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Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 09/03/2010 • modifié le 05/01/2024 • Durée de lecture : 8 minutes

Membres du Hamas et drapeaux du Hamas

AFP

L’idéologie, l’œuvre sociale et l’organisation du Hamas

L’idéologie du Hamas est la lutte contre l’occupation de la Bande de Gaza et de la Cisjordanie par Israël, la reconquête de ces territoires mais également de ceux constituant l’Etat d’Israël. Une charte est adoptée le 18 août 1988, dans laquelle les revendications politiques sont annoncées, notamment la reprise des territoires palestiniens mais également la disparition de « l’entité sioniste ». Dès sa création, le Hamas se positionne dans la lutte armée contre Israël, alors que dans le même temps l’OLP connaît une évolution stratégique : acceptation par Yasser Arafat de la résolution 242 et donc reconnaissance de l’Etat d’Israël, proclamation de l’Etat palestinien le 15 novembre 1988 et annonce de la renonciation au terrorisme. Ces orientations sont refusées par une partie de l’OLP qui veut poursuivre la lutte armée contre Israël afin de reprendre toute la Palestine (y compris Israël), et qui rejoignent les rangs du Hamas.
A la différence de l’OLP qui est laïque, la dimension religieuse est essentielle pour le Hamas. Ainsi, la réislamisation de la société palestinienne est essentielle afin de résister à Israël, de reconquérir toute la Palestine et d’y instaurer la Charia. Les mosquées, les écoles, les centres caritatifs sont ainsi les vecteurs de la diffusion des principes de l’islam, susceptibles de toucher toute la société. Les principes de l’islam sont réaffirmés : ramadan, prière quotidienne, aumône, port du voile. Dans le domaine économique également, il est rappelé qu’il ne faut pas commercer avec Israël, ni payer les taxes à Israël.
Le Hamas est investi dans les réseaux sociaux, éducatifs et humanitaires, comme les Frères musulmans : écoles, mosquées, hôpitaux, aide aux étudiants dans le cadre universitaire, formations professionnelles pour les adultes et aide à l’emploi. Une aide est également donnée aux plus nécessiteux, notamment aux familles de ceux ayant fait des attentats-suicides. Des fonds sont donnés au Hamas par les Etats du Golfe et par l’Arabie saoudite ainsi que par la communauté internationale dans le cadre du processus de paix et de l’aide apportée à la Palestine. La communauté internationale gèle néanmoins son aide au Hamas à la suite de sa victoire aux élections législatives de 2006 et de sa prise de contrôle de la Bande de Gaza.
Sur le plan politique, le Hamas est organisé en deux entités : l’une s’occupe l’intérieur, c’est-à-dire de la Bande de Gaza et de la Cisjordanie, l’autre s’occupe de l’extérieur et est basée en Syrie. Ces deux entités sont les organes de décision. Le directeur du bureau politique pour l’extérieur est Khaled Mechaal. Sur le plan militaire, une branche est également organisée depuis 1992, indépendante du bureau politique, appelée les Brigades du martyr Ezzedine al-Qassam.

Le Hamas et l’Autorité palestinienne dans le contexte du processus de paix

Dans cette logique de la reprise de toute la Palestine, le processus de paix est refusé par le Hamas, notamment les accords d’Oslo négociés entre l’OLP et Israël en 1993. Mais cette opposition au processus de paix n’est pas partagée par la population palestinienne, qui aspire à la paix. La position du Hamas à l’égard du processus de paix soulève également la question de ses relations avec l’Autorité palestinienne et avec le Fatah : l’Autorité palestinienne mène des arrestations dans les milieux islamistes, ayant pour conséquence des heurts entre partisans du Hamas et du Fatah. Dans les années 1996, un dialogue s’amorce entre le Hamas et l’Autorité palestinienne, et le Hamas décide de renoncer à la violence contre Israël. L’assassinat d’un haut responsable du Hamas par Israël cette même année remet en cause ces avancées, le Hamas menant des opérations de représailles contre Israël, ce qui relance la répression de l’Autorité palestinienne contre le Hamas. A partir de 1997, le dialogue interpalestinien reprend néanmoins, mais le déclenchement de la seconde intifada en 2000 et la difficulté de mettre en place un cessez-le-feu complique la tâche du nouveau président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Plusieurs événements, durement ressentis par la population, profitent au Hamas : les difficultés interpalestiniennes, le discrédit qui commence à toucher l’Autorité palestinienne dans le contexte de la difficile mise en place des accords d’Oslo. La population se rapproche des idées émises par le Hamas, qui estime qu’Israël ne souhaite pas la paix et ne veut pas faire de concessions territoriales (dès 2001, réoccupation militaire par Israël de territoires placés sous l’autorité palestinienne lors des accords d’Oslo et construction dès 2002 du mur de séparation israélien en Cisjordanie). Sur le plan stratégique, le départ de l’armée et des colons israéliens de la Bande de Gaza à l’été 2005 laisse l’opportunité au Hamas de s’y implanter, d’autant plus que ce départ est vécu comme un succès palestinien sur Israël.

