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Julien Nocetti est chercheur au sein du Centre Russie/NEI de l’Institut français des relations internationales (IFRI) depuis septembre 2009.
Ses recherches portent principalement sur les relations de la Russie à l’égard du Moyen-Orient, sous une triple perspective diplomatique, sécuritaire et énergétique. Il s’intéresse également à la problématique de l’islam radical, notamment les points de contact de celui-ci entre Moyen-Orient et espace postsoviétique.
Sur ces problématiques, il participe régulièrement à des conférences et séminaires internationaux, en Russie et en Europe, et publie des tribunes dans la presse internationale.
Si l’intérêt de Moscou pour la Syrie précède de loin la période soviétique, c’est bien à partir du milieu des années 1950, avec l’entrée « de plein pied » de l’URSS dans le jeu diplomatique moyen-oriental, que les successeurs de Staline perçoivent tout le potentiel d’une alliance avec Damas. Le contexte de la guerre froide donne une traduction concrète à l’alliance qui s’ébauche entre les deux pays : Moscou a alors besoin de la Syrie pour contrer le Pacte de Bagdad qui, à partir de 1955, place l’Irak, la Turquie, l’Iran et le Pakistan dans l’orbite des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Porté par la fièvre nationaliste qui s’empare de la région, le Premier ministre syrien, Khaled Al-Azm, scelle un premier accord d’armement avec les Soviétiques.
Tout comme l’Égypte, la Syrie compte alors sur l’URSS pour faire contrepoids aux velléités américaines d’imposer leur contrôle sur la région, sans toutefois laisser place au communisme. C’est pourquoi, dans la mise en œuvre des projets économiques et militaires entre les deux pays, les Soviétiques restent en général peu soucieux d’orthodoxie marxiste. La fin des années 1950 voit la coopération technique et économique décoller : entre 1956 et 1958, la Syrie acquiert pour plus de 110 millions de livres sterling d’armes au bloc de l’Est, et les Soviétiques construisent la ligne ferroviaire reliant Lattaquié et Alep à Kameshli. L’arrivée au pouvoir du parti Baas en 1963 accélère le rapprochement : la position géographique stratégique de la Syrie en fait un partenaire que Moscou ne peut négliger dans la région. L’attitude envers Damas reste cependant ambivalente chez les décideurs soviétiques : si l’humeur est à une approche « romantique » des Baasistes, espérant qu’ils opèreront une « rectification », l’affiliation de nombreux officiers baasistes à la secte alaouite éveille des soupçons sur leurs réels motifs, qui n’auraient rien à voir avec la construction du socialisme. L’homme fort de l’époque, Salah Jedid, représentant l’aile gauche du Baas, aligne son pays sur Moscou. Mais, après le fiasco de la guerre des Six Jours en 1967, Leonid Brejnev se détourne de cet idéologue qu’il suspecte d’aventurisme.
En 1970, le coup d’État « rectificatif » du ministre de la Défense, Hafez al-Assad, partisan d’une ligne plus pragmatique, est soutenu en sous-main par les autorités soviétiques. Les livraisons d’armes prennent alors leur envol : la Syrie reçoit des MiG-23 et négocie un report de sa dette. En retour, les Soviétiques obtiennent, en 1971, le droit d’ouvrir une base militaire dans le port de Tartous. Cependant, la « rectification » opérée par Hafez al-Assad à partir de 1970 n’accélère pas l’entrée de la Syrie dans l’orbite de l’Union soviétique, alors que l’Irak et l’Égypte sont plus avancés dans leur relation avec Moscou. Mais la défection de l’Égypte, qui se détourne de Moscou dès 1972 et, surtout, signe la paix avec Israël en 1978, pousse al-Assad dans les bras des Soviétiques. Il faut attendre le traité d’amitié de 1980 pour que soit consacrée une coopération intense entre les deux pays. Il s’agit là d’un rapprochement purement tactique. Pour l’URSS, l’enjeu est régional : l’alliance avec la Syrie vient contrebalancer la relation américano-égyptienne instaurée par les accords de Camp David. Il s’agit pour Damas d’acquérir grâce à Moscou une « parité stratégique » avec Israël par le biais d’une coopération militaro-technique. En réalité, la nature des armes livrées et la modération des Soviétiques aboutiront à une situation qui convient aux deux parties : pour Hafez al-Assad, il s’agit de se rendre indispensable à toute négociation régionale. Pour les Soviétiques, attachés à une résolution du conflit israélo-palestinien par la négociation, cette coopération permet de ne pas accorder d’avantage stratégique majeur à la Syrie tout en donnant l’impression d’appuyer le « front du refus » constitué par la Syrie et l’OLP.
