pour semer la zizanie. Défendant avec ardeur leur position, ils n’hésitent pas à affronter les forces du régime avec des chapeaux en carton comme seul protection. On observe alors les nombreux blessés secourus par leurs pairs qui reviennent se faire soigner au centre de la place.
De plus, Stefano Savona nous fait revivre de l’intérieur les différentes étapes de la révolution, sans toutefois nous donner des éléments chronologiques précis. On découvre ainsi une foule de personnes brandissant leurs chaussures en signe de protestation devant la retranscription du discours du Raïs qui annonce qu’il ne quittera pas le pouvoir de crainte que le pays ne sombre dans le chaos. On voit par ailleurs un des protagonistes encourager les autres à se rendre au musée égyptien du Caire situé au nord de la place afin de le protéger. On revit également avec émotion, le 8 février, l’arrivée de Wael Ghonim après douze jours de captivité et son discours sur la place. Accrochés à leur téléphones portables, de nombreux manifestants tentent de maitriser et de diffuser les informations.
Le 11 février 2011, après 18 jours de mobilisation, Hosni Moubarak annonce sa démission au peuple d’Egypte. La place Tahrir devient alors le théâtre de scènes de joie générale.
Lisa Romeo
Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.
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