La lutte armée contre Israël

A la suite des accords d’Oslo, le Hamas lance des attaques contre Israël. Son mode de fonctionnement est celui des attaques suicides, afin de protester contre l’occupation d’Israël mais également contre le processus de paix lancé à Oslo. Les cibles sont les intérêts israéliens dans l’Etat hébreu, comme au printemps 1994 à Jérusalem-Ouest et à Tel-Aviv, et en février et mars 1996. A partir de la seconde intifada, les attentats suicides se multiplient. Le but est de montrer la capacité du Hamas à nuire à Israël, par des attaques contre des civils, et à augmenter le climat d’insécurité en Israël.

L’implantation politique du Hamas à partir de 2005

Le départ de l’armée et des colons israéliens de la Bande de Gaza pendant l’été 2005 donne l’occasion au Hamas d’y prendre pied politiquement. Depuis les accords d’Oslo et le processus de paix engagé avec Israël, le Hamas refuse de participer à la mise en place des institutions palestiniennes décidée lors des accords d’Oslo : les membres du Hamas ne participent ainsi pas aux élections législative et présidentielle du 20 janvier 1996. Suite au décès de Yasser Arafat le 11 novembre 2004, des élections présidentielles sont organisées le 9 janvier 2005 et portent Mahmoud Abbas au pouvoir. Le Hamas ne présente aucun candidat à ces élections.
Mais la situation change à la suite de l’élection de Mahmoud Abbas à la tête de l’Autorité palestinienne, qui décide de mener une politique de démocratisation des institutions palestiniennes, par la tenue d’élections municipales et législatives. De son côté, le Hamas évolue : le boycott politique mené depuis les accords d’Oslo est remplacé par la volonté de participer à la vie politique palestinienne et à la transformation du mouvement en parti politique. Le Hamas participe ainsi aux élections municipales de 2005 (elles se déroulent en plusieurs étapes : 36 localités de Cisjordanie et de la Bande de Gaza votent le 23 décembre 2004 en Cisjordanie et le 27 janvier dans la Bande de Gaza ; les autres localités votent le 5 mai, le 29 septembre et le 15 décembre). Le Hamas remporte les municipales et décide de participer aux élections législatives qui se tiennent le 26 janvier 2006. Le Hamas les remporte avec 76 sièges sur 132. Cette victoire s’explique par la sanction des électeurs à l’encontre de l’Autorité palestinienne et du Fatah, notamment leur gestion du processus de paix et les questions de sécurité. Le président de l’Autorité Mahmoud Abbas charge ainsi le chef de liste du Hamas aux législatives, Ismaël Haniyeh, de former le gouvernement, auquel le Fatah refuse de participer. Le gouvernement est donc formé par 18 ministres membres du Hamas et de 6 ministres indépendants.