La Syrie, cependant, se révèle bien souvent très peu accommodante envers Moscou : Hafez al-Assad a souvent joué de sa situation de dépendance pour imposer sa propre politique régionale, suscitant en retour l’embarras des décideurs soviétiques. Ainsi les Soviétiques sont mis devant le fait accompli lors de l’invasion du Liban par les troupes syriennes en juin 1976, destinée à soutenir les chrétiens contre les Palestiniens de l’OLP et la gauche libanaise, ces derniers étant soutenus par Moscou…
Le traité d’amitié et de coopération de 1980 est concomitant d’une « militarisation » de la relation bilatérale. Entre 1980 et 1983, le nombre de conseillers militaires soviétiques stationnés en Syrie passe de 1 000 à 6 000. A la mort de Brejnev en 1982, Hafez al-Assad parvient habilement à intensifier les livraisons à destination de ses forces armées. La Syrie est alors le premier pays hors Pacte de Varsovie à recevoir une défense antiaérienne soviétique modernisée. Les Soviétiques y implantent également des stations radars (comme celle de Kassab). Ces initiatives provoquent une inflation du nombre de conseillers soviétiques, qui sont près de 5 000 à la fin des années 1980, dont les personnels de la base navale de Tartous.
Elles évoluent assez nettement à partir de 1985, lorsque la « nouvelle pensée » de Gorbatchev impose à l’URSS de mettre fin à ses coopérations préférentielles avec les pays à orientation socialiste dans le Tiers Monde. Hafez al-Assad sent rapidement le vent tourner : l’URSS n’a plus les moyens de financer cette aide militaire, largement à perte, dans un contexte de délitement de l’économie soviétique. Le Kremlin réclame d’ailleurs à Damas le remboursement de sa dette.
Du côté soviétique, l’agacement vis-à-vis de l’autonomie d’Hafez al-Assad en politique étrangère prédomine. Dans la seconde moitié des années 1980, Moscou exige ainsi de Damas qu’il amorce une trêve avec le Baas irakien, réduise son soutien financier et logistique à la milice chiite Amal au Liban et fasse la paix avec Yasser Arafat…
Du côté syrien, la perception du déclin du « patron » soviétique est alors très nette. En outre, le rétablissement progressif, à partir de 1987, des liens entre l’URSS et Israël distend les relations avec Damas, lequel continue d’exiger une parité militaire avec Tel Aviv. Á Moscou, le théâtre irako-iranien mobilise l’essentiel de l’intérêt soviétique. Ces bisbilles font qu’al-Assad s’aligne sur les États-Unis lors de la guerre du Golfe en 1991.
Après la dislocation de l’URSS en décembre 1991, la coopération russo-syrienne ne cesse pas mais devient de plus en plus conditionnée à la capacité syrienne de payer. Durant toute la première moitié des années 1990, la Russie postsoviétique, affairée par sa crise économique et les relations avec son « étranger proche » et ses propres sujets (Tchétchénie), se détourne largement du Proche-Orient. Ce n’est qu’à partir de 1996, année où l’orientaliste et ancien chef du renseignement extérieur de la « nouvelle » Russie Evgueni Primakov devient ministre des Affaires étrangères, que le Proche-Orient – et la Syrie – revient dans la ligne de mire de la diplomatie russe.
Relevons qu’à peine une décennie auparavant, Moscou et Damas partent encore de loin… Succédant à son père en juillet 2000, Bachar al-Assad ignore la Russie (qui vient d’élire Poutine) et réserve ses premières visites à l’étranger à la France et à la Grande-Bretagne. Les relations excellentes qu’entretient alors al-Assad avec l’Arabie saoudite et le Qatar distendent encore davantage les liens avec Moscou, sans toutefois que les contrats d’armements cessent d’être honorés.
