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Territoires palestiniens, Syrie, Liban : point de situation sur les opérations militaires israéliennes au Proche-Orient (1/2). A Gaza

Par Emile Bouvier
Publié le 25/04/2025 • modifié le 09/05/2025 • Durée de lecture : 5 minutes

I. A Gaza, une situation sécuritaire et humanitaire toujours chaotique

Dans l’enclave palestinienne de Gaza, le cessez-le-feu conclu le 17 janvier 2025 et entré en vigueur le surlendemain entre Israël et le Hamas sous l’égide de l’Egypte et du Qatar, s’est montré initialement prometteur malgré de régulières violations de la trêve de part et d’autre de la ligne de front [1]. En tout, neuf échanges de prisonniers et de corps auront lieu, aboutissant en la restitution de vingt-cinq otages israéliens et de la dépouille de huit d’entre eux par le Hamas, et la libération de 1 800 prisonniers palestiniens par Israël [2]. Ce cessez-le-feu sera toutefois rompu dans la matinée du 18 mars par une reprise des bombardements par l’armée de l’air israélienne. Tel Aviv décrira ces opérations comme « des frappes préventives […] face à la volonté du Hamas d’exécuter des attaques terroristes, de reconsolider ses forces et de se réarmer ». La primature israélienne ajoutera avoir ordonné ces frappes après le « refus répété du Hamas de libérer nos otages » et son rejet des nouvelles propositions de cessez-le-feu [3]. Le mouvement palestinien ripostera alors aussitôt, tirant plusieurs barrages de roquettes sur Israël, y compris sa capitale Tel Aviv [4], tandis que les forces israéliennes reprendront leurs opérations terrestres : le 17 avril, Tsahal annoncera, après plusieurs avancées significatives [5], être désormais maîtresse de 50% du territoire gazaoui [6] et d’en avoir transformé 30% en « périmètre de sécurité » [7].

Sympathisants du Hamas ou non, musulmans comme chrétiens, les civils gazaouis apparaissent comme les premières victimes du conflit et leur situation, à cet égard, ne cesse de s’aggraver. En plus des frappes indiscriminées - près de deux mille civils auraient perdu la vie dans les bombardements depuis la rupture du cessez-le-feu le 18 mars [8], portant le nombre total de morts depuis le 7 octobre 2023 à au moins 51 300 [9] -, Israël mène un siège à Gaza, exerçant un blocus empêchant toute aide humanitaire. Paris, Berlin et Londres, pourtant alliés traditionnels d’Israël, ont eux-mêmes appelé le 23 avril Tel Aviv à cesser ce blocage [10] qui a poussé près de 95% des organisations de solidarité internationale à cesser leurs activités [11]. Les conséquences de ce blocage sont en effet multiples : les autorités gazaouies ont annoncé le 17 mars que la bande de Gaza entrait par exemple dans les premières phases d’un état de famine, 80% des Gazaouis ayant perdu tout accès à des sources de nourriture et 90% des habitants n’ayant plus accès à l’eau potable [12]. Les Nations unies estimaient pour leur part en janvier 2025 que plus de 60 000 enfants gazaouis auraient besoin de traitement contre la malnutrition aiguë au cours de l’année à venir [13].

Dès lors, quelles sont les perspectives d’un tel conflit ? A l’heure actuelle, cinquante-neuf otages seraient encore détenus dans la bande de Gaza, dont trente-cinq que les autorités israéliennes pensent être morts. Parmi ces otages, cinq ne seraient pas israéliens (trois Thaïlandais, un Népalais et un Tanzanien) et seuls deux d’entre eux seraient encore en vie [14]. Dans ce contexte, et alors que les frappes israéliennes se poursuivent dans la bande de Gaza [15], les négociations continuent sous l’impulsion notamment du Qatar et de l’Egypte. Le 22 avril, un responsable du Hamas a ainsi affirmé qu’une nouvelle mouture de cessez-le-feu avait été proposée par les médiateurs du conflit, consistant en une trêve d’une durée de cinq à sept ans, la libération de tous les otages israéliens en échange de prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes et un retrait israélien complet de Gaza. Tel Aviv n’a pas commenté cette proposition pour le moment mais, à la suite d’un appel entre la primature israélienne et le président américain le même jour, ce dernier a affirmé sur le réseau social TruthSocial que Benjamin Netanyahu et lui étaient « du même côté sur tous les sujets », une affirmation à laquelle le Premier ministre israélien a répondu, sur le même réseau social, par « Merci, président Trump ! » [16]. Cette nouvelle proposition de trêve portée par le Qatar et l’Egypte survient quelques jours après que le mouvement palestinien a rejeté un projet de cessez-le-feu avancé par Israël qui comprenait, entre autres choses, le désarmement du Hamas moyennant une trêve de six semaines [17]. Ce dernier a toutefois affirmé être prêt à accepter de cesser toutes ses opérations militaires, y compris le développement d’armes et le creusement de tunnels, en échange d’un cessez-le-feu à long terme [18].

