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Dernier traité de paix de la Première Guerre mondiale, le traité de Lausanne du 24 juillet 1923 met fin aux multiples différents qui opposèrent les Turcs aux puissances Alliées victorieuses. A la suite d’une résistance acharnée, les troupes de Mustafa Kemal (1881-1938) rendent son indépendance à la Turquie et la replacent sur un pied d’égalité avec les autres puissances. C’est à Lausanne, en Suisse, que les bases de la Turquie sont posées.
Le traité de Lausanne remplace le traité de paix signé à Sèvres, le 10 aout 1920, qui imposait à l’ancien Empire des conditions sévères et humiliantes. Si le sultan Mehmet VI (1861-1926), se résigne à accepter la réduction de son pays à la région anatolienne, le mouvement nationaliste turc dirigé par Mustafa Kemal n’entend pas baisser les bras. Luttant depuis 1919 contre les forces occupantes (France, Italie, Grèce) et intérieures (le sultan et son entourage), les kémalistes cherchent à redonner à la Turquie son unité et son indépendance. Leurs objectifs sont exprimés dans un « Pacte national » issu des décisions prises lors des congrès de Erzurum (juillet 1919) et de Sivas (4 au 11 septembre de la même année) : le territoire des Turcs doit s’étendre sur l’ensemble des régions non occupées par les Alliés au moment de l’armistice de Moudros ; les provinces de Kars, Ardahan et de Batoum doivent être rattachées à la Turquie ; le sort des provinces arabes sera fixé selon les souhaits des populations locales ; les Capitulations doivent être abolies ; la libre circulation dans les Détroits doit dépendre de la sécurité d’Istanbul ; les Puissances sont sommées de reconnaitre la souveraineté et l’indépendance complète de leur nation.
Aidé financièrement par la Russie bolchévique, les nationalistes gagnent de nombreuses batailles. Les provinces arméniennes qui devaient revenir à la Russie, suite à un accord passé pendant la Première Guerre mondiale, sont rendues aux Turcs le 16 mars 1921 avec la signature du traité de Moscou. L’accord reconnait également la souveraineté turque sur les Détroits. En juin, l’Italie accepte d’évacuer la région d’Adalia. Quelques mois plus tard, en octobre, c’est au tour de la France de renoncer à la Cilicie et de reconnaitre le gouvernement kémaliste par l’accord dit de Francklin-Bouillon. Le sandjak d’Alexandrette reste cependant sous influence française. Les Grecs sont finalement chassés de la Thrace orientale à partir d’août 1922. Le 11 octobre, à Mudanya, un nouvel armistice est signé entre les Alliés et les Turcs. Cette fois, les Kémalistes peuvent faire entendre leurs conditions dans cette nouvelle conférence de paix qui s’ouvre à Lausanne le 20 novembre 1922. Afin d’éviter des problèmes de double représentativité, Mustafa Kemal et l’Assemblée nationale d’Ankara prennent soin de faire abolir le sultanat ottoman le 2 novembre 1922.
Représentés diplomatiquement par Ismet, fin stratège et héros de la guerre contre les Grecs, les Turcs parviennent, après de longs mois de négociation, à la signature du Traité de Lausanne le 24 juillet 1923. La Turquie s’étend dorénavant des provinces de l’Asie mineure à la Thrace orientale, englobant ainsi Smyrne, la Cilicie et les provinces de l’est. Pour résoudre les problèmes des minorités, des échanges de populations entre la Grèce et la Turquie sont organisées. Les Détroits sont replacés sous souveraineté turque même si une commission internationale, présidée par la Turquie, est maintenue. Le principe de libre circulation est affirmé pour les détroits ainsi et leur démilitarisation est décidée. En cas de guerre, ils pourront toutefois être remilitarisés par les Turcs.
Par ailleurs, la dette ottomane est réajustée. Seule 40 % devra être payée par la Turquie ; le reste sera partagé entre les nouveaux pays nés dans les anciennes provinces de l’Empire. Le système des Capitulations est définitivement aboli.
Force est de constater que le traité de Lausanne est une victoire certaine pour les nationalistes turcs. Il satisfait en effet la majeure partie des revendications du Pacte national de 1919. Seul l’avenir de la province de Mossoul, région essentielle à la sécurité de la route des Indes et riche en ressources pétrolières, n’est pas véritablement fixé. La Grande-Bretagne s’oppose en effet à ce qu’elle soit rattachée à un Kurdistan turc. Mossoul sera finalement incorporé à l’Irak en 1926.
Le Traité de Lausanne marque véritablement la fin de l’Empire ottoman et la naissance de la Turquie moderne. La République de Turquie est officiellement proclamée quelques mois plus tard, le 29 octobre 1923. L’abolition du califat le 3 mars 1924 fait tourner définitivement la page de l’Empire islamique laissant place à une région morcelée par une multitude de nationalités.
Bibliographie :
Robert Mantran (dir.), Histoire de l’Empire ottoman, Paris, Fayard, 1989.
Robert Mantran, Histoire de la Turquie, Paris, Presses Universitaires de France, 1975.
Nadine Picaudou, La Décennie qui ébranla le Moyen-Orient (1914-1923), Bruxelles, Editions Complexe, 1992.
Lisa Romeo
Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.
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