Le Hamas, le Fatah et Israël

Sur le plan international, la victoire du Hamas entraine la fin des aides financières et économiques, mais le Quartet (USA, ONU, Union européenne, Russie) décide d’apporter une aide à la population, dans les domaines de la santé et de l’éducation. Certains Etat se désolidarisent néanmoins de la décision d’ostraciser le Hamas, comme la Russie en mars 2006 et comme l’Iran. Pour Israël, cette élection est durement vécue, car le Hamas refuse de le reconnaître. Elle entraine la fin du versement des taxes par Israël à l’Autorité palestinienne. Le 25 juin, à la suite d’un raid israélien dans le sud de la bande de Gaza, les Palestiniens enlèvent le soldat israélien Gilad Shalit. S’en suit l’opération israélienne appelée Pluie d’été menée contre les intérêts palestiniens dans le sud de la bande de Gaza. Des membres du Hamas sont arrêtés par l’armée israélienne, dont des ministres et des responsables politiques. Les Israéliens entrent également dans le nord de Gaza, d’où sont tirées des roquettes contre Israël.
Outre les difficultés du Hamas avec la communauté internationale et Israël, les relations entre Hamas et Fatah sont également tendues. En décembre 2006, Mahmoud Abbas décide de nouvelles élections, mais aucun gouvernement d’union nationale n’est trouvé. En 2007, après plusieurs mois de difficultés, Mahmoud Abbas et le chef du bureau politique du Hamas Khaled Mechaal forment un gouvernement d’union nationale le 8 février, et Ismaïl Haniyeh reste Premier ministre. Les relations sont toujours difficiles avec Israël, qui maintient sa politique envers le Hamas et refuse de coopérer avec lui tant que les conditions de la feuille de route (reconnaissance d’Israël et fin de la violence) ne seront pas respectées, et les affrontements reprennent tant dans la bande de Gaza qu’en Cisjordanie. En mai, alors que les tirs de roquette se poursuivent de la bande de Gaza vers Israël, l’armée israélienne bombarde les positions du Hamas à Gaza le 17. Les affrontements reprennent également entre Palestiniens le 11 mai à Gaza et se poursuivent en direction d’Israël. Le 14 juin, le Hamas réussit à reprendre les positions détenues par le Fatah à Gaza.
A partir de ce moment, l’Autorité palestinienne ne s’exerce plus qu’en Cisjordanie, la Bande de Gaza étant sous l’autorité du Hamas. Mahmoud Abbas déclare alors l’Etat d’urgence, dissout le gouvernement et prépare la tenue de nouvelles élections. Mais le Premier ministre Ismaïl Haniyeh décide néanmoins de poursuivre sa mission à la tête du gouvernement. Mahmoud Abbas nomme un gouvernement d’urgence, avec à sa tête l’économiste Salam Fayyad, favorablement accepté par la communauté internationale et par Israël. A Gaza, les violences continuent en septembre entre les partisans de l’Autorité palestinienne et le Hamas, et débouchent sur une grève organisée par l’OLP.
Pendant l’année 2008, les violences se poursuivent dans la Bande de Gaza, entre le Fatah et le Hamas mais également entre Israël et le Hamas, avec des tirs de roquette du Hamas vers Israël et des raids israéliens à Gaza. Dans ce contexte de très vive tension, l’Etat hébreu déclenche le 27 décembre 2008 l’opération « plomb durci » dont le but est de faire cesser les tirs de roquette touchant le sud d’Israël. Le cessez-le-feu est décidé le 18 janvier par Israël, mais il est refusé par le Hamas. Ce dernier accepte néanmoins de mettre en place une trêve d’une semaine, le temps que l’armée israélienne se retire de Gaza, ce qui est fait le 20 janvier. Le bilan de la guerre s’élève du côté palestinien à 1300 tués dont 420 enfants et à 5300 blessés.
Sur le plan intérieur, les relations inter-palestiniennes reprennent en février 2009, lors d’une conférence organisée au Caire les 25 et 26 février entre les responsables du Fatah et du Hamas. Le but de cette conférence est que les deux partis trouvent une entente, et qu’ils mettent en place un gouvernement d’union nationale. Une autre conférence est organisée à partir du 10 mars au cours de laquelle sont évoquées les questions de la réconciliation et la tenue d’élections législatives et présidentielles. Un nouveau gouvernement, auquel le Hamas refuse de participer, est nommé le 19 mai, avec à sa tête le Premier ministre Salam Fayyad. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas est également réélu lors du Congrès du Fatah réuni les 14 et 15 août à Bethléem, en Cisjordanie.

Bibliographie
Frédéric ENCEL, François THUAL, Géopolitique d’Israël, Points Seuil, Paris, 2006, 486 pages.
Khaled HROUB, Le Hamas, Demopolis, Paris, 2008, 237 pages.
Aude SIGNOLES, Le Hamas au pouvoir et après ? Milan Actu, Toulouse, 2006, 112 pages.

Publié le 09/03/2010


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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