Cette reprise des hostilités à Gaza et la détention d’otages israéliens par le Hamas plus d’un an et demi après le début de la guerre n’est pas sans exaspérer des franges notables de la population israélienne qui organisent, depuis plusieurs mois, des manifestations exigeant alternativement, ou concomitamment, la démission du gouvernement israélien et la libération des otages à tout prix, y compris celui d’une fin de la guerre dans la bande de Gaza [19]. Le chef de l’opposition israélienne, Yair Lapid, a quant à lui affirmé le 23 avril que « le gouvernement est incapable de gagner la guerre », constatant « qu’en un an et demi, Netanyahu a reçu le soutien total des Américains et de l’opposition » mais n’est pas parvenu à obtenir de victoire réellement pérenne [20], l’appelant à démissionner. Cette défiance croissante à l’égard de la stratégie gouvernementale s’avère palpable non seulement dans la société civile mais aussi dans la sphère militaire : le 11 avril par exemple, les réservistes de l’unité 8200, une unité d’élite du renseignement militaire israélien, ont affirmé soutenir les manifestants appelant à un retour immédiat des otages à Gaza, quitte à mettre fin immédiatement à la guerre [21]. Des pans de plus en plus larges des réservistes refusent, par ailleurs, de répondre à l’appel à servir : si le taux de réponse positive aux convocations était de 120% le 7 octobre 2023, ce chiffre serait descendu à 80% mi-mars 2025, voire 50%-60% selon certains médias israéliens citant des sources confidentielles au sein de l’armée [22]. Autrement dit, si les chiffres de 50-60% étaient justes, cela signifierait que plus de 100 000 réservistes cesseraient aujourd’hui de répondre aux convocations à servir sous le drapeau [23], témoignant d’une lassitude des combattants israéliens.

L’ampleur des opérations militaires israéliennes à Gaza ne doit pas éclipser celles conduites, dans le même temps, en Cisjordanie : Tsahal a en effet lancé le 21 janvier l’opération « Mur de fer » contre les mouvements palestiniens armés opérant en Cisjourdanie. Plus de 40 000 personnes auraient fui les opérations militaires israéliennes [24] et plusieurs dizaines de Palestiniens, civils comme armés, auraient été tués depuis. Forts de cette offensive de l’armée israélienne, les colons israéliens de Cisjordanie ont quant à eux multiplié les actions contre les populations palestiniennes locales [25]. En parallèle, le gouvernement israélien a intensifié la colonisation de la Cisjordanie : selon les Nations unies, depuis le 1er novembre 2023, 49 nouveaux avant-postes israéliens ont été établis et la construction de plus de 10 300 logements a été lancée en Cisjordanie, concomitamment à la destruction de 214 propriétés palestiniennes à Jérusalem-Est [26].

Lire la partie 2 : Territoires palestiniens, Syrie, Liban : point de situation sur les opérations militaires israéliennes au Proche-Orient (2/2). Au Liban et en Syrie

Publié le 25/04/2025


Emile Bouvier est chercheur indépendant spécialisé sur le Moyen-Orient et plus spécifiquement sur la Turquie et le monde kurde. Diplômé en Histoire et en Géopolitique de l’Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne, il a connu de nombreuses expériences sécuritaires et diplomatiques au sein de divers ministères français, tant en France qu’au Moyen-Orient. Sa passion pour la région l’amène à y voyager régulièrement et à en apprendre certaines langues, notamment le turc.


 


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