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Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 21/07/2010 • modifié le 02/03/2018 • Durée de lecture : 4 minutes

Chefs d’Etat et de gouvernement à la conférence de Madrid le 30 octobre 1991

AFP

Préparation de la conférence de Madrid

Néanmoins, James Baker se heurte à plusieurs difficultés. Tout d’abord, les Etats arabes demandent que les négociations soient multilatérales et non pas bilatérales, afin d’éviter des négociations séparées avec Israël, comme cela s’était produit dès 1977 entre l’Egypte et Israël. Ces négociations avaient abouti à la paix entre les deux Etats lors de la conférence de Camp David. Ensuite, face à la volonté américaine de normaliser les relations entre l’Etat hébreu et les Etats arabes, Israël entend préserver sa sécurité. Celle-ci a été mise à mal lors de la guerre du Golfe, l’Irak ayant tiré des missiles Scud contre Israël et les Etats-Unis ayant demandé à Israël de ne pas riposter à ces attaques, afin de maintenir la coalition arabe. En contre partie, les Etats-Unis déployèrent des missiles Patriot afin de protéger Israël. Sur le plan territorial, Israël estime n’avoir pas à mener de négociations, le Parlement israélien ayant déclaré le 27 juin 1967 l’unification de Jérusalem et ayant annexé en 1981 le Golan syrien (occupé depuis 1967). Concernant les Palestiniens, James Baker souhaite négocier avec une représentation palestinienne autre que l’OLP, cette dernière ayant apporté son soutien à l’Irak pendant la guerre du Golfe. Une délégation palestinienne venant des Territoires occupés est alors constituée.

A partir du 8 mars 1991, la conférence se prépare. Les Etats-Unis donnent à chacun des Etats concernés des lettres dites d’« assurance » leur garantissant ce qu’ils souhaitent. Les Etats-Unis garantissent à la Syrie que la conférence sera appelée « conférence de la paix » et ils confirment leur refus de prendre acte des annexions israéliennes. Ils garantissent à Israël le principe de rencontres bilatérales, le droit à des frontières « sures et défendables », sa sécurité et disent ne pas soutenir la création d’un Etat palestinien indépendant. Les Palestiniens reçoivent l’assurance de la mise en place d’un « processus de négociation » politique, d’un « exercice de l’autorité sur la Cisjordanie et Gaza », ainsi que l’assurance du refus américain de prendre acte des annexions israéliennes et de la colonisation dans les Territoires occupés. Il est prévu que la conférence, qui n’a aucun pouvoir de décision, lance le processus de paix. Celui-ci prévoit un double mécanisme de négociations : des négociations bilatérales seront menées entre Israël et la Syrie, le Liban, la Jordanie, la délégation palestinienne ; des négociations multilatérales seront organisées en cinq commissions, en charge des questions des réfugiés, de l’environnement, de l’eau, de la coopération économique et de l’armement. La conférence n’a donc pas pour but d’organiser la paix, mais d’entamer des négociations entre les participants.

Sont invités à la conférence Israël, la Syrie, la Jordanie, les Palestiniens (au sein d’une délégation mixte avec la Jordanie), l’Egypte, le Liban, le secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe, l’ONU, la présidence de la Communauté européenne, les Etats-Unis et l’URSS. Quant à la conférence, il est décidé qu’elle se tiendra à Madrid.

Conférence de Madrid

La conférence est ouverte le 30 octobre 1991 à Madrid par le Premier ministre espagnol Felipe Gonzales. Suit une intervention du président Bush sur la paix, paix à laquelle Israël doit être intégré par des traités dans les domaines économique, culturel, sécuritaire et diplomatique. Le président Gorbatchev lui succède, parlant également de la normalisation de l’existence d’Israël. Suivent les interventions israélienne, syrienne, palestinienne, jordanienne et libanaise.

A la suite de la clôture de la conférence le 1er novembre, des difficultés apparaissent entre les participants, sur la question des négociations : les Israéliens refusent d’ouvrir à Madrid les négociations bilatérales, afin d’éviter un front commun entre les Palestiniens et les pays arabes, et demandent que les négociations se déroulent en alternance en Israël et dans une des capitales arabes concernées. En revanche, les pays arabes et plus particulièrement la Syrie demandent l’ouverture des négociations bilatérales à Madrid. Les Etats-Unis proposent alors que la prochaine conférence se déroule à Washington en décembre. Les négociations se tiennent du 9 au 18 décembre, mais aucun résultat n’est enregistré. Entre décembre 1991 et août 1993, onze sessions de négociations bilatérales se tiennent à Washington, sans résultat. Concernant les sessions des négociations multilatérales, elles s’organisent difficilement et butent notamment sur la question de la délégation palestinienne, qui doit être composée de « Palestiniens de l’extérieur », et non, à la demande des Israéliens, de membres de l’OLP. Lors de la première conférence multilatérale organisée à Moscou en janvier 1992, la délégation palestinienne ne s’y rend pas, n’étant pas constituée. Quant aux Syriens et aux Libanais, ils refusent d’y participer en raison du peu d’avancée dans les négociations bilatérales. Trois autres négociations multilatérales se tiennent de mai à octobre 1992, puis en mai 1993, toutes marquées par peu de résultats, tandis que sur le terrain, la violence reprend entre Israéliens et Palestiniens.

Cette période est également marquée par la défaite du président Bush aux élections de novembre 1992, et par le retrait de son équipe des négociations de paix. Le processus engagé à la suite de la conférence de Madrid aboutit néanmoins à la reprise des négociations directes entre les représentants de l’OLP et le gouvernement israélien d’Yitzhak Rabin (qui remporte les élections le 23 juin 1992), et à la signature des accords d’Oslo le 13 septembre 1993.

Bibliographie
Georges CORM, Le Proche-Orient éclaté 1956-2007, Gallimard, Paris, 1128 pages, 2007.
Sous la direction d’Alain DIECKHOFF, L’Etat d’Israël, Fayard, Paris, 2008, 591 pages.
Henry LAURENS, L’Orient arabe à l’heure à l’heure américaine, De la guerre du Golfe à la guerre d’Irak, Hachette littérature, Paris, 452 pages, 2008.

Publié le 21/07/2010


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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