2003 constitue un tournant : dans un contexte de montée de l’antiaméricanisme dans le monde arabe après l’occupation de l’Irak, le Kremlin réactive ses anciens réseaux au Proche-Orient afin d’y reprendre pied. En janvier 2005, Bachar al-Assad renoue avec la Russie : sa rencontre avec Vladimir Poutine à Moscou permet de régler définitivement la question de la dette syrienne, annulée à 75 %. Le basculement vers la Russie est parachevé quelques mois plus tard : l’assassinat de Rafiq Hariri à Beyrouth isole à nouveau le régime syrien, qui doit évacuer le Liban. Bachar al-Assad trouve alors son seul appui auprès de Moscou.
La révolution syrienne, en mars 2011, accentue le rapprochement. La Syrie reste un marché quasi-captif pour les sociétés russes qui y possèdent des intérêts commerciaux bien plus significatifs que ceux perdus la même année en Libye : une base navale alors en rénovation à Tartous, que la Russie utilise depuis 1971 comme point d’appui logistique et de ravitaillement pour sa flotte de la mer Noire, plusieurs milliards d’euros d’investissements dans la construction d’infrastructures gazières et l’extraction d’hydrocarbures et, évidemment, des contrats d’armements. Entre 2005 et 2012, ceux-ci totalisent près de 5,5 milliards de dollars, essentiellement pour moderniser l’armée de l’air et les défenses antiaériennes syriennes. Il faut par ailleurs préciser que ce sont les représentations symboliques, essentiellement russes, qui expliquent la force de cette relation politique et sa traduction par un soutien diplomatique appuyé.
Reconnaissons d’abord à Moscou sa cohérence dans la durée dans le conflit syrien depuis son déclenchement en mars 2011. Les raisons de son soutien au régime baasiste sont protéiformes.
Sur le plan diplomatique, la Russie a voulu éviter une répétition de l’humiliant scénario libyen. Au printemps 2011, Moscou s’était abstenu au Conseil de sécurité des Nations unies, permettant l’adoption de la résolution 1973 et la mise en place d’une zone de protection aérienne par les forces de l’OTAN. En interne, l’épisode avait alors illustré des dissensions – plus ou moins scénarisées – entre Dmitry Medvedev, alors président, plus conciliant à l’égard de l’Occident, et Vladimir Poutine, qui s’en était pris à la « croisade médiévale » des Européens contre Kadhafi.
À l’international toujours, Moscou reste obsédé par sa quête de parité avec les États-Unis. Les élites russes demeurent profondément anti-américaines. Craignant plus que tout une érosion de son statut de grande puissance, la Russie s’est appuyée sur la carte syrienne pour tenter d’opérer un retour stratégique au Moyen-Orient, sur fond de confrontation entre les Occidentaux et l’Iran.
Ce défi lancé à Washington trouve son prolongement dans l’opposition de Moscou à toute forme d’ingérence étrangère. Or, pour les dirigeants russes, les événements nés des « printemps arabes » émanent d’un complot ourdi par le « camp sunnite » regroupant les monarchies du Golfe et la Turquie, appuyés par le département d’État américain. En mars 2012, la Russie a achevé une séquence électorale particulièrement tendue ; il était hors de question, pour le Kremlin, d’adopter une politique syrienne qui puisse légitimer le regime change.
Les ressorts de la politique russe en Syrie sont également influencés par l’histoire récente du pays. Pour des élites dont les membres les plus éminents sont issus des services de sécurité, le terrorisme d’origine islamique est une constante, de la guerre contre les moudjahidines afghans dans les années 1980 à la seconde campagne de Tchétchénie. Sur la Syrie, les Russes raisonnent en « experts » de l’islamisme radical et sont persuadés qu’un changement de régime enfantera à Damas un pouvoir islamiste et antirusse. D’une certaine manière, Vladimir Poutine recherche un point d’équilibre entre sa politique intérieure et sa politique étrangère : les régions musulmanes de la Fédération de Russie étant partie intégrantes du monde islamique, les événements du Moyen-Orient ont des répercussions en Russie même.
