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Du 16 mai au 29 juillet 2012, à l’occasion des 50 ans de la fin de la guerre d’Algérie, le musée de l’Armée, aux Invalides, retrace à travers une exposition intitulée « Algérie 1830-1962, avec Jacques Ferrandez », 132 ans d’histoire entre la France et l’Algérie, de sa conquête par les armées de Charles X en 1830 à son indépendance en 1962.
Afin de retracer cette histoire, costumes d’époque, tableaux, croquis, manuscrits, photographies et images d’archive font revivre, avec un grand soucis d’objectivité, un passé complexe. A cela s’ajoute les planches de Jacques Ferrandez, exposées tout au long du parcours, tirées de sa série de bandes dessinées : Carnets d’Orient.
L’exposition est organisée de façon chronologique : elle débute avec l’envoi des troupes françaises en Algérie en 1830, et retrace les grandes étapes de l’occupation française en Algérie, jusqu’à son indépendance en 1962. Ce choix met en lumière la façon dont, d’une simple expédition militaire, la présence française en Algérie s’est transformée en une colonie de peuplement, ainsi que les nombreuses résistances qui ont pu exister. L’exposition se déroule dans deux ailes différentes du musée : la première couvrant les événements de 1830 à 1914 et la seconde ceux de 1914 à 1962.
Dans la première salle, couvrant la période 1830-1840, une chronologie murale rappelant les grandes dates de la conquête par la France jusqu’en 1913, est exposée. Un rappel historique, bref et précis, donne également le contexte de la période. On peut contempler des tableaux de Théodore Gudin (1802-1880) dont le Camp de Staouëli le 14 juin 1830 ou l’Explosion du fort l’Empereur, le 4 juillet 1830 ou encore un tableau de Pierre Julien Gilbert (1783-1860) ayant pour thème le débarquement de l’armée française en Algérie. Une maquette d’Alger, en relief, montre de quelle façon la ville, pourtant fortifiée, est rapidement tombée aux mains de l’armée française. Dans les vitrines sont exposés de nombreux objets exceptionnels : les clés d’honneur de la ville d’Alger, le fusil d’Abd el-Kader, figure de la résistance algérienne avant sa reddition en 1848.
La seconde période, allant de 1840 à 1848, évoque à travers des portraits des grandes figures des premières heures de la conquête française de l’Algérie, à l’instar du Maréchal Bugeaud ou du duc d’Aumale. De nombreuses cartes permettent également au visiteur de mieux comprendre les différentes étapes de la conquête avec tout d’abord la prise d’Alger, puis la maitrise progressive du reste du nord de l’Algérie. L’exposition a, par ailleurs, une visée pédagogique : les planches de Jacques Ferrandez, ici exposées, donnent un aspect ludique à l’exposition, et des explications sur quelques points historiques, accompagnées de jeux ou de devinettes permettent aux plus jeunes de mieux appréhender une histoire compliquée. Toujours dans un souci de pédagogie et d’objectivité, des historiens s’expriment dans des vidéos, apportant leur savoir ainsi que leur expertise sur un point d’histoire : ainsi, les historiens Didier Guignard, dont la thèse soutenue en 2008 portait sur : « L’abus de pouvoir en Algérie coloniale, 1880-1914 – Visibilité et singularité », et Jean-Charles Jauffret, professeur à l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence, commentent l’action de la France de 1840 à 1848 en Algérie.
Les troisième et quatrième salles évoquent la période 1848-1870, puis la période 1870-1913. La période 1848-1870 montre comment l’implantation française en Algérie s’est intensifiée lors de la Seconde République (1848-1852) et du Second Empire (1852-1870). Un portrait d’Abd el-Kader peint par Ange Tissier et daté de 1852 fait écho à un premier portrait peint par Marie Eléonore Godefroid entre 1830 et 1844. De nombreux documents issus de l’administration française en Algérie illustrent l’organisation du pays par le maréchal Bugeaud, avec les bureaux arabes. Une salle plus petite est consacrée aux représentations de l’Algérie dans l’orientalisme, avec notamment des œuvres de Théodore Chassériau, ainsi que des photographies : celles du Père Charles de Foucauld avant son assassinat, marchant parmi la population, et une vidéo datée de 1913, intitulée « La journée d’une jeune musulmane ». On la voit retirer son voile et dévoiler ses vêtements, évoquer l’islam et préparer le couscous, une activité réservée aux femmes et dont le secret de préparation se transmet de mère en fille.