Les autres facteurs fréquemment avancés pour justifier le soutien de Moscou au régime baasiste demeurent surestimés. Ainsi en a-t-il été du facteur militaro-technique : si, depuis 2005, la Syrie figure parmi les clients les plus importants de l’industrie de défense russe, Damas n’a jamais reçu de Moscou ses armements offensifs les plus sophistiqués, il est vrai afin d’éviter de braquer Israël et l’Occident. Les facilités navales de la marine russe à Tartous et Lattaquié ont revêtu, jusqu’à l’intervention militaire de septembre 2015, une signification plus symbolique que réellement opérationnelle. Quant à la diplomatie religieuse de Moscou, qui reste surtout cantonnée au verbe, elle tarde à trouver des résultats à la hauteur de ses ambitions.
La militarisation directe du soutien russe au régime syrien est la dernière illustration d’une approche remarquablement constante à l’égard de la Syrie depuis mars 2011. Soulignons que la Russie a multiplié les contacts diplomatiques au cours de l’été dernier, notamment avec les États-Unis et l’Arabie saoudite, plaçant les capitales européennes en position périphérique. Rester au centre du processus diplomatique fait sans conteste partie des priorités du Kremlin. Les objectifs de la Russie sont, à l’évidence, multiples.
Premier objectif : maintenir un régime allié en place. Dans le prolongement de son soutien à al-Assad, Moscou cherche à éviter un effondrement du régime baasiste. Or celui-ci se trouvait en très mauvaise posture au printemps et à l’été 2015, mis en difficulté à la fois par la progression de Daech à l’Est de la Syrie et par les avancées des autres groupes djihadistes y opérant. La Russie voulait à tout prix éviter une éventuelle chute de Damas et du bastion alaouite autour de Lattaquié. Compte tenu des circonstances, le soutien apporté par Moscou à Damas revêt désormais une valeur d’exemplarité. La Russie veut signifier la solidité de ses engagements auprès de ses clients, notamment au sein de l’espace postsoviétique, pour mieux souligner la versatilité occidentale.
Deuxième objectif : affaiblir la pax americana. Les dirigeants russes cherchent un dialogue exclusif avec Washington sur le règlement des crises régionales. Un Moyen-Orient pacifié, soustrait à l’influence russe, enlèverait du poids à la Russie. C’est pourquoi, tout en souhaitant d’un côté une baisse de l’état de tension existant dans la région, Moscou a constamment contribué à maintenir cet état de tension en répondant aux exigences – surtout militaires – des pays du Moyen-Orient. Le dossier syrien illustre à merveille cette approche. En bonne logique réaliste, l’objectif de Poutine est de réussir la polarisation des intérêts au Moyen-Orient, en accord avec sa propre lecture des relations internationales. La ligne de clivage ne sépare plus, comme à l’époque de la guerre froide, les États en fonction de leur idéologie, ni Israël et les Arabes ; elle oppose, selon Moscou, un Occident en déclin, incapable d’exporter son modèle politique, à des États rejetant toute forme d’ingérence occidentale, notamment via la « responsabilité de protéger » légitimant le regime change, de même que les valeurs libérales qui sous-tendent cette approche.
Troisième objectif : empêcher la cristallisation d’un front islamiste. Le conflit en Syrie et en Irak attire des djihadistes de Russie, des pays du Caucase et d’Asie centrale. Daech a besoin de combattants issus de l’espace postsoviétique : aguerris au combat, ils sont relativement autonomes vis-à-vis des clans et des intérêts locaux. Plusieurs Tchétchènes font d’ailleurs partie du haut commandement militaire de Daech. À terme, on peut craindre un accroissement de la porosité entre les théâtres syro-irakien et caucasien. D’abord, la mouvance djihadiste caucasienne a depuis un an et demi essuyé de nombreuses défections au profit de Daech. Les djihadistes caucasiens préfèrent rejoindre la lutte pour le « califat », avec le prestige que cela confère à leur retour en Russie, plutôt que de rester combattre au sein de l’Émirat du Caucase (proclamé en 2007), dont le commandement a été plusieurs fois décapité depuis 2014, et dont les orientations idéologiques nées de la rivalité avec Daech minent son efficacité opérationnelle. Depuis juin dernier, le Caucase est qualifié de willaya de Daech, ce qui signale une volonté d’implantation territoriale. La Tchétchénie et le Daghestan sont là en « première ligne ». Ensuite, la propagande de Daech cible de manière active l’ex-URSS. La version russe du magazine Dabiq appelle les russophones à rejoindre la Syrie et l’Irak, quand les réseaux sociaux et les applications russes, comme Telegram, sont utilisés pour diffuser des nouvelles du front, partager de sermons, lever des fonds. Enfin, un renforcement de la présence militaire russe en Syrie ne pourra qu’aimanter le djihadisme caucasien sur le terrain.
Sur le plan diplomatique, néanmoins, cette présence de combattants russophones en Syrie et en Irak légitime l’un des axes de la diplomatie russe au Moyen-Orient : nouer des relations fondées sur des intérêts sécuritaires mutuels, tant avec les républiques (Syrie, Égypte depuis l’arrivée d’al-Sissi, Yémen) qu’avec les monarchies sunnites et Israël, qui cherche à compenser les atermoiements de la politique américaine. Ce n’est donc pas un hasard si Ramzan Kadyrov, le président tchétchène, parcourt régulièrement le Levant et le Golfe pour nouer des coopérations antiterroristes.
Quatrième objectif : contenir autant que possible une montée en puissance de l’Iran. L’intervention militaire russe ne saurait être analysée sans la mettre en relation avec l’implication iranienne sur le théâtre syro-irakien. Après l’accord sur le nucléaire iranien, qui ouvre la voie à une réintégration progressive de l’Iran dans la communauté internationale, Moscou voudra certainement empêcher toute entente américano-iranienne sur la Syrie qui l’exclurait de facto du Moyen-Orient. Pour la Russie, la relation triangulaire avec Damas et Téhéran ne joue plus nécessairement en sa faveur. Au contraire de la Russie, qui dépend uniquement des liens forgés avec les institutions officielles syriennes, l’Iran a misé sur un tissu d’élites ayant émergé dans le chaos de l’après-2011. En apportant un soutien direct aux Forces de défense nationale, armées et coordonnées par le Hezbollah, Téhéran donne les moyens de façonner les futures institutions sécuritaires syriennes autour de ses seuls intérêts. Intervenir militairement permet ainsi à la Russie de rééquilibrer les forces loyalistes à son avantage.
Cinquième objectif : montrer que la Russie a les capacités de projeter ses forces au-delà de l’espace postsoviétique. Moscou, plus habitué depuis 1991 aux théâtres d’opérations de l’espace postsoviétique, n’avait plus réalisé une telle projection de matériels et de troupes en Méditerranée orientale depuis le début des années 1970, et l’envoi (puis le rapatriement…) de conseillers soviétiques qui s’était accompagné d’un déploiement massif de capacités aéronavales. Au strict plan militaire, l’intervention russe en Syrie répond à un défi auquel aucune puissance occidentale ne peut répondre à court terme – soit par manque ou par « étirement » de capacités, soit par défaut de volonté politique. Toutefois, l’intervention militaire russe marque une rupture dans la politique arabe de Moscou, jusqu’à présent fondée sur un passé vierge de toute colonisation et d’implication militaire directe. Mais le calcul fait à Moscou est que les Occidentaux resteront passifs et impuissants face aux frappes de l’aviation russe. Cette passivité s’est confirmée en novembre 2015 lorsque les Russes, après l’incident aérien avec la Turquie, ont déployé des systèmes de missiles S-400 en Syrie, verrouillant ainsi le ciel proche-oriental et contraignant les Occidentaux à consulter les états-majors russes avant chaque opération.
La situation de l’économie russe, plombée par la chute des prix du pétrole et une monnaie instable, est néanmoins susceptible de faire évoluer la nature de l’engagement russe au cours de l’année à venir.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.
Julien Nocetti
Julien Nocetti est chercheur au sein du Centre Russie/NEI de l’Institut français des relations internationales (IFRI) depuis septembre 2009.
Ses recherches portent principalement sur les relations de la Russie à l’égard du Moyen-Orient, sous une triple perspective diplomatique, sécuritaire et énergétique. Il s’intéresse également à la problématique de l’islam radical, notamment les points de contact de celui-ci entre Moyen-Orient et espace postsoviétique.
Sur ces problématiques, il participe régulièrement à des conférences et séminaires internationaux, en Russie et en Europe, et publie des tribunes dans la presse internationale.
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