Pour accéder à la deuxième partie de l’exposition, il faut revenir sur ses pas et entrer dans une aile du musée qui fait face à la première. Là sont exposés les documents retraçant la période allant de la Grande Guerre à l’indépendance de l’Algérie. L’exposition change de nature : les tableaux, nombreux dans la première aile, font place à des photographies, images d’archives provenant de l’INA ou du CNC, ou encore films de propagande, films d’auteur, séries télévisées retraçant l’histoire de l’Algérie. Une constante : les œuvres tirées de la saga de Jacques Ferrandez, qui agissent comme leitmotiv et fil conducteur de l’exposition.
Une première salle retrace les événements de 1914 à 1954 : des photographies rappellent l’engagement de soldats algériens auprès de la France durant les deux guerres mondiales dont plus de 240 000 durant la Première. Des affiches de propagande, invitant le peuple algérien à lutter auprès de la France, sont également exposées. L’année 1930, celle du centenaire de l’Algérie, est bien représentée : là aussi les affiches de propagande sont nombreuses, invitant à la fête, au rassemblement et à l’union de ce pays désormais considéré par la métropole comme un département. Des extraits d’une série de téléfilms, Les chevaux du soleil (1980), retracent l’histoire d’une famille de colons français présents en Algérie de 1830 à 1962. Pour clôturer cette période, une salle équipée d’un écran de cinéma propose des images d’archives inédites.
1954 à 1958 : débute désormais la guerre d’Algérie, et pourtant les historiens filmés précisent tout au long de cette partie de l’exposition que cette guerre est encore une guerre « sans nom ». Des photographies, un drapeau du FLN ainsi qu’une carte d’adhésion à celui-ci retracent le début de la guerre. L’exposition n’évite pas la question de la torture : des historiens y répondent. Trois photographies inédites sont également exposées, prises par Jean-Philippe Charbonnier en 1957 pour le magazine Réalités, présentant des scènes de torture. La légende précise : « le photographe (…) a toujours refusé de les publier de son vivant mais a fait œuvre de témoignage en donnant ses clichés à la BNF. »
Pour les années allant de 1958, avec le retour au pouvoir du général de Gaulle, à 1962 avec l’indépendance de l’Algérie, images d’archives, photographies ainsi qu’affiches de propagande sont nombreuses. Ces dernières notamment évoquent le référendum sur l’autodétermination de l’Algérie et appellent à voter « oui », tandis que des prospectus du FLN appellent à voter « non », estimant que le référendum ne mettra pas fin à la guerre. Dans la dernière salle sont exposés deux destins parallèles : celui des « pieds-noirs » rapatriés par le gouvernement français à la suite des accords d’Evian, et celui des Harkis (90 000 réussiront à rejoindre la France). Derrière un panneau blanc, une dernière alcôve : là se trouvent des témoignages de combattants français ou de membres du FLN, de pieds-noirs ou de simples témoins.
Cette très belle exposition marque notamment le visiteur par la richesse des objets qu’elle présente : tableaux, photographies ou images d’archives, que l’on voit rarement. Tout au long de l’exposition, les murs sont émaillés de citations de ceux qui ont participé, qui ont fait, ou qui ont été témoins de ces 132 années d’histoire commune entre la France et l’Algérie. Plus que cela, l’exposition gagne un pari difficile : retracer de façon objective, précise et pédagogique les événements d’un passé complexe, et dont une partie encore récente, peut s’avérer être douloureuse. Les nombreux historiens qui ont été filmés, apportant au visiteur leur savoir et leur expertise, renforcent le caractère objectif d’une exposition conçue pour éclairer à la fois novices et connaisseurs.
Clémentine Kruse
Clémentine Kruse est étudiante en master 2 à l’Ecole Doctorale d’Histoire de l’Institut d’Etudes politiques de Paris. Elle se spécialise sur le Moyen-Orient au XIXème siècle, au moment de la construction des identités nationales et des nationalismes, et s’intéresse au rôle de l’Occident dans cette région à travers les dominations politiques ou les transferts culturels.
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